FEM/984

LE COMITE ESTIME QUE LA PRIORITE ACCORDEE A LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE CONTRIBUERA A AMELIORER LA SITUATION DES FEMMES DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE

3 février 1998


Communiqué de Presse
FEM/984


LE COMITE ESTIME QUE LA PRIORITE ACCORDEE A LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE CONTRIBUERA A AMELIORER LA SITUATION DES FEMMES DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE

19980203 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a achevé cet après-midi l'examen des deuxième, troisième et quatrième rapports de la République dominicaine qui avaient été présentés à la séance de ce matin. Mmes Patricia Solano et Gloria Muñiz, respectivement Directrice de la Communication et Chargée des affaires techniques à la Direction générale pour la promotion de la femme, ont répondu aux questions posées à leur pays par le Groupe de travail pré-session. Elles ont signalé qu'un Plan national de réforme du système de santé a été défini et précisé que les principaux problèmes rencontrés dans ce domaine sont liés aux lacunes de la qualité des services médicaux offerts aux femmes. Elles ont indiqué que depuis la mise en place de la réforme agraire en 1997, les femmes peuvent désormais devenir propriétaires de la terre, toutefois les efforts déployés en faveur des femmes rurales sont freinés par l'absence d'une politique nationale pour le secteur agricole.

Au titre des observations de conclusion, la Vice-Présidente du Comité, Mme Charlotte Abaka (Ghana) a indiqué, qu'en peu de temps, le nouveau Gouvernement de la République dominicaine a fait beaucoup pour la mise en oeuvre de la Convention et la promotion de la femme. Le mécanisme national et les programmes mis en place sont constructifs, ce qui témoigne de l'engagement pris par l'Etat partie lors de la Conférence de Beijing. La Vice-Présidente a ajouté que la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté est une avancée considérable. Des progrès restent à faire dans le domaine de la santé et notamment de la liberté des femmes à disposer de leur corps et de leurs fonctions reproductives. Mme Abaka a, à cet égard, souligné que le concordat existant entre l'Eglise et l'Etat constitue un frein non négligeable au respect des droits fondamentaux de la femme en tant qu'individu propre. Elle a également mis l'Etat partie en garde contre le développement incontrôlé des zones franches, où il apparaît que les femmes sont victimes de discriminations flagrantes. De manière générale, il faut veiller à ce que les ajustements structurels ne pénalisent pas les femmes, notamment quant à leur accès aux soins de santé. Toutes les femmes, qu'elles soient mariées ou non, qu'elles travaillent dans le secteur formel ou le secteur informel, doivent pouvoir bénéficier de prestations sociales, a encore suggéré la Vice-Présidente.

Le Comité entendra demain matin, à 10 heures, une intervention de Mme Noeleen Heyzer, Directrice du Fonds des Nations Unies pour les femmes (UNIFEM). A sa séance de l'après-midi, le Comité recevra le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson.

Réponses de l'Etat Partie aux questions du Groupe pré-session

Mme PATRICIA SOLANO, Directrice de la communication à la Direction générale de la promotion de la femme, a indiqué, en ce qui concerne la santé, que le système de prestation de services de la santé en République dominicaine est constitué de diverses institutions publiques et privées. Des programmes de soins gratuits subventionnés de façon privée ou publique ont été mis en place à l'initiative des ONG. Un plan national de réforme du système de santé a été défini et est dans sa phase initiale. Les principaux problèmes rencontrés sont liés à la qualité des services médicaux pour les femmes. La femme dispose de services de suivi de la grossesse. Les services de planification familiale comprennent des services d'orientation et d'information. Le secteur public fournit 36,1% des moyens de contraception. Les femmes représentent 33% des cas de sida. Il y a une réduction significative des maladies soumises à une surveillance épidémiologique. Un programme a été créé au sein du Secrétariat d'Etat à la santé publique pour renforcer le système national de statistiques dans le domaine de la santé afin de pouvoir disposer de données fiables. L'avortement est illégal et il n'existe pas de service public de soins dans les cas d'avortement. Il est estimé qu'environ 85 500 avortements sont pratiqués par an et que 16,6% de mortalité maternelle sont associés à l'avortement. Des programmes d'éducation et de sensibilisation concernant les maladies sexuellement transmissibles ont été mis en place, de même qu'une Stratégie nationale de prévention, d'information, d'éducation et de communication (IEC) pour la prévention du VIH/sida. Le Gouvernement a défini un Plan de mobilisation afin de réduire la mortalité maternelle et infantile. Ce Plan est élaboré en coordination avec le Conseil de développement des provinces. On a pu créer dans les hôpitaux des unités permettant de surveiller la mortalité maternelle et infantile. Une Commission nationale pour la prévention de la mortalité maternelle a également été créée.

Mme GLORIA MUÑIZ, Chargée des affaires techniques à la Direction générale de la promotion de la femme, a ensuite répondu aux questions relatives à la couverture sociale et a précisé que le système de prestations est actuellement en cours de réforme pour en élargir la couverture. Les prestations de maladie, de maternité, d'allaitement et les soins obstétriques et pédiatriques sont assurés. Les employés du secteur public disposent d'un fonds de protection spécifique. Les femmes ont les mêmes droits aux prestations que les hommes, cependant dans la plupart des régimes de protection, les femmes enceintes qui ne sont pas mariées n'ont pas droit aux prestations.

La réforme agraire de janvier 1997 permet aux femmes de bénéficier de la terre sur un pied d'égalité avec les hommes. Le programme de redistribution des terres devrait profiter à plus de 7 000 femmes. Des efforts ont été déployés pour faire connaître le contenu de cette nouvelle loi agraire dans tous les zones rurales et tout particulièrement auprès des femmes. C'est ainsi que des ateliers et des rencontres avec les femmes rurales ont été

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organisés. Les autorités se sont aussi attachées à former les personnels d'assistance agricole technique à ne pratiquer aucune discrimination à l'égard des femmes. Le Programme national de lutte contre la pauvreté a été lancé en août 1996 et vise notamment à améliorer les conditions de vie, en facilitant entre autres l'accès au crédit.

Poursuivant les réponses aux questions sur l'article 14, relatif à la condition des femmes rurales, Mme Solano a expliqué que de nombreuses ONG ont mis au point des programmes d'éducation, d'emploi et de défense des droits des femmes rurales. Le principal obstacle à tous ces efforts, a reconnu la représentante, c'est qu'il n'existe pas de politique nationale pour le développement du secteur agricole, qui n'est d'ailleurs pas inscrit dans les priorités nationales. La femme du monde rural est très peu présente aux postes de décision de ce secteur. Les schémas culturels qui dominent sont contraires à l'émancipation de la femme et à sa participation à la prise de décisions. Les femmes rurales ont des droits égaux aux hommes en matière d'assistance technique et d'accès au crédit. Toutefois il apparaît que les différentes agences chargées des questions agricoles ne tiennent pas réellement compte de la situation défavorisée des femmes rurales lorsqu'elles définissent les bénéficiaires prioritaires de leurs efforts. La Direction générale de promotion de la femme est en train de mettre au point, en collaboration avec les instances gouvernementales concernées et les ONG, un programme de coordination visant au développement intégré de la femme rurale, par le biais de plans régionaux. 8 millions de pesos sont actuellement mis à disposition pour faciliter l'accès des femmes au crédit et près de 20 millions de pesos sont distribués auprès des organisations et fédérations agricoles. Toutefois le nombre d'organisations agricoles féminines étant faible, les femmes rurales bénéficient peu de cette argent de manière directe. Une base de données sur la situation de la femme rurale est en cours d'installation, ce qui permettra de mettre en perspective les textes de lois, les mesures prises et les effets directs sur la condition des femmes rurales.

En ce qui concerne l'égalité des hommes et des femmes devant la loi, Mme Muñiz a indiqué que la Direction générale pour la promotion de la femme et une commission du sénat sont en train d'étudier la possibilité de réformer le Code civil. La représentante a reconnu que les femmes, faute d'information, sont discriminées pour ce qui est de l'accès à l'assistance juridique.

Pour ce qui est du mariage et de la famille, 30% des chefs de famille sont des femmes, ce qui entraîne une surcharge sensible de travail. Le principe en vertu duquel l'homme est l'administrateur des biens de la famille est toujours en vigueur. Si le mari est frappé d'interdiction de gestion des biens, un administrateur de biens doit alors être nommé, et ce dernier ne peut pas être l'épouse. En revanche, après divorce, la femme a la liberté de disposer des biens.

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Remarques et questions complémentaires des expertes à l'Etat Partie

Les expertes se sont félicitées de la richesse et de la franchise des rapports périodiques de la République dominicaine. Des mesures particulièrement importantes ont été prises en ce qui concerne la violence à l'égard des femmes. Les réponses fournies par l'Etat Partie sont détaillées et à jour et cela signale la volonté politique de la République dominicaine. Ce pays se distingue par son souci de promouvoir le rôle des femmes, qui doit devenir une véritable priorité nationale. Un membre du Comité a souhaité à ce titre que les mesures de promotion de la femme soient développées au sein d'une politique intégrée. Notant que la pauvreté est sans doute l'obstacle principal à la promotion pleine et entière de la femme, plusieurs expertes se sont félicitées du fait que le Plan d'action pour l'allégement de la pauvreté s'adresse également aux femmes et particulièrement à celles qui sont chef de famille. Il est important que la Direction générale pour la promotion de la femme dispose d'un budget adéquat ainsi que de tout l'appui politique nécessaire à son autorité. Il convient de souligner l'importance de poursuivre les responsables des abus perpétrés contre les enfants. Les mesures législatives gouvernementales prises allant dans ce sens sont louables. Il faudrait adopter des mesures plus étendues permettant de lutter contre les réseaux d'exploitation des enfants aux fins de prostitution. Une experte a souligné le sérieux du système de surveillance médicale en cas de maladie sexuellement transmissible. Les campagnes d'information réalisées sont très positives. Il est encourageant de voir que le nombre de femmes analphabètes est inférieur à celui des hommes. L'élargissement de la participation politique des femmes, par le biais notamment du recours au système de quotas, est encourageant. La volonté politique de la République dominicaine pour promouvoir les femmes, soutenue par les pressions exercées par les femmes en faveur de leur émancipation, est particulièrement nette. Des inquiétudes ont été exprimées quant aux effets pervers du maintien du concordat entre l'Eglise et l'Etat. Il a également été suggéré que le rôle des ONG soit renforcé. Une experte a regretté que les priorités économiques soient privilégiées au détriment des priorités sociales. Il faut que le Gouvernement de la République dominicaine se concentre sur des objectifs précis tels que l'élimination de la pauvreté et de l'analphabétisme, la création d'emplois et la réforme de la législation du travail.

Une experte s'est félicitée du fait que de nouveaux projets de lois sont en cours de discussion pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes. Les normes socio-culturelles doivent évoluer pour renforcer les mécanismes mis en place par ces nouvelles lois. Il faudrait que les femmes aient davantage accès à des formations professionnelles. L'urgence de la réforme du Code civil a également été soulignée. Une experte a estimé que le fait que les femmes non mariées ne bénéficient pas des prestations sociales constitue une réelle discrimination. Les principes de l'égalité et de la non-discrimination devraient être clairement inscrits dans la Constitution.

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L'égalité de facto est plus difficile à réaliser que l'égalité de jure. Il y a encore beaucoup à faire en ce qui concerne la pauvreté et la prostitution. Il faut lutter contre un machisme bien ancré dans le pays. Les hommes ne permettent pas aux femmes de participer à tous les secteurs du développement du pays. Toutes les femmes ne sont pas conscientes de leurs droits. Les femmes doivent pouvoir obtenir des résultats en dépit de la pression culturelle et religieuse. La séparation entre l'église et l'état permet d'aller de l'avant plus facilement. Les préjugés déguisés sous la religion peuvent avoir des conséquences très graves sur les femmes et les fillettes. L'éducation des femmes est essentielle afin de permettre une égalité entre les hommes et les femmes.

La femme continue à être victime des stéréotypes. Il faudrait intensifier les campagnes d'information et de sensibilisation à la parité, en s'appuyant largement sur les médias. On a également suggéré de développer l'enseignement de la Convention dans les écoles.

L'éducation et l'alphabétisation sont très importantes pour que les femmes puissent participer au développement. L'analphabétisme et la pauvreté vont en général de pair. Dans le cas de la République dominicaine le taux d'analphabétisme est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Ceci est encourageant et unique. Les femmes ont réalisé des progrès dans l'éducation formelle mais, alors qu'elles bénéficient de la même éducation que les hommes, elles obtiennent des emplois de niveau inférieur et, à travail égal reçoivent des salaires moindres. Il est nécessaire que les femmes participent à un pied d'égalité à tous les secteurs du développement.

Une experte a particulièrement loué la campagne de lutte contre la violence mise en place, estimant qu'elle donne l'exemple d'une politique véritablement intégrée. Elle a souhaité obtenir dans le prochain rapport des chiffres plus précis sur cette question et notamment sur le nombre important de "crimes passionnels".

Il est nécessaire de lutter davantage contre la discrimination des femmes sur le lieu de travail, d'autant que le développement du pays semble véritablement se fonder sur le travail des femmes. Les ressources existent en République dominicaine et le Gouvernement doit promouvoir de meilleures conditions d'emploi pour les femmes afin qu'elles n'aient pas à quitter le pays. La situation des femmes travaillant dans les zones franches doit être améliorée et la discrimination existante en matière de salaires et de responsabilités, à compétence égale, doit être combattue.

Les services de santé sont très compliqués et ceux qui sont mis à la disposition des femmes sont insuffisants. Il est regrettable que de nombreuses femmes meurent du fait d'avortement. Il est nécessaire de remédier à cette situation.

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Une experte a souhaité obtenir des informations plus précises sur la manière dont la loi contre l'exploitation des personnes est mise en oeuvre. Le prochain rapport devrait notamment fournir des données statistiques sur les peines infligées aux proxénètes. Relevant le chiffre alarmant de femmes victimes des réseaux internationaux de prostitution (50 000), une experte a demandé ce que le Gouvernement fait pour lutter contre ce phénomène, notamment en matière de coopération bilatérale. Une campagne d'information et de mise en garde devrait en outre être développée auprès des femmes les plus défavorisées qui sont les premières victimes des trafiquants.

Relevant la franchise du rapport qui qualifie les femmes rurales de "plus pauvres parmi les plus pauvres", une experte a engagé le Gouvernement à multiplier les efforts en leur faveur. Un premier pas à prendre est d'associer les femmes dès l'élaboration des programmes dans ce secteur. La création d'un banque spécialisée pour la femme est-elle envisagée? Des statistiques ventilées par sexe et relatives au secteur agricole devraient être fournies dans le prochain rapport. Est-il vrai que seules les femmes mariées à un homme propriétaire d'une parcelle de terre peuvent en devenir propriétaire?

Réponses de l'Etat partie aux commentaires des expertes

Mme GLADYS GUTIERREZ, Ministre chargée de la Direction générale de la promotion de la femme, a indiqué en conclusion que toutes les femmes qui appartiennent aujourd'hui au Gouvernement ont livré toute leur vie une véritable lutte en faveur de la promotion de la femme. C'est ce qui explique le caractère très concret du rapport, a-t-elle déclaré.

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