SG/SM/6365

LE SECRETAIRE GENERAL DIT A UN AUDITOIRE A CHICAGO QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES A UN ROLE CLEF A JOUER DANS L'EVOLUTION DU SYSTEME DE COMMERCE MONDIAL

28 octobre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6365


LE SECRETAIRE GENERAL DIT A UN AUDITOIRE A CHICAGO QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES A UN ROLE CLEF A JOUER DANS L'EVOLUTION DU SYSTEME DE COMMERCE MONDIAL

19971028 On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée le 20 octobre par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, au Centre du commerce mondial à Chicago :

Je suis très heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui dans cette grande métropole qui, pour être au coeur de l'Amérique et très loin des deux côtes, n'en est pas moins l'une des plus importantes places internationales du monde. C'est là que des immigrants sont venus s'installer, constituant une mosaïque urbaine colorée. Chicago s'honore d'abriter des consulats, des sociétés et des banques de pays de tous les continents. Sa production remarquable de produits manufacturés en a fait l'un des principaux exportateurs mondiaux.

J'ai remarqué qu'ici, à Chicago, les stations de radio donnaient le cours des produits de base aussi bien que le bulletin météorologique et les informations routières. Longtemps connue comme "la capitale du travail", Chicago est également "la capitale du commerce".

Le commerce est tout aussi important pour l'Organisation des Nations Unies que pour vous. Les opérations de maintien de la paix, les problèmes de réfugiés et les difficultés financières de l'Organisation maintiennent l'ONU à la "une" des journaux mondiaux. Les "Casques bleus" sont ce que l'opinion connaît le mieux de l'Organisation. Toutefois, la part de loin la plus importante de notre budget et le gros de nos effectifs sont consacrés au développement : la tâche la moins en vue, qui consiste à aider les pays à créer des emplois et à relever leur niveau de vie, et à aider les populations à mener, dans un climat de paix, des vies saines et productives. Le commerce et les investissements s'inscrivent au coeur de cet effort.

Le commerce international croît fortement à un rythme annuel de 10 % depuis le milieu des années 80, ce qui a permis à de nombreux pays en développement d'enregistrer des gains remarquables en prospérité et en croissance. Les investissements privés dans les pays en développement ont augmenté de manière encore plus sensible, passant de 5 milliards de dollars au début des années 70 à plus de 240 milliards de dollars aujourd'hui. Cela

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aussi a permis à certains pays de réaliser d'importants objectifs sociaux, économiques et environnementaux.

D'autres chiffres ne sont toutefois pas aussi encourageants. Douze pays reçoivent à eux seuls 80 % des flux de capitaux privés en direction des pays en développement. L'Afrique n'en reçoit que 5 %. Près d'une cinquantaine de pays en développement n'attirent pas de capitaux étrangers du tout. C'est de la marginalisation — le revers de la mondialisation.

L'extrême pauvreté demeure un fléau dont souffrent plus de 1,3 milliard d'individus, qui n'ont même pas accès aux services de base nécessaires en matière de santé, d'assainissement et d'éducation. Une centaine de pays sont plus mal lotis aujourd'hui qu'il y a 15 ans. Les budgets d'aide, déjà loin des objectifs fixés par l'Assemblée générale, ne cessent de diminuer.

Nous avons donc un tableau contrasté : progrès-embûches, possibilités- obstacles, richesse-pauvreté. Je suis fermement convaincu que nous pouvons faire pencher la balance du bon côté. Mais il nous faudra pour cela toute la volonté et la créativité que nous pourrons rassembler. C'est pourquoi j'ai cherché, depuis que je suis entré en fonctions au mois de janvier, à établir un nouveau partenariat entre les gouvernements, le secteur privé et la communauté internationale.

Nous vivons dans un monde en pleines mutations. Le capitalisme règne aujourd'hui presque sans partage. Tout le monde sait maintenant que les forces du marché sont essentielles au développement durable.

Le rôle de l'Etat change aussi. En Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans la Communauté d'Etats indépendants, les gouvernements s'engagent résolument dans la voie de la libéralisation économique et politique. Là où ils cherchaient autrefois à imposer un modèle de développement, ils s'attachent aujourd'hui à créer les conditions et les institutions susceptibles de promouvoir le développement et l'entreprise privée. L'ONU se félicite de ce changement, surtout du rôle croissant du secteur privé.

Les entreprises disposent de vastes ressources et constituent le principal moteur de la croissance dans le monde d'aujourd'hui. Leurs prouesses techniques et leur esprit d'entreprise en font les principales sources d'innovation et les principaux créateurs d'emplois et de richesses. L'ONU aimerait mettre ce dynamisme au service du bien commun. Mais de même qu'on ne saurait douter de l'importance des entreprises pour le développement économique et social, on ne saurait non plus douter de l'importance de l'Organisation pour le succès des entreprises.

En effet, le système des Nations Unies définit les normes techniques qui régissent la navigation maritime, les télécommunications et le fonctionnement des services postaux et qui rendent possibles les transactions internationales. Nous aidons les pays à privatiser les entreprises d'Etat, à créer des zones économiques spéciales, à éliminer les barrières tarifaires et

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à mettre en place des législations soucieuses de l'intérêt des entreprises. Nous protégeons les droits d'auteurs. Nos programmes de conduite saine des affaires publiques dénoncent la corruption, qui est considérée comme un obstacle particulièrement insidieux au développement et à la croissance. Nous sommes souvent la principale, voire l'unique source d'appui financier et technique de nombreux pays. Notre travail, pris au sens le plus large du terme, qu'il s'agisse d'assistance électorale, de promotion de l'alphabétisation et d'éradication de maladies, contribue à l'édification de sociétés stables, démocratiques et qui marchent.

Tels sont les atouts respectifs du secteur privé et de l’Organisation des Nations Unies, les contributions que nous sommes les seuls, de part et d'autre, à pouvoir apporter. Les avantages que cela présente pour les entreprises sont manifestes : risques atténués, naissance de nouveaux marchés, nouvelles possibilités de production et d'investissement, une économie mondiale et un système d'échanges obéissant à des règles et un ordre international placé sous le signe de la paix.

Ces avantages ne vont pas sans responsabilités. La mondialisation a aidé à créer une longue période d’expansion économique. Mais ce n'est pas une panacée. Nous devons garder à l’esprit que les forces du marché ne respectent pas toujours les exigences des Nations Unies : durabilité, équité, justice sociale et prévision à long terme.

Tous les pays en développement ne participent pas à l’économie mondiale. Nombre d’entre eux ne disposent pas des infrastructures physiques et institutionnelles nécessaires. Ou bien les communications laissent à désirer. Ou bien l'information fait défaut ou est incomplète. Ou bien les individus n'ont pas été formés aux nouvelles techniques. Ou bien les services financiers sont inexistants. Ou bien la bureaucratie gêne les investisseurs étrangers et les exportateurs au lieu de les aider.

Les responsables de la nouvelle économie mondiale ne doivent pas oublier les pays en développement. L’émergence de puissants blocs commerciaux régionaux a créé des débouchés et accru les possibilités d'échanges. Mais elle a également marginalisé davantage les pays les plus pauvres de la planète. Les producteurs des pays en développement craignent d’être absorbés par les sociétés transnationales. Les travailleurs ont le sentiment que leur emploi n'est assuré que tant que les entreprises n'ont pas trouvé un autre pays où la main-d'oeuvre est meilleur marché.

Si les pays en développement n’arrivent pas à intégrer le nouveau monde des échanges et des investissements internationaux, la cause du développement s'en ressentira. Et si le développement s'en ressent, il en ira de même pour la paix et la sécurité internationales. Dans le monde en pleines mutations qui est le nôtre, c’est peut-être là que l'idée que l'on se fait de la paix et de la sécurité a le plus profondément évolué.

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Pendant la guerre froide, la paix et la sécurité se définissaient simplement en termes de puissance militaire ou d’équilibre de la terreur. Aujourd’hui, nous comprenons mieux que les sources de conflit ne sont pas forcément militaires. Nous savons qu’une paix durable nécessite une vision plus large, englobant l’éducation et l’alphabétisation, la santé et la nutrition, les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Nous savons que nous ne pouvons pas nous sentir en sécurité lorsqu'il y a la famine. Nous ne pouvons pas édifier la paix sans faire reculer la pauvreté. Nous ne pouvons pas fonder la liberté sur l'injustice.

Dans le monde d'aujourd'hui, profit et développement vont de pair. Ils constituent les deux faces d'une même médaille. L'élan de la forte croissance enregistrée aujourd'hui a été imprimé par les pays du Sud. Cela vous offre, à vous, chefs d'entreprises et de sociétés, des possibilités inouïes. Il existe un lien manifeste entre la rentabilité et l'amélioration du niveau de vie des pays les plus déshérités de la planète.

Les centres de commerce mondiaux le comprennent. Ils collaborent avec la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pour promouvoir les échanges et offrir aux entreprises locales des possibilités d'échanges au niveau mondial.

Des centres de commerce mondiaux établis dans 25 villes du monde ont intégré le réseau dit des "points commerciaux" de la CNUCED. Ce sont des centres électroniques regroupant tous les services nécessaires aux transactions commerciales internationales : douanes, transitaires, sociétés de transport, banques, compagnies d'assurances et instituts de commerce étrangers.

Les villes de Détroit et de Minneapolis font partie de ce réseau, qui contient des données précieuses sur les marchés et opérations concernant plus de 7 millions d'entreprises à travers le monde. Il semblerait donc tout à fait normal que Chicago, ville portuaire classique, figure parmi celles qui construisent à l'heure actuelle les "cyberports" du XXIe siècle.

Le commerce, les investissements et le développement sont affaire de partenariat. Partenariats entre importateurs et exportateurs. Entre producteurs et consommateurs. Entre pays d'une région donnée et, en particulier, à l'heure de la mondialisation, entre pays du Nord et du Sud.

Le partenariat entre les entreprises, les gouvernements et l'Organisation des Nations Unies est l'un des plus féconds qu'on ait vu de récente date. Nous avons déjà atteint d'importants objectifs économiques. Mais nous pouvons faire plus. L'une des priorités de mon mandat de Secrétaire général sera de renforcer ce partenariat.

Je sais qu'il faut que le monde des affaires ait confiance en l'ONU pour que nous réussissions. C'est l'une des raisons pour lesquelles la réforme figure également au premier rang de mes priorités. Le train de réformes dont

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discutent actuellement les Etats Membres visent à modifier la manière dont l'ONU gère les ressources mises à sa disposition. Les propositions touchent pratiquement tous les aspects des activités que nous menons dans le monde. Nous cherchons à créer une culture de réforme, de sorte que ce qui caractérise l'entreprise privée — la souplesse, la cohérence et la rentabilité — deviennent aussi partie intégrante de nos méthodes de gestion.

Charles Sandburg, un digne fils de Chicago, a écrit, en 1992, que rien ne se réalisait s'il n'y avait d'abord eu un rêve. Les fondateurs de l'ONU ont eu un rêve : la paix, le progrès et la liberté pour tous les peuples du monde. Réalisons ces nobles aspirations. Mais montrons-nous aussi pratiques. Si nous renforçons notre coopération, nous pourrons, ensemble, aider à libérer le potentiel économique d'un monde sous-développé, pour le plus grand bien de l'humanité tout entière. Je suis impatient de travailler avec vous à la réalisation de cette tâche.

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