SG/SM/6301

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DIT QUE LE SOUCI DE DÉFENDRE LES DROITS DE L'HOMME QUI SE MANIFESTE AU NIVEAU MONDIAL MARQUE UN TOURNANT DANS LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE L'APRÈS-GUERRE FROIDE

19 août 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6301


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DIT QUE LE SOUCI DE DÉFENDRE LES DROITS DE L'HOMME QUI SE MANIFESTE AU NIVEAU MONDIAL MARQUE UN TOURNANT DANS LA POLITIQUE INTERNATIONALE DE L'APRÈS-GUERRE FROIDE

19970819 Le public finlandais est informé de ce qui est fait actuellement pour renforcer les activités de l'ONU visant à faire respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme

On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan, a prononcée le 13 août devant l'Institut des affaires étrangères de l'Association Paasiviki à Helsinki (Finlande) :

Le seul nom d'Helsinki est synonyme de droits de l'homme. Pour des millions de personnes, le Processus d'Helsinki a été en lui-même porteur d'espoir. Votre pays a largement contribué à faire en sorte que les droits de l'homme soient inscrits à l'ordre du jour de la communauté internationale puisque la Finlande est partie aux six grands instruments relatifs aux droits de l'homme, des Finlandais prennent une part active aux opérations menées par l'ONU pour les faire respecter et maintenir la paix et le Gouvernement finlandais verse de généreuses contributions aux fonds de contributions volontaires des Nations Unies destinés à financer ces opérations.

C'est dire qu'on ne peut rêver de sujet de discussion plus approprié à Helsinki que l'action de l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. J'ai cependant une autre raison de vous en entretenir; en effet, dans le domaine des droits de l'homme comme dans d'autres domaines, le moment est venu pour l'Organisation de se réformer et de prendre des décisions.

Depuis sa création même, l'Organisation des Nations Unies s'est employée à établir des principes juridiques relatifs aux droits de l'homme qui fassent autorité sur le plan international et à les affiner. Mais ce n'est que très récemment qu'elle a commencé à mener des activités opérationnelles pour assurer la défense de ces droits. C'est au cours des années 90, en effet, que le nombre de ces activités sur le terrain, au niveau des pays, a véritablement foisonné. Les droits de l'homme sont désormais un élément permanent de l'action de l'Organisation en faveur de la paix et un facteur d'importance capitale dans les relations internationales. Toutefois, nous avons réagi aux événements plutôt que cherché à faire systématiquement oeuvre constructive. Il y a donc lieu de dresser le bilan de l'action menée par l'Organisation dans le domaine des droits de l'homme.

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L'Organisation des Nations Unies est née de la résistance au fascisme et au nazisme. De tels fléaux, pensait-on, ne pouvaient être combattus que si tous les pays unissaient leurs forces. L'expérience effroyable de l'holocauste a fait comprendre aux auteurs de la Charte l'importance capitale que devaient avoir les droits de l'homme dans un nouveau cadre de paix et de sécurité internationales. En fait, la notion moderne de droit de l'homme est née de la volonté résolue de faire en sorte que les monstrueuses violations de ces droits commises pendant la période nazie ne se reproduisent plus jamais.

Malheureusement, de telles violations sont toujours commises. Mais les principes consacrés dans la Charte et dans les instruments qui lui sont postérieurs ont valeur de normes universelles. L'Article premier de la Charte dispose en effet que l'un des objectifs de l'Organisation des Nations Unies est "de réaliser la coopération internationale ... en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion".

Mais la Charte indique aussi clairement que tous les buts de l'Organisation devraient tendre à promouvoir la paix et la sécurité, indication qui découle manifestement des enseignements tirés de la seconde guerre mondiale selon lesquels le respect des droits de l'homme, la promotion de la paix et du développement économique et social et l'instauration de la justice et de la démocratie dans le monde garantiraient un avenir pacifique et sûr.

La Charte des Nations Unies a été, à un double titre, à l'origine d'une grande évolution de la politique suivie par la communauté internationale en matière de droits de l'homme. En effet, elle a fait comprendre, sans l'ombre d'un doute possible, qu'il était légitime que la communauté internationale se préoccupe de ces droits et elle a habilité l'Organisation à les définir et à les codifier et mis ses États Membres dans l'obligation de s'atteler à cette tâche.

La fondation de l'Organisation des Nations Unies a coïncidé avec cette révolution des droits de l'homme, dont elle a été un des éléments. Les droits de l'homme sont l'expression de l'aspiration universelle à des normes de comportement applicables à tous les gouvernements et à tous les individus auxquelles la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous célébrerons le cinquantième anniversaire l'an prochain, a donné un contenu précis.

L'article premier de ces instruments dispose que "tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits". L'article 28 ajoute que "toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet." La Déclaration de Vienne de 1993 est allée encore plus loin puisqu'elle précise que "tous les droits de l'homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés" ... et que "leur caractère universel" est "incontestable".

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Pendant la guerre froide, l'Organisation des Nations Unies n'a fait que de modestes avancées dans le domaine des droits de l'homme au niveau national. Elle a certes constamment progressé dans l'établissement de normes et dans la négociation de pactes et de conventions mais la situation politique mondiale ne se prêtait pas à une évolution majeure de son action. On a tenté à diverses reprises mais toujours vainement de créer le poste de Haut Commissaire aux droits de l'homme, par exemple. La question des droits de l'homme a donné lieu à de nombreuses prises de position idéologiques mais à peu d'activités concrètes. L'argument de la sécurité nationale a souvent été invoqué pour excuser ou justifier les violations de ces droits.

Il n'en reste pas moins cependant que les droits de l'homme, en particulier tout ce qui a été fait à Helsinki dans ce domaine, ont contribué à mettre fin à la guerre froide. Après la Conférence d'Helsinki, ils sont véritablement apparus comme une question à part entière et l'ONU a alors commencé à mener dans ce domaine une foison d'activités opérationnelles nouvelles qui ont été suivies de faits nouveaux importants.

En 1993, la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'homme a été la première conférence mondiale à traiter la question de manière approfondie. Comme suite à une recommandation de la Conférence, l'Assemblée générale a créé le poste de Haut Commissaire aux droits de l'homme qui, comme le stipule la résolution sur la question, est "le fonctionnaire des Nations Unies auquel incombe à titre principal, sous la direction et l'autorité du Secrétaire général, la responsabilité des activités des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme". La création de ce poste a représenté, elle aussi, un grand pas en avant.

Dans les années 90, le Haut Commissaire aux droits de l'homme a commencé à mener sur place des opérations polyvalentes, notamment au Rwanda, en ex-Yougoslavie, au Burundi, au Zaïre (qui est devenu la République démocratique du Congo) et en Colombie. Ces opérations avaient principalement pour objet de surveiller la situation des droits de l'homme et de permettre de vérifier les allégations de violation de ces droits dans les pays concernés.

À partir de 1990, les activités opérationnelles menées dans le domaine des droits de l'homme ont commencé à faire partie intégrante des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. En 1990, la mission dépêchée par l'ONU en El Salvador est devenue la première opération de défense des droits de l'homme des Nations Unies sur le terrain. En El Salvador, au Cambodge, en Haïti et au Guatemala, d'importants effectifs chargés de défendre ces droits ont été déployés dans le cadre des processus de paix. Dans chaque cas, on a considéré que la mise en place d'un dispositif permettant de les faire respecter allait de pair avec l'instauration d'un climat de confiance en période d'après conflit. La vérification des allégations de violation de ces droits a constitué un aspect important de ce processus.

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Au Guatemala — ainsi qu'en El Salvador, qui lui est voisin —, une mission de vérification des droits de l'homme — la MINUGUA — a été déployée avant la signature de l'accord final de paix. La MINUGUA, qui a commencé par s'occuper des droits de l'homme, a désormais pour mandat de vérifier l'application de l'accord de paix dans son ensemble. Mais entre 1994 et mars 1997, elle a été — et demeure —, avec ses 245 fonctionnaires internationaux, la plus importante mission de vérification des droits de l'homme jamais organisée par les Nations Unies.

Créée en 1994, la MINUGUA a reçu pour mandat de vérifier que les parties au conflit, c'est-à-dire le Gouvernement et l'Unidad Revolucionaria Nacional Guatemalteca (URNG), appliquent l'accord relatif aux droits de l'homme qu'elles avaient signé. Grâce à ses 13 bureaux régionaux et sous-régionaux, elle a été plus présente sur le terrain que bon nombre d'institutions nationales guatémaltèques et elle a permis à de nombreuses personnes, même dans les contrées les plus reculées du pays, de déposer des plaintes faisant état de violations des droits de l'homme par les parties au conflit.

À mesure que l'opinion publique a pris confiance dans l'impartialité et dans l'efficacité de l'ONU, le processus de paix a progressé. La population a pu constater que le pays se redressait vraiment et les parties elles-mêmes, en particulier les forces de sécurité gouvernementales, ont réagi positivement. C'est ainsi que la MINUGUA a pu signaler que le nombre des plaintes vérifiées faisant état d'actes de torture, de disparitions forcées et de détentions arbitraires avait considérablement diminué en 1996 et 1997.

L'expérience acquise par l'ONU en El Salvador et au Guatemala a démontré incontestablement le rôle capital des droits de l'homme — ainsi d'ailleurs que d'une présence internationale impartiale capable de les faire respecter — lorsqu'il s'agit de rétablir la confiance et de créer un climat de réconciliation à l'issue d'un conflit armé. C'est l'un des enseignements les plus importants des opérations de maintien de la paix menées par l'Organisation dans les années 90. Il nous faut maintenant en tirer les conséquences pratiques dans nos activités présentes et futures en faveur de la paix.

Il y a un mois, j'ai présenté à l'Assemblée générale des Nations Unies un ensemble de réformes qui avaient pour but de rendre l'action de l'Organisation plus cohérente, plus ciblée et plus dynamique. J'ai dit à ce moment-là que ces réformes étaient les plus importantes qui aient jamais été entreprises. J'ai précisé dans le rapport qui les présentait que la connexion entre les droits de l'homme, d'une part, et la paix et la sécurité, de l'autre était soulignée dans la Charte et avait été largement confirmée par l'expérience récente. Une analyse des faits nouveaux et des tendances dans le domaine des droits de l'homme devrait être intégrée dans les activités d'alerte rapide de l'Organisation; les droits de l'homme constituent un élément clef des efforts de rétablissement et de consolidation de la paix et devraient être examinés dans le contexte des opérations humanitaires.

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J'ai donc recommandé au Haut Commissariat aux droits de l'homme de réorganiser son secrétariat à Genève (qui se compose actuellement du Centre pour les droits de l'homme et du Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme) et de n'en faire qu'une seule unité administrative. Mon intention, lorsque j'ai nommé la Présidente de l'Irlande, Mme Mary Robinson, au poste de Haut Commissaire aux droits de l'homme, était de faire bien comprendre que je donne une haute priorité à ces droits. Je suis ravi que Mme Robinson ait accepté de commencer à exercer ses fonctions le mois prochain — le 1er septembre très exactement. C'est là une nouvelle preuve de la place éminente que les droits de l'homme occupent désormais dans l'ordre du jour de la communauté internationale.

Ces mesures, considérées dans leur ensemble, permettront, je crois, de commencer à donner à l'action menée par l'ONU dans le domaine des droits de l'homme plus de clarté et de cohérence.

Nous voici donc à l'âge des droits de l'homme. La place plus importante qui leur est accordée désormais symbolise et exprime l'évolution de la politique internationale en cette période d'après-guerre froide, tout comme l'expression "rideau de fer" en était venue à symboliser l'ordre international précédent. La résistance opposée par les États à l'application des normes internationales dans ce domaine a beaucoup faibli. Mais les nouvelles manifestations d'intolérance politique qui se font jour dans le monde signifient que nous devons plus que jamais nous en tenir aux principes universels qui fondent ces droits. À mesure que l'économie se mondialise, la demande de critères communs, de normes communes de conduite des affaires publiques, se fait plus pressante que jamais.

Il est toujours aussi nécessaire de protéger les victimes des violations des droits de l'homme. Nous avons vu, dans le monde entier, se multiplier les mouvements politiques revendiquant le droit d'affirmer une identité ethnique, religieuse ou linguistique. Ces mouvements donnent parfois lieu à des manifestations d'intolérance culturelle, ethnique, religieuse, linguistique et politique, qui peuvent aisément entraîner des actes de discrimination et des violations des droits de l'homme. Les conflits qui se sont déroulés récemment en Europe et en Afrique ont été marqués par des violations massives de ces droits.

Tout cela démontre clairement qu'il ne saurait y avoir des droits de l'homme pour l'Europe et des droits de l'homme pour l'Afrique, distincts les uns des autres. Les droits de l'homme affirment la dignité de tout être humain et l'inviolabilité de ses droits. Ils sont intrinsèques à chaque personne, chaque individu, et ne sauraient lui être conférés par une autorité gouvernementale quelle qu'elle soit ni en dépendre. Il ne devrait donc pas y avoir de droits de l'homme distincts d'un continent à l'autre et on ne devrait se fonder que sur une seule norme — une norme universelle — pour juger les violations des droits de l'homme.

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Il découle de tout cela que de nouvelles responsabilités — plus lourdes — incombent à l'Organisation. Il est indispensable que le système des Nations Unies se dote d'un mécanisme efficace, cohérent et bien financé de défense et de promotion des droits de l'homme de même qu'il est indispensable que l'Organisation tienne pleinement compte de ces droits dans ses activités et qu'elle agisse en concertation avec les organisations régionales et les organisations non gouvernementales pour les défendre. Ses fondateurs nous ont montré la voie à suivre. Nous devons être fidèles à leur idéal. Lutter pour la paix, c'est lutter pour les droits de l'homme et contre le racisme, le génocide et la répression. C'est là une lourde tâche; nous devons donc nous y atteler sans tarder.

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