FEM/970

LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES EVOQUE LES LACUNES DE LA LEGISLATION DU ZIMBABWE

22 janvier 1998


Communiqué de Presse
FEM/970


LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES EVOQUE LES LACUNES DE LA LEGISLATION DU ZIMBABWE

19980122 Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport initial du Zimbabwe. Si les expertes ont félicité le Zimbabwe pour son engagement réel en faveur de la femme, elles ont relevé certaines lacunes dans la législation nationale et la persistance de la discrimination à l'égard des femmes dans de nombreux domaines. Ainsi, l'accès à l'enseignement et au travail des filles n'est pas égalitaire, la criminalisation de la prostitution ne se décline qu'au féminin tandis que les moyens de communication de masse contribuent au maintien des stéréotypes et des pratiques archaïques au détriment des femmes, lesquelles sont, par ailleurs, pratiquement exclues de l'héritage de la terre.

Le Comité entendra les réponses du Zimbabwe le mardi 27 janvier dans la matinée.

En fin de séance, Le Comité a adopté le rapport et les recommandations de son Groupe de travail pré-session, présenté par sa Présidente Mme Corti. Ainsi, le Comité est convenu d'entendre les représentants des institutions spécialisées et d'encourager les organisations non gouvernementales à lui présenter leur rapport. Le Groupe de travail pré-session a par ailleurs constaté la féminisation de la pauvreté et le fait que la religion servait bien souvent de prétexte pour freiner la promotion de la femme.

Les membres du Comité poursuivront leurs travaux demain, vendredi 23 janvier, à 10 heures. Les représentants de l'Azerbaïdjan répondront aux questions qui leur ont été posées le 20 janvier dernier, à la suite de leur présentation du rapport initial de leur pays.

Questions des expertes à l'Etat partie

Poursuivant l'examen de l'article 5 sur l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, une experte a souligné l'importance de cet article pour la mise en oeuvre de la Convention. Au Zimbabwe, le Gouvernement s'est illustré par son activisme dans ce domaine mais en revanche les moyens de communication de masse ne contribuent pas à l'égalité entre les sexes. Existe-t-il un programme d'action touchant à la communication de masse

S'agissant de l'article 6 sur le trafic et l'exploitation de la prostitution des femmes, une experte a demandé quelle était véritablement l'ampleur de la prostitution et du proxénétisme? On assiste à la criminalisation de la conduite de la femme alors que le comportement sexuel de l'homme qui achète les services sexuels d'une femme n'est pas du tout remis en question, a-t-elle relevé. Elle a demandé des chiffres sur les arrestations des femmes prostituées. Une autre experte a estimé que la tâche de ce Comité est d'exiger des Etats parties la mise en place dans ce domaine d'une législation efficace et des faits sur la réalité. Elle a précisé que cette législation doit protéger les droits des femmes qui s'adonnent à la prostitution ou qui sont victimes du l'exploitation de la prostitution. En résumé, il faut des législations efficaces mais non discriminatoires. Est-ce que la prostitution est une activité illégale? Est ce que les femmes prostituées ont les mêmes droits que les femmes en matière d'accès aux soins de santé? Il n'existe pas de normes particulières relatives à la traite des personnes. Existe-t-il au moins une certaine surveillance de la population immigrée ou émigrée et quelles sont les mesures prévues pour que cette population ne tombe pas dans le filet des trafiquants? Si cette surveillance existe, a-t-elle une incidence positive? Evoquant la catégorie de "témoins protégés" dont a fait état oralement le représentant de l'Etat partie, elle a demandé si les femmes prostituées sont considérées comme "témoins protégées" en cas de dénonciation des proxénètes. Par ailleurs elle a souhaité savoir si le mécanisme national de promotion de la femme prévoit des activités concrètes en faveur des prostituées.

Abordant la question de la participation des femmes à la vie politique et publique, un membre du Comité a rappelé que si les mesures juridiques prises dans ce domaine sont fondamentales, elles doivent s'accompagner d'une réelle volonté politique pour faire avancer les choses. Il a demandé, ce faisant, des précisions sur la situation générale de la vie politique au Zimbabwe. Le régime est-il pluraliste? Quel est le niveau de participation aux élections? Les partis politiques accordent-ils suffisamment d'importance aux problèmes quotidiens des femmes, ce qui à terme pourrait inciter ces dernières à participer plus activement? Est-ce que des femmes occupent des fonctions de direction dans les syndicats, ainsi que le recommande la Plate- forme de Beijing? L'experte a également souhaité connaître les mesures éventuelles qui auraient été prises par le mécanisme national pour les femmes dans ce domaine, ajoutant que des actions d'intégration positive sont particulièrement appropriées.

( suivre)

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Pour ce qui est des questions de nationalité, il a été fait remarquer que les modifications apportées en matière de transmission de la citoyenneté semble remplacer une discrimination par une autre. Sans considération de sexe, il est désormais aussi difficile pour le conjoint étranger homme ou femme d'un ressortissant du Zimbabwe d'obtenir la citoyenneté et l'autorisation de travailler, ce qui peut forcer les familles de nationalité mixte à aller vivre ailleurs.

Abordant le domaine de l'éducation, un membre du Comité a souhaité savoir si les écoles dispensent une enseignement sur les droits de l'homme et les questions d'égalité entre les sexes. Une experte s'est particulièrement félicitée des mesures prises pour ne plus interdire l'accès au collège des jeunes filles enceintes. Elle a demandé combien de jeunes filles ont pu poursuivre leur éducation après avoir donné naissance à leur enfant? Reçoivent-elles des allocations? Un autre membre du Comité a demandé comment elles sont ensuite acceptées et vues par leurs camarades de classe. Sont- elles d'une certaine manière mises à l'écart? Il a été également demandé de quelle confession sont les écoles privées mentionnées au rapport et comment elles sont financées. Une experte a fait part de son étonnement quant au fait qu'il existe, au niveau des écoles privées les plus exclusives, une ségrégation raciale. Le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre fin à cette pratique? Un autre membre du Comité a demandé si le Gouvernement a mis en place une politique particulièrement destinée à ralentir l'abandon scolaire des jeunes filles. Il a souhaité savoir si les programmes d'ajustement structurel en vigueur dans les pays en développement comme le Zimbabwe ont des effets négatifs sur la scolarisation des petites filles. Il a également fait remarquer que le port obligatoire de l'uniforme pour les élèves peut engendrer une discrimination sociale et sexuelle, car bien souvent les familles rurales n'ont pas les moyens d'acheter les 2 à 3 uniformes nécessaires par enfant. Dans la mesure où les autorités publiques ont conscience des barrières traditionnelles qui entravent l'éducation des petites filles, une experte a suggéré que des actions soient entreprises pour les supprimer. A cet égard, l'importance de la formation des instituteurs et professeurs sur les stéréotypes et les questions de parité a été soulignée.

S'exprimant sur l'article 11 relatif à l'élimination de la discrimination dans l'emploi, une experte a constaté que l'égalité dans l'emploi n'existe pas au Zimbabwe. Les emplois offerts aux femmes visent à les confiner dans leurs rôles de mères tandis qu'elles sont en règle générale sous-payées. Mentionnant le chiffre de 105 000 employées de maison, elle a demandé quel était leur salaire. Disposez-vous de lois régissant leur salaire et le nombre d'heures de travail ? Ces employées de maison bénéficient-elles de sorties? Avez-vous reçu des plaintes pour entorse à la réglementation? Y a-t-il des syndicats dans ce secteur et quel est le niveau d'adhésion des femmes? Elle a demandé si les employés à temps partiel sont prises en compte par les différents organes d'Etat relatifs au travail. Qu'en est-il des lois touchant au secteur privé?

( suivre)

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S'agissant de l'article 12 sur l'élimination de la discrimination dans le domaine de la santé, une experte a relevé l'existence d'une assurance maladie et de services de santé gratuits. Cette politique est excellente mais y-a-t-il une évaluation du respect de cette politique? Comment ces dispositions sont-elles appliquées en faveur de la population rurale et de la population urbaine pauvre? Les politiques portent essentiellement sur les services de santé mais elles ne tiennent pas compte des facteur sociologiques, a constaté l'experte. Le rapport ne décrit pas de mesures et programmes spécifiques qui prennent en compte les données sociologiques. Quel est la proportion de femmes des travailleurs communautaires dans le domaine de la santé? Le rapport ne contient pas d'information sur la coopération avec les ONG dans le domaine de la santé et de la reproduction alors qu'il existe des ONG très dynamiques au Zimbabwe. Dans quelle mesure travaillez-vous avec ces ONG? Une autre experte a félicité le gouvernement pour son implication visant à satisfaire les besoins de la population. En revanche, il est apparu que le système de santé se heurte à des difficultés particulières dues au HIV/sida. Le rapport ne nous donne que peu d'informations sur les facteurs freinant la mise en oeuvre des politiques gouvernementales contre la propagation du virus et notamment les contraintes financières. Selon le rapport, les femmes âgées de 15 à 19 ans constituent la majorité des cas de Sida tandis que 25 % des femmes enceintes sont séropositives. Quels sont donc les programmes prévus en faveur de ces femmes? La propagation du virus a également imposé un fardeau aux aides-soignantes. Quels types de soins à domicile existe-t-il? Pour ce qui est des programmes de planification familiale, l'experte a demandé si la gratuité des moyens de contraception est toujours valable aujourd'hui. Est-ce que le Gouvernement dispose de données sur les adolescentes enceintes? Il n'est pas inhabituel que le personnel de santé renvoie des jeunes filles ayant besoin de moyens de contraception. Que compte faire le gouvernement pour remédier à cette dichotomie? Les femmes sont-elles poursuivies en cas d'avortement? Une experte a noté qu'une femme étant enceinte après un viol a le droit à un avortement mais que dans les faits, il s'écoule un délai si long pour constater le viol que la femme a eu déjà eu son enfant. L'experte a suggéré au Zimbabwe de revoir sa législation en la matière.

Examinant la situation des femmes rurales, une experte a plaidé en faveur du développement des coopératives et organisations féminines pour faciliter l'accès des femmes au crédit. Elle a ajouté que, bien souvent, en milieu rural les femmes sont doublement discriminées en raison du manque d'éducation, des traditions, notamment en matière de mutilation sexuelle et d'une surcharge de travail due au poids des travaux agricoles et des tâches domestiques combinés. Elle a déclaré qu'il faut encourager les femmes à prendre conscience de cet état de faits pour qu'ensuite elles les dénoncent et les combattent. L'un des moyens d'action à ce niveau est la préparation des jeunes, filles et garçons, au mariage, a-t-elle suggéré. Par ailleurs, elle a estimé que l'introduction de certains progrès techniques, tel le recours aux moulins à grain remplaçant les méthodes traditionnelles du pilage, peut jouer en faveur de la promotion des femmes, dans la mesure où les machines permettent d'importants gains de temps.

( suivre)

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Pour ce qui est de l'égalité des hommes et des femmes devant la loi (article 15 de la Convention), une experte a demandé si les femmes mariées peuvent ester ou être poursuivies en justice de manière autonome. Relevant la mise en place d'un Centre de consultation juridique pour les femmes, elle a souhaité savoir si ce centre apporte également une aide judiciaire au moment du passage devant le tribunal. Une femme peut-elle s'adresser à ce centre en toute confidentialité et sans l'accord préalable de son père, son frère ou son mari? Dans le domaine de la propriété foncière, on révèle une discrimination dans la mesure où les femmes n'ont pratiquement pas la possibilité d'acquérir et de jouir des terres. Quelles mesures sont envisagées pour améliorer cette situation? Evoquant la pratique traditionnelle selon laquelle une veuve doit ensuite épouser un membre de la famille du défunt (pour que cette dernière conserve la dot), une experte a demandé si le Gouvernement entend combattre cette pratique et de quelle manière. Les membres du Comité se sont également inquiétées du fait que la majorité des mariages s'opèrent selon le régime du droit coutumier et ne sont pas enregistrés, ce qui laisse le Gouvernement sans moyens de contrôle. Une experte a constaté que le Zimbabwe ne dispose pas de loi spécifique relative à la violence au sein des ménages. Un examen en profondeur de ce phénomène a-t-il été entrepris, les autorités publiques tentent-elles d'obtenir des statistiques? L'experte a également fait observer que le rapport n'évoque absolument pas l'existence de centres d'accueil et d'abris pour les femmes battues.

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( suivre)

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