LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DOIVENT ETRE CREDIBLES ET LEGITIMES
Communiqué de Presse
SG/SM/6398
LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DOIVENT ETRE CREDIBLES ET LEGITIMES
19971119 On trouvera ci-après la déclaration faite par M. Kofi Annan, Secrétaire général, lors du Séminaire "Les derniers enseignements tirés des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies", organisé le 17 novembre à New York par le Gouvernement danois.Bonjour. C'est pour moi un grand plaisir de vous accueillir à ce séminaire important. La présence ici de représentants de si haut niveau montre clairement l'importance que vos gouvernements attachent aux problèmes auxquels se heurtent les opérations de maintien de la paix. Comme l'Organisation des Nations Unies, les nations et les organisations que vous représentez ont l'expérience de ces opérations. Tout comme l'ONU, elles ont dû s'adapter aux spécificités de chaque nouveau conflit qu'il ait lieu à l'intérieur des frontières d'un Etat ou qu'il en déborde.
Tous les conflits présentent toutefois des similitudes et certains problèmes sont récurrents. Plus nous les étudierons, mieux nous serons préparés à aborder les crises nouvelles, même si elles évoluent selon des voies divergentes. Aujourd'hui, l'Organisation des Nations Unies est régulièrement aux prises avec des problèmes qui échappent au schéma classique des opérations de maintien de la paix, elle doit opérer dans un contexte insaisissable, dans ce que l'on appelle la "zone grise", où le pouvoir est tombé entre les mains de factions, voire de sous-factions.
Notre mission de paix et de sécurité nous oblige de plus en plus souvent à parer à des menaces résultant de conflits internes qui peuvent avoir de graves répercussions sur le plan international. Face à ces défis, la communauté internationale a essuyé quelques revers, mais elle a aussi enregistré des succès dont nous avons tous lieu d'être fiers. Ces succès et ces revers ont été pour la communauté internationale autant de leçons qu'elle pourra mettre à profit pour mieux maîtriser et régler les conflits futurs. Je voudrais vous entretenir aujourd'hui de quelques-unes de ces expériences.
Première leçon : il est important, en cas de crise, que des troupes soient disponibles en temps utile. Il est donc pour nous encourageant qu'un certain nombre d'Etats, dans le cadre des arrangements relatifs aux forces et moyens en attente des Nations Unies, se dotent d'unités autonomes susceptibles d'être déployées immédiatement, sur décision du Conseil de sécurité, au cas où
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ces pays décident de participer à une opération. À ce jour, 67 pays se sont déclarés disposés à participer à des opérations de maintien de la paix, et ont fourni une liste des moyens d'intervention qu'ils peuvent mettre à disposition. Toutefois, il faut rembourser les pays fournissant des contingents et cela n'est possible que si les Etats Membres règlent entièrement et sans retard les contributions dues au titre du maintien de la paix. C'est là un sujet qui préoccupe de plus en plus les pays fournissant des contingents.
Deuxième leçon : "les Etats Membres de l'Organisation des Nations Unies doivent pouvoir déployer plus rapidement leurs troupes pour les opérations de maintien de la paix. C'est là une condition indispensable pour établir une présence crédible avant qu'un conflit ne dégénère et devienne impossible à maîtriser, comme c'est le cas depuis 1994 en Afrique, dans la région des Grands Lacs. Comme vous le savez, le Secrétariat a travaillé en coopération étroite avec les Etats Membres pour créer un noyau d'état-major de mission à déploiement rapide, chargé d'accélérer le déploiement des troupes. Malheureusement, sans l'appui financier des Etats Membres, cet état-major restera longtemps une simple virtualité. Nous avons toutefois bon espoir que les financements ne tarderont pas.
Troisième leçon : une opération de maintien de la paix est d'autant plus efficace que son personnel y a été préparé selon des normes communes. Certes, la formation des troupes aux opérations de maintien de la paix est du ressort des Etats Membres, mais le Secrétariat peut apporter son soutien aux efforts nationaux. Ainsi, le Groupe de la formation, du Département des opérations de maintien de la paix, a mis au point des manuels, des principes directeurs, des guides, et des vidéos. L'Organisation des Nations Unies a par ailleurs dirigé en Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique latine des ateliers régionaux de maintien de la paix et a lancé un programme de formation destiné au personnel des états-majors de mission.
Quatrième leçon : la motivation et la conviction politiques sont des éléments fondamentaux dans tout processus de paix. Lorsque les parties en cause veulent vraiment aboutir à un règlement, le désir de paix peut déplacer des montagnes. Mais quand le chaos règne, quand le pouvoir est entre les mains de factions dissidentes qui ne veulent pas réellement la paix, il y a des limites concrètes à ce que la communauté internationale peut faire. On ne saurait imposer le sentiment de l'intérêt commun ni la volonté de réconciliation.
Leçon accessoire : ce que la communauté internationale peut faire c'est de redoubler d'efforts pour offrir des incitations réelles à la paix, c'est-à- dire faire en sorte que les parties en cause sachent qu'elles ont plus à gagner de la paix que du simple état de non-belligérance. La paix doit se concrétiser pour elles par des avantages sur le plan de la qualité de la vie, de la civilisation et de la réceptivité des gouvernements.
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Il est une dernière leçon que j'ai déjà évoquée et qui concerne le recours à la force dans les opérations de maintien de la paix. Ce que nous avons appris, c'est que même si les parties en cause ont accepté une intervention, il est des cas où les soldats de la paix doivent avoir des moyens suffisants pour que l'on croie à leur capacité de se défendre et de mener à bien leur mandat. Dans certaines situations, une démonstration impressionnante de force est le meilleur moyen de ne pas avoir à y recourir.
Cette leçon a été bien retenue par l'Organisation des Nations Unies et appliquée dans les opérations qu'elle a menées seule ou en coopération avec l'Administration transitoire pour la Sla onie orientale et la Force de mise en oeuvre (IFOR) en Bosnie-Herzégovine. Toutes deux ont contribué de façon déterminante au maintien de la paix et de la sécurité dans une des régions les plus instables du monde. Le succès de la coopération entre l'Organisation des Nations Unies et la Force de stabilisation (SFOR) en Bosnie a fait ressortir le rôle des organisations régionales et des initiatives sous-régionales dans le maintien de la paix et prouvé que les opérations de maintien de la paix n'ont pas décliné au cours de ces dernières années, comme certains commentateurs l'ont laissé entendre, mais n'ont pas cessé de progresser.
L'Organisation des Nations Unies ne détient ni ne veut détenir le monopole du maintien de la paix et de la sécurité; les arrangements régionaux ont un rôle essentiel à jouer. La création du Mécanisme pour la prévention et la gestion des conflits, de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), marque un progrès important qui laisse bien augurer de l'avenir des interventions de médiation, des opérations de maintien de la paix et de la diplomatie préventive.
Le maintien de la paix et de la sécurité est la principale mission de l'Organisation des Nations Unies le premier but énoncé dans la Charte. La manière dont nous nous acquittons de cette mission aura une influence profonde sur notre avenir et sur la légitimité et la crédibilité de la société internationale telle que nous la connaissons. Le recours par la communauté internationale à des opérations de maintien de la paix, au nom de l'intérêt commun, doit être crédible et doit être légitime. Une force crédible mais non légitime peut obtenir des résultats dans l'immédiat, mais ne bénéficiera pas longtemps d'un soutien international. Une force légitime mais non crédible même si elle peut bénéficier d'un appui universel sera incapable de s'acquitter de son mandat.
Ensemble, crédibilité et légitimité, sous l'égide de l'ONU, sont garantes de l'efficacité du recours à la force pour la réalisation d'un idéal commun. L'unité d'action et la communauté d'intérêt supposent que le monde fasse à nouveau confiance à l'Organisation des Nations Unies. Nous nous y emploierons et nous réussirons. Je suis heureux de compter sur vous comme partenaires dans cette entreprise.
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