LE CONSEIL PRECONISE DES ETUDES PRELIMINAIRES SUR LA FACON D'IMPOSER UN EMBARGO EQUITABLE ET VERIFIABLE SUR LES ARMES AUX PARTIES AFGHANES
Communiqué de Presse
CS/881
LE CONSEIL PRECONISE DES ETUDES PRELIMINAIRES SUR LA FACON D'IMPOSER UN EMBARGO EQUITABLE ET VERIFIABLE SUR LES ARMES AUX PARTIES AFGHANES
19971216 Il déplore le refus des factions belligérantes afghanes de déposer les armes et la poursuite de l'appui militaire étrangerA l'issue de consultations sur la situation en Afghanistan, le Président du Conseil de sécurité, M. Fernando Berrocal Soto (Costa Rica), a fait, au nom des membres du Conseil, la déclaration suivante :
Le Conseil de sécurité a examiné le rapport du Secrétaire général, en date du 14 novembre 1997, sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales (A/52/682-S/1997/894), qui a aussi été examiné par l'Assemblée générale.
Le Conseil demeure vivement préoccupé par les affrontements militaires qui se poursuivent en Afghanistan, causant des souffrances parmi la population et provoquant des dégâts matériels, risquant de provoquer la désintégration du pays et présentant pour la paix et la sécurité régionales et internationales une menace de plus en plus grande. Il déplore que les factions afghanes en présence ne soient pas prêtes à déposer les armes et à coopérer avec l'Organisation des Nations Unies au rétablissement de la paix.
Le Conseil souligne que le différend en Afghanistan ne peut être réglé par des moyens militaires et que c'est aux parties afghanes elles-mêmes qu'il appartient au premier chef de trouver un règlement pacifique. Il demande instamment à toutes les parties afghanes de prendre de véritables mesures de confiance, de convenir immédiatement d'un cessez-le-feu et d'engager sans conditions préalables un dialogue politique visant à réaliser la réconciliation nationale, à convenir d'un règlement politique durable et à constituer un gouvernement pleinement représentatif qui protège les droits de tous les Afghans et s'acquitte des obligations internationales de l'Afghanistan.
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Le Conseil déplore que l'appui militaire étranger fourni aux parties afghanes se soit poursuivi avec la même intensité en 1997 et il demande de nouveau à tous les États de mettre fin immédiatement aux livraisons d'armes, de munitions et de matériel militaire à toutes les parties au conflit en Afghanistan, ainsi qu'à l'entraînement et à toutes les autres formes d'appui militaire qu'ils leur offrent, y compris à la participation de personnel militaire étranger.
Le Conseil encourage le Secrétaire général et les États Membres à entreprendre des études préliminaires sur la façon dont un embargo efficace sur les armements pourrait être imposé et appliqué de façon équitable et vérifiable.
Le Conseil est convaincu que l'Organisation des Nations Unies, intermédiaire impartial et universellement reconnu, doit recevoir tout l'appui nécessaire pour pouvoir continuer à jouer un rôle central dans les efforts concertés déployés sur le plan international, y compris par les pays et organisations intéressés, pour régler le différend par des moyens pacifiques. Il considère que des négociations politiques intra-afghanes, menées sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies avec l'assistance active et coordonnée de tous les pays intéressés, constituent le meilleur moyen de rétablir la paix et la sécurité en Afghanistan. Il réaffirme qu'il soutient sans réserve les activités et le mandat de la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan ainsi que ceux de l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour l'Afghanistan.
Le Conseil appuie les efforts faits par le Secrétaire général pour mettre en place un cadre international solide dans lequel aborder les aspects extérieurs de la question afghane et, dans ce contexte, note avec satisfaction la convocation de réunions officieuses de pays intéressés, ainsi que de celles des voisins immédiats de l'Afghanistan et d'autres pays.
Le Conseil reste profondément préoccupé par la discrimination qui se poursuit à l'égard des femmes et des filles et par les autres violations des droits de l'homme, ainsi que par les atteintes au droit international humanitaire en Afghanistan.
Le Conseil note avec une vive préoccupation les informations faisant état de massacres de prisonniers de guerre et de civils en Afghanistan et note avec satisfaction que le Secrétaire général a l'intention de continuer à mener des enquêtes approfondies sur ces informations.
Le Conseil se déclare profondément préoccupé par le pillage des locaux et des stocks de vivres des Nations Unies et par les restrictions imposées délibérément à des organisations humanitaires qui veulent se rendre dans certaines parties du pays ainsi qu'à d'autres opérations humanitaires, et demande instamment à toutes les parties d'éviter que la situation ne se reproduise.
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Le Conseil réaffirme que la poursuite du conflit en Afghanistan offre un terrain propice au terrorisme ainsi qu'à la production illicite et au trafic des drogues, qui amènent la déstabilisation dans la région et au-delà, et demande aux dirigeants des parties afghanes de mettre fin à ces activités.
Le Conseil prie le Secrétaire général de continuer à le tenir régulièrement informé de l'évolution de la situation en Afghanistan ainsi que de l'action qu'il mène.
Le Conseil restera saisi de la question.
Le Conseil de sécurité était saisi, pour l'examen de cette question, d'un rapport du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan (S/1997/894)
Rapport du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales
Ce rapport présente l'évolution de la situation en Afghanistan et les progrès accomplis par la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan. Il porte notamment sur les événements majeurs survenus en Afghanistan depuis l'adoption de la résolution 51/195 B du 17 décembre 1996, notamment les principaux événements militaires et politiques et les activités de la Mission spéciale. Il appelle également l'attention sur les activités à New York, en particulier sur la désignation d'un Envoyé spécial du Secrétaire généra Afghanistan et la convocation de la troisième réunion des Etats qui exercent une influence en Afghanistan.
Tout au long de l'année 1997, les affrontements militaires ont opposé les Taliban et les forces des cinq partis qui constituent l'Alliance du Nord, officiellement appelé Front islamique de salut national. Les Taliban ont continué à contrôler la majeure partie des provinces du sud, y compris Kaboul et les villes de Khandahar, Herat et Jalalabad. Au début de novembre, les Taliban où prédominent les Pachtounes continuaient à tenir environ les deux tiers du pays, mais n'avaient pas pu s'emparer des territoires du nord, qui sont surtout peuplés de Tadjiks, d'Ouzbeks et d'Hazaras.
Avec la poursuite des combats, la situation politique en Afghanistan est demeurée bloquée. Le clivage ethnique du pays de plus en plus accentué, et renforcé par l'appui politique et militaire extérieur, a continué de contrecarrer les efforts déployés pour amorcer une concertation politique entre les factions. Tout au long de 1997, ni les Taliban ni leurs adversaires n'ont semblé avoir sérieusement envisagé une solution politique plutôt que militaire au conflit afghan. Le Secrétaire général s'est déclaré
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particulièrement préoccupé par le refus des Taliban d'entamer des négociations avec l'Alliance du Nord dans son ensemble sans conditions préalables, et par leurs pratiques sociales et administratives. Les mauvais traitements infligés aux filles et aux femmes, qui n'ont plus droit ni à l'emploi ni aux soins de santé ni à l'éducation, lui semblent aussi particulièrement inquiétants. En outre, l'Afghanistan est devenu le plus important producteur d'héroïne du monde, la majeur partie du pavot utilisé à cette fin étant cultivé dans les zones contrôlées par les Taliban. Le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues a récemment annoncé que les Taliban avaient accepté de rechercher les moyens d'éliminer la culture du pavot. Les Taliban ont à nouveau insisté en 1997 pour que la communauté internationale les reconnaisse et leur accorde un appui.
En dépit du climat peu propice aux négociations qui a régné pendant la plus grande partie de 1997, la Mission spéciale des Nations Unies a persévéré dans ses efforts pour rétablir la paix. L'Afghanistan est un pays où même les autorités politiques locales responsables, sans parler du gouvernement central, ont pratiquement disparu. Cela explique en grande partie pourquoi les diverses tentatives de la communauté internationale d'instaurer la paix dans le pays sont restées infructueuses. Depuis le début des années 90, les factions et chefs militaires afghans n'ont jamais manifesté la moindre volonté de dépasser leurs intérêts étroits pour commencer à collaborer en vue de la réconciliation nationale. Bien que les grandes puissances pouvant exercer une influence en Afghanistan aient récemment commencé à manifester de l'intérêt, elles n'ont toujours pas démontré le degré de détermination nécessaire pour faire progresser la situation. dans ces circonstances, il est vain de croire que l'on puisse instaurer la paix et cela notamment lorsque des chefs de faction, qui sont résolus à se battre, reçoivent des quantités d'armes illimitées de protecteurs extérieurs. C'est ce soutien continu apporté par certaines puissances extérieures, ajouté à l'apathie des pays qui ne sont pas directement concernés, qui a renforcé la conviction des chefs militaires et des partis en Afghanistan qu'ils peuvent atteindre leurs objectifs politiques, religieux et sociaux par la force.
Le Secrétaire général regrette que les factions afghanes n'aient pas encore démontré qu'elles étaient prêtes à déposer les armes et à coopérer avec l'ONU en vue de rétablir la paix. De plus, il y a toujours des éléments, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, qui ont plus intérêt à ce que le conflit se poursuive qu'à ce qu'il soit réglé, situation classique dans les Etats dont les structures se sont effondrées et où les chefs militaires, les contrebandiers, les terroristes, les narcotrafiquants et autres prospèrent dans de telles conditions, alors qu'ils auraient tout à perdre avec le rétablissement de la paix et de l'ordre public. Il en va de même pour les pays qui fournissent un appui important aux belligérants en Afghanistan. tous proclament leur soutien aux efforts de paix des Nations Unies, mais ils continuent d'attiser le conflit par des transferts massifs d'armes, d'argent
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et d'autres fournitures à leurs factions préférées. Le Secrétaire général considère que ces intervenants extérieurs doivent être tenus pour responsables de l'aggravation du conflit qui ensanglante l'Afghanistan et son embrasement au delà des frontières, menaçant gravement l'ensemble de la région sous la forme d'actes de terrorisme, de banditisme, de trafic de drogues, de courants de réfugiés et de l'aggravation des tensions ethniques et sectaires.
La poursuite des livraisons massives d'armes et la disparité des vues des pays concernant le conflit amènent le Secrétaire général à penser qu'il faudrait élaborer un cadre international solide afin d'aborder les aspects extérieurs de la question afghane. Ce cadre permettrait aux voisins de l'Afghanistan et aux autres pays d'examiner la question de l'ingérence extérieure de manière cohérente. L'objectif essentiel consisterait à examiner comment ces pays pourraient aider l'ONU à amener les parties afghanes à la table des négociations, y compris les moyens équitables qui permettraient de réduire les transferts d'armes et autres matériels de guerre en direction de l'Afghanistan. Ces pays devraient également s'efforcer d'adopter une position commune en coordonnant leurs initiatives de paix par le truchement des Nations Unies. C'est, selon le Secrétaire général, la seule manière de faire entendre aux Afghans que la communauté internationale est résolue à instaurer la paix dans leur pays et que les factions belligérantes ne peuvent plus compter sur un soutien extérieur. A cet effet, le rapport propose que les Nations Unies et ses Etats Membres effectuent des études préliminaires sur la manière d'appliquer un embargo effectif sur les livraisons d'armes à l'Afghanistan de manière équitable et vérifiable et/ou les pays concernés devraient prendre des mesures unilatérales mais concertées en ce sens. Les réunions des pays ayant une influence en Afghanistan ("Groupe des 21") tenues à New York, ainsi que celles des voisins immédiats et autres pays ("Groupe des 8") s'inscrivent dans ce cadre. De plus, le Secrétaire général, avec la participation de son Envoyé spécial, M. Lakhdar Brahimi, continuera à convoquer des réunions officieuses avec ces pays. Parallèlement, le Secrétaire général a l'intention de maintenir des contacts étroits avec les parties belligérantes en Afghanistan, par l'intermédiaire de la Mission spéciale et au Siège de l'ONU, ainsi qu'avec d'autres particuliers et organismes afghans influents, afin de préparer le terrain pour un dialogue intra-afghan. Ce dialogue devrait dans une première étape être centré sur la conclusion d'un cessez-le-feu, suivie de négociations politiques débouchant sur l'instauration d'un gouvernement largement représentatif des intérêts des principaux segments sociaux, politiques et religieux du pays.
La Mission continuera à jouer un rôle important dans les activités menées par les Nations Unies en vue du rétablissement de la paix en Afghanistan. Il faudra en maintenir la structure actuelle, sa composition et ses effectifs, voire l'augmenter en cas de proclamation d'un cessez-le-feu.
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Son quartier général sera temporairement maintenu à Islamabad, tant que les conditions ne lui permettront pas de revenir à Kaboul. Le Secrétaire général envisage la possibilité de l'ouverture d'un petit bureau au Turkménistan, afin de renforcer les capacités de la Mission en matière de collecte d'informations, de liaison, et notamment avec les parties pour lesquelles le fait que le quartier général soit provisoirement à Islamabad présente des difficultés.
Le Secrétaire général souligne qu'au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus difficile de justifier la poursuite des efforts de paix de l'ONU et les dépenses qui en résultent, en l'absence de tout signe positif indiquant un changement fondamental dans la position des gouvernements qui sont en mesures d'apporter une contribution décisive à un règlement pacifique du conflit.
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