En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6236

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL QUALIFIE LE DÉVOUEMENT DU JAPON À L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET À SES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES D'"EXEMPLAIRE"

31 juillet 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6236


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL QUALIFIE LE DÉVOUEMENT DU JAPON À L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET À SES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES D'"EXEMPLAIRE"

19970731 On trouvera ci-après le texte du discours prononcé le 13 mai par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'occasion d'un déjeuner organisé à Tokyo par l'Association japonaise pour les Nations Unies:

C'est pour moi un plaisir immense d'effectuer ma première visite au Japon en qualité de Secrétaire général et de me trouver aujourd'hui aux côtés des membres de l'Association japonaise pour les Nations Unies. Vous comptez parmi les amis et alliés les plus dévoués de l'Organisation. Je vous sais gré de votre soutien, et me réjouis à la perspective de collaborer étroitement avec vous pour appeler l'attention du peuple japonais sur l'action menée par l'Organisation des Nations Unies.

Aujourd'hui, je vais avoir l'honneur de rencontrer votre Premier Ministre à son retour du Pérou. Permettez-moi d'exprimer mon vif soulagement d'avoir appris que les otages retenus à Lima avaient été libérés. Les diplomates et fonctionnaires japonais, et les autres personnes retenues en otages, ont enduré des mois de captivité et fait preuve d'un courage et d'une endurance exceptionnels face à cet acte de terrorisme. Ils font honneur à leur pays.

Je crois comprendre, par ailleurs, que certains des représentants les plus éminents de la télévision et des médias japonais sont aujourd'hui parmi nous. Nous avons pu avoir la preuve, ces dernières années, de l'influence considérable que peuvent exercer les médias sur les questions dont se préoccupe la communauté internationale, et je vous remercie de la publicité que vous avez donnée aux activités de l'Organisation. J'attends avec intérêt le débat que nous mènerons lors du Forum mondial sur la télévision, qui doit se tenir en novembre au Siège de l'Organisation à New York.

J'aimerais également rendre hommage au dévouement exemplaire dont fait preuve le Japon à l'égard de l'Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées. La participation du Japon à la résolution d'une série de questions internationales pressantes, allant de la reconstruction du Cambodge à la Conférence sur les changements climatiques que vous avez accepté d'accueillir dans le courant de l'année, est exemplaire : nous le devons, j'en suis convaincu, aux efforts inlassables de beaucoup d'entre vous présents aujourd'hui.

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Membre de l'Organisation depuis plus de 40 ans, le Japon a, durant cette période, largement donné la preuve de son attachement à la paix sous toutes ses formes.

Le Japon reste, au niveau mondial, le principal donateur d'aide publique au développement, en particulier en faveur de l'Afrique, ce continent ayant été plus que les autres mis à l'écart sur les plans politique et économique.

Le Japon est aussi un des principaux donateurs d'aide humanitaire et de secours en cas de catastrophe. À ce propos, je me dois de rendre un hommage particulier aux services rendus par deux sommités en la matière, Sadako Ogata et Yasushi Akashi.

Le Japon a joué un rôle déterminant en ce qui concerne la conclusion du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, et appuie les négociations menées en vue d'un traité d'interdiction totale des mines antipersonnel. Je suis persuadé que, comme moi, vous vous félicitez de l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques. Votre contribution aux opérations de maintien de la paix et aux efforts en vue du règlement des conflits, dans votre région comme dans d'autres, est de plus en plus largement reconnue.

Il est essentiel, pour mener à bien notre mission, et obtenir le soutien dont nous avons besoin et que nous souhaitons de la part des peuples du monde entier, de faire mieux connaître l'Organisation des Nations Unies. Je me dis souvent que si seulement le monde avait conscience des réalisations de l'Organisation, de ses objectifs et de l'action qu'elle mène, il s'en ferait une image sensiblement différente. Sur ce plan également, le Japon apporte une contribution importante par ses dons généreux à l'Université des Nations Unies à Tokyo.

Nous aussi avons appris, au cours des 50 dernières années, et en particulier durant la dernière décennie, à mieux connaître notre Organisation, ses points forts et ses faiblesses, à savoir ce qu'elle peut ou ne peut pas faire et les moyens et méthodes dont elle a absolument besoin pour mener à bien sa mission.

Aujourd'hui, je voudrais vous faire part de certaines de mes réflexions concernant deux grands sujets de préoccupation pour l'Organisation, à savoir la consolidation de la paix et le processus de réforme.

S'agissant de la consolidation de la paix, je ne fais pas seulement allusion aux activités menées après les conflits, que sont traditionnellement la réconciliation, le relèvement et la reconstruction, mais à la consolidation de la paix au sens le plus large, c'est-à-dire l'entreprise qui vise à l'avènement de sociétés stables, prospères et démocratiques, en particulier dans les régions qui ont subi le chaos et la violence et y restent vulnérables. Il s'agit non seulement de faire taire les canons, mais aussi d'instaurer un climat de nature à éliminer les raisons de leur utilisation.

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Il s'agit là d'une entreprise ardue, qui requiert, entre autres, prévoyance, patience et persévérance, mais c'est là la vocation de l'Organisation. Aussi l'un des principaux objectifs du processus de réforme et de revitalisation en cours est-il de renforcer les capacités de l'Organisation sur le plan de la consolidation de la paix.

À l'ère du village planétaire, l'ONU doit se doter, sur le plan structurel, politique et de la gestion, des moyens lui permettant de répondre aux besoins tant à court terme qu'à long terme. Même si l'on aura toujours besoin de l'Organisation pour faire face aux situations d'urgence par le biais de l'aide humanitaire et des opérations de maintien de la paix, il apparaît de plus en plus clairement que nous devons nous montrer plus attentifs à confirmer notre engagement à long terme.

L'aide humanitaire est indispensable, mais on s'accorde de plus en plus à reconnaître que les secours d'urgence ne sont qu'un palliatif. Ils permettent d'apporter un soutien certes indispensable, mais temporaire, pour sortir d'une situation souvent très éprouvante. Ils ne peuvent remplacer les efforts visant à s'attaquer aux causes profondes d'une crise.

Pourtant, on a malheureusement tendance à considérer que l'envoi de vivres ou de médicaments constitue une réponse satisfaisante à une crise donnée, ou tout au moins suffisante pour empêcher le public de s'intéresser à une situation problématique. Ce type de mesures nous permet de dire que nous avons fait face à une situation d'urgence et à ses aspects les plus effroyables, mais ne résout pas les causes fondamentales du problème.

Dans une certaine mesure, il en va de même pour le maintien de la paix, en dépit de son indéniable intérêt. Il arrive qu'une opération de maintien de la paix ne constitue qu'un des aspects d'un règlement d'ensemble en vue de mettre un terme à un conflit armé. Le plus souvent, pourtant, ce type d'opération est une autre façon de marquer un temps d'arrêt, une tentative en vue de couper court aux hostilités et d'offrir un répit aux antagonistes, afin qu'ils règlent leurs différends de manière pacifique, par le biais de la médiation et de la négociation.

Quoi qu'il en soit, il faut comprendre que le maintien de la paix n'est pas une fin en soi. Parfois, le succès d'une opération de maintien de la paix est tel que les parties ne songent pas à s'attaquer aux causes profondes du conflit, et un statu quo s'installe, avec pour conséquence de reporter indéfiniment la recherche d'une paix acceptable et durable.

Ces dernières années, l'action multiforme entreprise en faveur du maintien de la paix visait à résoudre les causes profondes des conflits.

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Au Cambodge, par exemple, où l'ONU a mené une opération à laquelle le Japon a participé en mettant à sa disposition des observateurs militaires, des soldats et des policiers civils, la mission de l'ONU visait également à rétablir les droits de l'homme, à procéder à des élections et à encourager le relèvement du pays après le conflit, en sus des tâches militaires et des opérations de rapatriement.

Dans le cas de la mission en El Salvador, on ne s'est pas contenté de surveiller l'application de l'accord de paix sur le plan militaire et des droits de l'homme, mais on s'est aussi intéressé aux efforts du Gouvernement visant à réaliser la réforme agraire dans un pays où les inégalités dans ce domaine étaient une des causes principales des tensions ayant mené à la guerre civile.

La mission de maintien de la paix menée en Haïti est le plus souvent décrite comme une mission de consolidation de la paix, dans la mesure où elle vise principalement à renforcer le système judiciaire haïtien, une entreprise classique en matière de consolidation de la paix.

Toutes ces mesures, qui vont dans le sens de la consolidation de la paix, trouvent leur origine dans le cadre du maintien de la paix. Mais nous devons aller plus loin. Les missions de consolidation de la paix doivent être considérées comme un partenaire essentiel et à part entière de l'aide humanitaire et du maintien de la paix. Ces trois éléments se renforcent mutuellement. Ensemble, ils doivent contribuer à prévenir les conflits, à éviter la réapparition de ceux-ci et, surtout, à mettre les pays sur la voie du développement durable.

Un financement approprié est naturellement une condition sine qua non de la réussite d'une telle politique. À l'heure actuelle, les budgets des activités de maintien de la paix et d'aide humanitaire ne prévoient, pour les activités de consolidation de la paix, que des ressources minimes, voire nulles. Pourtant, ce type d'activité requiert un financement approprié, au même titre que les opérations humanitaires ou de maintien de la paix. À cet effet, le soutien de la communauté internationale est indispensable, tant il est vrai qu'il est plus opérant de financer la mise en place d'institutions que d'appliquer des solutions de fortune.

La consolidation de la paix découle d'une conception générale de la sécurité humaine et contribue à promouvoir une telle conception. Même durant la guerre froide, l'approche purement militaire de la sécurité s'est attiré de nombreuses critiques. Aujourd'hui, en grande partie grâce à la série de grandes conférences convoquées récemment par l'ONU, une conception plus large de la sécurité humaine s'est imposée, englobant certains aspects aussi fondamentaux que la croissance économique, la justice sociale, le respect des droits de l'homme, la protection de l'environnement, la démocratisation, l'égalité des droits des femmes et la pleine participation de la population aux décisions qui affectent son existence.

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La Charte des Nations Unies confie à l'Organisation un rôle majeur, qui consiste à aider les peuples du monde entier à réaliser ces aspirations. C'est en vertu de cette mission sacrée que le processus de réforme que j'ai amorcé porte en particulier sur le renforcement de la capacité de l'Organisation d'apporter un soutien plus résolu aux pays qui s'emploient à améliorer les conditions de vie de leurs habitants. Permettez-moi de citer quelques-unes des mesures que j'ai prises à cet effet.

Premièrement — et c'est là un impératif premier —, j'ai prescrit que les économies réalisées grâce à l'amélioration de la gestion et de l'administration soient réaffectées aux activités de développement, et j'ai plaisir à déclarer que les États Membres, de façon générale, appuient cette initiative.

Deuxièmement, j'ai renforcé la coordination des politiques entre les responsables du Siège en créant un groupe de coordination des politiques, formé des chefs de département et des directeurs des programmes et des fonds, qui m'aidera à gérer l'Organisation en tant qu'entité intégrée. Troisièmement, j'ai procédé au regroupement des trois départements du Siège chargés des questions économiques et sociales en un seul département, afin d'éviter les chevauchements, de parvenir à une meilleure efficacité et d'orienter plus utilement les activités.

Quatrièmement, j'ai annoncé une série de mesures visant à renforcer le système des coordonnateurs résidents afin d'améliorer la performance de l'Organisation sur le terrain, où j'aimerais que celle-ci joue un rôle comparable à celui d'une équipe de pays, placée sous l'autorité d'un seul responsable et poursuivant des objectifs communs.

Enfin, j'ai procédé au regroupement de 30 divers départements, bureaux, fonds, programmes et autres entités du système des Nations Unies en quatre comités exécutifs correspondant à nos principaux domaines d'activité, à savoir la paix et la sécurité, les questions économiques et sociales, les activités de développement et les questions humanitaires. Un cinquième domaine d'activité, les droits de l'homme, relève des quatre comités susmentionnés.

Étant donné qu'un nombre croissant de questions auxquelles nous devons faire face recoupent différents secteurs traditionnels au sein de l'Organisation, les comités contribuent d'ores et déjà à améliorer la coordination, éviter les doubles emplois et tirer le meilleur parti des avantages comparatifs de chaque entité.

Ces réformes, ainsi que d'autres, représentent une entreprise de grande envergure. J'aimerais souligner qu'elles ne s'appliquent pas uniquement au Secrétariat de l'ONU, mais à l'ensemble du système. Les chefs des institutions spécialisées, que j'ai rencontrés le mois dernier à Genève lors d'une réunion du Comité administratif de coordination (CAC), ont réaffirmé

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leur détermination à intensifier et à rationaliser leurs activités, de concert avec l'ONU elle-même. Différentes institutions, que ce soit la Banque mondiale, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ont engagé des réformes ou s'y emploient à l'heure actuelle. Les membres du personnel, eux aussi, souhaitent des réformes et sont, à de nombreux égards, bien placés pour identifier les domaines dans lesquels celles-ci sont nécessaires.

Les réformes, tout comme le maintien de la paix, ne sont pas une fin en soi. Elles sont un moyen de parvenir à rendre l'ONU plus efficace, mieux adaptée et plus à même de faire face aux problèmes actuels et aux enjeux du XXIe siècle.

Pour être couronnés de succès, les efforts de réforme et les activités de consolidation de la paix nécessitent un soutien résolu et régulier de la part des États Membres.

Le Japon, pour sa part, a depuis longtemps compris l'importance du développement pour instaurer une paix durable et garantir la sécurité humaine. En réalité, il est le principal instigateur de tels efforts. Par exemple, il est partisan d'une participation plus forte des pays en développement au processus de développement, de la coopération Sud-Sud par l'intermédiaire de ce qu'il est convenu d'appeler les accords triangulaires, dans le cadre desquels il remplit une fonction de facilitateur. J'invite le Japon à continuer à jouer un rôle de chef de file dans ce domaine, complétant ainsi tout naturellement ses activités liées à l'aide humanitaire et au maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies.

J'attends aussi du Japon qu'il apporte un soutien au processus de réforme à mesure que celui-ci progressera. J'annoncerai de nouvelles initiatives et décisions dans les domaines relevant de ma compétence et formulerai des propositions concernant certaines questions plus fondamentales, sur lesquelles il revient aux États Membres de se prononcer. Tout au long de ce processus, l'avis du Japon sera déterminant.

Nous savons tous que le Japon s'intéresse de près à la question du devenir du Conseil de sécurité. Bien qu'il appartienne aux États Membres de statuer sur ce point, je ne pense pas trop m'avancer en disant qu'un large consensus s'est dégagé pour dire que la composition actuelle du Conseil de sécurité traduit l'état du monde tel qu'il était en 1945, et ne correspond plus aux réalités économiques et sociales du monde d'aujourd'hui. Toute tentative de réforme doit tenir compte de ce facteur ainsi que des intérêts des pays en développement.

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L'expérience de la dernière décennie et l'époque à laquelle nous vivons nous invitent à un effort de réflexion nouvelle pour dégager les idées et les approches qui nous permettront de faire face à des situations aussi imprévues qu'ambiguës.

Si j'ai évoqué aujourd'hui la consolidation de la paix et les réformes, c'est parce que je suis persuadé qu'elles peuvent grandement contribuer à nous mettre sur la bonne voie, et parce que l'avenir dépendra en grande partie de la participation du Japon et du rôle de premier plan qu'il est amené à jouer.

Le Japon et l'ONU poursuivent les mêmes objectifs : ceux de la paix et du progrès. À mesure que son rôle et son importance prennent de l'ampleur dans la nouvelle ère planétaire, l'ONU subit une métamorphose dont la portée ne peut faire oublier une vérité fondamentale : l'Organisation ne peut, pas plus aujourd'hui qu'hier, mener à bien sa tâche sans la confiance, l'autorité, les conseils et les ressources des États Membres, et sans le soutien de pays tels que le Japon.

Le Japon joue un rôle de premier plan au sein de la communauté internationale, et le monde entier admire ses réalisations, ses prouesses et sa culture. Votre rôle au sein de l'Organisation est de plus en plus important et fructueux. Nous nous devons d'entreprendre ensemble la réalisation du noble projet qui consiste à faire jouer la coopération internationale pour le bien commun de l'humanité.

Je suis convaincu qu'en oeuvrant de concert avec les autres Membres de l'Organisation, nous pourrons commencer à mettre en place un monde démocratique, respectueux des droits de l'homme et qui encourage le développement durable pour tous les peuples. Les citoyens japonais et les peuples du monde ne transigeront pas à ce sujet. Par conséquent, mettons-nous à l'oeuvre.

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