SG/SM/6268

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DÉCLARE QUE, SI L'INFORMATION ET LE SAVOIR SONT INDISPENSABLES POUR LA DÉMOCRATIE, ILS SONT AUSSI LA CONDITION DU DÉVELOPPEMENT

29 août 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6268


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DÉCLARE QUE, SI L'INFORMATION ET LE SAVOIR SONT INDISPENSABLES POUR LA DÉMOCRATIE, ILS SONT AUSSI LA CONDITION DU DÉVELOPPEMENT

19970829 On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à la Conférence de la Banque mondiale "Le savoir mondial 97", tenue à Toronto (Canada) le 22 juin :

Je suis honoré et très flatté de me joindre à vous ce soir à Toronto pour cette conférence importante accueillie par le Gouvernement canadien et organisée par mon ami et allié — véritable visionnaire de l'action en faveur de la paix et du développement —, Jim Wolfensohn.

Si nous sommes réunis ici, c'est que nous nous préoccupons tous du fléau que sont la pauvreté et la misère dans le monde. Nous sommes ici réunis parce que nous estimons que cette pauvreté est intolérable dans un monde d'abondance.

Et nous sommes ici réunis parce que nous sommes convaincus — ou plutôt nous savons — que nous pouvons de notre vivant mettre un terme à cette pauvreté grâce à nos efforts et à notre réflexion.

Nous savons que l'homme est à l'origine du problème mondial de la coexistence de la misère et de l'abondance et que lui seul peut y remédier.

Les faits sont là. Les inégalités de revenu, les inégalités d'accès aux services et les inégalités de chances sont criantes. On estime à 1,3 milliard le nombre d'habitants de la planète qui vivent avec moins d'un dollar par jour; près d'un milliard sont analphabètes; plus d'un milliard n'ont pas accès à l'eau potable; quelque 840 millions souffrent de la faim ou de l'insécurité alimentaire; et près d'un tiers de la population des pays les moins avancés ne vivra probablement pas au-delà de 40 ans.

C'est un fait que les femmes et les enfants souffrent beaucoup plus que les autres du manque de développement, que la maladie, en particulier le sida, fait des ravages dans les familles et dans les communautés d'un grand nombre de pays en développement, et que les conflits armés frappent une trentaine de pays, principalement en Afrique.

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L'indicateur du développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, publié il y a 10 jours — et qui classe, soit dit en passant, le Canada en première position —, a révélé que, pour la première fois, pas moins de 30 pays enregistrent des résultats moins bons cette année que par le passé, ce qui signifie qu'au lieu de progresser, ils régressent du point de vue du développement humain.

Les inégalités extrêmes sont moralement inacceptables, économiquement irrationnelles et politiquement indéfendables.

Mais comment les combattre et les vaincre? Comment mieux oeuvrer en faveur du développement et contre la pauvreté avec les ressources dont nous disposons et dans le contexte actuel? De quels outils avons-nous besoin, que peuvent-ils permettre d'accomplir et combien de temps devons-nous consacrer à la lutte contre la pauvreté? Voilà les questions qui occupent les esprits et les coeurs de tous ceux qui se sont réunis à Toronto pour cette conférence.

Au cours des prochains jours, vous allez participer à des débats cruciaux sur le savoir mondial, sur le rôle et le pouvoir de l'information et sur leur impact sur le développement. Par vos échanges, vous allez découvrir de nouveaux moyens de faire de l'information un agent du changement et un outil de prospérité. Nous devons et allons faire du savoir et de l'information nos partenaires du progrès.

Alors que je contemple cette salle et que je constate avec émerveillement la diversité des groupes et des organisations qui sont résolus à atteindre le même objectif, je me dis que, de toute évidence, l'action en faveur du développement a été fondamentalement transformée.

L'explosion du nombre d'organisations non gouvernementales, de groupes de la société civile et d'entreprises du secteur privé qui ont un rôle à jouer dans le développement donne un nouvel élan à notre action et accroît notre potentiel.

Nulle part ailleurs que dans la révolution de l'information et dans le nouveau monde qui s'ouvre tous les jours aux hommes et aux femmes ce phénomène n'est plus manifeste ou plus exaltant.

Tous ensemble — l'Organisation des Nations Unies, la Banque mondiale, les gouvernements, le secteur privé, les membres de la société civile — nous devons entreprendre une action commune en faveur de l'information.

Nous devons le faire partout et à chaque fois que nous le pouvons car cette nouvelle révolution ne nous laisse pas le choix. Le développement, la paix et la démocratie ne sont plus du ressort exclusif des gouvernements, des organisations mondiales ou des organismes intergouvernementaux.

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L'immense pouvoir de démocratisation de l'information nous offre à tous la possibilité de favoriser le changement et de faire reculer la pauvreté avec des moyens que nous n'imaginons même pas aujourd'hui. Notre tâche, votre tâche, au cours des jours à venir, est de faire profiter tous ceux qui sont dans le besoin, où qu'ils se trouvent, des progrès réalisés. En faisant de l'information notre alliée et en permettant à tous d'accéder au savoir, nous pouvons mettre un terme à la pauvreté.

La connaissance est source de pouvoir, l'information facteur de libération et l'éducation condition du progrès dans toutes les sociétés et dans toutes les familles.

Nous, à l'Organisation des Nations Unies, sommes convaincus que l'information a un immense pouvoir de démocratisation qu'il reste à exploiter pour renforcer notre action mondiale en faveur de la paix et du développement.

Nous en sommes convaincus car nous estimons que c'est l'ignorance, et non le savoir, qui transforme des hommes en ennemis. C'est l'ignorance, et non le savoir, qui transforme des enfants en combattants. C'est l'ignorance, et non le savoir, qui conduit certains à préconiser la tyrannie contre la démocratie. C'est l'ignorance, et non le savoir, qui amène certains à penser que la misère humaine est inévitable. C'est l'ignorance, et non le savoir, qui amène d'autres à affirmer que de nombreux mondes se côtoient alors que nous savons qu'il n'y en a qu'un, le nôtre.

L'information et la liberté sont inséparables. La révolution de l'information est inconcevable sans la démocratie et une véritable démocratie est inimaginable sans liberté de l'information. Il y a là un nouveau front que l'Organisation des Nations Unies s'attache à faire avancer par son action, ses ressources et ses atouts.

Nous avons appris trop souvent que la démocratisation — comme la réforme, aurais-je envie d'ajouter — est un processus et non un événement. Qui dit démocratie dit institutions, respect de la loi, intégrité des forces armées et élections libres et régulières. Dans tous ces domaines, l'Organisation des Nations Unies s'emploie à faire prévaloir la démocratie en diffusant l'information et en encourageant le savoir.

Pourquoi cela? Parce que des électeurs avertis sont des électeurs influents. Parce que des citoyens informés sont les plus grands défenseurs des libertés. Parce qu'un gouvernement éclairé est un gouvernement acquis au principe de la démocratie.

La quantité et la qualité des informations disponibles évoluent sans cesse dans tous les pays du monde. Parallèlement, les citoyens ont de plus en plus accès à l'information. Et, ce qui est peut-être le plus important, la diffusion de l'information oblige tout gouvernement libre à faire preuve de transparence et à assumer la responsabilité de ses actions.

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Le consentement des gouvernés — condition sine qua non de toute société libre — doit être avisé et donné en toute connaissance de cause. Pour nous, l'enjeu est maintenant d'assurer l'accès de tous à l'information.

L'accès à l'information est essentiel. La capacité de recevoir, télécharger et partager l'information dans le cadre de réseaux électroniques, la capacité de publier des journaux sans censure ni restriction, la liberté de communiquer librement au-delà des frontières nationales, telles doivent être les libertés essentielles offertes à tous.

Depuis trop longtemps, les inégalités économiques et la peur de la liberté empêchent la plupart des hommes et des femmes du monde entier de tirer parti de ce don précieux qu'est le savoir.

Aucune excuse, aucune raison ne peuvent plus justifier cette situation. Plus personne ne conteste le danger que représentent pour toute société des inégalités excessives. Plus personne ne prétend gouverner en appliquant des principes autres que ceux de la démocratie.

Pour l'Organisation des Nations Unies, cette évolution a eu des répercussions très concrètes et positives ces dernières années. En 1992, nous avons reçu sept demandes d'assistance électorale. Ne serait-ce que ces cinq dernières années, nous avons participé à plus de 40 élections afin de répondre aux demandes d'aide des gouvernements concernant la préparation et la tenue des élections et la vérification du processus électoral.

Tel est le visage du nouveau monde créé par la révolution de l'information, dont les répercussions se font sentir dans tous les domaines, notamment l'agriculture, la santé, l'éducation, la mise en valeur des ressources humaines et la gestion de l'environnement. Partout, la diffusion de l'information transforme les pratiques et favorise le progrès.

Les technologies de l'information et de la communication offrent des perspectives inouïes, en particulier aux pays en développement et dans l'optique du développement durable. Le revers de la médaille, c'est qu'une nouvelle inégalité est en train de se creuser, entre ceux qui disposent de l'information et les autres, entre ceux qui trouvent de nouvelles voies vers le développement et ceux qui prennent de plus en plus de retard.

Que pouvons-nous faire, que pouvez-vous faire — dans le cadre de cette conférence comme au sein de vos organismes et organisations — pour créer cet environnement propice au développement et à la démocratie sans lequel il ne saurait y avoir de savoir mondial?

— Offrir aux pays en développement un accès plus large, plus libre et plus équitable à l'information, grâce à l'amélioration des infrastructures et au progrès technologique;

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— Encourager les gouvernements à exercer moins de contrôle et à supprimer la censure, le cas échéant;

— Créer un environnement propice à la croissance et aux échanges entre les pays industrialisés et les pays en développement afin de rendre les transferts de technologie plus rapides et plus efficaces;

— Introduire des méthodes novatrices d'enseignement et d'apprentissage à tous les niveaux, compte tenu des contextes culturels, afin de permettre l'acquisition d'un maximum de connaissances;

— Favoriser les investissements étrangers qui, comme Jim le sait bien, sont actuellement six fois plus importants que l'aide publique au développement, et faire de ces investissements un facteur de savoir;

— Offrir la possibilité de lancer des projets pilotes dans des domaines tels que l'enseignement interactif à distance, la télémédecine, les opérations bancaires à distance et le microcrédit ainsi que la protection et la gestion de l'environnement;

— Faire en sorte que les jeunes soient les premiers bénéficiaires du savoir et les aider à en tirer parti pour s'assurer, ainsi qu'à leur peuple, une vie meilleure et plus enrichissante.

Le rôle et les responsabilités du système des Nations Unies sont aussi clairs que décisifs : faire en sorte que la révolution de l'information bénéficie aux pays en développement.

Enfin libérés des carcans idéologiques de la guerre froide, nous pouvons relever ce défi avec une énergie nouvelle et un pragmatisme sain. L'information n'appartient pas à une idéologie, le savoir n'est pas le privilège d'une croyance ou d'une conviction.

Si l'information et le savoir sont indispensables pour la démocratie, ils sont aussi la condition du développement. C'est aussi simple que cela.

Notre époque a ceci d'exaltant que nous avons le privilège d'accéder instantanément et partout dans le monde à l'information. Il est de notre devoir et de notre responsabilité d'offrir ce privilège à tous les peuples du monde afin que chacun puisse accéder au savoir et à la connaissance.

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