LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LA NECESSITE D'UNE ACTION INTERNATIONALE CONCERTEE POUR LA PAIX ET LA SECURITE EN AFRIQUE
Communiqué de Presse
CS/858
LE CONSEIL DE SECURITE EXAMINE LA NECESSITE D'UNE ACTION INTERNATIONALE CONCERTEE POUR LA PAIX ET LA SECURITE EN AFRIQUE
19970925 Il prie le Secrétaire général de lui présenter des recommandations concrètes sur les moyens de prévenir les conflits en AfriqueLe Conseil de sécurité, sous la présidence de la Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Mme Madeleine K. Albright, a tenu ce matin une réunion au niveau ministériel pour examiner la situation en Afrique. Il a adopté à l'issue de la séance, une déclaration lue par son Président, au nom des membres du Conseil, dans laquelle le Conseil appuie pleinement l'engagement des Nations Unies en Afrique pour les activités qu'elles mènent dans les domaines de la diplomatie, du maintien de la paix, de l'aide humanitaire, du développement économique et d'autres encore, souvent en coopération avec des organisations régionales et sous-régionales. Le Conseil souligne l'importance de l'engagement pris par les Nations Unies de soutenir, par l'intermédiaire du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres organisations à vocation humanitaire, les efforts faits par les États africains pour régler les crises humanitaires et celles provoquées par l'afflux de réfugiés, dans le respect du droit international humanitaire.
Le Conseil considère que les défis auxquels est confrontée l'Afrique exigent une réponse plus globale. À cette fin, il prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport, contenant des recommandations concrètes sur les sources des conflits en Afrique, les moyens de prévenir ces conflits et d'y mettre fin et la manière de poser par la suite les fondements d'une paix et d'une croissance économique durables. Le Conseil invite le Secrétaire général à présenter ce rapport à l'Assemblée générale et aux autres organes pertinents de l'Organisation des Nations Unies afin qu'ils lui donnent la suite qu'ils jugeront appropriée, conformément à la Charte des Nations Unies.
Le Conseil de sécurité avait auparavant entendu une allocution de M. Robert Mugabe, président du Zimbabwe et Président en exercice de l'Organisation de l'Unité Africaine. Il avait également entendu le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, et le Secrétaire général de l'Unité Africaine, M. Salim A. Salim. Les ministres des Affaires étrangères des pays membres du Conseil de sécurité suivants ont pris la parole: Chili, Chine, Costa Rica, Egypte, France, Guinée-Bissau, Japon, Kenya, Pologne, Portugal, République de Corée, Fédération de Russie, Suède, Royaume-Uni et Etats-Unis.
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Les intervenants ont estimé que la résolution des conflits en Afrique incombe, en premier lieu, aux organisations régionales et sous-régionales, notamment l'Organisation de l'Unité africaine, avec laquelle l'Organisation des Nations unies doit renforcer sa coopération. Des délégations ont rappelé le rôle principal du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, en Afrique comme ailleurs dans le monde. En conséquence, le recours à la force requiert toujours le feu vert du Conseil de sécurité. Les délégués ont également affirmé que le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique est étroitement lié à un développement économique et social durable du continent. Un nouveau partenariat est nécessaire, qui doit respecter l'égalité souveraine de chacun. Les pays africains ne demandent pas un traitement spécial, mais un traitement égal, a dit un ministre. Plusieurs représentants ont insisté sur la nécessité de défendre les droits de l'homme en Afrique.
Au cours de la séance, la Présidente du Conseil de sécurité a adressé, au nom des membres du Conseil ses condoléances au Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, M. Abdus Samad Azad pour le décès de son épouse.
Déclarations
M. ROBERT MUGABE, Président du Zimbabwe et Président en exercice de l'Organisaiton de l'unité africaine, s'est prononcé pour un nouveau partenariat entre l'ONU et l'OUA. Les réunions du Conseil de sécurité sur les questions africaines ont souvent été organisées au coup par coup. Aujourd'hui, cette réunion est différente et il est souhaitable qu'elle contribue à la relance de l'Afrique. L'OUA a accordé un intérêt particulier à la stabilité et est convaincue qu'une Afrique politiquement stable, prospère et dynamique est le meilleur moyen de contribuer à la paix et à la sécurité mondiales. Les pays africains tentent de résoudre les crises sous-régionales par des mécanismes et organismes sous-régionaux. Le soutien international leur est nécessaire. De nombreux pays africains ont adopté des réformes politiques et économiques pour s'ouvrir au monde. Ils ont besoin d'investissements dans des infrastructures de développement. La nécessité de telles politiques serait facilitée par le soutien des institutions financières et des donateurs internationaux.
Depuis 1990, de nombreux pays africains ont organisé des élections libres. Du fait des conditions économiques, cela n'a pas toujours été la panacée souhaitée. L'OUA a commencé de prendre des positions sans équivoque contre les gouvernements militaires ou non démocratiques. Nous avons montré, notamment en Sierra Leone et au Burundi, que nous ne tolérerons plus de tels régimes. Les Nations Unies et la communauté internationale doivent aider les pays africains à faire en sorte que la démocratie en Afrique devienne un processus irréversible.
M. Mugabe a rappelé les statistiques économiques et sociales très sombres concernant l'Afrique. Il s'agit là de pauvreté absolue. Face à ces données accablantes, la crédibilité de la coopération internationale est clairement en jeu. Le partenariat doit se concrétiser de manière urgente, notamment par l'allégement de la dette. Souvent dans le passé, l'Afrique s'est vu dicter ses priorités. Aujourd'hui, elle ne demande pas la charité mais un partenariat mutuellement avantageux fondé sur le respect de l'égalité souveraine. Elle est prête à jouer son rôle dans le nouvel environnement économique mondial.
Le Secrétaire général des Nations Unies, M. KOFI ANNAN, a fait remarquer que l'Afrique et les relations de l'Afrique avec le reste du monde sont en évolution. Ce faisant, il est approprié pour la communauté internationale d'examiner de façon approfondie les moyens permettant d'appuyer et d'assister l'Afrique en ce moment crucial de changement et d'espoir, a-t-il suggéré. Il y a dix ans, de nombreux pays africains étaient en crise. Des conflits sanglants ont fait rage dans différentes parties du continent. Les économies ont stagné. Le spectre de la famine, de la malnutrition et de la maladie a régné sur plusieurs pays africains. Mais maintenant l'Afrique redécouvre sa stabilité. Les investissements retournent en Afrique. Des millions d'Africains reprennent espoir pour eux-mêmes et pour leurs familles dans la mesure où la réforme contribue à la croissance des économies africaines. Il y
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a un nouvel élan en faveur de la démocratie dans une grande partie de l'Afrique. Les élections multipartites ont lancé l'ordre démocratique dans certains pays. Dans d'autres, le processus de démocratisation est en cours. Le lien qui existe entre le processus de démocratisation et les efforts visant à établir la justice sociale et le respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales est reconnu et compris.
Les Africains oeuvrent dans le sens du vent qui souffle autour de notre globe et ils commencent à recueillir les fruits. Le Secrétaire général a rappelé qu'il y a un nouveau consensus selon lequel il incombe en premier lieu aux Africains, eux-mêmes, de régler leurs problèmes. Cette nouvelle constatation appelle également à une réévaluation du rôle de la communauté internationale dans son appui aux objectifs de l'Afrique. Elle fait reposer les responsabilités tant à la charge des gouvernements extérieurs qu'à la charge des gouvernements africains. Au lieu de l'interventionnisme , l'avenir promet une relation solide établie sur la base d'un appui mutuel et de la confiance.
Concernant le développement de l'Afrique, le Secrétaire général a fait observer que les défis sont immenses. Sur 48 pays les moins avancés, 35 se trouvent en Afrique. L'Afrique est la seule région du monde où la pauvreté devra augmenter au siècle prochain. M. Annan a souligné qu'il faudra répondre de façon prompte et efficace à l'appel de l'Afrique. Il faudra le faire en prenant des mesures concrètes et en formulant des propositions claires pour agir. Pour ma part, a-t-il assuré, je continuerai à attirer l'attention du Conseil de sécurité sur les développements liés à la paix et à la sécurité qui exigent une action prompte pour prévenir l'escalade des conflits. Le Secrétaire général a invité la communauté internationale à appuyer les efforts déployés par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) pour renforcer son rôle dans le domaine de la diplomatie préventive. Les Nations Unies ont établi un partenariat étroit avec l'OUA. On peut donc bâtir sur des bases fermes. Les Nations Unies et l'OUA se consultent régulièrement sur les questions vitales concernant l'Afrique. Le Secrétaire général a souligné qu'il est important de mettre en place un mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des différends.
L'OUA a choisi d'axer ses efforts sur la diplomatie préventive et l'instauration de la paix; les Nations Unies ont pour leur part une expérience dans le domaine du maintien de la paix, de l'instauration de la paix et de l'édification de la paix. Les Nations Unies ont appuyé les efforts régionaux considérables qui ont été notamment déployés au Libéria et dans la République du Congo. La sécurité n'est plus confinée à la prévention des invasions. La véritable sécurité est garantie par une base ferme de développement durable. La poursuite de la paix et de la sécurité ainsi que l'édification de sociétés fondées sur la justice, la démocratie et les droits de l'homme sont intimement liées. Il faudrait poursuivre en même temps les objectifs de paix et de sécurité et ceux de développement économique et social. Sans la paix, le développement n'est pas possible; sans le développement, la paix n'est pas durable, a fait valoir M. Annan. Les Africains ainsi que leurs gouvernements
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ont une responsabilité commune pour mobiliser et optimiser leurs ressources internes. Ce n'est que par le biais d'une approche globale - conjuguant l'éradication de la pauvreté et la croissance - que l'on réussira. Des ressources plus importantes devraient être allouées aux investissements dans le domaine de la santé, de l'éducation, de l'approvisionnement en eau potable et d'autres infrastructures de base, ainsi que dans le domaine du renforcement des capacités nationales et de l'emploi. Il faudrait en outre apporter une assistance accrue aux pays africains pour leur permettre de créer un climat propice au renforcement de l'esprit d'initiative de leurs populations. Il est également urgent d'alléger le fardeau de la dette des pays africains. Se félicitant des initiatives prises par le G-7 concernant un nouveau partenariat triangulaire entre les pays développés, les pays en développement et les institutions multilatérales, le Secrétaire général a indiqué que les Nations Unies sont disposées à contribuer à leur mise en oeuvre rapide.
M. SALIM AHMED SALIM, Secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) a déclaré que les conflits qui ont frappé de nombreux pays africains ont causé des pertes et une destruction irréparables. Ils ont également causé des tragédies humanitaires indescriptibles. Ces conflits ont forcé des millions de personnes à l'exil. M. Salim a appelé à la réaffirmation d'un engagement commun pour mobiliser les ressources et l'énergie et oeuvrer étroitement afin de répondre de façon prompte et efficace aux conflits qui affligent le continent africain et de promouvoir un climat de paix, de sécurité, de stabilité et de compréhension. Dans cette voie, il faudrait concentrer les efforts sur la recherche de solution durable et pacifique aux différends qui existent notamment entre d'une part la Libye et d'autre part les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Le Conseil de sécurité pourrait examiner de façon approfondie la proposition conjointe présentée par l'OUA et la Ligue des Etats arabes visant à rechercher une solution juste et équitable à la crise. Nous devons tirer des leçons de nos expériences. Nous devrions apprendre de notre échec de prévenir de façon efficace le crime de génocide au Rwanda qui a débouché sur le massacre de centaines de milliers de personnes. Nous devrions tirer des leçons de l'incapacité du Conseil de sécurité à répondre de façon appropriée à l'appel des dirigeants africains de contribuer au règlement de la crise dans l'est du Zaïre. Nous devrions viser à établir un nouveau partenariat qui puisse nous permettre de faire face de façon durable aux problèmes sérieux auxquels le continent africain est confronté. Alors qu'il incombe, en premier lieu, à l'Afrique, comme à tout autre région, de prendre en main sa propre destinée, les Nations Unies ne peuvent se soustraire aux obligations que la Charte leur impose à l'égard de l'Afrique.
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M. Salim a proposé que les Nations Unies examinent, de façon approfondie, les positions du continent africain telles qu'elles sont exprimées par l'OUA. Concernant la coopération entre les Nations Unies et l'OUA, il faudrait établir un nouveau partenariat dans le cadre des dispositions du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies et de l'"Agenda pour la paix" sur le rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. A cet égard, M. Salim a réitéré que l'OUA est disposée à continuer d'oeuvrer étroitement avec le Secrétaire général des Nations Unies. Dans cette perspective, il faudrait être guidé par la nécessité d'assurer une décision complémentaire et rationnelle des travaux fondée sur des avantages comparés. Cette coopération devrait, en tant que question d'urgence, mettre l'accent sur les situations de violence et les conflits qui frappent le continent. Il faudrait en outre accorder une attention plus importante à la diplomatie préventive, à l'Action préventive et au déploiement préventif. Enfin, il faudrait viser à réorienter la coopération vers le renforcement des capacités conjointes de reconstruction après les conflits.
DON JOSE MIGUEL INSULZA, Ministre des affaires étrangères du Chili, a déclaré que la réunion d'aujourd'hui témoigne de la priorité que la communauté internationale accorde à l'Afrique et souligne les progrès des pays de ce continent et symbolise l'engagement d'intensifier la coopération internationale aux pays africains en fonction de leurs propres priorités. Le Chili est conscient que la paix du monde passe aussi par la stabilité en Afrique. L'OUA et les mécanismes sous-régionaux africains de règlement des conflits ont fait des progrès immenses qui doivent être soutenus. La communauté internationale doit respecter la spécificité de chaque situation. Souvent, les "experts" de l'Afrique se trompent. Il vaut mieux s'en remettre aux dirigeants et aux peuples. Il faut aussi insister sur la réconciliation nationale. C'est souvent difficile, a reconnu le ministre. Mais il n'y a pas de paix dans les faits s'il n'y a pas de paix dans les esprits. Il appartient aux dirigeants de montrer l'exemple. Le ministre a lancé un appel à chaque Africain et à la conscience du continent pour que cessent les atrocités humanitaires et que le droit humanitaire soit respecté dans la région.
Le Chili ne veut pas d'un XXIe siècle comptant des nantis et des exclus. Dans ce contexte, le développement et la stabilité de l'Afrique constituent une priorité pour la communauté internationale.
M. QUIAN QICHEN, Vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères de la Chine, a noté que la fin de la guerre froide en ses conséquences en Afrique. Depuis, grâce aux efforts des pays africains et de l'OUA, certains foyers de conflits ont été éteints et réglés. Toutefois, des raisons historiques et des facteurs internes et externes rendent la situation toujours instable. Depuis le début de cette année, en particulier, on assiste sans cesse à des agitations et des conflits dans des régions du continent. Or le développement est impossible sans stabilité. La communauté internationale et les pays développés doivent porter une plus grande attention au
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développement de l'Afrique. La Chine se réjouit des changements positifs survenus en Afrique et se préoccupe profondément de l'agitation et des conflits locaux actuels. Elle appelle toutes les parties en conflit à tenir compte des intérêts fondamentaux de leurs pays et de leurs peuples et à résoudre les conflits et litiges par la voie pacifique. Elle soutient la position selon laquelle les pays africains doivent choisir librement leurs systèmes politiques et leurs voies de développements.
La Chine s'oppose à l'ingérence de forces étrangères. Elle appuie les efforts des pays africains et des organisations régionales telles l'OUA et la Ligue arabe. Elle estime que la communauté internationale doit faire cas des problèmes en Afrique, tenir pleinement compte des revendications raisonnables de l'Afrique et aider les pays du continent dans leurs efforts de stabilité régionale. Elle est favorable à la présentation d'un rapport par le Secrétaire général sur la solution des problèmes auxquels font face les pays africains. Elle est favorable à l'instauration, au plus tôt, d'un nouvel ordre politique et économique international, juste et rationnel qui engendre un environnement extérieur favorable à la stabilité et au développement continu de l'Afrique tout en assurant la paix et un développement durable. La Chine est persuadée que les pays africains sont en mesure de trouver des solutions à leurs conflits et litiges intérieurs.
M. FERNANDO NARANJO-VILLALOBOS, Ministre des affaires étrangères du Costa Rica, a salué le choix des pays africains, de résoudre leurs propres conflits dans le cadre de leurs organisations régionales ou sous-régionales. La Costa Rica encourage à persévérer dans cette voie, en coordination avec les Nations Unies et dans le respect de la Charte et du droit international. Le respect et la promotion des droits de l'Homme sont essentiels pour le Costa Rica. Le Conseil de sécurité doit avoir un langage clair: les actes de la communauté internationale en faveur de la sécurité et de la paix internationales n'auront de sens et ne seront durables que si l'on exige un respect inconditionnel de ces droits pour résoudre les conflits. Aucune raison ne peut être invoquée pour justifier leur violation et garantir une quelconque immunité. Le Costa Rica se joint à la reconnaissance internationale des pays africains qui ont choisi la voie de la démocratie, du respect des droits de l'homme et le progrès par des réformes économiques, comme le meilleur moyen de résoudre les conflits et violences et de garantir la croissance et le développement durable.
Il est toutefois décourageant de voir persister de graves déséquilibres sociaux et économiques, qui ne pourront être résolus sans la volonté des dirigeants politiques de ces pays et de la communauté internationale. La coopération internationale doit être inconditionnelle. Elle devra toutefois être accrue au profit des pays qui progressent dans la voie de la démocratie, du respect des droits de l'homme, de la lutte contre la corruption et du désarmement. Il faudrait inciter les pays fabricants d'armes à exercer un contrôle effectif sur leurs exportations d'armes vers l'Afrique. On ne peut demander aux pays africains de se lancer dans une libéralisation effrénée, a observé le Ministre qui a ajouté que pour consolider la paix en Afrique, il
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serait nécessaire d'établir un vaste programme de reconstruction sociale et économique qui bénéficie d'un large soutien de la communauté internationale et qui intègre l'inestimable contribution des organisations non gouvernementales. Ce serait le fondement d'une paix solide et durable.
M. AMRE MOUSSA, Ministre des affaires étrangères de l'Egypte, a souligné que l'Afrique a besoin, en ce moment crucial, du renforcement de la sécurité et de la stabilité, de la promotion de règlement pacifique des différends africains ainsi que du règlement urgent des problèmes des réfugiés. L'Afrique doit également réaliser son développement économique et social et renforcer l'intégration tant au niveau sous-régional qu'au niveau de l'ensemble du continent. L'Afrique doit en outre promouvoir la participation de toutes les couches sociales au processus de démocratisation des communautés africaines et au respect des droits de l'homme. Des mesures importantes ont déjà été prises en Afrique pour répondre à ces exigences, notamment, la création en 1993 d'un mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des différends. Les pays africains ont également établi une zone de dénucléarisation et adopté la Déclaration du Caire qui encourage à faire de même dans d'autres régions du monde, en particulier au Moyen-Orient. Il est donc impératif que la communauté internationale renforce le rôle de l'OUA et lui apporte l'appui politique et technique nécessaire pour contribuer au règlement des différends en Afrique. De l'avis de M. Moussa, il revient aux membres du Conseil de sécurité et, en particulier, de ses cinq membres permanents d'appuyer les opérations de maintien de la paix et de mettre à la disposition des ces opérations les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires à leur mandat.
Le Ministre s'est félicité que le Secrétaire général ait indiqué que des contacts réguliers ont été établis entre l'ONU et l'OUA et qu'il a désigné un Représentant personnel pour les deux organisations dans la région des Grands Lacs. Se félicitant également de l'initiative des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni de renforcer les capacités africaines en matière de maintien de la paix, M. Moussa a estimé que cette démarche devrait se concrétiser par une pleine coordination entre les deux organisations. Elle devrait se faire en conformité avec le mandat des Nations Unies dans le domaine de maintien de la paix. Un mécanisme conjoint devrait être créé pour assister les pays africains à trouver des solutions promptes aux crises.
Depuis que les pays africains réalisent l'importance de la dimension économique dans l'instauration de la stabilité ainsi que l'importance d'une intégration économique efficace comme le seul moyen pouvant éviter la marginalisation, un certain nombre de mesures ont été prises pour établir la Communauté économique africaine et revitaliser les regroupements sous- régionaux. Ces mesures ont permis, notamment, la suppression des barrières commerciales et tarifaires et la libre circulation des capitaux et des personnes tout en créant un climat propice aux investissements étrangers. Toutefois, pour obtenir des résultats positifs, ces efforts régionaux exigent un climat international favorable. L'assistance étrangère - bien qu'elle soit nécessaire - demeure insuffisante. La mise en oeuvre des différents
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programmes d'action adoptés par l'Assemblée générale n'ont pas répondu aux attentes des pays africains. L'Afrique demande, en tant que priorité, l'allégement du fardeau de la dette, le renforcement des investissements directs étrangers ainsi que l'accroissement de ses exportations.
En appui à la démocratie et au respect des droits de l'homme en Afrique, les Chefs d'Etat et de gouvernement africains avaient adopté une déclaration en 1990, renforcée par la Charte africaine sur les droits de l'homme et les droits des peuples. L'élaboration d'un protocole sur la création d'une cour africaine chargée de connaître les violations des droits de l'homme est sur le point d'être finalisée. Des élections ont été organisées dans de nombreux pays africains. Le respect des principes de la démocratie exige un climat exempt de souffrances engendrées par la pauvreté, la faim et la guerre. L'Afrique cherche à tirer parti des avantages de la démocratie au niveau international. A cet égard, M. Moussa a réaffirmé l'appui collectif de l'Afrique au processus de réforme et de restructuration du Conseil de sécurité, qui tiendrait compte d'une répartition géographique équitable dans laquelle l'Afrique voudrait disposer de sièges permanents et de sièges non permanents.
M. HUBERT VEDRINE, Ministre des affaires étrangères de la France, a déclaré que depuis 1995, le continent africain a renoué avec une croissance supérieure à son taux de croissance démographique. Toutefois, la part globale de l'Afrique subsaharienne dans les échanges mondiaux n'a cessé de se dégrader depuis 25 ans pour n'en représenter aujourd'hui qu'1,5%, ce qui met en évidence la difficulté de l'Afrique à s'insérer dans le processus de mondialisation en cours. Le fardeau de la dette reste un handicap majeur pour l'Afrique au moment où elle cherche les voies d'un nouveau dynamisme. A ses contraintes fortes, il faut ajouter la tendance à la réduction de l'aide publique internationale qui est intervenue au moment où l'Afrique engageait des processus d'ajustement structurel courageux. De l'avis de la France, la réduction des flux d'aide internationale constitue un risque majeur d'aggravation des tensions et des crises en Afrique. La France a défendu ce point de vue lors de la renégociation du Fonds européen de développement, en 1995 et au Sommet du G7 en 1996.
En ce qui concerne les questions de sécurité, des signes d'espoir apparaissent avec l'implication de plus en plus active de l'OUA dans nombre de situations délicates. Certaines organisations sous-régionales constituent déjà des facteurs de stabilisation. La diplomatie préventive des Chefs d'Etat concourt heureusement à dénouer nombre de différends. Cette évolution positive doit être encouragée mais il faut en plus mettre en place des mécanismes permettant à la communauté internationale de coordonner son aide aux Etats et aux instances africaines. Partant, la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont décidé de coopérer pour renforcer les capacités des pays africains dans le domaine du maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies.
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Aider l'Afrique dans ce domaine ne signifie pas que la communauté internationale doit simultanément se désengager de ses responsabilités. La France, pour sa part, s'est employée inlassablement à apporter sa contribution à la prévention des conflits, en privilégiant davantage une approche multilatérale des questions de sécurité en Afrique. Tout en maintenant ses accords de défense avec certains pays, elle a refusé de se laisser impliquer dans des conflits internes ou de s'ingérer dans les affaires intérieures de ses partenaires africains. La France a clairement choisi sa politique : soutien à l'Etat de droit, à la démocratie, à la bonne gouvernance, en faveur du développement, clé de la stabilité et de la paix en Afrique.
M. FERNANDO DELFIM DA SILVA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée-Bissau, a noté que les changements importants intervenus en Afrique ces dernières années sont le fait de la volonté des dirigeants de satisfaire les aspirations de leurs peuples à plus de liberté et de démocratie. Parfois aussi, elles sont la conséquence tragique d'un refus d'une telle politique, qui amène alors des protestations violentes et parfois armées. Aucun peuple africain n'accepte plus aujourd'hui de vivre sous la férule d'un régime dictatorial. Mais s'il est vrai que la démocratie et le pluralisme politique font désormais partie du vocabulaire politique en Afrique comme ailleurs, des principes non moins importants, tels que la tolérance, le respect de la personne humaine ou le droit à la différence ne sont pas encore ancrés dans toutes les mentalités. L'Afrique souffre de nombreux maux et cette réunion est une expression éloquente de l'intérêt que le Conseil de sécurité lui porte, ainsi qu'une marque d'amitié à l'égard de ses peuples.
L'Afrique occupe de façon permanente et de plus en plus préoccupante les devants de la scène internationale. Nous avons le devoir de chercher ensemble les raisons de toutes ces calamités et de proposer des solutions. Certes, l'ONU ne peut pas tout faire mais, ensemble, nous pouvons entreprendre plus et réussir davantage. Evertuons-nous à attacher le même prix à la vie de chaque être humain partout dans le monde. La souffrance en Afrique ne doit pas être considérée comme une fatalité. Le ministre a toutefois mis en garde contre les mesures coercitives que le Conseil de sécurité peut décider, et dont les conséquences humanitaires peuvent porter préjudice à des populations innocentes. Ces sanctions doivent être limitées dans le temps. Ainsi, le cas de la Libye devra être reconsidéré.
Il appartient d'abord aux Gouvernements africains d'assurer le respect des droits fondamentaux de leurs citoyens. Cependant, même lorsque les pays l'ont embrassée, la démocratie ne peut être viable que si elle est réalisée dans la durée en tenant compte des spécificités culturelles de chacun. La démocratie est un processus de longue haleine qui, quoique dépendant surtout de chaque peuple, doit pouvoir s'appuyer sur l'aide internationale. M. Delfim Da Silva a demandé la création de mécanismes permettant d'augmenter la capacité de pays africains à contribuer au règlement des conflits dans leur région. Il a salué l'initiative récente de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis dans ce domaine. Mais il importe surtout de donner aux Africains les moyens de prévenir ces conflits en appuyant les efforts de l'OUA ou
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d'organisations sous-régionales telle la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui a joué un rôle unanimement reconnu dans le règlement du conflit au Libéria. Il faut enfin veiller au respect de la personne humaine et aider les pays africains à créer des conditions propices au progrès économique. Les délibérations d'aujourd'hui constituent la première étape d'une réflexion collective. Il importe que le dialogue soit poursuivi. M. KEIZO OBUCHI, Ministre des affaires étrangère du Japon, a observé que le Conseil de sécurité, qui est doté d'un mandat en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, devra jouer un rôle plus actif pour assister les efforts des pays africains à prévenir et à régler les conflits régionaux. C'est précisément dans ce contexte que la réforme du Conseil de sécurité, visant à rendre cet organe plus légitime et plus efficace, est si urgente en ce moment. Pour traiter de ces questions, le Conseil de sécurité devra développer une coopération plus étroite avec les organisations régionales et sous-régionales telles l'OUA et la CEDEAO. Ayant ceci à l'esprit, le Japon convoquera, en janvier 1998, à Tokyo une conférence internationale sur la stratégie préventive, axée, en particulier, sur l'Afrique. Il a émis l'espoir que, sur la base de la présente réunion du Conseil de sécurité, des recommandations concrètes seront adoptées par la conférence en vue de renforcer une telle coopération. Louant les efforts des institutions humanitaires internationales, le Japon estime que le Conseil de sécurité devra développer davantage ses relations avec ces institutions.
Faisant observer que la question du développement est liée aux conflits en Afrique, M. Obuchi a estimé que sans le développement les causes du conflit ne seront pas éliminées et que sans la paix, les conditions nécessaires au développement ne pourront être réalisées. C'est pourquoi, le Japon a pris une initiative en faveur d'une "nouvelle stratégie pour le développement qui est fondée sur la ferme reconnaissance d'un véritable partenariat entre les pays en développement et les pays industriels. C'est une stratégie globale qui vise à réaliser le développement par le biais d'une association organique de l'aide publique au développement, du commerce, du développement des ressources humaines et d'autres moyens. A cette fin, le Japon organisera à l'automne 1998, en coopération avec les Nations Unies et la Coalition globale pour l'Afrique, la deuxième conférence internationale sur le développement en Afrique, à laquelle participeront au niveau ministériel tous les pays africains. Le Ministre a souligné que l'instauration de la stabilité en Afrique sera essentielle à la promotion de la prospérité fondée sur la paix et la stabilité.
M. STEPHEN KALONZO MUSYOKA, Ministre des affaires étrangères du Kenya, a jugé que le fardeau des conflits en Afrique constitue peut-être le problème socio-politique le plus urgent à résoudre. Les gouvernements africains, ayant reconnu le danger que représentent ces conflits, déploient tous les efforts pour les régler. A cette fin, ils ont pris des mesures collectives et reconnu le rôle important que la communauté internationale peut jouer dans cette tâche difficile. En 1993, les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont créé le Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits de l'OUA et, aujourd'hui, nombre d'initiatives régionales sont lancées pour tenter de
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résoudre ces conflits. Dans la sous-région, l'Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) s'est impliquée activement dans le règlement des conflits, en particulier au Soudan et en Somalie. La participation de l'IGAD en Somalie a donné lieu à des résultats encourageants. La Conférence de Bossasso, qui doit se tenir au cours du mois de novembre, donnera sans doute un nouvel élan au processus de réconciliation et de reconstruction nationale en Somalie.
Reconnaissant le rôle important du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Ministre a souhaité que le Conseil applique les mêmes normes d'urgence qu'il applique pour les autres régions du monde. Passant à la situation socio-économique de l'Afrique, il a fait observer qu'au niveau régional, un traité d'intégration économique est entré en vigueur, et que le processus d'intégration est en cours. Dans le même temps, nombre de gouvernements sont en passe de mettre en oeuvre des réformes élargies dans le domaine économique. Le Ministre a recommandé à la communauté internationale de redéfinir les relations entre l'Afrique et les acteurs principaux de l'ordre économique mondial; les institutions de Bretton Woods devant réexaminer leurs politiques en Afrique.
M. DARIUSZ ROSATI, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a affirmé que le caractère récurrent des conflits en Afrique s'explique par un profond sous-développement socio-économique aggravé par des facteurs ethnique, culturel et religieux. Le caractère unique de ces crises souligne la nécessité d'élaborer un concept d'assistance internationale qui prendrait en compte les causes sous-jacentes des conflits dans toute leur complexité. Il est donc important que les recommandations que devra présenter le Secrétaire général se fonde sur une identification précise des origines des conflits. Elles doivent également inclure des modes d'assistance internationale pour une reconstruction et un redressement complets de l'administration, de l'économie et des infrastructures sociales. Ces initiatives ne constituent qu'un premier pas, certes, indispensable au retour à la normalité des pays en crise. Toutefois pour le Ministre des affaires étrangères, il convient de définir, avec le concours des pays africains eux-mêmes, le concept de normalité.
En réfléchissant à leur avenir, les pays africains doivent privilégier des solutions qui ont fait leur preuve et les enrichir de leurs propres expériences et traditions tout en gardant à l'esprit la place centrale des normes universellement reconnues que sont la démocratie, la règle de droit et les droits de l'homme dans les relations internationales contemporaines. La Pologne est fière de participer aux efforts de règlement des conflits déployés par les Nations Unies en Afrique, en particulier les opérations de maintien de la paix. Le rôle militaire de la Pologne, si important soit-il, est complété par une assistance dans les autres domaines essentiels au développement harmonieux de chaque pays impliqué dans un processus de réformes fondamentales et systématiques.
M. JAIME GAMA, Ministre des affaires étrangères du Portugal, a rappelé
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que son pays a soumis à ses partenaires de l'Union européenne une proposition tendant à convoquer un Sommet sur l'Afrique pour établir, pour la première fois, un dialogue politique de très haut niveau entre les deux continents. L'objectif principal sera de placer l'Afrique en tête de l'ordre du jour international en tant que continent dont la dimension et le potentiel économique méritent un nouveau mode de relations. Le Conseil de l'Europe a approuvé la tenue du sommet en l'an 2000. Le Portugal a également participé à plusieurs opérations de maintien de la paix en Afrique et continue de consacrer des ressources considérables à l'aide au développement dans différents pays d'Afrique.
Le Portugal a fondé avec les pays lusophones d'Afrique la communauté des pays de langue portugaise. Cette communauté qui comprend 200 millions de personnes entend intensifier la coopération, créer des mécanismes de coordination et tenir des consultations diplomatiques dans les domaines d'intérêt commun. S'agissant de la paix et de la sécurité sur le continent, le Ministre a jugé indispensable la participation active de pays africains dans l'élaboration de doctrines et de concepts sur lesquels les mécanismes de gestion des conflits se fondent. Toutefois, un concept, tel que "l'Afrique aux Africains", ne doit pas servir de prétexte pour un désengagement du continent.
M. CHONG-HA YOO, Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, s'est déclaré particulièrement préoccupé par le caractère complexe de l'origine des conflits en Afrique. Les différences ethniques, la pauvreté, la circulation aisée des armes ou d'autres facteurs encore se voient constamment exploités par les seigneurs de la guerre et les dirigeants des factions armées. Face à cette situation, la tendance du Conseil de sécurité est de s'engager davantage dans la région. La République de Corée appuie cette tendance et est fermement convaincue que le Conseil peut ajouter davantage de consistance et d'efficacité à ses décisions. De l'avis de la République de Corée, des efforts supplémentaires doivent être déployés pour renforcer la coordination entre les Nations Unies et l'Organisation de l'unité africaine, les organisations et autres mécanismes régionaux. Une telle coopération permettra au Conseil de s'appuyer davantage sur les ressources et les compétences locales. Les Nations Unies et les mécanismes régionaux doivent davantage se concentrer sur la prévention des conflits. La communauté internationale doit en outre renforcer la capacité de maintien de la paix de l'Afrique pour donner au continent le pouvoir de résoudre les problèmes régionaux par ses propres moyens.
Il faut également que la communauté internationale déploie de plus grands efforts pour mettre fin aux flux d'armes dans les régions de conflits qui complique le secours humanitaire et empêche la recherche de solutions aux conflits. Il faut explorer sérieusement la possibilité de créer un mécanisme concret pour encourager la coopération des pays voisins à appliquer les embargos sur les armes et adopter une législation nationale à cette fin. De l'avis de la République de Corée, la priorité de la période post-conflit doit être de s'attaquer à la consolidation de la paix, et ce sous le contrôle et la
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vigilance du Conseil de sécurité. En matière économique, le Ministre a estimé qu'il revient à la communauté internationale d'encourager les réformes en Afrique. Il convient de créer, à cette fin, un environnement propice en augmentant les opportunités commerciales par le biais d'un accès amélioré au marché, d'un accroissement des investissements internes et étrangers et de l'allégement du fardeau de la dette. Les institutions de Bretton Woods peuvent faciliter cet effort.
M. YEVGENY M. PRIMAKOV, ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a affirmé que, loin de pratiquer "l'afropessimisme", son pays salue certaines évolutions positives du continent, dans les domaines politique et économique. Mais le manque de sécurité, la désintégration ethnique, confessionnelle et sociale empêchent de nombreux pays de mener à bien les changements politiques et économiques nécessaires. Le bilan est lourd: des centaines de milliers de morts, et des millions de réfugiés. La communauté internationale a déjà mis au point de nombreux mécanismes d'assistance socio-économique à l'Afrique, y compris l'initiative spéciale du Secrétaire général pour l'Afrique. Cette réunion démontre qu'une coordination semblable est nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité. Il appartient d'abord aux pays africains de résoudre leurs conflits, souvent essentiellement internes mais dont les conséquences menacent la paix et la sécurité régionales. Ces pays le souhaitent et il faut les soutenir dans cette voie. L'accent devra être mis sur les mesures préventives, qui n'ont pas été pleinement utilisées en Afrique jusqu'à présent. Nous pouvons renforcer le rôle des organisations régionales africaines, en premier lieu, l'OUA.
La Fédération de Russie se réjouit de l'émergence de mécanismes régionaux d'action et de médiation au sein de l'OUA. Ces mécanismes doivent être acceptables à la fois pour les pays africains, en tenant compte de leur spécificité, et pour l'ensemble de la communauté internationale. Sur ce point, le fondement juridique du maintien de la paix, y compris en Afrique, doit rester la Charte de l'ONU, les décisions du Conseil de sécurité et les accords régionaux ou bilatéraux pertinents. Aucune action coercitive ne doit être entreprise sans l'autorisation du Conseil de sécurité. Ce dernier devra pour sa part, se reposer davantage sur l'opinion coordonnée des Africains. C'est le cas, notamment, en ce qui concerne les documents de l'OUA sur la Libye.
La Fédération de Russie est prête à participer aux efforts internationaux pour promouvoir la capacité de maintien de la paix de l'Afrique. Mais l'aide extérieure doit compléter et non remplacer les mesures que les Africains doivent prendre eux-mêmes.
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Mme LENA HJELM-WALLEN, Ministre des affaires étrangères de la Suède, a déclaré que les Africains ne veulent pas de traitement particulier, mais un traitement égal pour accéder aux marchés, coopérer avec les investisseurs, échanger des expériences. La Suède, qui est impliquée depuis longtemps dans l'aide à l'Afrique, prépare une nouvelle politique africaine de partenariat. Dans les trois ans à venir, son aide s'accroîtra substantiellement, contrairement à la tendance internationale. Le rôle de l'ONU en Afrique consiste, entre autre, à y maintenir la paix et la sécurité. Les plus grands efforts doivent tendre à empêcher les conflits armés. Cette prévention suppose des mesures à long terme pour créer un environnement favorable au règlement pacifique des différends. Le développement économique et social durable, en éradication de la pauvreté, la bonne gouvernance, la démocratie et le respect des droits de l'homme sont des éléments essentiels. Comme les autres, les Gouvernements africains doivent respecter leurs engagements internationaux, en particulier dans le domaine humanitaire et des droits de l'homme. Un vrai partenariat devra se fonder sur le respect des différences, mais non sur des fondements différents, surtout si ces fondements sont des éléments essentiels de la coopération tels que l'édification de la paix et de la prospérité et la défense de la dignité humaine.
La Suède se félicite de l'implication croissante de l'Afrique, notamment de l'OUA, dans la prévention des conflits. La Communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, a un rôle majeur à jouer dans les crises en Afrique ou dans d'autres régions. Le ministre a déclaré que cette réunion ne devra pas rester un événement isolé. La Suède espère une vaste discussion entre tous les Etats Membres des Nations Unies sur la base des recommandations du Secrétaire général. Elle doit lancer un processus qui sera suivi par le Conseil et par l'Assemblée générale.
M. ROBIN COOK, Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux affaires du Commonwealth du Royaume-Uni, a reconnu, à l'instar du Président de l'Organisation de l'unité africaine, que l'Afrique a effectué des progrès considérables dans le domaine de la démocratie et de la bonne gestion des affaires publiques. Il a toutefois souligné que l'Afrique demeure le seul continent qui ne connaisse pas l'augmentation du revenu par habitant. S'il faut reconnaître le bien-fondé des acccords du GATT, il n'en demeure pas moins que l'Afrique est le seul continent qui ne bénéficiera pas de leurs avantages. Il n'est pas étonnant que le continent, qui a fait le moins de progrès sur le plan économique, connaisse le plus grand nombre de conflits. Le Royaume-Uni est profondément préoccupé par les atrocités qui ont eu lieu en Afrique. La lutte contre le terrorisme doit être menée sur trois fronts : le développement économique, la sécurité et les droits de l'homme. La communauté internationale peut aider l'Afrique. Pour sa part, le Royaume-Uni a annoncé la semaine dernière le lancement d'une nouvelle initiative sur l'allègement de la dette qui bénéficiera à 300 millions de personnes dont la majorité vit en Afrique. Le développement économique sera le thème de la réunion des Chefs de gouvernement du Commonwealth qui doit se tenir au cours du mois prochain.
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Revenant sur la question du terrorisme, le Secrétaire d'Etat a lancé un message clair à ceux qui ont provoqué l'attentat de Lockerbie. Il faut empêcher, a-t-il dit, que les avions deviennent des véhicules de terreur. Les accusations contre les deux ressortissants libyens sont d'une grande gravité et le Royaume-Uni se félicite des propos du Président de l'OUA selon lesquels les deux personnes préjugées coupables doivent être traduites devant une juridiction écossaise. Conscient, toutefois, des préoccupations africaines, le Royaume-Uni a invité l'OUA et la Libye à envoyer des observateurs internationaux au procès. Que le message soit clair, la justice sera rendue, a insisté le Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. En ce qui concerne la prévention des conflits et le maintien de la paix, le Royaume-Uni se félicite de la nouvelle détermination des Africains à s'atteler à la résolution de leurs problèmes. L'histoire tragique de la région des Grands Lacs a démontré la complexité de cette tâche. A cet égard, la communauté internationale ne peut s'enorgueillir de ses actes, elle qui a permis aux milices hutues de construire des camps aux frontières rwandaises au lieu de s'empresser de séparer les réfugiés des miliciens. Une chose est sûre, la communauté internationale ne reculera plus jamais devant un génocide.
S'agissant de la question relatives aux droits de l'homme, le Secrétaire d'Etat a souligné qu'un gouvernement honnête, ouvert et démocratique est le garant du bien-être des peuples. La situation qui prévaut au Nigéria et dans l'ex-Zaïre, pays riches en ressources naturelles, est le seul fait de la mauvaise gestion de leurs dirigeants. Le Secrétaire d'Etat s'est félicité des pressions exercées sur ces deux pays, en particulier de la Déclaration d'Harare qui reconnaît l'universalité des droits de l'homme. Il faut que toutes les déclarations pertinentes soient respectées. En Afrique, les défis à relever sont importants mais avec un véritable partenariat, un engagement des gouvernements africains à améliorer le sort de leurs populations, et avec la participation de la communauté internationale, le "lion africain" finira par suivre le "tigre asiatique" sur la route de la prospérité et de la paix.
Mme MADELEINE K. ALBRIGHT, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, a observé que les problèmes à résoudre en Afrique ne doivent pas nous empêcher de noter les efforts méritoires de certains dirigeants africains en vue de remplacer l'autocratie et les luttes internes par la démocratie, la stabilité et l'ordre public. Ces problèmes ne doivent pas non plus nous empêcher de noter les efforts qui ont été faits dans la lutte contre la pauvreté, la corruption, ou pour que l'Afrique devienne une force motrice de croissance ou pour qu'elle puisse faire face à la communauté internationale en tant que partenaire égale. Notre rôle est un rôle d'appui, a-t-elle rappelé. Nous devons écouter attentivement ce que les dirigeants et les populations d'Afrique nous disent sur les défis auxquels ils sont confrontés et sur les solutions qu'ils souhaitent. Les Etats-Unis demandent que le Secrétaire général présente un rapport qui contienne des recommandations concrètes sur les sources des conflits en Afrique, les moyens de prévenir ces conflits et d'y mettre fin, ainsi que les moyens de poser, par la suite, les fondements d'une paix et d'une croissance économique durables. Les Etats-Unis saisissent cette occasion pour exhorter l'appui des délégations aux propositions de réforme
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formulées par le Secrétaire général qui permettront aux Nations Unies de mieux utiliser leurs ressources pour répondre aux besoins humanitaires, de sécurité et de développement de l'Afrique.
Aujourd'hui, les grandes menaces à la paix proviennent des guerres civiles d'origine ethnique ou causées par la course au pouvoir. Ces menaces sont aggravées par l'absence , dans certaines sociétés, d'institutions gouvernementales solides et représentatives et par des perspectives économiques si faibles que toute lueur d'espoir s'éteint. Dans ce climat, il est nécessaire d'inclure dans une stratégie de sécurité les aspects politique, économique et humanitaire. Mais pour mettre en oeuvre ces aspects, il est impératif d'établir et de maintenir un climat de sécurité relative. Les Nations Unies ont un rôle pivot pour faire face à ces défis par le biais de leurs opérations de maintien de la paix, leurs missions de bons offices et leurs programmes de secours d'urgence. Sur tout le continent africain, les Etats-Unis appuient le rôle de l'OUA à prévenir et à répondre aux crises et assistent son plan de création d'un Centre de gestion des différends et renforcent sa capacité de réagir rapidement aux situations d'urgence. En Angola, les Etats-Unis, en tant qu'observateur des Accords de Lusaka, appuient fermement les efforts des Nations Unies pour garantir leur pleine mise en oeuvre. Les Etats-Unis entendent utiliser les pouvoirs du Conseil de sécurité pour sanctionner toute partie qui ne s'acquitte pas de ses obligations, a mis en garde Mme Albright. En coopération avec les pays africains et les donateurs, les Etats-Unis oeuvrent pour renforcer la capacité des pays africains à faire face au maintien de la paix en cas de nécessité.
Mme Albright a estimé qu'il faudra accorder une attention particulière aux leçons tirées de la situation qui sévit dans la région des Grands Lacs et envisager les mesures permettant de veiller à ce que les camps des réfugiés ne soient pas un abri pour les criminels de guerre ou ne servent pas de bases pour des opérations militaires. Il faudra également poursuivre et juger les responsables des violations massives de droits de l'homme. A cet égard, Mme Albright a proposé que le Secrétaire général développe une approche globale pour les questions qui se posent encore dans la région des Grands Lacs, à savoir la prévention de nouveaux conflits et la promotion des droits de l'homme, de la démocratisation et de la reconstruction. Le Secrétaire général devra consulter étroitement les dirigeants des pays de la région et encourager un esprit de respect et de responsabilité mutuels.
Aujourd'hui, en Afrique comme ailleurs dans le monde, l'élan pour la croissance économique doit être donné, en premier lieu, par le secteur privé. Cet élan exige la privatisation, l'ouverture des marchés et une réforme financière. Cet élan exige également des efforts visant à améliorer l'éducation, la formation et la santé au profit de tous. L'année dernière, les Etats-Unis ont contribué pour plus d'un milliard et demi de dollars à l'assistance humanitaire et au développement. Les Etats-Unis ont versé un milliard de dollars pour le financement des programmes de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement en Afrique. Le Président Clinton a proposé un "partenariat pour la croissance économique et les possibilités"
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dans le but de stimuler le commerce, réduire le fardeau, encourager les investissements et de fournir une assistance technique. Soulignant que des élections libres sont essentielles à la démocratie mais insuffisantes en soi, Mme Albright a indiqué que son pays s'engage à oeuvrer avec l'Afrique et avec la communauté internationale pour contribuer à la mise en place d'institutions démocratiques durables et efficaces. Elle a indiqué qu'elle se rendra en visite officielle en Afrique avant la fin de l'année pour rencontrer les dirigeants et les peuples africains et pour leur réaffirmer l'engagement de l'Amérique à appuyer les aspirations des Africains à une véritable liberté, une prospérité croissante et à une simple dignité humaine.
A l'issue de la séance, la Présidente du Conseil de sécurité, Mme MADELEINE K. ALBRIGHT, Secrétaire d'Etat des Etats-Unis a fait la déclaration suivante, au nom des membres du Conseil:
le Conseil de sécurité s'est réuni le 25 septembre 1997, au niveau des Ministres des affaires étrangères, pour examiner la nécessité d'une action internationale concertée en vue de promouvoir la paix et la sécurité en Afrique.
Le Conseil réaffirme son engagement envers l'Afrique, en conformité avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. Le Conseil réaffirme également les principes d'indépendance politique, de souveraineté et d'intégrité territoriale de tous les États Membres.
Le Conseil note que les États africains ont accompli d'importants progrès sur la voie de la démocratie, de la réforme économique et du respect et de la protection des droits de l'homme afin de parvenir à la stabilité politique, à la paix et au développement économique et social durable.
En dépit de ces développements positifs, le Conseil demeure gravement préoccupé par le nombre et l'intensité des conflits armés sur le continent africain. Ces conflits menacent la paix régionale, provoquent de grands bouleversements et de profondes souffrances parmi la population, perpétuent l'instabilité et détournent des ressources qui devraient être consacrées au développement à long terme.
Le Conseil réaffirme la responsabilité qui incombe à tous les États Membres de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, ainsi que la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales que lui confère la Charte des Nations Unies.
Le Conseil se félicite des contributions importantes apportées par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), notamment au moyen de son Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, ainsi que par les organismes sous-régionaux, à la prévention et au règlement des conflits en Afrique, et souhaite un partenariat plus fort entre l'Organisation des Nations Unies et l'OUA ainsi que les organismes sous-régionaux, conformément
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au Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. Il apporte son soutien au renforcement de la capacité des États africains à contribuer aux opérations de maintien de la paix, y compris en Afrique, conformément à la Charte des Nations Unies. Il souligne l'importante contribution du Traité sur une zone exempte d'armes nucléaires en Afrique à la paix et la sécurité internationales.
Le Conseil appuie pleinement l'engagement de l'Organisation des Nations Unies en Afrique, par les activités qu'elle mène dans les domaines de la diplomatie, du maintien de la paix, de l'aide humanitaire, du développement économique et d'autres encore, souvent en coopération avec des organisations régionales et sous-régionales. L'Organisation des Nations Unies apporte une contribution importante aux efforts que l'Afrique déploie pour édifier un avenir de paix, de démocratie, de justice et de prospérité. Le Conseil souligne l'importance de l'engagement pris par les Nations Unies de soutenir, par l'intermédiaire du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres organisations à vocation humanitaire, les efforts faits par les États africains pour régler les crises humanitaires et celles provoquées par l'afflux de réfugiés, dans le respect du droit international humanitaire.
Le Conseil considère que les défis auxquels est confrontée l'Afrique exigent une réponse plus globale. À cette fin, il prie le Secrétaire général de lui présenter, d'ici à février 1998, un rapport, contenant des recommandations concrètes, sur les sources des conflits en Afrique, les moyens de prévenir ces conflits et d'y mettre fin et la manière de poser par la suite les fondements d'une paix et d'une croissance économique durables. Étant donné que la portée de ce rapport risque de dépasser son domaine de compétence, le Conseil invite le Secrétaire général à le présenter aussi à l'Assemblée générale et aux autres organes pertinents de l'Organisation des Nations Unies afin qu'ils lui donnent la suite qu'ils jugeront appropriée, conformément à la Charte des Nations Unies.
Le Conseil affirme son intention d'examiner promptement les recommandations du Secrétaire général en vue de prendre des mesures conformes aux responsabilités que lui confère la Charte des Nations Unies.
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