LA RELIGION NE DOIT PAS SERVIR D'ALIBI A LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES, ESTIME LE RAPPORTEUR SPECIAL SUR L'INTOLERANCE RELIGIEUSE
Communiqué de Presse
FEM/978
LA RELIGION NE DOIT PAS SERVIR D'ALIBI A LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES, ESTIME LE RAPPORTEUR SPECIAL SUR L'INTOLERANCE RELIGIEUSE
19980128 Le Comité achève l'examen des deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la BulgarieLe Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a entendu, cet après-midi une intervention de M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur l'intolérance religieuse (Tunisie), qui a estimé que la religion ne peut en aucun cas constituer un alibi à la situation intolérable dans lesquelles vivent certaines femmes. Il a appelé à un examen dynamique et ouvert de la condition de la femme dans les textes religieux et a souligné le rôle fondamental de l'éducation et de la culture pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Il a également encouragé les différents Comité des Nations Unies oeuvrant dans le domaine des droits de l'homme à poursuivre leurs travail si l'on veut éviter que la lutte contre la discrimination devienne le parent pauvre de l'Organisation.
Lors de l'échange de vues qui a suivi l'intervention du Rapporteur spécial, les membres du Comité ont estimé qu'aucune spécificité culturelle ou religieuse ne saurait être invoquée pour empêcher la promotion de la femme au sein de la société et freiner le développement d'une culture d'égalité entre les hommes et les femmes. Le nombre important d'Etats qui ont émis des réserves à la Convention en invoquant des prétextes religieux est particulièrement préoccupant. Les expertes ont demandé au Rapporteur spécial de faire pression sur les Etats pour qu'ils lèvent leurs réserves à la Convention. Elles ont souhaité pouvoir disposer de davantage d'informations sur les activités entreprises par le Rapporteur spécial.
Par ailleurs, le Comité a achevé l'examen des deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la Bulgarie. Dans ses observations de conclusion, la Présidente du Comité, Mme Salma Kahn (Bangladesh), a indiqué que les informations complémentaires apportées aujourd'hui par la délégation bulgare permettent de mieux comprendre les circonstances difficiles de la transition politique et économique. Elle s'est particulièrement félicitée de la levée des réserves, mais a regretté que les femmes bulgares n'aient toujours pas la possibilité d'invoquer la Convention sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes devant les tribunaux. Mme Kahn a également souligné la précarité dans laquelle vivent de nombreuses femmes, en raison notamment du chômage, de la précocité de mariage et des grossesses. C'est pourquoi des mesures urgentes, telles que des actions temporaires d'intégration positive, doivent être prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la pauvreté. Le taux anormalement élevé de violence contre les femmes, ainsi que l'ampleur de la prostitution, inquiètent très fortement les membres du Comité, qui rappellent que ces phénomène sont également étroitement liés à la montée de la pauvreté.
Par ailleurs, le Comité a entendu le rapport de deux de ses expertes, Mme Ryel (Norvège) et Mme Ouedraogo (Burkina Faso), respectivement consacré à la réunion d'experts organisée par l'UNESCO sur la masculinisation de la culture de la paix, tenue à Oslo en septembre 1997 et à la réunion d'experts sur le droits des adolescentes, tenue en octobre 1997 à Addis-Abeba.
Le Comité reprendra ses travaux vendredi 30 janvier, à 10 heures, pour procéder à l'examen des troisième et quatrième rapports périodiques combinés du Mexique.
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SUITE DE L'EXAMEN DES DEUXIÈME ET TROISIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES DE LA BULGARIE
Questions des expertes à l'Etat partie
Une experte est revenue sur la nécessité de mettre en place des mécanismes spécifiques au niveau national en faveur des femmes même si les femmes bulgares se trouvent dans une situation privilégiée par rapport aux autres femmes de la région. Elle a mis en cause le bien-fondé de la décision de faire du Ministère des affaires étrangères le Comité de liaison de l'organe intergouvernemental chargé d'appliquer le Plan d'action en faveur des femmes. Elle a en revanche appuyé la décision du Gouvernement d'établir un poste de médiateur chargé d'étudier la situation des droits de l'homme. Il faudra que cette initiative bénéficie de structures et de ressources appropriées.
Réponse de l'Etat partie aux questions des expertes
Mme ANTOINETTE PRIMATAROVA (Vice-Ministre des affaires étrangères de Bulgarie) a expliqué que le Conseil national pour les questions ethniques et démographiques prête une attention particulière aux minorités vulnérables, notamment les gitans. A l'avenir, il existera des mécanismes de coopération étroite avec l'Union européenne sur cette question. En effet, lors de la présentation de la candidature de la Bulgarie à l'Union européenne, de nombreuses questions avaient porté sur la situation des Romanis et leur intégration sur le territoire bulgare. Au sujet de l'établissement de l'ombudsman, elle a précisé qu'un projet de loi sera bientôt examiné dans le cadre d'un séminaire en mars prochain. Elle a en outre expliqué que l'établissement d'un mécanisme national sera intégré au projet de réformes administratives indispensables à l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne.
Au sujet des actions affirmatives, la Vice-Ministre a expliqué que l'âge de la retraite pour les femmes est de 55 ans et que pour l'homme elle est de 60 ans, ce qui constitue bien une action affirmative. L'âge de la retraite, hérité de l'ancien système, constitue en fait une compensation à la double journée de travail de la femme. La représentante a par ailleurs appelé à la prudence pour ce qui est de l'interprétation des statistiques. Les expertes ont mentionné 500 000 femmes sans emploi ce qui est en contradiction avec nos données qui comptabilisent 470 000 chômeurs tous sexes confondus.
Pour ce qui est du trafic des femmes et de la prostitution, Mme Primatarova a indiqué qu'il s'agit de phénomènes relativement nouveaux pour le pays, qui sont liés à la transformation démocratique et économique récente. La coopération régionale et internationale pour lutter contre le trafic des femmes est l'une des priorités du Gouvernement, qui s'inspire beaucoup dans sa lutte des méthodes adoptées par les pays baltes. Certains réseaux ont déjà pu être démantelés, a affirmé la Vice-Ministre. En ce qui concerne plus précisément la violence domestique, des groupes d'enquête sur la
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question ont été créés, telle une commission parlementaire sur la violence. L'un des principaux défis est de faire comprendre à la population la dimension de ce problème, et si des mesures législatives sont prises, le Gouvernement souhaite désormais mettre l'accent sur l'action préventive, qui à terme s'avère plus efficace.
En réponse aux questions relatives à la politique de santé, Mme Primatarova a expliqué que son Gouvernement travaille étroitement avec de nombreux pays, notamment ceux de l'Union européenne, pour faciliter l'accès des moyens de contraception à l'ensemble de la population. Des contraceptifs sont ainsi distribués aux jeunes. Ils le sont gratuitement pour ceux qui n'ont pas de moyens financiers suffisants. Des soins médicaux gratuits sont offerts aux citoyens dans les centres médicaux régionaux. L'ensemble du système de santé est actuellement en pleine réforme. Il est certain que les personnes âgées et notamment les femmes âgées souffrent particulièrement de la transition traversée par le pays, a reconnu Mme Primatarova, qui a précisée que l'aide de l'Union européenne est d'un grand secours dans ce domaine.
La représentante a rappelé que les problèmes économiques et sociaux engendrés par le processus de transition frappent très durement la population. L'an passé le pays a connu un taux d'inflation de 561%, ce qui a conduit les pouvoirs publics à développer un programme de restrictions financières très sévères. On ne peut donc pas considérer que les conditions actuelles sont normales. Le taux d'inflation prévu pour l'an prochain est d'environ 16%, ce qui devrait d'ores et déjà permettre d'améliorer sensiblement la situation. Elle a ajouté que les recommandations du Comité seront transmises au Conseil des ministres, afin qu'il en soit tiré partie au maximum.
APPLICATION DE L'ARTICLE 21 DE LA CONVENTION
Mme ANNE LISE RYEL, experte de la Norvège, a ensuite présenté les conclusions d'un groupe d'experts réunis à Oslo sous les auspices de l'UNESCO sur le rôle des hommes dans la société et la masculinisation de la culture de la paix. Ainsi, au titre de leurs recommandations, les experts ont encouragé les pays à adopter des congés de maternité pour les pères. Dans le domaine de l'éducation, il a été suggéré de rédiger des manuels scolaire décrivant le comportement non agressif de l'homme. L'UNESCO devrait par ailleurs engager tous les pays à mettre en place des travaux communautaires remplaçant le service militaire. Pour ce qui est de la violence à l'égard des femmes, il a été recommandé de soutenir des programmes de sensibilisation associant femmes et garçons et des brochures sur le rôle de l'homme dans la famille. En effet, pour assurer la promotion de la femme, on ne peut pas passer sous silence le rôle des hommes.
Mme AHOUA OUEDRAOGO, experte du Burkina Faso, a, quant à elle, présenté les conclusions de la réunion d'experts sur les droits des jeunes filles tenue en octobre 1997 à Addis-Abeba. Trois thèmes principaux ont fait l'objet des débats, à savoir : la création d'un environnement propice à l'émancipation des
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adolescentes, les besoins sociaux des adolescentes et leur santé, notamment leur santé génésique. Les participants ont à nouveau engagé l'ensemble des Etats à ratifier de manière urgente la Convention sur les droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Par ailleurs, les conclusions de la Conférence ont mis l'accent sur la nécessité d'harmoniser le droit coutumier, qui prévaut encore dans de nombreux Etats, avec le droit moderne. Le besoin en données statistiques spécifiquement relatives aux jeunes filles a également été mis en avant, ainsi que la nécessité de formuler des programmes de protection et de promotion qui leur seraient particulièrement destinés.
Dialogue entre le Rapporteur spécial sur l'intolérance religieuse et les expertes
Déclaration du Rapporteur spécial
M. ABDELFATTAH AMOR a expliqué que la religion constitue bien souvent un alibi pour maintenir des situations intolérables et limiter l'humanité de la femme. Les réserves que des Etats font à certains textes juridiques relatifs à la condition de la femme ne peuvent pas être expliqués par des considérations religieuses. La situation de la femme dans la religion doit être examinée de façon dynamique et non pas statique. En effet, a estimé le Rapporteur, ce n'est pas parce que des textes anciens existent qu'ils doivent nécessairement l'emporter sur le raisonnable. Je suis choqué par l'attitude officielle de certains Etats ou groupes à l'endroit des femmes. Parfois, j'ai également constaté que la société mais non l'Etat est la cause de la discrimination à l'égard des femmes, a-t-il expliqué. Le Rapporteur a par ailleurs observé que nous continuons aujourd'hui à gérer les problèmes de discrimination à l'égard de la femme plus que nous ne mettons en oeuvre des actions de prévention. La fin de la discrimination passe par l'évolution des mentalités, ce qui suppose que les organisations non gouvernementales, la famille, l'école, les instances religieuses participent à son élimination. Malheureusement, l'école ne joue pas ce rôle. Ainsi à l'issue d'un questionnaire dans les écoles, il est apparu que l'image de la femme que l'on présente aux enfants aujourd'hui est scandaleuse. Il est temps de faire contribuer l'école à l'émergence d'une culture des droits de la femme et des droits de l'homme. Le droit international est développé mais la réalité n'est pas au niveau du droit. Il s'agit là d'un problème de mentalité et le droit n'est là que pour donner l'impulsion nécessaire au changement et à cet égard, les comités comme le votre ont un rôle fondamental à jouer.
Dialogue
Les membres du Comité ont remercié chaleureusement le Rapporteur spécial pour son intervention, qui est en fait une véritable première. Ils ont indiqué que le dialogue qui est en train de s'instaurer va renforcer la collaboration et la coordination entre tous les organes des Nations Unies et permettre à la communauté internationale de prendre pleinement conscience des
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questions de parité entre les sexes. C'est l'ampleur de la discrimination, de toute nature, dont les femmes sont victimes qui va être ainsi mise à jour. Or les discriminations actuelles subies par les femmes sont pour bon nombre liées à la religion et à l'aggravation de l'intolérance. Il faut prévenir par le biais d'une stratégie internationale toutes les formes d'intégrisme et d'obscurantisme et faire pression sur les Etats pour qu'ils mettent fin aux atteintes des droits fondamentaux de l'homme, et notamment de la femme. Les religions, bien comprises, doivent permettent l'émancipation des êtres humains, hommes et femmes, et non mener à la négation des droits les plus fondamentaux. Aucune spécificité ne saurait être invoquée pour empêcher la promotion de la femme au sein de la société et pour faire obstacle au développement d'une culture de partage et d'égalité entre les hommes et les femmes, ont affirmé plusieurs expertes. Le nombre important d'Etats qui ont émis des réserves à la Convention en invoquant des prétextes religieux est, à ce titre, particulièrement préoccupant. C'est pourquoi, les expertes ont demandé au Rapporteur spécial d'oeuvrer avec force pour le retrait de telles réserves et elles ont mis l'accent sur l'importance que revêt son mandat pour faire progresser l'application de la Convention. Elles ont souhaité pouvoir disposer de davantage d'informations sur les activités entreprises par le Rapporteur spécial.
Une experte a fait valoir, qu'au nom de certaines religions, c'est même le droit des femmes à la vie qui est bafoué. L'exemple a été ainsi cité d'une religion qui interdit aux femmes d'obtenir une transfusion sanguine. On a fait remarquer que ces problèmes ne sont pas du seul apanage des pays en développement et que les pays industrialisés assistent eux aussi à la montée de certaines sectes et "églises" qui portent véritablement atteinte aux droits fondamentaux des individus. Une experte a demandé si la questions des croyances non officielles et les pratiques religieuses traditionnelles sont du ressort du Rapporteur spécial.
M. AMOR a expliqué que bien souvent la discrimination est justifiée par des considérations religieuses. Le rapport général qui sera présenté à la Commission des droits de l'homme demande à cette dernière de prendre des mesures particulières en ce qui concerne la situation de la femme au regard de la religion. J'espère, a-t-il précisé, que les Nations Unies sauront trouver les moyens appropriés pour faire en sorte que les droits de la personne humaine ne deviennent pas le "tiers monde" des activités de l'Organisation. Il a regretté que les textes des conventions soient bien souvent vidés de leur substance en raison des réserves apportées par les Etats parties. L'hypocrisie est bien souvent notre lot quotidien dans la mesure où nous confondons religion et pratiques religieuses. Pour ce qui est du dogme religieux lui-même, le Rapporteur a distingué les constantes des variantes en spécifiant que les constantes dans les croyances religieuses doivent être lues également avec perspicacité. C'est cette même hypocrisie qui étouffe les femmes du monde ou dans des pays comme l'Afghanistan par exemple. La liberté de croyance est fondamentale et il n'appartient à personne d'imposer sa
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croyance à autrui. Peut-on admettre que la vie d'une femme soit menacée par des considérations religieuses ? Il n'y a pas de liberté sans la liberté de la femme.
La Présidente du Comité, Mme SALMA KAHN (Bangladesh), a remercié le Rapporteur spécial et a rappelé que la paix, la compréhension et la stabilité sont des conditions indispensables à l'établissement de l'égalité. Elle en a pris pour preuve les pays qui sont déchirés par des guerres ou des conflits civils. L'éducation sur les droits de l'homme est l'un des moyens de lutter contre la discrimination dont les femmes sont victimes, a-t-elle affirmé, ajoutant qu'il faut mettre davantage l'accent sur la manière dont on peut faire face à l'intolérance. Le respect doit prévaloir et l'égalité ne peut être subordonnée à l'intolérance religieuse, a conclu la Présidente du Comité.
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