TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 10 NOVEMBRE 1997
Communiqué de Presse
SG/SM/6386
TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 10 NOVEMBRE 1997
19971110Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Bonjour Mesdames et Messieurs. Tout d'abord, je pense que vous connaissez tous l'équipe qui est ici à mes côtés et je n'ai pas besoin de présenter M. Cárdenas, M. Brahimi et M. Eliasson qui se sont rendus à Bagdad et qui en sont revenus hier.
La semaine dernière, pour appuyer le Conseil de sécurité afin d'essayer de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve la situation en Iraq, j'ai décidé d'envoyer cette mission spéciale dans ce pays. Mes envoyés, M. Brahimi, M. Cárdenas et M. Eliasson, sont revenus à New York après deux jours de consultations à Bagdad, et ils m'ont rendu compte hier soir de cette visite.
J'ai également rencontré aujourd'hui M. Tariq Haziz, Vice-Premier ministre, et il a réitéré la position de son gouvernement et émis un certain nombre de doléances. J'ai mis en avant le message que mes envoyés avaient communiqué à Bagdad, en soulignant que tout ce qui devait être fait et tout ce qui était demandé était, pour l'Iraq, de s'engager à respecter les obligations découlant de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, mais qu'une fois cela réalisé, j'attendrais que le Conseil de sécurité à son tour soit prêt à entendre les doléances de l'Iraq.
Je pense que si l'Iraq faisait ce qui lui était demandé et si le Conseil était prêt à l'entendre, ce pays obtiendrait ainsi ce qu'il souhaitait obtenir de la mission il voulait être entendu; il n'a pas été entendu depuis longtemps. J'espère que, maintenant que M. Tariq Aziz est ici il vient juste d'arriver il ne m'a pas apporté la réponse que j'espérais obtenir de Bagdad et il ne m'a donné encore aucune réponse, mais j'espère qu'il existe encore une certaine marge de manoeuvre et que, d'ici un jour ou deux, les bonnes décisions seront prises.
Question (interprétation de l'anglais) : Monsieur le Secrétaire général, M. Tariq Aziz doit-il vous donner une réponse dans un certain délai avant que le Conseil ne se prononce sur d'éventuelles sanctions supplémentaires ou ne considère qu'il y a rupture de cessez-le-feu?
Par ailleurs, si l'Iraq reste sur ses positions, pensez-vous qu'il y ait rupture de fait de la résolution sur le cessez-le-feu?
Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : D'abord je dirai qu'habituellement ce n'est pas à moi d'intervenir dans les opérations de la Commission spéciale des Nations Unies. C'est une affaire entre l'Iraq et le Conseil de sécurité. J'ai apporté ma participation parce que je pensais devoir faire tout ce que je pouvais pour essayer de désamorcer la situation, pour essayer de faire baisser la tension avant que les choses ne nous échappent.
Je pense qu'à un certain moment le Conseil de sécurité et l'Iraq devront régler cette question. Si mes tentatives pour régler la question, mon offre d'assistance, mon offre de travailler avec toutes les parties intéressées pour
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apaiser la tension ne donnent aucun résultat, l'affaire devra alors être traitée entre l'Iraq et le Conseil de sécurité. Comme je l'ai dit, M. Tariq Aziz est à New York. Il ne m'a pas encore communiqué de message différent, et s'il n'était pas venu, l'affaire aurait dû être traitée directement entre l'Iraq et le Conseil.
Question (interprétation de l'anglais) : Pensez-vous que la situation pourrait ne pas être réglée, et, dans ce cas, pensez-vous qu'une issue violente soit possible?
Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Cette préoccupation a toujours existé et c'est la raison pour laquelle j'ai envoyé la mission.
Question : La mission est-elle revenue optimiste ou pessimiste?
M. Brahimi (interprétation de l'anglais) : Comme je l'ai dit hier, nous sommes des diplomates, et tant qu'une solution reste possible nous continuerons de tenter d'y parvenir. Mais je pense que la situation est extrêmement grave, et avec l'autorisation du Secrétaire général, mes deux collègues et moi-même avons dit à nos hôtes iraquiens que nous espérions très sincèrement qu'ils reviendraient dans le système, comme l'a dit l'Ambassadeur Cárdenas, et qu'ils travailleraient dans le système. Ils ont des doléances. Ces doléances doivent être écoutées et prises en considération. Mais cela ne peut se faire que lorsqu'ils auront réintégré le système, pas avant.
Question (interprétation de l'anglais) : Vous avez dit, Monsieur Annan, qu'il fallait laisser un peu plus de temps à l'Iraq. Que vous a dit M. Aziz? Est-ce qu'il vous a dit qu'ils cherchent encore des solutions? Quel message adresserez-vous au Conseil de sécurité qu'il devrait attendre pour prendre des mesures?
Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Non. D'abord ce n'est pas à moi d'accorder plus ou moins de temps. C'est une décision qui appartient au Conseil de sécurité. C'est une question qui relève du Conseil de sécurité. Comme je l'ai dit, je me suis impliqué dans cette situation parce que je souhaitais apaiser la tension. À présent, le Conseil va décider ce qu'il souhaite faire. Lorsque j'ai dit que M. Tariq Aziz vient d'arriver, et qu'il ne m'a pas encore apporté les réponses que j'attendais, je veux dire par là que, d'ici un jour ou deux, ou peut-être moins, je ne sais pas. Mais est-ce que le Conseil va attendre? Est-ce que le Conseil sera prêt à attendre? Je ne sais pas non plus. Je n'ai pas à prendre ces décisions pour le Conseil. Je suis désolé.
Question (interprétation de l'anglais) : M. Brahimi, selon les discussion que vous avez eues, quel est finalement l'objectif de l'Iraq? Veut-il rompre toutes les relations avec l'ONU? On dirait qu'il cherche le combat. Que veut exactement l'Iraq?
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M. Brahimi (interprétation de l'anglais) : M. Tariq Aziz est là, et comme vous le savez il est très éloquent. Je suis persuadé qu'il pourra vous dire beaucoup mieux que moi. Mais il y a un fait sur lequel ils ont toujours insisté, à savoir qu'ils ne veulent pas se battre avec le Conseil de sécurité; ils ne veulent pas se battre avec l'ONU. Ils souhaitent se conformer, mais ils ont des problèmes. Et ils nous ont dit quels étaient ces problèmes et je pense que vous les connaissez aussi. M. Tariq Aziz a déjà expliqué dans des conférences de presse quels étaient ces problèmes, et ils pensent que ce sont des problèmes dont il faut tenir compte.
Le gros problème, que tout le monde connaît, est évidemment la souffrance du peuple iraquien, qui est très réelle. Je pense que cela a été rapporté et documenté par l'ONU à plusieurs reprises.
Question (interprétation de l'anglais) : Monsieur Brahimi, lorsque Richard Butler a pris les choses en main cette année, il a dit entre autres qu'il espérait que si l'on arrivait à prouver que les Iraquiens s'étaient conformés, toutes les sanctions pourraient être levées et la mère de toutes les résolutions serait annulée. Mais il semble qu'on entend murmurer du côté de Washington qu'en aucun cas, tant que Saddam Hussein sera au pouvoir, ils n'envisageront de lever les sanctions. Est-ce que vous pensez que cela est vraiment utile pour obtenir la coopération des Iraquiens? Ont-ils soulevé la question de la lumière au bout du tunnel?
M. Brahimi (interprétation de l'anglais) : Oui, bien sûr. On en a beaucoup parlé. Et je pense que ce qu'ils ont dit, c'est qu'ils craignent que les sanctions ne vont pas être levées. Je ne ferai bien sûr aucun commentaire sur ce que les Américains disent ou ne disent pas. Mais les Iraquiens nous ont dit que c'est effectivement l'une de leurs principales préoccupations.
Question (interprétation de l'anglais) : Monsieur le Secrétaire général, en principe, pouvez-vous accepter qu'un pays comme l'Iraq décide quels pays peuvent être membres du groupe d'inspection ou de tout groupe de l'ONU?
Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Non, absolument pas. Je pense que les équipes des Nations Unies sont composées d'une manière strictement déterminée par les Nations Unies. Ces équipes sont composées sur la base des compétences et des besoins. Ce sont les Nations Unies et la Commission spéciale (CSNU) qui prennent la décision. Et il en va de même également pour le personnel qui travaille pour nous partout dans le monde. C'est nous qui déterminons qui fait quoi.
Question (interprétation de l'anglais) : J'aimerais adresser cette question à M. Brahimi et aux autres envoyés. J'ai examiné les documents de la Commission spéciale et ils présentent très clairement le fait que les Iraquiens prétendent s'être débarrassés de tous les éléments de guerre
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biologique et de la capacité d'en construire. Ils parlent des possibilités de dérobade, de dissimulation, de tromperie, de mensonge, etc. Après avoir passé plusieurs heures à écouter les Iraquiens, est-ce qu'ils vous ont donné des raisons plausibles qui permettraient d'expliquer leur position, leur justification ou leur motivation pour dissimuler ces armes biologiques?
M. Brahimi (interprétation de l'anglais) : Nous ne sommes pas des techniciens. Les instructions du Secrétaire général étaient de ne pas entrer dans le débat technique sur la manière dont le travail s'était fait, ce qui avait été obtenu, ce qui restait à faire, etc. Nous ne pouvions tout simplement pas aborder cet aspect.
Comme le disait le Secrétaire général, c'est la tâche de l'UNSCOM, à qui le Conseil de sécurité a confié le soin de faire ce travail et de présenter un rapport à l'Organisation des Nations Unies. Nous ne pouvions absolument pas entrer dans ce genre de débat.
Question : Il semblerait que vous avez eu des heures, si pas des jours, de longs discours, d'explications et de conférence? Est-ce qu'il y avait quelque chose dans ce qu'on vous a dit qui expliquerait pourquoi ils ne respectent pas ce qu'on leur demande? Ont-ils dit quelque chose?
M. Brahimi (interprétation de l'anglais) : Ils nous ont dit beaucoup de choses, mais nous leur avons dit que ce n'était pas à nous de dire si nous sommes d'accord ou pas d'accord avec ce qui a été dit ou de nous prononcer sur ce qui nous a été dit. Notre rôle était simplement de transmettre ce qui a été dit à l'ONU.
Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je pense que M. Brahimi a parfaitement raison. Le message était clair : obtenir le plein respect par l'Iraq de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de revenir sur la décision du 29 octobre. Ils n'étaient pas là pour négocier ou quoi que ce soit de ce genre. Ils devaient également écouter et rapporter ce que les Iraquiens leur ont dit. C'est exactement ce qu'ils ont fait.
Avant de terminer, je voudrais peut-être demander aux deux autres envoyés s'ils souhaitent ajouter quelque chose.
M. Eliasson (interprétation de l'anglais) : Nous avions deux tâches à accomplir. La première était de transmettre le message du Secrétaire général, comme il vient de vous le décrire. L'autre était d'écouter les préoccupations et les plaintes des Iraquiens. Nous avons passé beaucoup de temps, non seulement à écouter les explications des Iraquiens, mais également à leur expliquer pourquoi ils devaient revenir sur leur décision, pourquoi il était dans leur propre intérêt de travailler au sein du système, une des raisons étant qu'ils pourraient être entendus de manière plus équitable s'ils
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respectaient les résolutions du Conseil de sécurité. Ils sont en dehors du système et ils ont des plaintes qui ne peuvent être entendues. Ceci leur explique clairement le lien qui existe entre la première tâche et la seconde.
M. Cárdenas (interprétation de l'anglais) : Une simple petite note de bas de page. Nous leur avons également dit que les demandes qu'ils nous adressaient n'étaient pas réalistes. Et j'espère simplement qu'en parlant au Secrétaire général, en parlant au Groupe des cinq, en parlant au Conseil de sécurité, ils vont se rendre compte que l'on ne peut avec réalisme demander ce qu'ils demandent comme ils le demandent.
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