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LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DEMANDE QUE LA RÉFORME S'ACCOMPLISSE SURTOUT DANS LES CAPITALES DES ÉTATS MEMBRES DONT L'ENGAGEMENT SANS ÉQUIVOQUE EST LA CLEF DU SOUTIEN POLITIQUE ET MATÉRIEL DE L'ONU

19 août 1997


Communiqué de Presse
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LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DEMANDE QUE LA RÉFORME S'ACCOMPLISSE SURTOUT DANS LES CAPITALES DES ÉTATS MEMBRES DONT L'ENGAGEMENT SANS ÉQUIVOQUE EST LA CLEF DU SOUTIEN POLITIQUE ET MATÉRIEL DE L'ONU

19970819 Il dit que la voix du multilatéralisme doit récuser les arguments de la minorité bruyante qui calomnie publiquement l'ONU

Voici la déclaration que le Président de l'Assemblée générale, M. Razali Ismail (Malaisie), a prononcée le 30 juin à Londres à l'occasion de la première Conférence à la mémoire de Erskine Childers sur le thème de "L'Organisation des Nations Unies au XXIe siècle : les perspectives de réforme" :

C'est pour moi un grand honneur d'avoir été invité à donner la première Conférence à la mémoire de Erskine Childers. Vrai champion du multilatéralisme, Erskine Childers a toujours voulu que l'Organisation des Nations Unies milite pour une "communauté internationale vivant dans la paix sous le règne de la justice". D'autres personnes ont été fidèles à cette cause et il a des compatriotes aujourd'hui qui, à chaque étape importante du développement de l'Organisation des Nations Unies, s'efforcent de réaliser ces aspirations. En ma qualité d'"initié", s'il m'est permis de me qualifier ainsi, initié que déçoit la façon banale dont l'action de l'Organisation est généralement conduite, je ne peux qu'être impressionné par la ténacité de ces partisans convaincus du mondialisme et du multilatéralisme.

La plupart de ceux qui ont observé les activités de l'Organisation des Nations Unies sont parvenus à la conclusion que celle-ci a besoin d'être réformée. Depuis quelques années, les propositions de réorganisation sont légion. Pour les uns, il faut revoir, repenser et redéfinir la quasi-totalité du dispositif de maintien de la paix des Nations Unies dans le monde de l'après-guerre froide. Pour d'autres, c'est le Conseil de sécurité qui doit être remodelé pour effacer des déséquilibres qui n'ont que trop duré; les activités de développement de l'Organisation doivent être rationalisées et réorientées; le Conseil économique et social doit être refondu; les finances et les méthodes comptables de l'Organisation doivent être améliorées; il faut réduire les effectifs de la fonction publique internationale et l'Organisation des Nations Unies doit être dépolitisée et émondée, apprêtée et aiguillonnée

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pour améliorer son efficacité, etc. La nécessité d'améliorer l'efficacité du Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies et de ses principaux organes, ainsi que des institutions spécialisées, et d'en coordonner et rationaliser les activités est incontournable.

Toutefois, le système s'est toujours montré particulièrement réfractaire au changement. Le caractère complexe et diffus des activités du Secrétariat, souvent dirigées de façon quasi indépendante par les chefs de secrétariat des différentes institutions exécutant des mandats se faisant concurrence, décourage tout effort de direction réfléchi et efficace. Les secrétaires généraux qui se sont succédé n'ont pas pu ou n'ont pas voulu faire acte d'autorité, craignant parfois d'offenser une grande puissance. Mais cet état de fait n'est pas imputable au seul Secrétaire général : les États Membres sont également responsables qui adoptent une ligne de conduite équivoque en confiant de nouvelles missions à l'Organisation et, partant, en augmentant ses besoins financiers.

Cette volonté que l'on voit partout affichée de réformer l'Organisation des Nations Unies donne lieu à une véritable logorrhée étourdissante de banalité. Voilà près de 45 ans que l'on parle sans discontinuer de réforme, à des degrés divers, certes. Il est frappant de constater la maigreur du bilan en fait de réforme; il conviendrait plutôt de parler d'ajustements mineurs apportés avec une lenteur désespérante. La résistance, l'inertie et l'absence de consensus en faveur du changement l'ont toujours emporté : et la réforme est largement demeurée une aspiration, sans pouvoir devenir une réalité. Si l'Organisation des Nations Unies veut s'adapter aux nouvelles exigences du XXIe siècle, il faudrait d'abord que tout le monde se mette d'accord pour définir le mot de réforme de manière à donner à l'Organisation les pouvoirs dont elle a besoin en tant que système multilatéral, à accroître sa légitimité et à renforcer son action de promotion et d'application des normes du droit international. À cette fin, il est indispensable de s'entendre sur les débuts et l'histoire de l'Organisation des Nations Unies.

En effet, la structure et la ligne de conduite actuelle de l'Organisation des Nations Unies restent profondément marquées par sa fondation. Elle a été créée dans le sillage d'une guerre mondiale et a incarné les idées et l'élan institutionnel propres aux deux côtés de l'Atlantique. Les idéaux et les valeurs que consacre la Charte des Nations Unies ont été et demeurent ceux du groupe des pays sortis vainqueurs de la seconde guerre mondiale, avec à leur tête les États-Unis. Les sièges de tous les organismes principaux et de l'institution mère elle-même sont regroupés des deux côtés de l'Atlantique, ce qui a façonné la culture politique de l'Organisation. Trois des quatre premiers secrétaires généraux de l'Organisation des Nations Unies venaient d'Europe occidentale. Un seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité pouvait dire que ce point d'ancrage n'était pas le sien.

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Par ailleurs, la guerre froide a révélé l'interaction de la politique menée des deux côtés de l'Atlantique. Les deux superpuissances ont délibérément choisi de ne pas s'en remettre à l'Organisation des Nations Unies du soin de veiller à leurs intérêts vitaux en matière de sécurité nationale. La sécurité collective que le système des Nations Unies pouvait théoriquement assurer a été considérée comme étant tout à fait incapable de garantir la protection des intérêts essentiels des superpuissances. Celles-ci ont préféré au cadre incertain et de plus en plus disparate de l'Organisation des Nations Unies des alliances militaires régionales sur lesquelles s'arc-boutait leur mainmise sur deux blocs rivaux. Ainsi, par exemple, lorsque les superpuissances ont fini par considérer qu'une certaine dose de maîtrise des armements nucléaires allait dans le sens de leurs intérêts mutuels, elles ont eu recours à la voie bilatérale, et non au cadre de l'Organisation des Nations Unies.

Dans le cadre du processus de réforme de l'Organisation des Nations Unies actuellement engagé, il apparaît clairement que les fondateurs de l'Organisation accordent une très grande importance au fait que la réforme ne doit en aucune façon porter atteinte à leurs droits, prérogatives et statut. De plus, les grandes puissances craignent de ne plus pouvoir occuper de hautes fonctions au Secrétariat de l'Organisation où les postes clefs sont traditionnellement réservés à des ressortissants des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité. Dans le vocabulaire de l'Organisation, les droits et privilèges importants des cinq membres permanents sont qualifiés d'"effet ricochet", qui s'étend même à la représentation permanente à la Cour internationale de Justice. Le Secrétaire général a le pouvoir, s'il est disposé à en user, de changer ces pratiques.

À l'approche du XXIe siècle, nous entrons dans une ère où la politique étrangère et les relations internationales sont de moins en moins neutres. Les États-Unis et d'autres grands pays se situent à l'avant-garde de ce qu'il faut bien appeler une croisade universelle engagée pour répandre les doctrines et pratiques de leur version de la bonne gestion et de la démocratie et diffuser de plus en plus largement l'économie de marché libérale comme voie vers la modernisation. Mais nous nous heurtons ici à un grave paradoxe. À mesure que le monde se démocratise, l'Organisation des Nations Unies devient moins démocratique ou, à tout le moins, s'englue dans des modes de gestion rappelant la période où elle a été créée au lieu de refléter le monde d'aujourd'hui et l'influence relative qu'elle peut y avoir. Les réalistes vous diront qu'il n'existe aucune corrélation entre un monde plus démocratique et un système multilatéral plus démocratique, qu'aucun lien inhérent n'existe entre les deux. C'est un argument qui s'appuie sur la distribution du pouvoir et sur ceux qui entendent perpétuer leur avantage intrinsèque. Mais tout porte à croire que la logique fondamentale de cet argument sera mise à l'épreuve, et plus tôt qu'on ne se l'imagine, au siècle prochain.

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Une réflexion critique nous amène à conclure qu'en dépit de la nécessité ô combien urgente d'une réforme de l'Organisation des Nations Unies, il ne faut probablement pas s'attendre à une véritable réforme. En effet, la réforme de l'Organisation des Nations Unies achoppe sur les divergences causées par les rivalités qui opposent les États Membres dans le cadre de la politique de la force et par leurs antagonismes "idéologiques". Ces obstacles n'ont toujours pas été écartés. Même si le débat entre l'Est et l'Ouest est devenu caduc, le débat entre le Nord et le Sud se poursuit, dans le cadre duquel les deux côtés se réclament de valeurs et de perspectives fondamentales inconciliables. À mesure que le débat s'intensifie, l'Organisation des Nations Unies demeure un enjeu et un lot à gagner. Chaque proposition de changement à apporter à l'Organisation est évaluée à la lumière des avantages que peut en retirer l'une ou l'autre partie, et chaque recommandation présentée par l'une des parties est, ce qui ne surprendra personne, repoussée par l'autre. Une telle situation a tendu à créer partout des blocages politiques.

Les pays en développement du Sud voient dans l'Organisation des Nations Unies un dernier recours, car ils n'ont pas le Groupe des Sept de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais doivent en revanche se plier aux conditionnalités imposées par les institutions de Bretton Woods. Ces pays sont convaincus qu'il est essentiel que l'Organisation des Nations Unies soit une instance universelle, où ils plaident leur cause chaque mois de septembre devant l'Assemblée générale. Ils ne se sont pas ralliés à ce qu'il est convenu d'appeler la "division du travail" entre l'Organisation des Nations Unies et les autres institutions multilatérales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à la faveur de laquelle la Banque mondiale se voit reconnaître la primauté en matière de financement et de développement, le FMI en matière d'ajustement structurel et l'OMC en ce qui concerne les échanges et les régimes d'investissement. L'Organisation des Nations Unies est confinée dans la description normative de "questions à caractère social" telles que le développement durable, la population et les réfugiés, les droits de l'homme et les questions humanitaires. La faiblesse d'un rôle de cette nature est apparue récemment avec éclat à l'issue, il y a trois jours, de la session extraordinaire de l'Assemblée générale, lors de laquelle celle-ci a examiné la mise en oeuvre d'Action 21 et des engagements pris lors du Sommet Planète Terre. Les résultats de cette session ont montré que l'Organisation était incapable de réagir devant le non-respect de leurs engagements par les gouvernements et sa propre impuissance à mobiliser les moyens et ressources qui permettraient de réaliser le développement durable. L'Organisation des Nations Unies ne peut se permettre de tergiverser lorsqu'il s'agit de passer des paroles à l'action.

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On ne peut pas dire non plus que l'enthousiasme pour la réforme soit la chose la mieux partagée au sein même de l'Organisation des Nations Unies. Un grand nombre des fonctionnaires du Secrétariat qui ont passé le plus clair de leur temps, ces quinze dernières années, à "réformer" accueillent avec cynisme la possibilité d'un véritable changement. Pour d'autres éléments de la bureaucratie, la perspective de changement est menaçante et l'on observe une tendance très réelle à retarder ou à saboter les réformes en y opposant une résistance de l'intérieur.

La seule tâche de grande envergure assignée à l'Organisation des Nations Unies est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais c'est la chasse gardée du Conseil de sécurité, qui est une structure des plus élitistes dont les pays en développement pensent qu'elle a besoin d'être réformée de façon urgente afin que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde et que l'on puisse élargir le processus décisionnel. Si l'Organisation des Nations Unies a été créée par des États pour servir les intérêts des États, les États du Sud insistent à présent pour que leurs droits soient pris en compte au nom de l'égalité souveraine. Chaque aspect de la réforme de l'Organisation des Nations Unies doit tenir compte de cette exigence.

Le groupe de travail sur la réforme du Conseil de sécurité est un amphithéâtre qui devrait servir à ces fins. Il ne s'agit pas seulement de permettre à de nouveaux membres permanents de rejoindre ceux qui peuvent payer leur place au Conseil. Les pays en développement ont attendu 40 ans pour devenir membres permanents et ils ne peuvent espérer le devenir que parce que l'Allemagne et le Japon ont de leur côté, légitimement, revendiqué le droit de devenir membres permanents, et parce que les membres permanents actuels cherchent par la même occasion à accroître l'appui accordé et la légitimité reconnue aux décisions du Conseil sur la paix et la sécurité, sans oublier, naturellement, l'avantage que constituerait pour eux la possibilité d'une réduction de leurs contributions financières tant au budget ordinaire qu'à celui des opérations de maintien de la paix. Ce groupe de travail doit s'attaquer à la question du droit de veto — qui est la question la plus épineuse de la réforme et qui incarne bien l'inégalité inhérente de la Charte. Le droit de veto est fortement critiqué par l'immense majorité des membres, qui le considèrent anachronique et voudraient en limiter le champ d'application, puis l'éliminer. La réforme du Conseil de sécurité n'aura lieu que si les cinq membres permanents sont capables de procéder aux ajustements nécessaires, ne fût-ce qu'en faisant preuve spontanément de retenue, afin d'éviter d'abuser de ce droit de veto, comme ils le font depuis 1945 en fonction de leurs impératifs propres.

Cet aspect capital de la réforme du Conseil de sécurité se heurte à l'opposition d'une douzaine de pays importants qui soutiennent depuis toujours l'objectif multilatéral et la philosophie de l'Organisation des Nations Unies

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dans tous ses aspects, mais qui ne tireront pas avantage de l'élargissement du Conseil de sécurité. Je veux parler ici de pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Italie, l'Espagne, le Mexique et d'autres pays du monde en développement qui aspirent à devenir membres permanents, mais dont les chances ne sont rien moins qu'excellentes. La position qu'ils prennent garantit une aggravation des divisions au sein de l'Organisation lorsque la réforme du Conseil de sécurité sera instituée.

Tous les aspects de la réforme de l'Organisation doivent tenir compte du contexte international actuel. Ainsi, par exemple, on ne peut nier que le décalage entre la souveraineté juridique et politique des États et leurs capacités de donner corps à cette souveraineté n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui; je pense par exemple au caractère transfrontière de la pollution de l'environnement, aux mouvements de réfugiés par-delà les frontières nationales et aux réseaux mondiaux de communication qui échappent à tout contrôle national. Ce décalage existe, mais aucun mécanisme international n'est capable de l'éliminer. L'Organisation des Nations Unies, qui représente ce mécanisme international, n'est pas capable de relever ce défi, que les problèmes mondiaux concernent le secteur traditionnel de la paix et de la sécurité ou les domaines économique et social. Les mécanismes régionaux tels que l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), le Marché commun austral (MERCOSUR) et l'Union européenne affichent de biens meilleurs résultats et montrent la voie dans laquelle il faudra s'engager pour établir les liens futurs entre l'Organisation des Nations Unies et ces organismes.

Malgré des difficultés structurelles, l'Organisation des Nations Unies a bien fonctionné et a accumulé une série impressionnante de succès. Elle a rendu à ses Membres et à la communauté internationale des services d'une valeur inestimable, par exemple en supervisant la décolonisation, en éliminant l'apartheid, en organisant des actions de maintien de la paix et de rétablissement de la paix, en défendant les droits de l'homme, en fournissant une assistance aux réfugiés, en assurant le développement et l'expansion du droit international et en lançant une action collective pour résoudre des problèmes communs tels que l'épuisement des ressources et la pression démographique. Cela dit, on peut se demander dans quelle mesure l'Organisation des Nations Unies a su jouer un rôle central dans la gestion des problèmes actuels.

L'Organisation des Nations Unies semble souffrir de deux problèmes fondamentaux : l'ambiguïté de son rôle dans le monde et son incapacité à s'adapter à l'évolution du monde. À la fin du XXe siècle, le rôle de l'Organisation des Nations Unies est déterminé par deux facteurs contradictoires. Si les causes et les effets de la plupart des défis majeurs que les gouvernements doivent relever sont internationaux, ce sont les États qui restent investis de l'autorité nécessaire pour régler les problèmes.

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Qui plus est, alors qu'elle a été créée pour prévenir les actes d'agression internationale, on demande à présent à l'Organisation des Nations Unies de résoudre des problèmes anciens et en apparence insolubles liés à l'implosion d'États vulnérables. Les guerres actuelles sont souvent des guerres menées dans un État, des guerres civiles alimentées par un accès facile aux armes bon marché vendues essentiellement par les grandes puissances; ces conflits civils tuent et sèment la misère sans faire aucune distinction, ce qui décuple les besoins humanitaires.

Actuellement, l'Organisation des Nations Unies est, dans le domaine des opérations de maintien et d'imposition de la paix, sollicitée comme elle ne l'a jamais été dans toute son histoire, même si cela ne constitue qu'environ 20 % du total de ses activités. Vient s'ajouter à cela que son action est à présent critiquée et mise en doute de toutes parts : en butte à une grogne interne, elle se trouve aussi engluée dans toute une série de conflits pour lesquels il n'existe pas de solution facile ou évidente, comme à Chypre, au Sahara occidental, en Bosnie et en Haïti. Dans ces situations, l'appareil de sécurité collective de l'Organisation a dû improviser. Il s'est donc souvent retrouvé confiné à la périphérie de conflits dangereux, incapable même de s'acquitter des tâches plus modestes de médiation ou de maintien de la paix. De plus, il apparaît clairement que la souveraineté nationale et le principe de la non-ingérence ne peuvent plus être invoqués pour camoufler des actions qui violent les valeurs universelles. Les États et les peuples doivent donc réexaminer leur conception de ce que l'Organisation des Nations Unies peut et ne peut pas faire face aux conflits intérieurs. Dans le cadre du débat mené à l'Organisation des Nations Unies sur le processus de réforme dans le contexte des travaux du groupe de travail sur un agenda pour la paix, les partisans de l'inviolabilité et de la souveraineté, qui bloquent tout consensus au nom du "principe du consentement" en matière de diplomatie préventive ont le vent en poupe.

L'Organisation des Nations Unies a été créée pour offrir un pôle de coordination de l'activité internationale, mais le personnel dont elle dispose n'est pas plus nombreux que celui d'une grande municipalité. Tous les problèmes dont s'occupe l'Organisation aujourd'hui nécessitent d'énormes ressources militaires, financières, matérielles et humaines, mais elle doit se battre pour les obtenir parce que les États Membres ne peuvent pas ou ne veulent pas les mettre à la disposition du Secrétaire général ou du Conseil de sécurité. D'un autre côté, les États Membres ne se sont pas encore fait à l'idée que loin d'être une simple option supplémentaire, les initiatives multilatérales sont la clef de la paix et de la sécurité internationales.

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La difficulté que l'Organisation des Nations Unies doit surmonter pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui ne tient pas nécessairement à l'ampleur de ces problèmes, mais à la question de savoir comment arrêter une ligne de conduite qui se situe à égale distance de l'inaction et du surengagement. Il s'agit de trouver les moyens de faire face à des crises et de les gérer tout en posant les jalons d'une action permettant de prévenir que des crises de cette nature ne se reproduisent. Il s'agit également de concevoir de nouvelles façons de conduire la politique internationale de sorte que les problèmes éventuels puissent être mis à jour et résolus. On n'y parviendra que si l'on reconnaît que l'essentiel de l'activité de l'Organisation des Nations Unies ne concerne pas la gestion des crises, le rétablissement de la paix ou le maintien de la paix, mais le développement, le désarmement, les droits de l'homme, les secours humanitaires et les secours aux réfugiés, et la protection de l'environnement, autant de domaines qui retiennent nettement moins l'attention.

On ne sait pas à quel point les pays souhaitent véritablement une réforme de l'Organisation des Nations Unies. Le type de réforme dont on se préoccupe, pour important qu'il soit, ne vise pas à remodeler l'Organisation en fonction du monde tel qu'il est, ni à faire mieux reconnaître la primauté du droit international. On ne se propose pas non plus de donner à l'Organisation les moyens de sanctionner les pays qui manquent aux obligations découlant des traités internationaux — qu'il s'agisse du respect des droits de l'homme, du commerce des matières fissiles nucléaires ou des contributions financières obligatoires à l'Organisation des Nations Unies. Cet état de choses est attribué à la sélectivité et à la politique de la force auxquelles ont recours les membres permanents du Conseil de sécurité contre, par exemple, la Tchétchénie (Fédération de Russie) et Cuba. Et les grandes puissances n'acceptent pas non plus que la Cour internationale de Justice puisse être le rempart de la primauté du droit dans les affaires internationales. En fait, les réformes qui font actuellement l'objet d'un débat intergouvernemental à l'Organisation des Nations Unies (à l'exception de la réforme du Conseil de sécurité) ne visent pas à rendre l'Organisation plus démocratique, mais plus rentable, moins nombreuse, plus efficace et mieux coordonnée. Les objectifs de la réforme actuelle ont par certains côtés détourné l'attention de ce qui constitue la fonction et les responsabilités réelles de l'Organisation et, pour certains, c'est là l'objet même de cette réforme.

La Charte des Nations Unies incarne des valeurs universelles, mais la promotion de ces valeurs n'est pas loin d'être synonyme de politisation de l'Organisation. Celle-ci est de plus en plus nette, au point que ce sont les valeurs mondiales libérales qui se trouvent à présent promues, et qui incluent non seulement les droits de l'homme, mais la gestion démocratique et l'économie de marché la plus stricte. Bien des pays, et non pas seulement les pays asiatiques, émettent de profondes réserves quand ils entendent dire que ce mélange de valeurs englobantes et interdépendantes apporte des réponses cohérentes à tous les problèmes de l'humanité. Si tout le monde est d'accord

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pour reconnaître que tous les droits de l'homme se valent, la primauté accordée par les principaux pays qui défendent les droits de l'homme aux droits civils et politiques aux dépens des droits sociaux et économiques a eu tendance à causer des déséquilibres au niveau des priorités internationales et de la façon dont elles sont mises en oeuvre. Il est vrai que si les droits socio-économiques étaient plus volontiers pris en charge, cela pourrait avoir des répercussions complexes pour les pays industrialisés à un moment où la protection de l'environnement et le développement durable se sont hissés en haut de la liste des préoccupations économiques internationales; où le principe "pollueur payeur" est plus vigoureusement affirmé, et où le décalage entre les pays riches et les pays les moins avancés s'accentue. Les faits parlent d'eux-mêmes : 1,4 milliard d'habitants vivent actuellement dans la pauvreté absolue, soit 40 % de plus qu'il y a 15 ans. Si l'on y ajoute l'augmentation de l'insécurité en ce qui concerne la satisfaction de besoins fondamentaux tels que l'accès à la nourriture et à l'eau salubre, on voit bien qu'il ne s'agit plus de se demander s'il faut combiner les préoccupations économiques et sociales avec les préoccupations politiques et civiles : c'est devenu une nécessité.

Les historiens de l'avenir considéreront peut-être les dernières années de la présente décennie comme l'âge des paradoxes, une époque au cours de laquelle la politique internationale a été dominée par deux faits contradictoires : la montée du nationalisme et la diminution du pouvoir national. L'époque semblerait se prêter à une adaptation des mécanismes internationaux permettant de relever le défi posé par un tel paradoxe. Mais cela est-il possible compte tenu de la multiplicité des facteurs qu'il faudrait prendre en compte pour concevoir un solution? Et cet effort de conception placerait-il l'Organisation au centre de la solution?

Ces dernières années, l'Organisation des Nations Unies s'est trouvée de plus en plus paralysée par une crise d'identité qui l'empêche de définir une vision cohérente de son rôle dans le monde d'aujourd'hui, qu'une majorité équilibrée de ses Membres puissent trouver à la fois incontournable et intéressante. C'est une crise qui tient à la formation de la culture politique de l'Organisation des Nations Unies depuis 50 ans. L'incertitude entourant le rôle concret que devrait avoir l'Organisation a empêché les États Membres de concevoir et de préciser une structure centrale pour celle-ci. Même s'ils s'entendaient mieux sur le rôle spécifique de l'Organisation, celle-ci serait mal équipée pour le remplir à moins que ne soient modifiées sa structure et son approche de base.

L'Organisation des Nations Unies a toujours représenté moins ou plus que ce que l'on attendait d'elle. Ses partisans déplorent son impuissance à persévérer et à se montrer plus efficace face à la persistance des conflits, de l'oppression et des inégalités. Ils considèrent que c'est une occasion manquée ou, au mieux, une occasion que l'on est en train de manquer, pour ce qui est d'édifier un ordre international meilleur. Les critiques de

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l'Organisation déplorent sa participation tous azimuts aux affaires internationales, et ses politiques et pratiques réglementaires. Pour eux, l'Organisation des Nations Unies est pratiquement un gouvernement mondial qui a trop de pouvoir et trop peu d'idées pour faire son bien et celui des autres. Des deux côtés, on a tendance à exagérer et à fournir trop d'évaluations trompeuses du rôle effectif et potentiel de cette institution.

Pour évaluer avec exactitude l'Organisation des Nations Unies, il faut bien voir, d'entrée de jeu, qu'il s'agit d'une institution dirigée par 185 administrateurs, dont 5 sont plus égaux que les autres, et qui ont tous fort peu de choses en commun en dehors du fait qu'ils possèdent tous la qualité d'État souverain et qu'on leur reconnaît le droit d'être membre de l'Organisation. Tout débat sur la réforme de l'Organisation doit tenir compte des conditions politiques et économiques réellement très difficiles dans lesquelles l'Organisation doit travailler. Les Nations Unies et la communauté internationale sont confrontées à une série de problèmes auxquels on ne pouvait s'attendre au moment de la création de l'Organisation il y a 51 ans. Ce n'est que si elle identifie clairement la source des difficultés auxquelles elle s'est heurtée que l'Organisation pourra relever les défis de l'avenir.

L'Organisation des Nations Unies demeure le roc sur lequel construire les structures de gestion les plus englobantes; il est indispensable de maintenir sa présence mondiale. Oui, l'Organisation des Nations Unies est confrontée à certains problèmes graves de financement, de légitimité et d'efficacité; pourtant, dans bien des domaines, la réforme la plus importante doit avoir lieu dans les capitales des États Membres, car l'élément essentiel du soutien politique et matériel de l'Organisation des Nations Unies et du multilatéralisme est l'engagement sans équivoque des pouvoirs publics et de l'opinion. Réformer l'institution? Amender la Charte? Ce n'est pas cela qui garantira que l'Organisation des Nations Unies pourra compter sur cet engagement à l'avenir.

L'Organisation des Nations Unies devra se transformer : après avoir été une organisation au service des intérêts des États, elle devra devenir une organisation au service des intérêts de tous les membres d'une société interdépendante et mondiale. Elle devra permettre l'expression des doléances et offrir une certaine forme de participation aux acteurs autres que les États. Elle pourrait et devrait servir de centre d'échange d'informations au service d'un réseau d'organisations et de parties prenantes non gouvernementales dont le travail et les intérêts vont dans le sens d'une meilleure compréhension des complexités des conflits entre les groupes et de l'élaboration de solutions concrètes pour éliminer la pauvreté, construire une société équitable et garantir la durabilité.

En fin de compte, il est indispensable que les États Membres qui se proposent d'appuyer ces objectifs travaillent avec les organisations non gouvernementales en vue de créer la pression politique nécessaire pour

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convaincre des gouvernements réticents et hostiles de la nécessité de maintenir l'Organisation des Nations Unies, cette pression politique étant le moyen le plus viable d'exprimer, de coordonner et de gérer la coopération internationale. L'opinion doit s'intéresser davantage aux affaires internationales, en particulier dans les grands pays. De la sorte, la voix du multilatéralisme pourrait à nouveau se faire entendre, ce qui permettrait de briser le monopole de la minorité bruyante qui diffame publiquement l'Organisation des Nations Unies.

J'espère sincèrement que ma déclaration ne contredit pas les aspirations et la vision de Erskine Childers. J'ai eu l'honneur de le connaître jusqu'à un certain point, et ai pu me faire une idée de ses convictions et de sa quête, lui l'homme dont la ténacité démentait la stature rien moins que colossale, un Irlandais qui puisait peut-être à ses propres racines une empathie pour la cause du Sud, des faibles et des marginalisés.

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