En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6321

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 11 SEPTEMBRE 1997

11 septembre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6321


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL M. KOFI ANNAN, TENUE AU SIEGE LE 11 SEPTEMBRE 1997

19970911

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Bonjour mesdames et messieurs. Je m'excuse, j'ai avalé de travers juste au moment où l'on m'a annoncé, et je puis vous assurer que cela a été dû à la nervosité.

Je suis très heureux d'être de retour et de vous voir tous. J'espère que vous avez pu, vous aussi, avoir des vacances, parce que je crois que nous en avons tous besoin de temps en temps.

Il s'est produit beaucoup de choses pendant l'été. Mon rapport annuel est sorti, et plusieurs événements se sont produits dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale. Nous suivons tout ce qui se passe en Bosnie et dans d'autres régions du monde. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne vais pas faire trop de commentaires préliminaires. Nous pouvons ainsi passer directement aux questions. Mais, je suis heureux de vous voir tous.

Question (interprétation de l'anglais) : Bon retour parmi nous, M. le Secrétaire général. Nous espérons avoir, à l'avenir, des réunions mensuelles avec vous.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : On les aura.

Question (interprétation de l'anglais) : Nous les attendons toujours avec intérêt. Ma question porte sur la controverse née de la déclaration que vous avez faite récemment sur l'Algérie, après laquelle vous vous êtes entretenu avec le Président Zeroual, et il y a quelques jours avec l'Ambassadeur. Est-ce que vous vous en tenez à votre position? Est-ce que vous avez présenté des excuses au Président Zeroual? Quelle est votre position actuellement sur l'Algérie?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Depuis le début, j'ai dit qu'en tant que Secrétaire général j'offrirai mes services de médiation et j'interviendrai chaque fois que cela sera utile. Je crois avoir indiqué dans la déclaration à la presse qui avait été publiée que le Président Zeroual et moi-même nous nous étions rencontrés au Sommet de l'OUA, et que nous avions discuté de la situation en Algérie. Il avait bon espoir qu'après les élections les choses se calmeraient. Vous savez tous, je crois, ce que j'ai dit, et vous savez également quelle a été la réaction du Gouvernement algérien. Il y a peu de temps — je crois, il y a quelques jours — l'on m'a demandé si l'ONU allait s'y impliquer. J'ai dit que, compte tenu de la déclaration du Gouvernement, ce ne serait sans doute pas le cas — il faut deux personnes pour danser le tango. Le Président espère qu'à présent que la deuxième série d'élections municipales aura lieu au mois d'octobre, tous les partis et toutes les forces démocratiques y prendraient part, et qu'après ces élections les choses commenceraient probablement à se calmer.

Question (interprétation de l'anglais) : Le Président algérien a-t-il rejeté votre offre de médiation? Et, précisément, qu'en est-il de votre appel initial au dialogue?

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Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Le Président avait indiqué que l'Algérie avait les moyens, qu'elle avait les institutions vigoureuses et les capacités pour régler le problème toute seule, ce qui signifie qu'aucune intervention étrangère n'est acceptable pour le Gouvernement. Il pense que sa manière de procéder portera des fruits, et que l'important est que tous les partis s'associent aux efforts qui sont déployés pour régler la crise en Algérie. Je crois, en tant qu'être humain, et tout en condamnant le terrorisme, que personne ne peut me reprocher de défendre le caractère sacré de la vie et les droits fondamentaux de l'homme.

Question (interprétation de l'anglais) : Bon retour parmi nous. Ma question porte sur Chypre. Les rencontres de haut niveau de Troutbeck et de Glion n'ont pas satisfaits les espérances de certaines parties. À votre avis, et de façon réaliste, quel effet cela peut-il avoir sur cette impasse qui dure depuis longtemps?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Ce qui s'est produit en Suisse est regrettable. La réunion de Troutbeck s'est relativement bien passée. Après cela, quand les deux dirigeants sont rentrés à Chypre, ils se sont rencontrés plusieurs fois, et c'était la première fois, en trois ans, qu'ils se réunissaient, bien que résidant à 30 minutes l'un de l'autre. C'était donc un progrès. Ils ont évoqué certaines questions humanitaires, notamment des personnes disparues, c'était encourageant. Mais, en Suisse, évidemment, la question du débat sur la participation de Chypre à l'Union européenne a été utilisée pour compliquer la discussion. J'espère que cela ne perdurera pas. J'ai lu hier dans la presse que le M. Clerides a indiqué qu'il était disposé à entamer les négociations à tout moment, et j'espère que la partie turque sera également disposée à le faire. De manière réaliste, avec les élections prévues à Chypre, je ne pense pas que nous puissions envisager de nouvelles discussions cette année. Je crois qu'il est plus réaliste et rationnel de les tenir après les élections, parce que je crois que les élections ont déjà commencé à influer sur les pourparlers.

Question (interprétation de l'anglais) : À propos des relations entre les États-Unis et l'ONU, et alors que nous allons entrer ici dans la campagne de l'Assemblée générale, êtes-vous satisfaits des propositions de paiement qui ont été faites, il y a certes plusieurs mois, par les États-Unis? Qu'en est-il? Comment, à votre avis, plusieurs mois après votre entrée en fonctions, a évolué l'image de l'ONU aux États-Unis? Sa cote est-elle montée? A-t-elle baissé? Qu'en pensez-vous?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je crois que nous avons fait certains progrès dans nos discussions avec Washington en ce qui concerne les montants dûs à l'ONU. Le projet de loi présenté au Congrès vise à amener les États-Unis à verser une somme de 819 millions de dollars à l'ONU. Il y a actuellement des espoirs que cette somme pourrait être un peu accrue. Mais, comme vous le savez, cela est assorti de conditions qui ne sont pas

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acceptées par une bonne partie des États Membres. Je pense que certaines de ces conditions seront abandonnées lors du débat final au Congrès. Et si elles ne le sont pas, l'Administration américaine devra trouver un moyen de gérer les choses de manière à ne pas entraver les activités dans cette maison ni accroître les tensions entre les États Membres.

Quant à l'image de l'ONU aux États-Unis ou ailleurs, je crois qu'elle s'est quelque peu améliorée. Je crois qu'il y a des discussions et des débats sérieux quant au rôle de l'ONU et la place que doivent y avoir les États-Unis. Nous avons vu des journaux, des éditoriaux, le Sénat lui-même a eu une discussion très sérieuse sur ce que fait ou ne fait pas l'ONU, pour la première fois depuis environ 12 ans. Je crois que nous évoluons dans le bon sens, non pas ici simplement, mais partout dans le monde et je crois qu'une fois que nous aurons appliqué les propositions de réforme et continué à travailler à nos priorités, les États Membres commenceront à comprendre que c'est une institution importante qui évolue dans le bon sens et qui renforce ses positions pour être en mesure d'agir au vingt et unième siècle.

Question : Que pensez-vous de la proposition de démilitarisation?

Le Secrétaire général : La démilitarisation et le retrait des armes de toutes les régions du monde est quelque chose que l'ONU applaudit forcément. La situation est bien sûr complexe et exige qu'on fasse très attention. Toute tentative de démilitarisation sera appuyée mais les choses ne seront pas faciles.

Question : Dans l'une de vos propositions de réforme — l'une des plus importantes concernant l'administration de l'ONU —, vous avez demandé de privilégier une budgétisation à base de résultats. En d'autres termes, lorsque l'Assemblée générale aura approuvé le budget d'ensemble, il vous incombera de l'appliquer. Néanmoins, les frictions persistent entre le bureau de M. Connor et la Cinquième Commission. Récemment, la Tanzanie a envoyé une lettre dans laquelle elle souligne que l'administration de l'ONU a pris des mesures concrètes allant contre l'avis de la Cinquième Commission. Comment proposez-vous de résoudre cette situation?

Le Secrétaire général : Il faut accroître le dialogue entre l'administration, le Secrétariat et les États Membres, notamment avec la Cinquième Commission et le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB). Ce que nous proposons, c'est un grand changement d'optique qui exige discussion et dialogue. Et, si nous pouvons appliquer la réforme proposée, il serait plus facile de gérer l'ONU.

Je crois que la ligne entre le rôle des organes délibérants, le Secrétariat et le Secrétaire général, s'est un peu effacée. Il y a eu trop de microgestion et je crois que les États Membres doivent se concentrer sur les mandats et ne doivent pas trop participer à l'administration et à la gestion du Secrétariat et nous ne devons pas, quant à nous, nous engager trop dans le

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processus législatif. Nous pouvons présenter des documents sur le fond et expliquer des positions.

Mais j'ai conscience des tensions que vous mentionnez; elles ne sont pas insurmontables. Un dialogue direct et honnête permettrait à mon avis d'améliorer la situation.

Question : À propos du Congo dit démocratique, pourquoi êtes-vous si gentil avec le Président Kabila et pourquoi cédez-vous à toutes ses demandes? Quelle est la raison de cette politique? Qu'attendez-vous de manière réaliste de la mission?

Le Secrétaire Général : Tout d'abord, je crois qu'on a tort de dire que je n'ai pas été assez ferme avec le Président Kabila. Nous avons fait des efforts persistants pour constituer une équipe afin de parvenir à la vérité, pour savoir ce qui s'était passé et prendre les mesures nécessaires et, ce faisant, pour envoyer également un message indiquant que l'impunité ne saurait continuer et que nous ne pouvons pas accepter de vivre dans un monde où l'homme peut-être aussi inhumain sans être châtié. Si nous avions accepté le rejet original à l'égard de Robert Garreton, nous n'aurions pas d'équipe aujourd'hui.

Nous avons une équipe en République démocratique du Congo. Le Président Kabila a indiqué qu'il était disposé à l'accepter. L'équipe est là-bas, nous allons mettre à l'épreuve le sérieux du Gouvernement et nous sommes déterminés à parvenir à la vérité. Si la situation est telle qu'il est impossible de travailler pour nous, il faut en tirer des conclusions, bien sûr.

Oui, nous avons eu des signaux très mitigés de différents ministres de la République, chacun dit quelque chose de différent. En fin de compte, c'est le Président Kabila lui-même qui m'a écrit une lettre pour éclaircir la situation et qui disait : nous allons vous laisser faire votre travail, l'équipe va bientôt commencer. Si les difficultés persistent, si elle ne peut pas travailler, les faits seront là et le monde jugera.

Question : Combien de temps pouvez-vous attendre?

Le Secrétaire général : Je crois que l'idée de temps est trop simple. Il faut lier cela aux progrès, aux faits, aux mesures qui sont prises sur le terrain et en tant que quelqu'un qui a toujours été mal à l'aise avec l'idée d'établir des dates limites, j'ai dans mes lettres indiqué une date limite et dans sa réponse, vous avez vu qu'il était contrarié que je lui ai donné un ultimatum, mais je ne pouvais pas laisser l'équipe en République démocratique du Congo pendant longtemps s'ils ne peuvent pas travailler.

J'ai donc indiqué que s'il ne nous signalait pas personnellement que l'équipe pouvait commencer à travailler, je serais obligé de lui donner ordre

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de se retirer et que le Conseil et le monde jugeraient. C'est alors qu'il m'a écrit que nous pouvions y aller.

Je ne suis pas disposé à donner un calendrier, cela dépendra largement de ce qui se passe sur le terrain.

Question : Comme vous le savez, les Premiers ministres de l'Inde et du Pakistan vont venir à New York et vous savez que des incidents frontaliers entre l'Inde et le Pakistan se sont produits au cours des deux dernières semaines. Saisirez-vous cette occasion pour encourager ces dirigeants à négocier dès maintenant, même s'ils n'ont pas prévu de se rencontrer pour résoudre ce problème. Que leur direz-vous? La situation est en train de s'aggraver.

Le Secrétaire général : Il est regrettable que ces incidents aient pris place sur la frontières entre l'Inde et le Pakistan. Je crois que les qualités manifestées par les deux Premiers ministres pour essayer de résoudre la question du Cachemire et d'améliorer les relations entre les deux pays, sont remarquables. Ils ont montré une détermination à faire avancer le processus. Je regrette donc les incidents récents et j'espère qu'ils ne vont pas bloquer la discussion. J'espère pouvoir parler aux deux parties lorsqu'ils viendront à New York et je continuerai à encourager la discussion, le dialogue, leurs efforts, pour résoudre ce problème, comme je l'ai toujours fait.

Question : Je voudrais revenir sur la question de l'Assemblée générale, pour un instant. Cette session sera très chargée; il y a la question de la réforme du Conseil de sécurité, votre propre plan de réforme et les exigences des États-Unis. Je me demande tout d'abord sur quels thèmes vous souhaiteriez que les premiers débats se concentrent? Et en ce qui concerne la fin des débats, quels accomplissements attendez-vous exactement?

Le Secrétaire Général : De toute évidence, de mon point de vue, j'espère que lorsque l'Assemblée générale se réunira, les dirigeants viendront, convaincus que la question la plus importante dont ils sont saisis, est la réforme et qu'ils commenceront à examiner l'ensemble des réformes que j'ai proposées, avant d'examiner les autres questions. Je pense qu'il est important que nous fassions progresser la réforme, que nous prouvions à nous-mêmes et au monde que l'ONU est non seulement capable de réformes, mais résolu à faire encore mieux pour rendre l'Organisation efficace comme elle devrait l'être. De tout évidence, certaines des questions que vous soulevez, portent à controverse. La discussion risque d'être acerbe mais j'espère que cela pourra être géré de telle manière que cela n'empoisonnera pas l'atmosphère pour la discussion de la réforme.

Question : Pensez-vous que les États-Unis parviendront à obtenir une concession sur leurs quotes-parts?

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Le Secrétaire général : Je crois que cela dépendra de la créativité et de la capacité de persuasion du Gouvernement américain.

Question : Monsieur le Secrétaire général, vous avez parlé de la Bosnie. Je voudrais parler du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Avant l'arrestation de Prijedor, j'ai eu un entretien avec le Procureur, Madame Louise Arbour, au cours duquel elle a qualifié le travail du Tribunal comme quasiment paralysé. Que pensez-vous du niveau actuel des activités du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie?

Le Secrétaire général : Je crois qu'évidemment, les juges voudraient voir autant d'inculpés que possible arrêtés et traduits en justice. J'ai clairement dit que, aussi compétents et consciencieux que soient les juges, ils ne peuvent s'acquitter de leur tâche tant que d'autres ne s'acquittent pas de la leur en livrant les inculpés à la justice. Il y a bien eu une arrestation à Prijedor; il y en a également eu une en Slavonie orientale; mais beaucoup d'inculpés sont toujours en liberté.

Nous avons une dichotomie intéressante entre les deux tribunaux : le Tribunal de La Haye, le premier à être établi, est passé par toutes ces difficultés administratives et de gestion, mais les cas à juger y sont peu nombreux. J'espère néanmoins que cela va changer. Le Tribunal du Rwanda, qui a également connu de nombreuses difficultés administratives et de gestion, a incarcéré quelque 20 personnes, parmi lesquelles certains gros bonnets, comme on dit. La jurisprudence de ce type de tribunal se fera vraisemblablement à Arusha et non à La Haye, en raison des retards survenus dans l'arrestation des criminels inculpés.

Mais récemment, il semble que la communauté internationale et la SFOR soient déterminés à faire pression sur les criminels inculpés et sur les gouvernements de la région pour qu'ils coopèrent à leur arrestation. Quelqu'un m'a demandé si je conseillerais à l'OTAN de les arrêter. J'ai répondu, bien sûr, que ce n'est pas moi qui dirige l'opération et que je sais ce que c'est de s'entendre dire ce qu'il faut faire ou ne pas faire par des gens qui ne sont pas sur le terrain.

Mais, sur la base des discussions que j'ai eues et des faits dont nous sommes témoins, je crois que les efforts visant à résoudre le problème des criminels de guerre s'intensifient, et c'est une chose essentielle. Comme nous l'avons vu, leur influence sur la situation politique et sociale est assez néfaste et ne contribue pas à nos efforts d'unification de la Bosnie.

Question : Quel rôle jouera l'ONU dans l'arrestation éventuelle de ces criminels?

Le Secrétaire général : Je ne pense pas que le mandat soit clair à ce sujet. Il établit que les gouvernements de la région intéressés doivent arrêter et livrer les criminels de guerre et que la SFOR doit les arrêter si

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elle les rencontre. L'ONU (inaudible) n'a que des policiers désarmés sur le terrain, dont le rôle est de former et surveiller la police locale, afin d'en faire non plus un instrument de contrôle de l'État, mais une police démocratique protégeant les individus et leurs biens. Mais nous n'avons pas de pouvoir exécutif nous permettant d'arrêter des criminels de guerre; La police de l'ONU ne peut donc arrêter les criminels de guerre. Le mandat est très clair quant à qui en revient la responsabilité.

Question : La situation au Moyen-Orient s'est vite détériorée au cours des derniers mois et il semble que les efforts continus pour relancer le processus de paix ne donneront aucun résultat. Sur la base du rapport général que vous avez présenté à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, envisagez-vous de nouvelles initiatives ou un nouveau rôle pour appuyer ces efforts?

Le Secrétaire général : Je crois qu'en ce qui concerne le rôle de l'ONU au Moyen-Orient, nous avons quelques résolutions fondamentales que j'espère voir appliquer en temps voulu. Mais cela n'est possible qu'avec le soutien et la coopération des parties concernées. Nous avons des contingents sur le terrain qui continueront leur travail. Pour le processus de paix et les négociations, nous avons un négociateur. Les deux parties se tournent vers les États-Unis pour que ceux-ci jouent un rôle de médiateur dans les négociations et je crois qu'il serait maladroit que les Nations Unies interviennent dans ce processus. Mais nous continuerons de soutenir le règlement pacifique de la crise dans la région. Nous continuerons notre travail dans le cadre du mandat qui nous a été confié par le Conseil de sécurité.

Question : J'ai entendu que la victoire militaire de M. Kabila avait rétabli l'espoir qu'un gouvernement pacifique dans la région contribuerait à amener la stabilité dans tous les pays voisins. Plusieurs mois ont passé maintenant. Le processus de paix angolais connaît des moments difficiles. Congo-Brazzaville est en guerre. Le Rwanda est un élément de plus en plus déstabilisateur pour le Burundi et le Congo. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des perspectives de stabilité dans cette région et, plus particulièrement, des violations des droits de l'homme commises par le RPA, au Congo oriental et dans le pays?

Le Secrétaire général : Permettez-moi de dire tout d'abord que nous avons à faire à de nouveaux régimes qui sont encore fragiles dans une certaine mesure, pas suffisamment solides pour le moment. Il faut également rappeler le facteur psychologique : M. Kabila et certains des dirigeants qui l'accompagnent étaient impliqués dans la politique congolaise au début des années 60. Certains étaient avec Lumumba lorsqu'il a été tué. Certains d'entre eux pensent que la communauté internationale les a privés de l'occasion de diriger le Congo et ils craignent que cela ne se reproduise une deuxième fois.

Nous devons donc comprendre cette méfiance et faire preuve d'une certaine patience à l'égard d'un régime qui tente de prendre la relève dans un

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pays qui s'est pratiquement effondré, où il n'y a pas d'infrastructure et où les problèmes sont extrêmement graves et difficiles. J'espère également que le moment viendra où ils comprendront que la communauté internationale comprend leurs problèmes et leurs besoins et veut leur venir en aide et aider le peuple congolais, qui a des besoins réels, et qu'ils travailleront avec nous dans un esprit de confiance et qu'ils comprendront que la communauté internationale peut et veut aider. Voilà le contexte.

Et d'après les entretiens que j'ai eus avec eux, je crois qu'ils comprennent qu'ils ont besoin de la communauté internationale et que pour obtenir son aide, certains éléments sont indispensables. Mais je ne peux qu'être d'accord avec vous quand vous dites que le contexte général dans la région est déstabilisant. Et si nous voulons que la communauté internationale y ait une influence décisive sur la stabilité de la région, nous devons mettre au point une stratégie régionale. Nous ne devons pas procéder pays par pays. C'est la raison pour laquelle pendant longtemps, des pourparlers ont eu lieu sur l'organisation d'une conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Il faut travailler sur une base régionale, mais aussi soutenir les pays dans leurs efforts de reconstruction, de réconciliation politique, et, espérons-le, les mettre sur la voie de la démocratie et de la prospérité, car la région est extrêmement riche en ressources.

Ma préoccupation est que si cette vaste région n'est pas maîtrisée, elle entraînera dans sa trace de nombreux autres pays de la région. Et lorsque nous parlons de la région des Grands Lacs, nous parlons du Rwanda, du Burundi et dans une certaine mesure de l'est du Congo. Mais aujourd'hui, ce terme englobe le Rwanda, le Burundi, le Congo-Brazzaville, et la République centrafricaine qui connaît des tensions. Et bien entendu, vous avez invoqué l'Angola, qui partage également une frontière avec la République démocratique du Congo. C'est la raison pour laquelle il faut envisager l'ensemble de la région afin de mettre au point l'action de la communauté internationale. Mais pour que nous puissions venir en aide au peuple, nous devons convaincre les gouvernements d'abandonner leur méfiance à l'égard de la communauté internationale et d'oeuvrer avec nous, parce qu'ils ne peuvent en venir à bout seuls. Ils ont plus que besoin de notre aide.

Question (interprétation de l'anglais) : Concernant l'APR, quelles sont vos préoccupations et que pensez-vous du rôle des droits de l'homme au Congo oriental et —

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je pense que les rapports des associations de droits de l'homme et des personnes qui surveillent les droits de l'homme montrent qu'il y a eu de graves abus des deux côtés.

Question (interprétation de l'anglais) : Je me demandais si les Nations Unies jugent encourageantes les récentes initiatives diplomatiques du

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Président Mandela au Timor oriental et si l'ONU et l'Ambassadeur Marker coordonnent leurs efforts avec ceux du Président Mandela.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Oui, nous sommes en contact avec le Président Mandela et je me suis entretenu avec lui au téléphone à maintes reprises. La première fois, c'était après son voyage en Indonésie, où il a vu le Président Soeharto et Gusmao. Puis j'ai eu un entretien avec lui après qu'il ait rencontré l'archevêque Belo et M. Horta et après qu'il ait vu le Président portugais. Certains d'entre vous se souviendront peut-être aussi que j'avais demandé à l'ambassadeur Marker d'aller en Afrique du Sud rendre compte au Président Mandela des efforts faits par l'ONU et le remercier de son soutien. Il a dit clairement ce qu'il faisait pour soutenir les efforts de l'ONU. Toutes les parties ont également dit clairement qu'elles étaient satisfaites des efforts de médiation de l'ONU et que c'était la voie qu'elles préféraient. Je suis reconnaissant au Président Mandela pour son soutien. Nous coordonnons nos efforts et sommes en contact permanent.

Question (interprétation de l'anglais) : Les pourparlers sur le Sahara occidental vont reprendre ce week-end à Houston. Avez-vous bon espoir que cette fois-ci il sera possible d'arriver à un accord définitif? Les Nations Unies s'apprêtent-elles à prendre les dispositions nécessaires, quelles qu'elles soient, en ce qui concerne la MINURSO?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Je crois que Jim Baker, l'ancien Secrétaire d'État américain, a fait énormément de progrès dans les pourparlers et il est bien possible que nous ayons une importante percée à Houston. Mais, attendons les résultats. Je préfère ne pas m'avancer, car on ne sait jamais ce qui peut se passer dans ces pourparlers. Quoi qu'il en soit, je suis reconnaissant à M. Baker, qui a considérablement fait avancer ce processus tout en réussissant à conserver la confiance des parties, notamment des pays voisins, l'Algérie et la Mauritanie.

Question (interprétation de l'anglais) : J'aimerais vous parler de maintien de la paix, domaine que vous connaissez bien. Il semble que depuis l'échec de la mission de maintien de la paix au Rwanda, aucune autre mission de maintien de la paix n'a pu être mise sur pied. Pensez-vous que ce sera la tendance cette année et l'année prochaine?

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Vous dites que depuis le Rwanda aucune mission de maintien de la paix n'a pu être mise sur pied. Je crois que c'est en raison de la nature des événements sur le terrain. Vous voulez sans doute parler de la Sierra Leone, où nous avions des troupes prêtes à intervenir. Nous savons ce qui s'est passé : nous n'avons pas obtenu l'assentiment des deux parties, puis il eu un coup d'État. Il y a eu aussi une tentative avortée de mettre sur pied une force multinationale au Congo oriental. Bien entendu, il y a également nos pourparlers interminables concernant le Congo-Brazzaville. Et tout cela, je crois, compromet la

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possibilité d'un accord entre les parties. Mais s'il y a entre les parties un accord à part entière qui tient, il est tout à fait possible que le Conseil nous demande d'intervenir. Je ne pense que le problème soit, pour reprendre vos propos, que les opérations de maintien de la paix n'arrivent pas à être mises sur pied. En réalité, il se passe que le Conseil de sécurité et le Secrétariat sont beaucoup plus prudents quant aux conditions de déploiement d'une mission de maintien de la paix. Je crois que nous avons tiré les enseignements des cinq dernières années et que nous sommes en train d'en tenir compte. Le personnel de maintien de la paix devrait être dans une situation qui lui permette d'avoir une influence décisive, de changer les choses. Or, dans certaines des situations dont nous avons parlé, je ne pense pas qu'une mission de maintien de la paix aurait pu véritablement apporter toute l'aide que nous aurions souhaitée. Nous savons tous ce qui se passe en Sierra Leone et au Congo oriental et nous savons aussi que des combats se produisent au Congo-Brazzaville — bien qu'à un certain moment nous ayons entrevu une lueur d'espoir au Congo-Brazzaville, lorsque les combattants et les milices ont commencé à fraterniser, refusant presque de s'entre-tuer. À ce moment-là, je m'étais même dit qu'une chance s'offrait peut-être à nous et que dans certains cas nous devrions nous adresser directement aux gens et comprendre que ce sont eux et leurs familles qui sont tués, et non pas nécessairement les dirigeants.

Question (interprétation de l'anglais) : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais utiliser une autre langue.

Le Secrétaire général (interprétation de l'anglais) : Autrement dit, l'espagnol!

Question : Quel est votre point de vue personnel sur la réforme du Conseil de sécurité? Quel est le scénario idéal pour vous?

Le Secrétaire général : Évidemment, c'est difficile pour moi, en tant que Secrétaire général, de donner un avis personnel sur cette question de réforme du Conseil de sécurité, car c'est une affaire qui est entre les mains des États Membres.

J'estime qu'en fin de compte il faut une réforme du Conseil de sécurité qui rende le Conseil à la fois plus efficace et plus démocratique, et lui donne ainsi davantage de légitimité. Les États Membres doivent donc trouver une formule qui rendra le Conseil plus efficace et plus démocratique. Je crois pour ma part que, tôt ou tard, le Conseil sera modifié, réformé et qu'il pourra compter de 20 à 24 membres. Mais, on aura énormément de mal à décider quels États devront occuper les sièges permanents qui vont être créés. Pour certaines régions, ce sera très difficile.

Merci beaucoup.

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