SOC/101

COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE DEVELOPPEMENT SOCIAL PEUT ETRE UNE CONDITION PREALABLE A L'EXERCICE DE CERTAINS DROITS DE L'HOMME

10 février 1998


Communiqué de Presse
SOC/101


COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE DEVELOPPEMENT SOCIAL PEUT ETRE UNE CONDITION PREALABLE A L'EXERCICE DE CERTAINS DROITS DE L'HOMME

19980210 Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales ouvre la trente-sixième session de la Commission

Réunie ce matin sous la présidence de M. Aurelio Fernández (Espagne), nouvellement élu, la Commission du développement social a entamé les travaux de sa trente-sixième session en entendant une déclaration liminaire de M. Nitin Desai, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales. Celui-ci a souligné que l'intégration sociale, thème prioritaire de la session de la Commission, va bien au-delà de la notion de cohésion sociale et implique véritablement l'inclusion de tous les éléments de la société dans le processus de prise de décision. Il a souligné en outre le lien entre les droits de l'homme et le développement social, en attirant notamment l'attention sur le fait que nombre de droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ne peuvent être exercés sans un environnement social adéquat. On ne peut parler du droit à l'éducation en l'absence d'écoles, a précisé M. Desai.

Intervenant à son tour, le Directeur de la Division pour les politiques sociales et le développement social, M. John Langmore, a présenté les documents qu'examinera la Commission lors de cette session. Il a observé qu'il y avait dans le monde d'aujourd'hui des tendances qui s'opposent. Certaines démocraties fonctionnent mieux mais elles connaissent, par contre, un grand sens d'aliénation et un manque d'espoir, en raison notamment de l'attention accrue accordée au rôle du marché dans les économies nationales, un rôle qui a en outre été étendu à des domaines non économiques. M. Langmore a notamment estimé que les gouvernements devaient avoir la possibilité de faire face aux échecs du marché.

Abordant ensuite le point de son ordre du jour relatif au suivi du Sommet mondial pour le développement social, la Commission a entendu les exposés spéciaux de la Chine, du Chili et de la Namibie sur les mesures adoptées dans leurs pays respectifs dans le cadre de la mise en oeuvre des recommandations du Sommet mondial pour le développement social. Les représentants de l'Autriche et du Brésil ont rendu compte respectivement

(à suivre - 1a)

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des travaux de la Réunion internationale d'experts sur les initiatives novatrices en matière d'emploi en Europe et sur la Conférence régionale des pays d'Amérique latine et des Caraïbes sur le suivi de Copenhague.

En début de séance, la Commission avait procédé à l'élection de son bureau. Mmes Faith Innerarity (Jamaïque), Joanna Wronecka (Pologne), Maria Lourdes Ramiro-Lopez (Philippines) et M. Mathe Matthews Diseko (Afrique du Sud) ont été élus Vice-présidents de la Commission.

La Commission tiendra sa prochaine réunion cet après-midi à 15 heures.

Documentation

Rapport du Secrétaire général sur la Promotion de l'intégration sociale et la participation de l'ensemble de la population, y compris les groupes et personnes désavantagés et vulnérables (E/CN.5/1998/2)

Pour rédiger son rapport, le Secrétaire général s'est inspiré des deux ateliers organisés par le Secrétariat auxquels ont participé des experts indépendants qui ont examiné comment accélérer la mise en oeuvre des principales recommandations du Sommet mondial pour le développement social relatives aux domaines critiques que sont la promotion de la participation ainsi que le renforcement de la protection sociale et la réduction de la vulnérabilité.

Le Secrétaire général scinde son rapport en deux parties relatives à la participation et à la justice sociale, et à l'amélioration de la protection sociale et la réduction de la vulnérabilité. Pour ce qui est de la première partie, le Secrétaire général souligne que l'objectif de la participation exige un investissement en institutions sociales et en capital social, de nature à renforcer les liens sociaux, à créer des réseaux et une unité de vues et à favoriser les capacités des individus, des organisations et des institutions, dans un cadre porteur de coopération globale. La participation, dit-il, est avant tout le moyen indispensable grâce auquel les collectivités peuvent définir leurs priorités et exercer un droit de regard sur les actions et les ressources nécessaires pour atteindre leurs objectifs. Les sociétés étant différentes, il ne saurait y avoir de prescription universelle permettant de renforcer la participation, concède le Secrétaire général en soulignant les jalons qu'ils convient de respecter dans toutes les sociétés. Il faut donc veiller à l'instauration de systèmes démocratiques ainsi que d'institutions et de mécanismes fondés sur la participation en définissant les responsabilités de chaque niveau de gouvernement, ses fonctions, ses ressources budgétaires, ses autres ressources et son autonomie. Les niveaux étant le niveau national, le niveau local mais aussi le niveau sous-national où apparaissent de nouvelles approches de la démocratie participative, comme le regroupement de quartiers dans les mégalopoles. Pour ce qui est de la décentralisation que cela implique, il convient de l'accompagner de mécanismes propres à garantir le respect des droits fondamentaux, des principes de la justice sociale et du droit.

Il est essentiel, poursuit le Secrétaire général, d'encourager la constitution d'ONG locales et nationales par l'adoption de mesures législatives et de non-ingérence dans leurs activités. Les pouvoirs publics devraient dégager des crédits de façon à permettre aux ONG d'être mieux à même de servir la communauté. La participation, souligne le Secrétaire général, exige aussi que l'on garantisse la primauté du droit et l'équité des procédures judiciaires. A cet égard, la lutte contre la corruption trouve

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toute sa pertinence puisque ce fléau est en fait le refus de reconnaître le droit des autres et empêche le bon fonctionnement des services publics. Les mesures à prendre doivent s'adapter à la forme de corruption étant donné que la notion même de corruption est culturelle en ce sens que ses modalités, sa fréquence et son ampleur et le degré de tolérance sont variables d'une société à l'autre.

Pour ce qui est de la participation aux décisions économiques, le Secrétaire général soulève la question des ménages et des familles pour constater que la répartition du budget est souvent fonction des rapports de force. Il faut donc, selon lui, que les décideurs comprennent mieux les questions d'analyse sexospécifique et que les femmes aient davantage de possibilités de gagner leur vie. Par ailleurs, le Secrétaire général estime que les groupements sociaux, religieux et culturels peuvent contribuer à représenter les intérêts économiques particuliers des différents groupes de population et recueillir des informations sur l'impact des politiques économiques. Au niveau international, les décisions relatives aux modalités d'utilisation de l'aide extérieure devraient être approuvées par toutes les parties concernées, dans les pays donateurs et dans les pays bénéficiaires. Quant aux mécanismes d'aide multilatéraux, ils devraient prendre pleinement en considération et respecter les préoccupations et l'opinion des pays bénéficiaires, en particulier des pays pauvres ou déshérités.

La participation à l'activité économique étant un élément important de l'intégration sociale, le Secrétaire général plaide pour que l'on garantisse des revenus et l'accès aux services sociaux sur la base de la résidence et non de l'exercice d'un travail rémunéré. Ceci permettrait aussi de reconnaître l'importance d'activités comme l'éducation des enfants ou la prise en charge de personnes âgées ou handicapées qui bien que non rémunérées, n'en constituent pas moins d'importantes formes de participation à la société. L'information et l'éducation sont également des moteurs de la participation, ajoute le Secrétaire général pour proposer la mise en place de mécanismes de socialisation et de recyclage professionnel afin de permettre aux jeunes et aux adultes de s'adapter aux mutations sociales et économiques. Dans ce contexte, l'éducation permanente n'est pas seulement un moyen de lutter contre le chômage et l'exclusion mais devient véritablement un instrument de promotion de l'intégration sociale des différentes générations.

Dans la partie consacrée à la protection sociale et à la réduction de la vulnérabilité, le Secrétaire général établit d'emblée la différence entre "vulnérabilité" et "désavantage". Il lie la deuxième notion à l'existence d'obstacles structurels à l'accès aux ressources, aux prestations et à l'égalité des chances. Ainsi dans une société, des personnes aussi peu désavantagées que des immigrants prospères, des personnes âgées financièrement aisées et des femmes qui ont réussi peuvent demeurer vulnérables à

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la discrimination ou à l'exploitation. Dans son analyse, le Secrétaire général explique que la notion de vulnérabilité ne s'applique pas qu'aux individus et aux groupes mais également aux collectivités et même aux pays. Pour atténuer la vulnérabilité des individus, il préconise que l'accent soit mis sur l'interdépendance entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile et secteur associatif. Le Secrétaire général regrette, par ailleurs, que les politiques et programmes soient souvent mis en oeuvre pour limiter les conséquences de la vulnérabilité en appelant les pouvoirs publics et les personnes à risques à opter pour des stratégies de prévention en lieu et place de mesures palliatives. Il faudrait pour ce faire mieux connaître les causes et les conséquences de la vulnérabilité, notamment en procédant à une évaluation de l'impact social des lois, de politiques et des programmes avant leur adoption. Le Secrétaire général juge souhaitable de mettre au point au sein du système des Nations Unies des méthodes d'analyse systématique des conséquences sociales des politiques.

Le Secrétaire général reconnaît qu'une grande partie de ses propositions ont des incidences financières mais il souligne que les dépenses sociales engagées aujourd'hui permettent souvent de réaliser des économies à long terme. Il est donc essentiel que les Etats mettent au point des instruments comptables leur permettant d'évaluer les coûts et bénéfices des investissements sociaux sur une période plus longue que l'exercice fiscal ou comptable traditionnel. Le Secrétaire général suggère que la mise au point de mécanismes comptables permettant d'évaluer la rentabilité réelle des investissement sociaux. En outre, une reconnaissance officielle de la valeur des activités non rémunérées et socialement utiles permettrait d'approfondir la réflexion sur la répartition du travail dans l'économie et de mieux comprendre comment la nécessité de s'acquitter des responsabilités sociales peut avoir une incidence sur la vulnérabilité. Les activités sociales doivent être correctement comptabilisées dans le budget national, dit le Secrétaire général, en invitant le Secrétariat à examiner comment appuyer les travaux méthodologiques entrepris à cet effet.

Rapport du Secrétaire général sur les Options concernant la future opération d'examen et d'évaluation de l'application du Plan d'action international sur le vieillissement (E/CN.5/1998/3)

Si de modestes progrès ont été réalisés dans la mise en oeuvre du Plan d'action international sur le vieillissement adopté en 1982, celle-ci est encore loin d'être achevée, notamment dans les pays en développement, constate le rapport qui a été établi pour aider la Commission du développement social à examiner les options concernant la future opération d'examen et d'évaluation du Plan d'action. Le rapport tient compte des avis exprimés par les délégations lors de la quatrième opération d'examen et d'évaluation ainsi que de l'opinion des experts auxquels le Secrétariat a fait appel pour la préparation du rapport.

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Le Plan d'action international sur le vieillissement, qui a été adopté en 1982, comporte 62 recommandations et préconise d'agir dans 7 domaines qui préoccupent les personnes âgées : santé et nutrition; protection des consommateurs âgés; logement et environnement; famille; sécurité sociale; sécurité du revenu et emploi; éducation. Il recommande de concentrer les actions menées au niveau international sur la collecte et l'analyse des données; la formation et l'éducation; et la recherche. S'agissant des documents connexes, le rapport mentionne l'adoption en 1991 des 18 Principes des Nations Unies pour les personnes âgées qui visent à promouvoir l'indépendance, la participation, les soins, l'épanouissement personnel et la dignité des personnes âgées; l'adoption en 1992 d'une stratégie pratique concernant le vieillissement qui comprend 8 objectifs mondiaux relatifs au vieillissement pour l'an 2001 et 38 autres proposés au niveau national. La première décennie et, partant, la première phase de l'action des Nations Unies concernant le vieillissement se sont achevées en 1992 par l'adoption de la Proclamation sur le vieillissement. Dans son rapport sur le cadre conceptuel d'un programme pour la préparation et la célébration de l'Année internationale des personnes âgées en 1999, le Secrétaire général propose quatre domaines de réflexion, de débat et d'action : la situation des personnes âgées; l'épanouissement de l'individu tout au long de sa vie; les rapports entre générations; et les liens entre vieillissement et développement.

Les 8 objectifs mondiaux ont été intégrés au cadre opérationnel pour 1999. Il ressort de la première opération trois tendances persistantes. D'abord, la population mondiale de personnes âgées continue d'augmenter. Ensuite, les mesures prises aux niveaux mondial et national n'ont pas répondu au vieillissement des populations, qui est le plus rapide dans les pays en développement. Enfin, le nombre de pays qui ont répondu au questionnaire sur lequel se base l'opération d'examen et d'évaluation est assez limité, si bien que l'évaluation des progrès d'ensemble n'a pas été aisée. La première révision du questionnaire est intervenue en 1992 pour les besoins de la troisième opération et des évaluations ultérieures. A la suite de la quatrième opération d'examen et d'évaluation en 1997, la Commission du développement social avait invité le Secrétaire général à recommander différentes options concernant la future opération d'examen et d'évaluation de l'application du Plan d'action.

Il est proposé que l'opération d'examen et d'évaluation du Plan d'action ait lieu tous les cinq ans à compter de 2005; qu'elle soit complétée l'année suivante par un rapport sur le vieillissement dans le monde; et soit axé sur les domaines prioritaires du plan à l'horizon 2020 que la Commission du développement social arrêtera. En outre, à mesure que des ressources seront disponibles, trois initiatives pourront venir à l'appui de l'opération d'examen et d'évaluation : une base de données sur Internet consacrée aux politiques et programmes; des enquêtes précises sur les ménages; et un indice

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de développement selon le vieillissement. En conclusion, le rapport souligne que l'opération d'examen et d'évaluation doit être maintenue mais adaptée progressivement, afin de favoriser dans le monde entier une application plus efficace du Plan d'action international sur le vieillissement.

Rapport de l'Atelier d'experts sur la participation et la justice sociale (E/CN.5/1998/4)

Les experts, qui se sont réunis à Londres du 29 septembre au 3 octobre 1997, ont passé en revue les données d'expériences afin de déterminer de quelle manière encourager la participation pour favoriser l'intégration sociale. A ce jour, est-il indiqué, de nombreuses études ont été consacrées à la participation des individus et des communautés locales aux projets de développement mais rares sont celles qui ont cherché à déterminer comment cette participation se rattache à l'intégration sociale, à l'égalité et à la justice sociale.

Dans leur introduction, les experts notent que la pauvreté n'est pas seulement caractérisée par un état de dénuement matériel mais aussi par un déni des droits. Les stratégies en matière de lutte contre la pauvreté doivent donc se fonder sur la garantie des droits politiques, économiques et sociaux fondamentaux et le respect de la dignité de tous. Consacrant un chapitre à l'importance de la participation, les experts la définissent comme ayant une dimension sociale, politique, économique et administrative. Ils expliquent cela par le fait que la participation suppose une intervention des individus dans l'élaboration de décisions ayant une incidence sur leur vie quotidienne; une répartition des pouvoirs dans la société; une distribution des richesses dont dispose la société; et une redéfinition du fonctionnement de l'administration qui va dans le sens d'une décentralisation et d'une déconcentration des attributions et des pouvoirs. Les experts mettent en garde pourtant contre les dangers de cette participation qui sont inhérents au fait qu'elle peut remettre en question les structures du pouvoir au sein des collectivités et avec les autorités. Il faut donc des méthodes d'analyse et des cadres d'actions bien définis. Les experts relèvent également une contradiction dans le processus de participation puisque ce sont des gens de l'extérieur qui s'efforcent d'intégrer les individus jusqu'alors marginalisés; la démarginalisation - action imposée du dehors- peut donc être vue comme foncièrement non participative. Pour être vraiment participatives, les mesures en la matière doivent associer les groupes marginalisés aux décisions relatives aux modalités d'exécution. Dans un autre chapitre, les experts attirent l'attention sur les nouveaux clivages en expliquant que si, en la matière, la perspective de classe subsiste, elle s'estompe peu à peu pour donner naissance à d'autres clivages fondés sur le sexe, la génération ou l'appartenance ethnique.

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Dans la partie consacrée à la vie politique, les experts soulignent qu'une intégration sociale équitable suppose l'existence d'un système politique démocratique structuré, d'institutions et de mécanismes fondés sur la participation. Ils mettent donc l'accent, dans ce contexte, sur l'existence d'organisations de défense de tel groupe ou telle cause tout en mettant en garde contre la sacralisation des organisations locales. Elles peuvent, en effet, expliquent les experts, entrer en conflit les unes avec les autres notamment lorsqu'elles ont des centres d'intérêts identiques. Dans ce cas, elles ne servent qu'à résoudre les problèmes immédiats. La participation véritable exige donc que les organisations locales dépassent le cadre de la satisfaction immédiate des besoins pour concevoir et proposer des solutions durables et coordonnées.

Les experts constatent, par ailleurs, que l'intégration sociale est entravée par les faiblesses inhérentes aux systèmes démocratiques et, dans certains cas, par leur effondrement. En effet, dans les pays en développement les constitutions et les lois tiennent rarement compte des données ethniques ou culturelles et dans les pays développés, les partis politiques sont remis en cause en raison de leur manque de représentativité et de transparence. En outre, durant les périodes d'ajustement structurel, l'économie a remplacé la politique en tant que moyen pour une société de choisir son modèle de développement. Selon les experts, pour garantir une intégration sociale durable, il faut promouvoir la participation aux actions développement à grande échelle et consolidée la démocratie fondée sur la participation. Les organisations nationales et internationales sont nécessaires et se voient aujourd'hui épauler par des organisations oeuvrant au niveau sous-national. Il s'agit ici d'organisations locales qui s'initient à la collaboration avec d'autres pour résoudre ensemble les problèmes communs.

Les experts consacrent une partie de leur rapport à la participation à l'élaboration des politiques économiques pour ensuite aborder l'accès à l'emploi et aux services sociaux. Sur les services sociaux, les experts préconisent un réexamen de l'accès à ces services compte tenu de la flexibilité et de l'insécurité de l'emploi ainsi que de la nécessité d'accorder la même valeur au travail non rémunéré comme l'éducation des enfants ou la prise en charge des personnes handicapées. La notion de l'Etat-providence, étant de plus en plus remise en cause, les experts suggèrent que la protection sociale soit assurée conjointement par l'Etat, les ONG et organismes du secteur privé et associatif. Pour terminer, les experts soulignent l'importance de l'information, de l'éducation et de l'accès aux médias, comme élément important de la participation à la vie de la société; de la lutte contre la corruption; des initiatives internationales pour lutter contre les maux émanant de la circulation des personnes, des biens et des capitaux à l'échelle mondiale tels que le trafic des drogues et des armes légères ou encore la corruption à l'échelle internationale.

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Rapport de l'Atelier d'experts sur les moyens d'améliorer la protection sociale et réduire la vulnérabilité (E/CN.5/1998/5)

En préparation à la 36ème session de la Commission du développement social, le Secrétariat de l'ONU a organisé un atelier d'experts sur les moyens d'améliorer la protection sociale et de réduire la vulnérabilité qui s'est tenu au Siège de l'Organisation du 10 au 14 novembre 1997 et auquel ont participé des experts du monde entier et des observateurs du système des Nations Unies et de la société civile.

Les experts ont estimé utile d'expliciter certains termes et notions, et en particulier, la notion de "vulnérabilité" et celle de "désavantage". La vulnérabilité se définit comme le fait d'être fortement exposé à certains risques, tout en étant peu à même de se protéger contre ces risques et de faire face à l'adversité. C'est une notion dynamique et relative, variable dans le temps et dans l'espace. Bien que les termes "vulnérabilité" et "désavantage" soient souvent utilisés l'un pour l'autre, ils recouvrent en fait des notions distinctes. Un groupe est désavantagé s'il rencontre des obstacles structurels (c'est-à-dire créés par la société) sur le plan de l'accès aux ressources, des prestations et de l'égalité des chances. Ces obstacles découlent des rapports de force qui existent dans toutes les sociétés et de la valeur relative que chaque société attribue aux différents groupes.

Le rapport examine ensuite les causes et les conséquences de la vulnérabilité, puis les politiques et programmes. Il souligne qu'en raison de la variété des situations des divers pays, le débat s'est cantonné, pour l'essentiel, à un certain nombre de principes d'intérêt mondial ou très général. L'un de ces principes est que la notion de développement doit déborder le cadre purement économique. Il s'agit de mettre l'économie au service de l'homme, et non l'inverse, et de viser un développement viable à terme. Les experts préconisent des politiques qui favorisent l'intégration sociale et des formes de vie sociale respectueuses des droits de l'homme et soucieuses d'inclusion. Ils attirent l'attention sur les mesures locales qui permettent de produire des moyens d'existence par des mécanismes non marchands dans les pays où une réelle intégration à l'économie mondiale prendra beaucoup plus de temps qu'on ne le pensait. Il faut veiller non seulement à préparer les individus à s'adapter à la société et à participer plus pleinement au développement économique et social du pays, mais également à rendre l'environnement économique, social et physique plus accueillant pour ceux qui ont des besoins spéciaux, comme les handicapés, les femmes et les jeunes.

L'Etat, le secteur privé et le troisième secteur (les associations) sont les trois piliers sur lesquels il est possible d'édifier une société pour tous, affirment les experts en soulignant la nécessité de mettre en oeuvre

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des politiques qui créent une synergie entre ces trois secteurs pour répondre aux besoins urgents des hommes avec, comme objectif commun, la réduction de la vulnérabilité. Le rapport fournit ensuite une série d'exemples de politiques ou programmes mis en oeuvre dans divers pays et visant à réduire la vulnérabilité. Il souligne que la création d'emplois est un élément essentiel de toute politique ou programme de lutte contre la pauvreté et d'intégration sociale; qu'on ne saurait promouvoir le développement sans mettre en oeuvre des politiques sociales, culturelles et économiques avec la participation active de tous les acteurs de la société. Pour les experts, il est urgent que les pays adoptent des politiques et des programmes pour recenser les facteurs de vulnérabilité sociale, économique et politique et y remédier. Ils préconisent de renforcer la participation de la population et d'encourager la solidarité, et de tenir compte dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques, programmes et activités, des connaissances et traditions des populations autochtones ainsi que des stratégies qu'elles mettent en oeuvre pour faire face à l'adversité. Pour les experts, il est important que les individus soient protégés par un système de sécurité sociale complet destiné à couvrir différents risques.

Il faut, poursuivent-ils, favoriser les partenariats entre les pouvoirs publics, le secteur privé et le secteur associatif. Ces partenariats devraient reposer sur l'égalité des partenaires, la transparence et la poursuite d'un objectif commun, et pourraient, par ailleurs, s'étendre au-delà des frontières nationales. La Commission du développement social devrait envisager de créer et de promouvoir un réseau international d'organisations, d'experts et de particuliers ayant participé au Sommet mondial pour le développement social, afin de mettre en place un mécanisme permanent qui permette aux différents acteurs d'échanger librement des informations et des données d'expérience et qui les incite à participer aux futures actions stratégiques. Il faudrait tenir compte à cet effet des possibilités qu'offre l'Internet. Enfin, les experts estiment qu'il vaudrait mieux que les pouvoirs publics et les personnes vulnérables s'orientent vers des stratégies de prévention au lieu de se contenter de mesures palliatives. Si l'on veut réduire la vulnérabilité, on doit aussi limiter les conflits et étayer les mécanismes de règlement pacifique des différends, aux niveaux tant national qu'international. Il importe également de restreindre la production et le commerce des armes, constatent les experts.

La documentation relative à l'ordre du jour et à l'organisation des travaux figure aux documents E/CN.5/1998/1 et corr.1; E/CN.5/1998/L.1/Rev.1.

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Déclarations liminaires

M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a indiqué que la réforme du Département des affaires économiques et sociales, qui s'est faite par la fusion des trois départements concernés, vise en fait à créer un rapprochement des capacités opérationnelles dans le domaine du développement. Le mandat du Département actuel est une intégration des mandats des trois départements précédents. Dans ce contexte, la nouvelle division des politiques sociales et du développement diffère de la division précédente en ce sens que le personnel chargé des questions sociales a été renforcé et le recours aux capacités consultatives en appui aux activités de la division se fait d'une manière plus systématique. Un certain nombre de fonctionnaires sont ainsi chargés d'étayer la coopération technique. La nouvelle division a pour objectif de faire en sorte que les travaux de la Commission du développement social soient reflétés fidèlement dans les activités du Secrétariat. Les réformes entamées par le Secrétaire général ont également conduit à la création de quatre comités qui regroupent les organes des Nations Unies en quatre domaines, à savoir les affaires économiques et sociales, les affaires du développement, les affaires humanitaires et les affaires politiques. Le Département pour les affaires économiques et sociales fournit un appui au comité pertinent. Le but est d'instaurer un système plus unifié et mieux coordonné et de départager les tâches de l'Organisation pour un domaine particulier.

Poursuivant, M. Desai a établi le lien entre les affaires économiques et sociales et le développement, en prônant une interaction plus fréquente. Il faut, a-il-dit, chercher à encourager le dialogue entre les gouvernements et les opérateurs sur le terrain et donc fournir une interaction directe avec les responsables de la mise en oeuvre des recommandations du Sommet mondial pour le développement social. Sur les questions de fond, M. Desai a souligné que l'intégration sociale, thème prioritaire de cette session de la Commission, implique plus que la notion de cohésion sociale mais également celle d'inclusion de tous les éléments de la société dans le processus de prise de décision. Il a souligné en outre le lien entre les droits de l'homme et le développement, en expliquant que la Déclaration universelle des droits de l'homme implique ce lien puisqu'elle stipule le droit à un ordre social qui permette la réalisation des droits énoncés. Le développement, selon la Déclaration, doit être axé sur la personne humaine et être équitable et participatoire. A bien des égards, a relevé M. Desai, cela correspond au travail de la Commission du développement social. Un lien inverse existe, a-t-il ajouté, qui veut que nombre de droits consacrés dans la Déclaration n'ont aucun sens à moins d'un développement qui permette aux personnes de les exercer. Comment en effet promouvoir le droit à l'éducation en l'absence d'infrastructures scolaires? Le Secrétaire général adjoint a invité la Commission à réfléchir à ces éléments en les assurant de la coopération de son Département.

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M. JOHN LANGMORE, Directeur de la Division pour les politiques sociales et du développement social, présentant les documents mis à la disposition de la Commission pour cette session, a observé qu'il y avait dans le monde d'aujourd'hui des tendances qui s'opposent. Certaines démocraties fonctionnent mieux mais elles connaissent un grand sens d'aliénation et un manque d'espoir, en raison notamment de l'importance accrue accordée au rôle du marché dans les économies nationales, un rôle qui a en outre été étendu à de nouveaux domaines. M. Langmore a préconisé le renforcement de la participation du secteur privé, via les petites et moyennes entreprises notamment. Il faut, en outre, que le gouvernement ait la possibilité de faire face aux échecs du marché. S'agissant de l'administration de la justice, il a estimé qu'il fallait un cadre juste assurant la participation de la société. Un autre élément essentiel de la participation, a-t-il poursuivi, est la possibilité d'emploi pour tous. L'objectif d'un emploi à part entière constitue un élément essentiel d'une participation sociale, de même que l'accès à l'éducation et à la santé.

En ce qui concerne la réduction de la vulnérabilité, il a souligné la nécessité de créer un environnement favorable à cet objectif, notamment en promouvant la paix et le règlement pacifique des conflits. Mais, a-t-il conclu, il n'est pas possible de parvenir à la plupart des objectifs sociaux sans ressources supplémentaires.

M. YANG QINGWEI, Directeur général du Département du développement social de la Commission de planification d'Etat de la Chine, a déclaré que la croissance économique forte et durable de la Chine avait permis d'améliorer les conditions de vie de la population mais avait aussi engendré des problèmes sociaux sérieux. Il a indiqué notamment que le nombre de personnes vivant dans la pauvreté était passé de 80 millions au début des années 1990 à quelque 50 millions fin 1997. Le taux de chômage s'est, en outre, stabilisé à 3%, parallèlement à une augmentation constante de l'emploi; le taux de fréquentation scolaire au niveau primaire est actuellement de 98,5%; et la mortalité infantile a diminué à 31 pour mille. En 1996, le Congrès national a adopté le 9ème Plan quinquennal pour le développement économique et social et le Programme de développement d'ici à l'an 2010 qui définit les stratégies de développement du pays pour le siècle prochain. Dans ce cadre, le Gouvernement a adopté une série de mesures dans le domaine du développement social.

La Chine étant en transition d'une économie planifiée vers une économie de marché, ce sont actuellement les autorités qui à tous les niveaux assument la responsabilité des politiques de développement social et leur mise en oeuvre. En 1994, le Gouvernement chinois a adopté un Plan septennal pour la réduction de la pauvreté qui prévoit de pallier aux carences en nourriture et en vêtements pour 80 millions de personnes vivant dans les zones rurales d'ici à la fin du siècle, en particulier dans l'ouest de la Chine. L'une des stratégies les plus importantes adoptées par le Gouvernement chinois concerne

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le développement par la science et l'éducation. L'objectif est d'assurer l'éducation primaire obligatoire et d'éliminer l'analphabétisme chez les jeunes d'ici la fin du siècle. Au cours des années 1990, les fonds per capita pour l'éducation, la science et la technologie ont été quasiment triplés.

En ce qui concerne l'emploi, le représentant a déclaré que la réforme des entreprises d'Etat et la restructuration industrielle permettront de créer des emplois. En combinant les efforts conjoints des entreprises, des individus et de la société, des projets de formation à l'intention des chômeurs ont été lancés dans plus de 200 villes et des fonds pour la création d'emplois ont été établis dans diverses régions. Sur quelque 10 millions de chômeurs l'an dernier, près de 5 millions ont retrouvé un emploi. Le Gouvernement chinois s'attache, en outre, activement à réformer les fonds de pension et le système d'assurance chômage, ce qui fournira une base solide pour la réforme future des entreprises. Dans le secteur de la santé, les lignes directrices suivantes ont été arrêtées : priorité à la prévention, équilibre entre la médecine occidentale et la médecine chinoise, mobilisation de la participation sociale et service au public. Au cours des dernières années, le cadre de gestion des soins de santé a été amélioré, la réforme du système de sécurité sociale a été accélérée, la vaccination et la prévention des épidémies ont été renforcées, tandis que la médecine chinoise traditionnelle a été revitalisée et développée et les ressources locales dans le domaine de la santé ont été explorées plus avant. L'amélioration continue de la législation dans le domaine du développement social constitue une garantie fondamentale pour une bonne gestion de l'accès aux services sociaux. La loi sur le travail promulguée en 1995 joue un rôle positif dans la protection des droits et des intérêts des travailleurs.

Le Gouvernement chinois a renforcé ses efforts dans le domaine de la réduction de la pauvreté, y compris en mettant en place des fonds spéciaux et un système de prêts, et en engageant les gouvernements locaux à mettre à disposition des financements locaux équivalent à 30-50% des financements centraux. Ces mesures visent à aider le développement des infrastructures dans les régions pauvres. Toutes les ressources financières, matérielles et technologiques pour la réduction de la pauvreté sont dirigées vers les villages et les ménages extrêmement pauvres afin d'améliorer les conditions de vie et la production des zones particulièrement touchées. En outre, de nombreux programmes mis en place par les organisations non gouvernementales ont été accueillis chaleureusement par le public et ont reçu le soutien des gouvernements à tous les niveaux.

Le représentant a encore affirmé que le Gouvernement chinois appuyait fortement la participation des groupes vulnérables au développement social. Au cours des dernières années, des progrès considérables ont été réalisés en faveur du bien-être des handicapés, des personnes âgées, des jeunes et des femmes. Bien que des progrès aient été accomplis depuis le Sommet mondial,

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la Chine fait toujours face à de nombreux problèmes sociaux, en particulier le chômage et la pauvreté. En tant que pays en développement qui compte un cinquième de la population mondiale, la Chine s'efforce de parvenir à la modernisation primaire d'ici au milieu du siècle prochain, a-t-il conclu.

M. REINALDO RUIZ, Directeur de la Division sociale du Ministère de la planification du Chili, a indiqué que les progrès enregistrés au Chili en matière de développement social s'expliquent par le train de réformes exhaustives lancées par le gouvernement. La première de ces réformes a concerné l'éducation, le but étant d'agrandir et d'améliorer le capital humain. Sur le plan économique, le Chili s'est engagé dans un processus de renforcement du secteur public pour le rendre en mesure de régulariser les marchés. Cette réforme s'est également accompagnée de la réforme des systèmes judiciaires et administratifs. Des efforts ont aussi été déployés pour accroître la transparence des marchés afin d'éviter la spéculation et préserver ainsi une économie saine. Les accords commerciaux ont en outre conduit le Chili à affiner sa gestion des politiques économiques. Sur le plan social, le Chili a lancé une politique visant à améliorer la qualité des services de d'Etat. Afin d'améliorer la gestion publique sociale, un processus d'évaluation été mis en place et une évaluation des institutions chargées de ces programmes est également entreprise. En ce qui concerne l'élimination de la pauvreté, M. Ruiz a indiqué qu'en six ans, 1,7 millions de personnes ont dépassé le seuil de la pauvreté. Ces chiffres encourageants placent le Chili à un niveau honorable dans la lutte contre la pauvreté. Les réformes entreprises au Chili ont été épaulés par une politique de croissance s'accompagnant notamment d'une baisse de l'inflation et du chômage. Le Chili maintient une politique sociale active; le budget social devrait absorber, dans un proche avenir, 72% du budget national.

En dépit de l'évolution favorable de l'emploi, le Chili demeure préoccupé par le chômage des jeunes. C'est la raison pour laquelle la réforme de l'éducation contient des programmes incluant les connaissances qu'exige le système productif. Les contrats d'apprentissage pour les jeunes visent également cet objectif d'adéquation entre la formation et les exigences du marché de l'emploi. Toujours en matière d'emploi, le Chili a lancé des initiatives pour améliorer les normes de négociations collectives et créer des commissions paritaires, des programmes de formation pour les petites entreprises et des systèmes de protection pour les travailleurs favorisant la mobilité sur le marché du travail. Nombre d'acteurs sociaux ne participent toujours pas pleinement à la croissance économiques, il s'agit des jeunes mentionnés plus haut et des femmes. Des mesures sont prises pour inverser cette tendance.

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M. ERNST SUCHARIPA (Autriche) a rendu compte des discussions de la réunion internationale d'experts qui s'est tenue à Vienne du 2 au 6 février 1998 sur les initiatives novatrices en matière d'emploi. L'objectif de la réunion était d'élaborer des approches différentes pour améliorer la situation de l'emploi en Europe et développer plus avant des instruments de lutte contre le chômage. 26 experts d'Europe et des Etats-Unis ont participé à la réunion ainsi que des membres du Secrétariat des Nations Unies, de la Commission européenne, de l'Organisation internationale du travail et de la Commission de l'Union européenne. Nombre d'ONG y étaient également présentes. Pour lutter contre le phénomène grandissant du chômage en Europe, les experts ont proposé des mesures visant à inciter les employeurs à recruter des salariés à long terme. Ces mesures comprennent des schémas de subsides à l'emploi, des programmes de formation ou encore la réduction des taxes. En ce qui concerne le chômage chez les jeunes, les experts ont souligné l'importance des systèmes d'éducation et de formation appropriés.

Une discussion a également eu lieu sur les meilleures pratiques en matière de redistribution et de flexibilité du temps de travail. Les experts ont argué que les mesures relatives au partage du temps de travail doivent s'accompagner de nouveaux schémas de sécurité sociale et d'un équilibre entre les impôts et les politiques monétaires. Abordant aussi la question du vieillissement de la population en Europe, les experts ont discuté de la nécessité de réformer les systèmes de la sécurité sociale et des pensions. De longues discussions ont eu lieu sur la proposition relative aux comptes du chômage et de la formation. Selon cette proposition, il serait demandée aux personnes recrutées de contribuer à leurs comptes. Les Gouvernements paieraient les contributions pour les groupes à faibles revenus et taxeraient les contributions des personnes à revenus élevés. En cas de chômage, les personnes pourraient effectuer des retraits limités sur leurs comptes et au cas où la limite serait dépassée, elles recevraient alors une assistance au chômage. En revanche, si le compte atteint un montant considérable, les personnes pourraient utiliser le surplus à leur gré. La proposition relative au programme de transfert des bénéfices a également suscité l'intérêt des experts. Selon cette proposition, les chômeurs de longue durée auraient la possibilité de donner une partie de leur allocation de chômage aux entreprises qui les engagent.

M. K.J. HIKUAMA-MUPAINE, Directeur de la planification de l'emploi au Ministère du travail de Namibie, a déclaré que la pauvreté dans son pays était concentrée parmi les groupes qui ont été désavantagés historiquement et se trouvait donc de manière disproportionnée dans les zones rurales, dans les ménages dirigés par des femmes, chez les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées, ainsi que ceux qui ont récemment immigré vers les zones urbaines. Bien que la Namibie possède des ressources naturelles abondantes qui pourraient en faire un pays riche, seulement 5% de la population fait

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partie des groupes privilégiés qui jouissent d'un accès aux ressources du pays. Ainsi, en 1993, les 7000 plus riches Namibiens ont dépensé autant que les 800 000 plus pauvres tous ensemble. La plupart des personnes disposant de revenus élevés vivent dans les zones urbaines, loin des régions rurales pauvres. En outre, les ressources agricoles du pays sont faibles. La population connaît un taux de croissance très rapide et l'économie héritée lors de l'indépendance ne favorisait pas une croissance équitable et la création d'emplois. Selon le représentant, la Namibie a atteint les limites de sa capacité à mobiliser les revenus publics. La part des dépenses publiques dans le PNB est, en effet, particulièrement élevée, à près de 40% contre environ 28% dans les pays à revenus moyens.

Le Plan quinquennal de développement adopté en 1995 prévoit des stratégies multisectorielles, y compris des mesures spécifiques visant à réduire la pauvreté. Dans le cadre du suivi du Sommet mondial de Copenhague, le Gouvernement de Namibie a approuvé la création d'un organe de coordination inter-institutionnel, qui comprend le Gouvernement, des représentants du secteur privé, parastatal, des ONG et des donateurs, et est chargé de le conseiller sur les questions relatives à la pauvreté. Le Gouvernement a, en outre, adopté une approche centrée sur l'homme en ce qui concerne le développement national, en investissant dans l'éducation, la santé et d'autres services sociaux, en créant des opportunités pour tous et en promouvant des approches fondées sur la participation. Il encourage la promotion d'une atmosphère politique stable reposant sur le respect des droits de l'homme, ainsi que l'établissement et le maintien d'un système d'administration gouvernementale efficace. Ces politiques ont pour objectif de réaliser un développement socio-économique durable, incluant l'élimination de la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie, la réduction du fossé qui sépare les revenus et la promotion du développement agricole et industriel et des autres activités productives. Lors de l'indépendance, le Gouvernement a déclaré secteurs prioritaires l'éducation, la santé, l'agriculture et le logement. Depuis, il a consacré près de la moitié de son budget total à ces secteurs. Depuis 1990, le système d'éducation a été rationnalisé, l'accès à l'éducation a été facilité et élargi, des nouvelles écoles ont été édifiées et le nombre d'enseignants a augmenté. Dans le secteur de la santé, le Gouvernement s'est engagé à promouvoir l'équité dans l'accès aux soins de santé. La priorité va aux soins de santé de base. Le Gouvernement a en outre réorienté les moyens disponibles vers les régions désavantagées, accordant la priorité à la prévention et à la création d'hôpitaux adoptant une approche communautaire. Il alloue en outre 30% du budget du secteur de la santé à un plan de pension universel qui joue un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté et constitue un filet de sécurité pour un grand nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue.

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L'accès inégal à la terre est également une des causes principales de l'inégalité structurelle en Namibie. Environ 42 000 propriétaires terriens blancs contrôlent 44% des terres, tandis que 20 000 ménages dans les régions sud et de l'ouest, et 125 000 ménages dans le nord ne disposent que de 41% des terres dont seulement la moitié est utilisable pour l'élevage et la production agricole. La Conférence nationale sur la terre de 1993 a donné mandat au Gouvernement pour distribuer la terre de manière juste et équitable. En décembre 1994, le Parlement a adopté la loi agraire qui prévoit le renforcement de la capacité de production du secteur agricole via la redistribution des terres sur la base de la volonté partagée de l'acheteur et du vendeur, plutôt que par des mesures obligatoires. Les programmes et projets de réinstallation et de réhabilitation ont touché jusqu'à présent environ 7000 personnes, dont des personnes handicapées et des personnes qui avaient été déplacées par la guerre.

Le programme de discrimination positive constitue une autre priorité du Gouvernement namibien. Il vise à créer des opportunités égales dans le domaine de l'emploi pour tous ceux qui ont été désavantagés par les mesures et pratiques discriminatoires dans le passé. Une politique nationale a, en outre, été adoptée pour encourager la contribution des femmes au développement national et à la société, en tant que mesure essentielle d'élimination de la pauvreté et de réalisation du développement durable. Le Gouvernement a approuvé, en outre, une politique décentralisée qui prévoit d'augmenter la participation dans le processus de développement et contribuera à abandonner progressivement le système d'administration et de gestion centralisé hérité de la période coloniale.

Mme MARCELLA MARIA NICODEMOS (Brésil) a fait part du rapport de la Conférence régionale de l'Amérique latine et des Caraïbes qui a lieu à Sao Paulo, au Brésil, sur le suivi du Sommet mondial de Copenhague. La Conférence a été ouverte par le Président du Brésil qui, à cette occasion, a souligné l'importance des conférences régionales pour surmonter les obstacles que rencontre le développement social. Les conclusions des différentes tables rondes organisées au cours de la Conférence ont prôné l'adoption d'une approche intégrée entre le processus de développement économique et celui du développement social, l'attribution de ressources supplémentaires aux programmes sociaux, l'adoption de mesures en vue d'une décentralisation et le renforcement du partenariat entre le gouvernement et la société civile. La Conférence régionale a permis de procéder à une analyse des politiques et programmes sociaux mis en oeuvre dans la région. A l'issue de la Conférence, les participants ont approuvé le consensus de Sao Paulo qui reflète leur appui aux recommandations de Copenhague et les vues de la région sur la façon de renforcer leur mise en oeuvre. Selon le consensus, il faut intensifier les efforts pour assurer la complémentarité entre la croissance économique et l'équité sociale, utiliser les mécanismes existants pour encourager l'échange

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d'expériences, créer des registres nationaux des meilleures pratiques et diffuser des informations sur les politiques de lutte contre la pauvreté au niveau régional. Il faut également examiner les informations sur les emplois productifs afin d'identifier les meilleures pratiques matière d'éducation. Il faut aussi s'assurer que la mise en oeuvre des politiques tiennent comptent des accords de l'ONU sur l'environnement, les droits de l'homme, les femmes ou encore les établissements humains. Les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes ont demandé au Secrétariat de leur Commission régionale de convoquer une autre réunion dans deux ans.

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