LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL APPELLE AU "DÉFERLEMENT DE LA TROISIÈME VAGUE AFRICAINE" FONDÉE SUR LA DÉMOCRATIE, LES DROITS DE L'HOMME ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Communiqué de Presse
SG/SM/6245
AFR/9
LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL APPELLE AU "DÉFERLEMENT DE LA TROISIÈME VAGUE AFRICAINE" FONDÉE SUR LA DÉMOCRATIE, LES DROITS DE L'HOMME ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
19970825 Il souligne l'importance d'un gouvernement issu de la volonté populaire et met en garde contre le renversement par les armes des pouvoirs élusLe texte ci-après est celui de la déclaration faite le 2 juin par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'occasion de la Conférence annuelle des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), à Harare :
C'est un honneur et un privilège pour moi de pouvoir m'adresser aux dirigeants africains réunis ici, à Harare, pour participer à la Conférence annuelle des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA).
En notre nom à tous, je rends hommage au Président Robert Mugabe. Nous le remercions, ainsi que le Gouvernement et le peuple zimbabwéens, pour leur accueil chaleureux et leur courtoise hospitalité.
En tant que fils de l'Afrique, je suis fier de l'étroite coopération qui s'est instaurée entre l'OUA et l'Organisation des Nations Unies. La qualité de cette collaboration qui s'étend désormais à la majeure partie du continent, témoigne bien de l'engagement personnel profond des dirigeants africains et du dévouement de l'énergique Secrétaire général de l'OUA, le docteur Salim Ahmed Salim.
Nous devons continuer d'intensifier et d'améliorer nos efforts communs en faveur de la paix et du développement.
Les défis qui s'offrent à l'Afrique ne sont ni nouveaux ni simples. Mais nous avons, aujourd'hui, le devoir de les relever ensemble! Nous le devons à nos peuples, au nom de notre idéal de paix, de prospérité et de démocratie.
Grâce à la paix, pourra s'éveiller un monde plein d'avenir, un monde promis à la démocratie, à la justice, à l'égalité, au développement durable.
- 2 - SG/SM/6245 AFR/9 25 août 1997
Je veux donc, ici, réaffirmer l'engagement indéfectible de l'Organisation des Nations Unies en faveur de l'établissement de la paix, de l'élimination de la pauvreté et de l'instauration d'une croissance économique durable en Afrique.
Mais la consolidation de la paix passe aussi par l'édification, difficile et souvent ingrate, d'une société plus juste et d'une économie plus saine. C'est une oeuvre de longue haleine qui se construit pas à pas, pierre par pierre, école par école, entreprise par entreprise.
Parfois, le chemin apparaîtra rude. Mais je suis convaincu que la récompense sera au rendez-vous. Demain, elle s'incarnera dans le quotidien de nos enfants, dans le quotidien de l'Afrique tout entière!
Ces 50 dernières années, l'Afrique a connu des bouleversements d'une ampleur sans précédent. Il y eut d'abord la décolonisation et la lutte contre l'apartheid. Puis vint la seconde vague, trop souvent caractérisée par les guerres civiles, les dictatures militaires et le marasme économique. J'ai la ferme conviction qu'une nouvelle ère s'annonce : la troisième vague africaine.
Profitons-en pour instaurer une paix durable fondée sur la démocratie, les droits de l'homme et le développement durable.
Les signes avants-coureurs de cette troisième vague sont déjà nombreux. Le passage à la démocratie de la Namibie, du Mozambique et, plus récemment, de l'Afrique du Sud est de ceux que nous pouvons saluer.
En Angola, deux ans et demi après la signature du Protocole de Lusaka, le processus de paix est enfin amorcé.
Au Libéria, la mission des Nations Unies, qui oeuvre de concert avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'OUA, apporte son concours à l'instauration d'une paix durable et démocratique.
Au Sahara occidental, l'Organisation des Nations Unies redouble d'efforts pour sortir le conflit de l'impasse.
Au Congo, nous avons assisté à un brusque renversement des pouvoirs qui a sonné le glas d'une longue période de despotisme. Il s'agit là d'une véritable occasion historique à saisir. C'est avec soulagement que le monde entier a vu la transition s'effectuer de façon relativement pacifique; tous ont noté avec satisfaction que le Président Kabila s'engageait à maintenir un régime constitutionnel et à organiser des élections démocratiques.
- 3 - SG/SM/6245 AFR/9 25 août 1997
Cela étant, il est indispensable que la protection de la vie humaine et le respect absolu des droits de l'homme deviennent dès à présent une priorité et que l'ordre soit rapidement rétabli dans ce vaste pays débordant d'énergie. Les Nations Unies demandent que nous puissions secourir les faibles et les personnes déplacées, considérant qu'il importe de réaffirmer le caractère sacré de la vie au seuil de cette ère nouvelle.
Comment faire converger ces multiples courants pour que la troisième vague africaine déferle enfin sur tout le continent?
Mes amis, je vous parle du fond du coeur, en tant qu'Africain : nous ne réussirons que si nous affirmons la primauté de la démocratie, l'inviolabilité des droits de l'homme et les impératifs du développement durable.
Le succès de la troisième vague repose sur un postulat unique et simple : la volonté du peuple. La volonté du peuple doit être le fondement du pouvoir gouvernemental en Afrique et les gouvernements, dûment élus, ne devraient pas être renversés par les armes.
La semaine dernière, en Sierra Leone, des militaires ont renversé un gouvernement démocratiquement élu. Le Secrétaire général de l'OUA, le Gouvernement zimbabwéen et d'autres dirigeants africains se sont exprimés en notre nom à tous lorsqu'ils ont condamné cet acte.
L'Afrique ne peut plus tolérer ni accepter comme faits accomplis les coups d'État qui mettent à bas des gouvernements élus et les prises de pouvoir illégales par des juntes militaires, qui agissent pour le compte de factions ou, simplement, dans leur intérêt propre. L'armée doit servir à protéger la souveraineté nationale; elle n'est pas là pour braquer ses fusils sur le peuple.
D'aucuns avanceront que les régimes militaires sont synonymes de stabilité et de prévisibilité, et favorisent le développement économique. Ce n'est qu'une illusion. Regardez ce qui se passe en Amérique du Sud depuis que les militaires ont regagné leurs casernes : la démocratie est florissante et l'économie en plein essor.
Il est donc clair que nous devons promouvoir une nouvelle doctrine en Afrique : partout où la démocratie a été confisquée, attachons-nous à la rendre à son seul détenteur légitime, le peuple.
Une condamnation verbale, bien que nécessaire et souhaitable, ne suffit pas. Il convient également d'isoler les auteurs de coup d'État, de les mettre au ban de la société. Les pays limitrophes, les groupements régionaux et la communauté internationale ont tous un rôle à jouer à cet égard.
- 4 - SG/SM/6245 AFR/9 25 août 1997
Le succès de la troisième vague africaine dépend également du respect des droits de l'homme fondamentaux. Les conflits qui ont ravagé notre continent n'ont que trop souvent été accompagnés de violations systématiques de ces droits.
Je suis conscient que certains considèrent ce souci comme un luxe des pays riches que l'Afrique ne peut pas encore se permettre. Je sais que d'autres l'envisagent comme une contrainte, voire un complot, des pays occidentaux industrialisés.
De tels propos me paraissent infâmes, car ils trahissent un total mépris du profond désir de dignité qui habite tout Africain.
Les mères africaines ne pleurent-elles pas lorsque leurs fils ou leurs filles sont tués ou blessés par des agents de la répression? Les pères africains ne souffrent-ils pas lorsque leurs enfants sont injustement emprisonnés ou torturés? L'Afrique tout entière ne se sent-elle pas appauvrie lorsque l'un de ses brillants hérauts est réduit au silence?
Si nous voulons réussir dans notre démarche, nous ne pouvons nous permettre de sacrifier une seule vie, ni de négliger une seule idée, ni de renoncer à un seul espoir. Je vous affirme donc, à vous, mes frères et mes soeurs, que les droits de l'homme sont des droits africains et je vous invite à faire en sorte que chaque Africain puisse en jouir pleinement.
Oeuvrons de concert, avec l'Organisation des Nations Unies, pour favoriser la conduite avisée des affaires publiques et le respect du droit. Si nous y parvenons, l'Afrique aura franchi une étape décisive.
Enfin, le succès de cette troisième vague dépend de l'instauration d'un développement durable dans toute l'Afrique. L'Organisation des Nations Unies entend jouer pleinement son rôle pour que cet impératif devienne réalité. Par chance, le continent africain possède d'immenses ressources humaines et naturelles.
Imaginez que l'assistance de l'ONU ne soit plus nécessaire pour les urgences d'ordre humanitaire ni pour la reconstruction après les conflits, mais qu'elle serve à favoriser le développement à long terme.
Imaginez que la sortie du continent africain des capitaux affectés au service de la dette soit éclipsée par une rentrée d'investissements destinés à fructifier et à créer des emplois... Mais, il n'est nul besoin de faire preuve d'imagination.
L'expérience a en effet montré ailleurs dans le monde que cela peut se produire, et rapidement.
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Je donne l'assurance du soutien total de l'ONU, de ses institutions spécialisées et des institutions issues des Accords de Bretton Woods. Nous allons poursuivre les efforts que nous menons depuis longtemps déjà pour créer un environnement propice à la croissance et à la prospérité économiques. Nous allons continuer de vous prêter assistance dans la mise au point de nouvelles stratégies d'investissement et de nouvelles pratiques commerciales.
En outre, les réformes institutionnelles que je présenterai aux gouvernements, en juillet, viseront à améliorer l'efficacité de l'Organisation, la réduction du coût de l'administration centrale devant s'accompagner d'un accroissement de l'assistance sur le terrain. L'Afrique devrait être l'un des principaux bénéficiaires de ces réformes.
Le développement durable exige également que des initiatives décisives soient prises à l'échelon national en matière de politique. La démocratisation et le respect de la légalité des droits de l'homme notamment sont des préalables indispensables. Pouvoir jouir des droits économiques fondamentaux est une nécessité qui va de soi, mais le développement durable suppose que d'autres conditions soient remplies.
Il faut permettre à tous les membres de la société de saisir les possibilités qu'offre le développement. Il faut assurer la sécurité des biens de l'agriculteur, du commerçant et du fabricant. Il faut valoriser l'éducation et dispenser des soins de santé. Enfin, il faut faire en sorte que les ressources soient gérées rationnellement, pour éviter qu'elles ne s'épuisent.
La société civile a un rôle à jouer. Dès lors que chaque citoyen sera réellement et durablement intéressé dans l'avenir du continent politiquement, économiquement et culturellement il n'y aura plus de limite à ce que nos peuples, les peuples d'Afrique, pourront réaliser.
Mes amis, nous entrevoyons ce que nous promet la troisième vague africaine. Notre tour est venu. Nous sommes à même d'éliminer la pauvreté, de permettre aux populations disséminées de se fixer, de rétablir l'espoir et de ranimer les énergies. L'Afrique a besoin d'une assistance extérieure, et elle la mérite; mais en fin de compte, c'est à nous qu'il incombe de prendre en main notre destinée.
Les clefs du succès sont la démocratie, le respect des droits de l'homme et le développement durable. À nous d'en faire une réalité pour l'Afrique et pour ses enfants.
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