SG/SM/6313

LE SECRETAIRE GENERAL ESTIME QUE, COMME POUR LES ARMES CHIMIQUES, IL FAUT RELEGUER AU PASSE LES MINES TERRESTRES ET RENDRE LEUR EMPLOI INFAMANT

5 septembre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6313


LE SECRETAIRE GENERAL ESTIME QUE, COMME POUR LES ARMES CHIMIQUES, IL FAUT RELEGUER AU PASSE LES MINES TERRESTRES ET RENDRE LEUR EMPLOI INFAMANT

19970905 Il assistera au nom des Nations Unies à la cérémonie de signature de la Convention qui soit se dérouler à Ottawa au mois de décembre

On trouvera ci-après le texte de la déclaration prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan à la Conférence diplomatique sur l'interdiction complète des mines antipersonnel à Oslo, le 3 septembre:

C'est avec grand plaisir que je m'adresse à vous à ce stade crucial de votre action en faveur d'une interdiction universelle des mines antipersonnel. Au nom de l'ONU, je tiens à remercier le Gouvernement norvégien qui accueille la présente conférence, dernière étape avant l'aboutissement de vos efforts et la signature de la Convention à Ottawa, en décembre.

Permettez-moi également de saluer et de remercier S. E. M. Selebi, Président de cette conférence qui aura des répercussions décisives sur le continent africain et l'ensemble de la planète.

La Conférence d'Ottawa marquera un jalon historique dans les efforts que l'on fait à l'heure actuelle pour instaurer la paix; c'est donc avec une certaine fierté que j'assisterai au nom de l'ONU à la cérémonie de signature qui s'y déroulera. Des représentants, qui symboliseront ceux dont la voix n'est pas entendue, les victimes et les estropiés assisteront à la Conférence et la mémoire de ceux qui ont péri sera honorée.

Les délibérations que vous allez tenir ici, à Oslo — en vue d'achever l'élaboration d'une convention sur l'interdiction de l'utilisation, du stockage, de la fabrication et du transfert des mines antipersonnel — témoignent que la communauté mondiale est résolue à faire oeuvre historique en menant ce processus à son terme.

L'élimination des mines terrestres, exigée par des citoyens de tous pays et prônée inlassablement par des organisations régionales et non gouvernementales est devenue une cause véritablement mondiale.

L'accident tragique qui a coûté la vie, dimanche dernier, à Diana, Princesse de Galles, a privé notre cause mondiale de l'une de ses voix les plus convaincantes. Je souhaite me joindre à vous pour honorer son remarquable engagement en faveur de la cause humanitaire comme vous l'avez fait lors de l'ouverture de la Conférence et vous lance un appel pour que vous poursuiviez avec une plus grande détermination même cette croisade des peuples que la Princesse Diana a tant promue.

Elle a montré au monde qu'une voix faisant partie du mouvement mondial de masse peut réellement faire la différence.

Étant donné que je me suis engagé à renforcer les liens entre l'ONU et la société civile, je trouve très encourageante la coopération qui unit l'une et l'autre dans le domaine de la lutte contre les mines terrestres.

À cet égard, je me félicite tout particulièrement du rôle prépondérant joué par le Comité international de la Croix-Rouge et du dynamisme de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres, qui ont été les forces motrices de l'entreprise. La lutte contre les mines terrestres est devenue un modèle de coopération et d'action internationales.

Je suis convaincu que nous voyons poindre l'aube d'une ère nouvelle dans le domaine du désarmement. La guerre froide et les menaces et craintes qu'elle suscitait faisant désormais partie du passé, la communauté internationale doit en profiter pour enrayer la fabrication d'armes.

On s'accorde de plus en plus à penser — et c'est là une manifestation nouvelle — que la prolifération d'armes de tous types, qu'il s'agisse d'armes de destruction massive ou d'armes de petit calibre, est en soi une menace pour la paix. Il y a trois mois seulement, les représentants de plus de 165 nations réunis à La Haye ont pris une mesure historique de désarmement en adoptant la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

En mettant fin à l'utilisation, à la production et au stockage des armes chimiques, les États parties se sont non seulement délivrés d'une arme cruelle, mais ils ont en outre déclaré au monde entier et aux générations à venir qu'aucun État qui se respecte, aucun peuple conscient de sa dignité ne saurait utiliser cette arme dans des conflits, qu'ils soient intérieurs ou internationaux.

Nous devons maintenant lutter contre les mines terrestres en nous mobilisant avec la même détermination que nous avons mise à obtenir l'interdiction des armes chimiques, afin de les reléguer au passé, et d'en rendre l'emploi infamant.

Votre réunion à Oslo aujourd'hui est un pas important vers la réalisation de ce noble objectif.

( suivre)

- 3 - SG/SM/6313 5 septembre 1997

Au cours des trois semaines de négociation qui vont suivre, vous examinerez les dispositions et le libellé d'une interdiction complète des mines antipersonnel, dans le cadre du processus d'Ottawa.

La Conférence de juin a posé des fondations solides. Quatre-vingt dix-sept pays ont annoncé qu'ils appuyaient le processus d'Ottawa et sont convenus de négocier les termes du traité international qui doit être signé en décembre.

Ce traité complétera certes les travaux que la Conférence du désarmement consacre de son côté à une interdiction totale des mines terrestres, mais il viendra aussi en stimuler et en accélérer l'avancement. La conjonction de ces deux actions a des chances véritables d'aboutir à une interdiction mondiale visant à la fois les pays touchés par ces mines et ceux qui les fabriquent et les exportent.

Dans mon message à la Conférence de Bruxelles, je nous avais engagés à saisir l'occasion d'éliminer cet ennemi invisible. J'avais promis aussi, promesse que je renouvelle aujourd'hui, que l'Organisation des Nations Unies soutiendrait résolument les efforts entrepris en vue d'une interdiction totale de ces mines.

Cette promesse, je la fais parce que l'utilisation d'une arme dont les victimes sont essentiellement des femmes et des enfants est fondamentalement immorale, mais aussi parce que ce fléau compromet l'activité de l'Organisation dans toutes ses dimensions, paix et sécurité, santé et développement.

L'interdiction totale des mines antipersonnel ne mettra un point final qu'à un aspect de notre lutte contre les mines terrestres : il importe en effet tout autant d'enlever les millions de mines déjà posées.

Chaque mine enlevée signifie peut-être une vie humaine épargnée. Mais nous savons aussi que pour chaque centaine de milliers de mines enlevées, deux à cinq millions de mines sont posées chaque année. La présence réelle ou redoutée d'une seule mine peut empêcher de cultiver un champ entier, et priver ainsi de ses moyens d'existence une famille, parfois même tout un village.

Mon expérience du maintien de la paix m'a permis de voir par moi-même dans toutes les régions du monde les effets proprement paralysants qu'exercent les mines terrestres sur une population et une société dans son ensemble. Les mines demeurent l'obstacle le plus destructeur, le plus meurtrier à notre action dans les sociétés qui sortent d'une situation de conflit.

Qu'il s'agisse de reconstituer l'infrastructure, de réparer les habitations ou, plus important encore, d'assurer le retour des réfugiés, les mines terrestres sont l'ennemi numéro un. Dans des pays aussi divers que l'Angola, le Cambodge ou la Bosnie, nous avons constaté à quel point le long et difficile travail de relèvement est compromis pour des années entières par la présence de mines terrestres.

( suivre)

- 4 - SG/SM/6313 5 septembre 1997

Si les victimes sont avant tout des civils, cela ne doit pas nous faire oublier que les mines terrestres menacent aussi le maintien de la paix et la consolidation de la paix eux-mêmes. J'ai encouragé le mois dernier le Conseil de sécurité dans sa décision d'instituer une médaille Dag Hammarskjöld en l'honneur de ceux qui ont donné leur vie pour le maintien de la paix.

Le tout premier des Casques bleus tombés pour la cause des Nations Unies a été tué par une mine terrestre au Moyen-Orient. Ils ont été bien trop nombreux depuis à tomber victimes des mines, et la liste continue à s'allonger avec la situation en Bosnie. Pour honorer la mémoire de ce premier Casque bleu victime d'une mine et de tous ceux qui ont suivi, nous nous devons d'éliminer l'utilisation et la production des mines.

La mission que vous avez entreprise a de réelles chances de porter ses fruits. L'horreur universelle qu'inspire l'utilisation des mines atteint en effet une ampleur sans précédent.

Même dans les milieux militaires, on se convainc de plus en plus que les mines terrestres sont une menace aussi grave pour ceux qui les posent que pour autrui. On s'accorde de plus en plus à penser que l'utilité stratégique des mines antipersonnel est marginale, et que dans les conflits, en nombre croissant, dans lesquels les frontières sont mouvantes, les champs de mines défensifs limitent plus les opérations qu'ils ne les favorisent.

Enfin, Mesdames et Messieurs, c'est le développement même que le fléau des mines terrestres paralyse. Pour les pays en développement, il n'est que trop fréquent d'être victime de deux plaies, la misère et la guerre, et les mines terrestres sont de toutes les séquelles de la guerre la plus durable et la plus meurtrière. Si on ne les élimine pas, les réfugiés seront beaucoup moins nombreux à pouvoir retourner chez eux, les champs en friche seront bien moins accessibles, et la paix elle-même restera hors de portée.

Voilà pourquoi votre oeuvre est si importante, voilà pourquoi votre objectif, l'interdiction totale de ces mines, est si riche de promesses pour les millions de personnes menacées de par le monde, dans les armées comme dans les populations.

Je rends hommage à votre sens de l'avenir et me réjouis à la perspective de vous voir à Ottawa.

Je vous remercie.

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