SG/SM/6257

LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL PROMET LA JUSTICE UNIVERSELLE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DU BARREAU

3 septembre 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6257


LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL PROMET LA JUSTICE UNIVERSELLE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DU BARREAU

19970903 On trouvera ci-après le texte de la déclaration que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcée le 11 juin à New York devant l'Association internationale du barreau :

Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Association internationale du barreau.

Pour reprendre ce que disait récemment la Présidente de l'Irlande, Mme Robinson, s'adressant à des étudiants de la faculté de droit de Yale lors de la remise des diplômes : "Le monde a beaucoup plus besoin de juristes qu'il ne veut bien l'admettre".

Au moment même où votre institution s'apprête à faire le point de ce qu'elle a accompli au cours des 50 dernières années, nous réfléchissons nous aussi aux résultats obtenus et aux moyens de renforcer l'objectif et la mission de l'Organisation des Nations Unies. Conscients de notre héritage, nous avons en effet entrepris la réforme de notre Organisation, résolus à défendre ses principes et à respecter les fondements sur lesquels elle s'appuie. Ces fondements, c'est avant tout le droit.

C'est la conviction que le comportement des États et les relations interétatiques doivent être régies par un seul droit, égal et applicable à tous. C'est la volonté de parvenir à un règlement pacifique et négocié des différends. C'est aussi l'espoir ardent qu'un jour tous les peuples des Nations Unies jouiront des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Tel est notre héritage. Un héritage que nous cherchons à faire vivre, chaque jour, aux quatre coins du monde. Tel est notre devoir solennel et notre vocation suprême.

Que pouvons-nous faire aujourd'hui pour répondre à cette vocation? Comment pouvons-nous servir notre planète au mieux de ses intérêts? Par quels moyens pouvons-nous recentrer, perfectionner et fortifier l'Organisation des Nations Unies?

- 2 - SG/SM/6257 3 septembre 1997

Ces questions sont au coeur de notre effort de réforme et je suis convaincu que les réponses que nous leur apporterons traceront la voie de l'Organisation pour les années à venir.

Le droit international connaît aujourd'hui une période de mutation extraordinaire et d'immenses progrès ont été réalisés pour affermir ses prescriptions, élargir son champ d'application et exécuter son mandat.

Il apparaît de plus en plus évident que les défis de demain — drogues, maladies, criminalité et terrorisme international — ignorent les frontières, et plus nous prenons conscience de cette réalité, plus nous réalisons que le droit international est un outil indispensable aux actions que nous devons mener au plan mondial pour relever ces défis.

Au plan mondial, mais aussi ensemble; par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies, les États Membres ont entrepris de coordonner leurs interventions dans le domaine juridique et d'instituer des normes durables régissant le comportement des États et les relations interétatiques

Depuis sa création, l'Organisation des Nations Unies a toujours joué un rôle de premier plan en matière de codification des normes internationales et nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la Commission du droit international.

Le rôle primordial de l'Organisation en matière de droit international est consacré par la Charte des Nations Unies qui appelle l'Assemblée générale — je cite : "à provoquer des études et à faire des recommandations en vue ... d'encourager le développement progressif du droit international et sa codification".

Au cours des 50 dernières années, la Commission du droit international s'est acquittée avec succès de sa mission, établissant les règles fondamentales de la plupart des principaux domaines du droit international, règles qui ont à leur tour servi de base aux traités internationaux régissant les activités des États en matière de navigation maritime, d'extraction pétrolière en mer et d'approvisionnement en eau potable, entre autres.

On peut dire de certains de ces traités, et notamment ceux qui concernent les questions de diplomatie, qu'ils sont le fondement pratique des relations internationales.

J'aimerais ce soir vous faire part de mes opinions sur un élément primordial des aspirations des Nations Unies au plan du droit international et pour lequel je nourris personnellement de grands espoirs. Je veux parler de la création d'une Cour criminelle internationale.

- 3 - SG/SM/6257 3 septembre 1997

Il ne saurait y avoir de justice au plan mondial tant que les pires des crimes, à savoir les crimes contre l'humanité, restent impunis. Et aujourd'hui plus que jamais, nous devons reconnaître que le crime de génocide commis contre un peuple constitue véritablement une agression contre chacun d'entre nous, et, partant, un crime contre l'humanité.

La création d'une Cour criminelle internationale doit permettre à l'humanité de réagir avec diligence et justice.

Durant près d'un demi-siècle, c'est-à-dire depuis presque aussi longtemps que l'Organisation des Nations Unies existe, l'Assemblée générale a reconnu la nécessité de créer une Cour criminelle internationale chargée de poursuivre et de châtier les personnes responsables de crimes tels que le crime de génocide.

Alors qu'il semblait inconcevable à beaucoup que puissent se reproduire un jour les horreurs de la deuxième guerre mondiale — les camps, la cruauté, les exterminations, l'holocauste — celles-ci se sont reproduites; au Cambodge, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda. Notre époque et même la décennie en cours attestent que la capacité de l'homme à faire le mal ne connaît pas de limites.

Le terme de génocide, c'est-à-dire la destruction de tout un peuple en raison de ses origines ethniques et nationales, est un terme qui fait désormais partie du vocabulaire de notre époque. Il n'en recouvre pas moins une réalité odieuse qui appelle une réponse historique.

En l'absence d'une Cour criminelle internationale, le Conseil de sécurité a décidé d'instituer deux tribunaux internationaux d'exception, respectivement pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Ces tribunaux ont obtenu des résultats significatifs et constituent un précédent important. Les criminels de guerre peuvent être désormais traduits en justice et ils le seront.

Les tribunaux ne peuvent toutefois accomplir leur tâche qu'à la condition que tous les criminels mis en accusation soient arrêtés rapidement, jusqu'au dernier. À ce propos, j'aimerais une fois de plus appeler tous les pays concernés à mettre à la disposition des tribunaux les personnes accusées de crimes relevant de leur juridiction. C'est là une condition essentielle et nécessaire à l'accomplissement d'une justice véritable.

Je voudrais également saisir cette occasion pour applaudir la franchise et la sincérité avec lesquelles mon amie Madeleine Albright, Secrétaire d'État des États-Unis, a évoqué la question des crimes de guerre, lors de sa récente visite dans les Balkans.

La paix et la justice sont indissociables, que ce soit dans l'ex-Yougoslavie, au Rwanda ou dans toute autre situation faisant suite à un conflit, où l'aube de la paix doit poindre avec la lumière de la justice.

- 4 - SG/SM/6257 3 septembre 1997

La Cour criminelle internationale symbolise notre plus ardent espoir de voir enfin réunies la paix et la justice. C'est l'un des éléments essentiels du système de protection internationale des droits de l'homme qui est en train de voir le jour. Grâce à cette Cour, tout individu accusé de génocide dans quelque pays que ce soit sera jugé et éventuellement condamné.

De grands progrès ont été réalisés depuis l'élaboration en 1994 du projet de statut pour une Cour criminelle internationale par la Commission du droit international. L'Assemblée générale a décidé de convoquer en 1998 une conférence de plénipotentiaires chargée de conclure une convention portant création d'une Cour criminelle internationale.

Cette conférence coïncidera avec le cinquantième anniversaire de l'adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et l'on ne saurait, selon moi, imaginer d'occasion plus solennelle et importante pour franchir une nouvelle étape décisive vers une justice véritablement mondiale. La Cour criminelle internationale fera bien plus que renforcer l'idéal exprimé par la Convention relative au crime de génocide : elle sera la réalisation concrète de cet idéal.

La création de la Cour criminelle internationale porte en elle la promesse d'une véritable justice universelle. Cette promesse repose sur un espoir simple mais qui ne cesse de grandir et elle est sur le point de se réaliser. Nous ferons tout pour qu'elle se réalise pleinement.

En tant que juristes, en tant que défenseurs de la justice, nous vous demandons de vous unir à notre lutte et de faire tout votre possible pour qu'aucun dirigeant, aucun État, aucune junte et aucune armée dans le monde ne puisse impunément faire fi des droits de l'homme.

Alors seulement les victimes innocentes de guerres et de conflits lointains sauront qu'elles peuvent enfin s'en remettre à la justice et exercer leurs droits et que ceux qui enfreignent ces derniers seront châtiés.

Permettez-moi de conclure en vous félicitant à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'Association internationale du barreau. Puissent les 50 prochaines années êtres aussi fructueuses et fécondes que l'ont été les 50 dernières.

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