FEM/971

L'HERITAGE SOVIETIQUE EN AZERBAIDJAN PESE ENCORE SUR LES STRUCTURES ET LES POLITIQUES EN FAVEUR DES FEMMES

23 janvier 1998


Communiqué de Presse
FEM/971


L'HERITAGE SOVIETIQUE EN AZERBAIDJAN PESE ENCORE SUR LES STRUCTURES ET LES POLITIQUES EN FAVEUR DES FEMMES

19980123 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes achève l'examen du rapport initial de l'Azerbaïdjan

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est réuni ce matin pour entendre les réponses de la délégation de l'Azerbaïdjan aux questions posées par les expertes, le 20 janvier dernier, à la suite de la présentation du rapport initial du pays. Mme Fatma Abdullazadeh, Chef de la Division des politiques humanitaires du Gouvernement de l'Azerbaïdjan, a expliqué que les efforts du Gouvernement tendent en règle générale à favoriser l'épanouissement de la personnalité de la femme. La représentante a également fait part des initiatives lancées par l'Etat en vue de rénover ses structures et de mettre en place un mécanisme national de promotion de la parité entre les sexes et de coordination des ressources tant publiques que privées. Elle a précisé que les soixante-dix années de présence soviétique imprègnent encore largement le pays, tant au niveau des mentalités que des infrastructures d'Etat, et que cet héritage sera long à effacer. Elle a expliqué également que son pays connaît avec le très grand nombre de réfugiés un problème qui constitue un frein à l'application de la Convention. Elle a déclaré que la promotion pleine et entière des femmes ne pourra intervenir que lorsque le problème du Haut-Karabakh et de l'occupation de 20% du territoire par des contingents arméniens sera réglé.

Dans ses remarques de conclusion, la Présidente du Comité, Mme Salma Kahn, a mis en avant les problèmes de transition auxquels le Gouvernement est confronté. Malgré de nombreuses garanties législatives, il apparaît que le statut des femmes est loin d'être satisfaisant. Dans une situation générale qui se détériore, elle a rappelé que ce sont les femmes les plus vulnérables qui ont besoin de protection. C'est pourquoi le problème des femmes réfugiées doit se voir accorder une priorité particulière et qu'il faut tout faire en sorte pour que les acquis en faveur des femmes ne soient pas perdus. Il est cependant rassurant de voir que Etat séculaire, l'Azerbaïdjan n'a jamais vu sa politique influencée par les croyances religieuses, a déclaré la Présidente. Pour le Comité, certains aspects, liés notamment à la santé, sont particulièrement inquiétants et des mesures temporaires pourraient permettre de remédier à la situation. Mme Kahn a conclu que même dans les cas de pauvreté extrême, les femmes peuvent assurer elles-mêmes la transition grâce, notamment, au micro-crédit.

Le Comité poursuivra ses travaux cet après-midi, à 15 heures, en entendant les réponses de la délégation de la Croatie aux questions posées par les expertes lors de la présentation de son rapport initial, le mercredi 21 janvier.

Réponse de la délégation de l'Azerbaïdjan aux questions des expertes

Mme FATMA ABDULLAZADEH, Chef de la Division des politiques humanitaires de l'Azerbaïdjan, a expliqué que l'Azerbaïdjan est un Etat de droit, unitaire et laïque. Il n'existe pas de juridiction religieuse. Néanmoins, la Constitution consacre la liberté de conscience permettant aux citoyens de s'exprimer sur le plan religieux dans différentes instances confessionnelles qu'elles soient orthodoxe russe, juive ou musulmane. La liberté de conscience est un des piliers sur lequel repose la structure d'Etat mais aucune instance religieuse ne peut s'immiscer dans son fonctionnement. Les tribunaux d'Etat, divisés par région , dépendent de la Cour suprême. La création d'une Cour constitutionnelle est actuellement en cours et a fait l'objet d'un projet de loi adopté en octobre 1997 par le Parlement national. En attendant son entrée en vigueur, certains de ses pouvoirs ont été confiés à la Cour suprême. Les questions de violation des droits des femmes peuvent être examinées au sein de la Cour suprême et les femmes ont la possibilité de s'adresser aux tribunaux de la même façon que les hommes. En juin 1997, l'Assemblée nationale a adopté une loi portant création d'une structure d'appel séparée.

Pour ce qui est de la diffusion de la Convention auprès des femmes, la représentante a indiqué que le texte de la Convention a été publié par les différents médias en langue locale. Par un décret de janvier 1998, un Comité de défense des droits des femmes a été créé. Ce Comité assume également une fonction de coordination des efforts d'Etat et des diverses organisations de promotion des femmes. Les efforts visent en particulier à favoriser l'épanouissement de la personnalité de la femme. De temps à autre, l'Etat réalise des études statistiques pour évaluer comment les besoins des femmes sont satisfaits dans différents domaines.

Pour ce qui est de la politique de santé de son Gouvernement, Mme Abdullazadeh, a déclaré que la privatisation en tant que telle des services de santé n'est pas en cours. En revanche, il existe certains programmes de privatisation spécifiques, destinés notamment aux pharmacies et aux opticiens, ou encore aux établissements de convalescence.

En réponse à la question visant à connaître comment l'Etat azerbaïdjanais définit la discrimination dans la loi, la représentante a indiqué que c'est la notion de discrimination telle qu'elle est définie à l'article 1 de la Convention qui sert de référence. L'Azerbaïdjan est un pays à part puisqu'une femme sur sept et un enfant sur sept sont des réfugiés, vivant sous des tentes sans recevoir suffisamment de nourriture, ayant un accès très limité à l'éducation et dont l'objectif unique est de pouvoir rentrer chez eux. Cette situation influe sur la politique du Gouvernement en matière de promotion des femmes et de lutte contre la discrimination, a-t-elle expliqué, réaffirmant que la solution pacifique du problème du Haut-Karabakh et la libération des 20% du territoire occupés par des contingents arméniens est indispensable à la pleine mise en oeuvre de la Convention.

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Mme Abdullazadeh a ensuite répondu dans le détail aux questions posées par les expertes. Elle a estimé que les chiffres de la participation des femmes dans les affaires publiques et le secteur productif révèlent que leur statut aux yeux de la société est assez élevé. Les femmes représentent par exemple près de 50% des enseignants des établissement techniques, 66% des établissements d'enseignement général et elles sont également majoritaires dans le domaine médical. Pour le Gouvernement de l'Azerbaïdjan il y a deux tâches prioritaires, à savoir ne pas perdre la position et le niveau d'émancipation des femmes acquis sous l'ère soviétique et combattre les stéréotypes qui subsistent. Mme Abdullazadeh a affirmé que les textes législatifs ne contiennent absolument aucun élément de discrimination à l'égard des femmes. Confirmant que la peine de mort a été abolie pour les femmes, elle a ajouté que depuis juin 1993 un moratoire a été déclaré sur l'ensemble des exécutions capitales.

En réponse aux questions sur la toxicomanie chez les femmes, Mme Abdullazadeh a précisé que la loi prévoit des condamnations pour les délits de possession et d'utilisation de substances psychotropes. En cas de condamnation, les femmes sont détenues séparément des hommes et il existe des programmes de sevrage. La législation ne prévoit en revanche pas de peines particulières à l'encontre des activités liées à la prostitution. Seules des amendes sont infligées et les femmes qui sont ainsi verbalisées sont envoyées dans des cliniques pour examen gynécologique et dépistage du VIH et de maladies sexuellement transmissibles. De manière traditionnelle, l'alcoolisme n'est pas un problème qui touche les femmes en Azerbaïdjan et il n'y a donc pas de programmes spéciaux qui pourraient leur être destinés.

En ce qui concerne l'article 3 de la Convention, la représentante a indiqué que les femmes sont présentes dans le milieu politique et qu'elles sont très actives dans le domaine culturel. Elle a cité en exemple l'organisation de festivals de musique dont les compositeurs sont des femmes, d'expositions de peinture et de concours d'écrivains féminins. La situation dans le secteur économique est plus complexe, a-t-elle reconnu. Il est en effet plus difficile pour le Gouvernement, avec le passage à une économie de marché, d'adopter une attitude plus normative. Toutefois l'Etat essaie de créer un réseau spécial de banques visant à encourager les femmes à créer leur propre entreprise. La politique est avant tout de développer ce qui existe déjà mais n'est pas suffisamment exploité, telle la production artisanale.

S'agissant de l'article 4 sur les mesures temporaires spéciales pour accélérer l'égalité de fait, la représentante a expliqué que le Gouvernement est l'héritier de 70 ans de régime soviétique qui favorisait alors les fonctions de reproduction des femmes. On parlait alors de femmes héroïnes pour celles ayant plus de dix enfants. Nous sommes en train de réformer cet état de fait tout en garantissant aux femmes le droit d'avoir autant d'enfants qu'elles le souhaitent. Ceci entre dans une stratégie de promotion de l'épanouissement de la femme. Notre législation, qui prend ses racines dans

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les lois communistes, ne peut pas être rayée du jour au lendemain. Néanmoins, si nos dispositions envers la maternité sont maintenues, nous voyons aussi l'apparition de nouvelles structures.

Pour ce qui est de l'article 5 sur l'élimination des stéréotypes, la représentante a expliqué que les programmes diffusés dans les écoles visent l'instauration de nouvelles relations dans la famille et la société. Le système égalitaire qui prévalait en ex-Union soviétique était finalement discriminatoire envers les femmes car leur présence à tous les niveaux de la société n'était pas compensée par des mesures d'aide sociale, les structures sociales en leur faveur étant très limitées. Aujourd'hui, la télévision nationale joue un rôle important pour l'instauration de nouvelles images.

S'agissant de l'article 6 sur la prostitution et l'exploitation de la prostitution, elle a rappelé que 26 cas , essentiellement de proxénétisme, avaient été portés devant les tribunaux. En 1996, 9 personnes ont été condamnées pour proxénétisme. Mais malheureusement il n'existe pas de mécanismes compensatoires pour les femmes victimes de la prostitution.

S'exprimant sur l'article 7 relatif à la participation des femmes à la vie politique, la représentante a évoqué la baisse de participation des femmes par rapport à la période soviétique, leur taux de représentation au Parlement par exemple étant tombé à 12 % contre 26 %. Elle a également fait valoir la participation très active des organisations non gouvernementales.

Au sujet de l'article 10 sur l'élimination de la discrimination dans le domaine de l'éducation, elle a souligné que les filles représentent un fort pourcentage des étudiants inscrits aux universités. Les universités à caractère technique recueillent en revanche un taux de participation féminin de 15 à 25 %.

Sur l'article 12 relatif à l'élimination de la discrimination dans le domaine de la santé, la représentante a précisé qu'en mars 1996, un programme social d'amélioration de la santé génésique et de la planification familiale a été adopté. Il existe maintenant six centres dans tous le pays dont un à Bakou. En juillet 1997, la Loi sur la santé a été adoptée autorisant la diffusion d'informations sur la stérilisation pour les femme âgées de plus de 35 ans. Il n'y a pas eu encore de cas de stérilisation même si le gouvernement envisage de créer des centres à cet effet. Néanmoins, les moyens limités de la population ne permettent pas de mettre en place ce programme immédiatement. Abordant la question de la mortalité infantile, elle a signalé que ce taux a atteint des records en 1995 tandis que la taux de mortalité maternelle augmente également. Elle a fait état par ailleurs de la mauvaise infrastructure routière expliquant le nombre important de naissances à domicile. Par ailleurs, il existe un programme spécial en faveur des indigents qui s'est traduit par la mise en place de dispensaires dans tous les pays. Dans le cadre de sa coopération avec l'UNICEF, le pays développe un programme de service médical payant permettant d'améliorer l'infrastructure

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médicale. Un des problèmes les plus préoccupants est le taux d'avortement qui atteint les 15 %. L'avortement est le principal moyen de planification familiale. Cette tendance négative nuit à la santé mais l'équipement existant ne permet pas de proposer une alternative. Elle a par ailleurs mis en avant les compétences du personnel médical qui a été en mesure de traiter efficacement les cas de polios au nombre de 13 en 1993. Pour ce qui est de la tuberculose, l'Azerbaïdjan compte 11 062 personnes atteintes de cette maladie. Si en 1995 et 1996, le pays n'a pas enregistré de cas de Sida, il a en revanche comptabilisé 13 cas en 1997. La représentante a par ailleurs soulevé la question des invalides dont le nombre est estimé à près de 100 000, et dont de nombreux cas sont dus à l'agression du pays par l'Arménie.

En ce qui concerne les femmes rurales (article 14 de la Convention), Mme Abdullazadeh a expliqué que leur situation est liée étroitement aux problèmes de la redistribution des terres. Traditionnellement les travaux agricoles sont effectués par des femmes. Le Parlement a adopté une loi sur la redistribution de la terre qui la transmet aux citoyens du pays. Par ailleurs, un programme, en coopération avec des institutions européennes, vise à développer les cultures autonomes et indépendantes. Il y a encore un certain retard des femmes rurales par rapport à celles qui vivent en zones urbaines, même si elles s'organisent en coopératives. En tenant compte du niveau général de l'accès aux différents services, les femmes à la campagne sont dans une position défavorable. Après l'annulation exigée par les institutions monétaires internationales des avantages sociaux accordés à l'ensemble de la population, le Gouvernement a adopté en 1997 un certain nombre de mesures compensatoires, telle notamment l'augmentation du salaire des instituteurs.

Abordant la question des femmes réfugiées, la représentante a reconnu que tous les efforts des organisations humanitaires et du Gouvernement ne suffisent malheureusement pas pour répondre à leurs besoins. La situation continue d'être très préoccupante, même si les questions de l'éducation des enfants et de la mise en place de centres de santé dans les camps de réfugiés ont pu être partiellement réglées. La seule solution réside dans le règlement du conflit avec l'Arménie et l'évacuation des territoires occupés. Les femmes réfugiées ont conscience que l'aide étrangère ne suffit pas et elles veulent mener elles-mêmes des actions pour que cette situation cesse.

Remarques complémentaires des expertes et dialogue avec la délégation de l'Etat partie

Les expertes ont remercié la délégation de l'Azerbaïdjan des informations complémentaires qu'elle a pu fournir si rapidement. Un membre du Comité s'est déclaré très frappé par les remarques relatives à la division entre l'Etat et l'église et elle a souhaité savoir si cette division est inscrite dans la Constitution du pays. A cet égard, le Gouvernement a-t-il adopté la même attitude que la Turquie en 1923? Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie politique, elle a demandé si les femmes

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présentes au Parlement usent de leur influence pour faire avancer la cause féminine. De manière générale, elles ont estimé que la base structurelle et juridique en faveur des femmes est bien développée. Certaines expertes ont toutefois mis en garde contre le danger d'omettre les problèmes de la discrimination indirecte et d'inégalités de facto. Les influences conservatives persistent dans la société si l'on ne prend pas de mesures préventives suffisamment à temps, a fait remarquer un membre du Comité. C'est pourquoi il faut rester en alerte et pouvoir détecter les changements de stéréotypes. A cet égard, les expertes ont encouragé le Gouvernement à continuer de faire participer la société civile et les organisations non gouvernementales à la prise de décision. Elles ont également suggéré que les médias soient associés à la politique de promotion de la femme. L'héritage du passé soviétique n'est pas à ignorer et l'établissement d'une commission pour l'égalité semble aller dans le bon sens, à condition qu'elle s'accompagne d'une politique concrète.

Les expertes ont reconnu que le problème des réfugiés est prioritaire et elles ont suggéré que le Gouvernement fasse preuve de plus d'énergie pour régler la question.

Notant un fossé grandissant dans la société, entre le groupe supérieur de la population féminine, qui a un bon niveau d'éducation et le reste des femmes qui n'ont presqu'aucune formation, une experte a demandé au Gouvernement de mettre en place une politique éducative axée sur l'égalité d'accès à l'enseignement.

Une experte s'exprimant sur l'article 6 de la Convention a demandé des précisions sur la prostitution et plus particulièrement sur les mesures éventuelles à l'encontre des prostituées.

La représentante de l'Etat partie a indiqué que la Constitution ne prévoir aucun châtiment envers les prostituées. Si nécessaire, les femmes prostituées sont envoyées dans des centres de traitement médical qu'elles peuvent quitter librement après la fin de leur traitement. Aucune poursuite n'est prévue contre elles. Les mesures de châtiment sont prévues en revanche à l'encontre de ceux qui exploitent la prostitution.

Une experte a suggéré que dans le prochain rapport, le Comité dispose d'informations supplémentaires sur cette question. Elle a suggéré également à l'Etat partie d'établir un mécanisme au niveau national de prévention de la traite des femmes.

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