SG/SM/6385

LE SECRETAIRE GENERAL FELICITE LES PAYS IBERO-AMERICAINS DE CONTRIBUER A FAIRE PROGRESSER LA DEMOCRATIE

12 novembre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6385


LE SECRETAIRE GENERAL FELICITE LES PAYS IBERO-AMERICAINS DE CONTRIBUER A FAIRE PROGRESSER LA DEMOCRATIE

19971112 On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcé le 8 novembre, au Sommet ibéro-américain, sur l'île de Margarita (Venezuela) :

Le thème de ce Sommet ibéro-américain — les valeurs éthiques de la démocratie — correspond particulièrement bien au moment et à l'endroit. Dans le monde, quelque 120 pays tiennent désormais des élections généralement libres et honnêtes, le nombre le plus élevé qui ait jamais été. Et la vague de démocratisation la plus récente a pris naissance dans cette région, dans certains cas une dizaine d'années avant les tumultueux événements qui se sont produits en 1989 en Europe centrale et en Europe orientale.

De fait, la contribution des pays ibéro-américains au progrès de la démocratie non seulement modifie le paysage socio-politique et économique de votre région mais aussi donne à d'autres pays l'exemple d'une démocratisation en devenir et enrichit la notion même de démocratie.

Avant la vague la plus récente de démocratisation, les institutions démocratiques étaient souvent respectées dans la forme plutôt que dans les faits. Parfois même, la démocratie était considérée comme un luxe que les pays en développement, en particulier, ne pouvaient encore s'offrir, voire comme un obstacle à leur progrès économique. En outre, les valeurs démocratiques rebutaient souvent les pays qui avaient été exploités de manière impérialiste par ceux qui se faisaient les hérauts de ces valeurs.

Votre lutte et votre expérience ont contribué à modifier cette vision des choses. Vous avez montré que la démocratie peut tenir ses promesses, dans le Sud aussi bien que dans le Nord. Vous avez montré qu'un gouvernement efficace, transparent, responsable et participatif, soumis aux exigences du droit, doit étayer le développement économique durable et ne pas rester une promesse sans lendemain.

Votre expérience a aussi démontré que la transition vers la démocratie peut être difficile. Et pourtant, la poursuite persévérante de cet objectif et la recherche patiente des moyens nécessaires pour l'atteindre restent la

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seule ligne de conduite viable. Car il ne peut y avoir de développement durable des peuples, pour les peuples et par les peuples si les gouvernements ne sont pas véritablement démocratiques.

Nous sommes fiers, à l'ONU, d'avoir pu vous aider dans ces nobles efforts. Bon nombre de nos programmes destinés à promouvoir le bon fonctionnement des institutions politiques, à défendre les droits de l'homme, à fournir une assistance électorale, à faciliter la consolidation de la paix après les conflits et, bien entendu, à favoriser le développement, ont trouvé leur source première dans les pays ibéro-américains. En outre, nos missions de maintien de la paix ont maintes fois contribué à faire prévaloir la stabilité nécessaire à la transition vers la démocratie.

Cela étant, force nous est de constater que de nouveaux défis nous attendent et que nous devons trouver les moyens de les relever. Deux d'entre eux surpassent tous les autres.

Le premier est de consolider les gains démocratiques. Bien souvent, les institutions politiques nouvellement démocratisées restent fragiles, et la société civile, encore plus. Étayer ces institutions implique de créer des institutions parlementaires plus efficaces et plus réceptives, des pouvoirs judiciaires plus indépendants et des bureaucraties plus responsables.

De la même manière, il faut, pour qu'une société civile soit solide, qu'elle bénéficie d'une culture de la participation applicable à tous ses membres — femmes et minorités comprises — comme elle doit être le lieu où les valeurs civiques peuvent s'incarner et faire contrepoids à l'Etat et au secteur privé.

Bon nombre des démocraties nouvelles et des démocraties rétablies consolident leur régime politique actuellement, mais un problème très différent, qui n'a pas de précédent historique et dont l'étude ne peut s'appuyer sur aucune notion théorique, se fait jour : celui qui résulte de la mondialisation.

Historiquement, l'objet de la théorie et de la pratique démocratiques est "le peuple" d'un territoire donné. Or, à certains égards, la mondialisation rend cet objet problématique. Quel sens la participation et le consentement peuvent-ils bien avoir, en effet, lorsque des forces extraterritoriales pèsent lourdement sur la vie nationale? Quelle valeur peuvent avoir la citoyenneté et les droits des citoyens? Auprès de quelles instances les entités socio-économiques transnationales devraient-elles rendre des comptes? Et comment cette responsabilisation devrait-elle être structurée?

Je me hâte d'ajouter que la solution à ce problème n'a rien à voir avec un gouvernement mondial, qui est aussi difficile à mettre en place qu'il est

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peu souhaitable, mais plutôt avec des formes de contrôle démocratique plus efficaces, qui permettent à la démocratie de s'étendre au-delà des frontières pour mieux fleurir à l'intérieur des communautés politiques nationales.

Nous sommes confrontés, en notre qualité de fonctionnaires, à des difficultés énormes, à des obstacles considérables et à des critiques innombrables et nous ne sommes pas récompensés par de franches réussites. Pourtant, nous avons bien de la chance de pouvoir agir en cette période, qui est véritablement historique. Nous avons en effet la possibilité non seulement de remodeler les entités que nous dirigeons mais encore de modifier le rôle qu'elles jouent dans la conception des toutes nouvelles formes institutionnelles, et ce en cherchant à faire ce que nos prédécesseurs tentent depuis des millénaires : donner une expression politique au caractère sacré de la dignité humaine.

Permettez-moi de vous souhaiter — de nous souhaiter à tous — le courage et l'endurance que nous pouvons tirer de la justesse de notre cause.

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