SG/SM/6325

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PREND LA PAROLE AU CEDAR CREST COLLEGE : IL APPELLE À PARTICIPER AU GRAND PROJET DE COOPÉRATION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA PAIX

17 septembre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6325


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PREND LA PAROLE AU CEDAR CREST COLLEGE : IL APPELLE À PARTICIPER AU GRAND PROJET DE COOPÉRATION INTERNATIONALE EN FAVEUR DE LA PAIX

19970917 Le texte retranscrit ci-après est celui de la déclaration faite le 13 septembre par le Secrétaire général M. Kofi Annan au Cedar Crest College d'Allentown (Pennsylvanie) :

C'est avec une joie non dissimulée que je me joins à vous aujourd'hui pour inaugurer le Miller Family Building. Pôle où l'art, la science et les activités en faveur de la paix sont en mesure de cohabiter, ce nouveau complexe est appelé à voir naître de grands projets. Il s'agit d'un ajout des plus précieux, aussi bien pour la communauté de Cedar Crest, que pour la communauté internationale tout entière.

Je me réjouis tout particulièrement d'assister à l'essor d'un établissement qui a joué un rôle moteur dans le développement de l'enseignement féminin. Il y a plus de deux siècles, Première Dame des États-Unis d'Amérique et suffragette, Abigail Adams récriminait contre l'écart qui existait entre l'éducation des femmes et celle des hommes.

Elle s'interrogeait sur le motif qui poussait les hommes à souhaiter qu'existât un tel fossé entre eux et celles qui seraient un jour leurs compagnes et associées. Ainsi écrivit-elle : "Je ne peux m'empêcher parfois de comparer cette négligence à quelque jalousie mesquine de prétendants au trône".

Bien entendu, nous sommes loin de cette époque. Les femmes ont accumulé des acquis au cours de leur long et fructueux combat pour l'égalité des droits. Le mouvement des femmes revêt désormais des dimensions planétaires. La promotion de la femme dans tous les domaines de la vie est l'une des tendances majeures de notre époque; c'est également la plus prometteuse.

Lorsque je me suis joint à vous en 1996 à l'occasion de la remise des diplômes du Cedar Crest College, j'avais fait remarquer que notre époque a besoin d'individus pleins de courage, de compassion et de conviction. Je vous avais demandé alors de contribuer du mieux que vous pouviez à notre quête commune, à savoir la paix, la prospérité et le progrès sur toute la terre; en un mot, je vous avais demandé de relever les défis du XXIe siècle.

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Je renouvelle aujourd'hui ma requête et, compte tenu des nobles causes que le Miller Family Building est appelé à servir, j'aimerais m'attarder sur ces défis, car ils sont multiples.

Nous vivons une époque de transition historique. Comme tel est le cas de toutes les époques de ce genre, des drames humains fort divers coexistent dans un climat de tension et d'inquiétude.

La paix gagne certains endroits du monde, tandis qu'ailleurs la violence meurtrière se déchaîne. Ici, des richesses sans précédent s'amassent, alors que, là, la pauvreté frappe aveuglément.

La volonté du peuple et ses droits fondamentaux sont tour à tour exaltés et bafoués. La science et la technologie améliorent la qualité de la vie, tandis que leurs retombées menacent l'environnement.

Que ce soit à l'échelon international ou national, des forces radicales oeuvrent à la restructuration de nos existences et de nos aspirations.

La fin de la guerre froide a mis en branle une multitude de modifications qui s'effectuent graduellement au sein des nations et entre les nations. Mais nous luttons encore contre les conséquences néfastes de la disparition des rivalités entre superpuissances — conflits ethniques dans bon nombre d'États, instabilité dans d'autres.

Autre force déterminante : la mondialisation — de l'information, des communications, de la finance entre autres — qui pourrait bien être la source de bouleversements internationaux la plus importante depuis la révolution industrielle.

La mondialisation a engendré une période d'expansion économique soutenue qui a ouvert de nouveaux et vastes horizons; dans un même temps, elle a fait surgir de nouveaux risques, tels que la marginalisation, et ses bénéfices ne touchent qu'un nombre relativement restreint de pays en développement.

Troisième bouleversement majeur en cours : le développement de la société civile, à savoir l'influence croissante des associations de femmes, des groupes de défense des droits de l'homme, des organisations humanitaires, des parlementaires, du secteur privé... Nous ne pouvons que nous en réjouir; la démocratisation et la participation des individus aux décisions qui influent sur leur existence sont ainsi promues.

Néanmoins, on assiste parallèlement au développement des ramifications mondiales d'une société non civile : trafiquants de drogue, terroristes, criminels, blanchisseurs d'argent qui tirent profit de cette même ouverture des frontières, des marchés et des communications qui favorise la mondialisation, et qui prospèrent là où les institutions et les lois sont impuissantes. Il nous faut écarter cette menace à tout prix.

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La plupart des forces en jeu dans le monde d'aujourd'hui vont dans le sens de l'intégration : elles font ressortir l'interdépendance des peuples et des nations. Ainsi, la nécessité de sauvegarder l'environnement de la planète a rapproché les États et a conduit à l'élaboration de traités internationaux juridiquement contraignants sur les changements climatiques, la biodiversité, la désertification ou l'appauvrissement de la couche d'ozone.

Le morcellement des forces a des résultats inverses. Le phénomène des "États faillis" nous est bien connu : violence génocide, combattants qui prennent délibérément pour cible les civils et les équipes de secours. L'affirmation d'identités exclusives — qu'elles soient ethniques, religieuses, nationales ou tribales — s'est intensifiée. Nous devons nous attacher du mieux que nous pouvons à identifier, affronter et entraver les forces de morcellement, sous peine de voir annihiler les promesses de paix et de progrès qu'offre cette ère nouvelle.

Les préoccupations internationales n'ont jamais été si diverses, si urgentes, ni si complexes. Elles exigent de la communauté internationale de nouvelles orientations, de nouvelles ressources et de nouveaux engagements politiques. Elles nécessitent également une réforme de l'Organisation des Nations Unies. C'est à cette fin que nous remettons de l'ordre dans l'Organisation et que nous la réaménageons de fond en comble. La réforme s'attaque aux structures, à la gestion et aux priorités, de façon à ce que nous puissions relever les défis subtils de la mondialisation.

Dans ce cadre, nous élargissons notre vision de la sécurité de l'être humain. De nos jours, la sécurité tend à être plus qu'un concept militaire et bien davantage que l'absence de conflit. Il s'agit, en fait, d'un phénomène qui englobe le développement économique, la justice sociale, la protection de l'environnement, la démocratisation, le désarmement et le respect des droits de l'homme.

Ces objectifs, ces piliers de la paix, sont étroitement liés. Un progrès accompli dans un domaine engendre un progrès dans un autre domaine. Mais aucun pays ne peut atteindre seul ces objectifs; aucun n'échappe aux risques et aux coûts qui en résulteraient.

L'ONU peut et doit être au centre de cette quête. Elle représente un instrument unique de progrès commun : la grande majorité des nations en sont membres; elle est dotée d'un mandat quasi universel; c'est une présence internationale, à la fois planétaire, régionale et nationale.

Jamais la nécessité d'un tel instrument ne s'est tant fait sentir.

Je suis prudemment optimiste quant aux perspectives qui s'offrent à nous, même si ce siècle continue à nous offrir la preuve de la propension naturelle de l'homme aux effusions de sang.

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Je suis plein d'espoir, même si nous continuons à menacer l'environnement et ne parvenons pas à venir suffisamment en aide aux démunis et aux marginaux.

Je suis enthousiaste, bien que conscient que toutes les réalisations sont précaires et que nos objectifs sont loin d'être atteints.

Nous sommes sur le point d'aborder un nouveau siècle et un nouveau millénaire. Il nous faut relever le défi. Tout ce que nous savons des 25 années à venir, — tendances démographiques, taux de croissance économique, dégradation de l'environnement — suggère que des bouleversements fondamentaux et des menaces nous guettent; mais des promesses et des possibilités sans précédent nous attendent également.

Aujourd'hui, en inaugurant le Miller Family Building et ses dépendances principales, notamment le Harmon Hall of Peace et la Lachaise Art Gallery, le Cedar Crest College ainsi que la communauté de Cedar Crest tout entière s'impliquent dans l'élaboration de cet avenir.

J'aimerais saluer la famille Miller, Elaine et John Harmon, John Pierce, la Lachaise Foundation et tous ceux qui ont oeuvré à la réalisation de ce bâtiment. Leurs efforts s'inscrivent dans la droite ligne de la Charte des Nations Unies et de ses appels à la solidarité internationale, à la tolérance et à la compréhension.

Le grand projet de coopération internationale en faveur de la paix a besoin de vos idées, de vos énergies et de vos passions. C'est ensemble, j'en suis persuadé, que nous pourrons relever les défis de demain. Tel est notre devoir, envers les générations actuelles et à venir.

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