SG/SM/6284

PRÉSENTANT SES PROPOSITIONS DE RÉFORME À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL S'ENGAGE À MENER UNE "RÉVOLUTION SILENCIEUSE" À L'ONU

16 juillet 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6284
GA/9282


PRÉSENTANT SES PROPOSITIONS DE RÉFORME À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL S'ENGAGE À MENER UNE "RÉVOLUTION SILENCIEUSE" À L'ONU

19970716 Selon Kofi Annan, la solvabilité de l'Organisation est une condition sine qua non de la réussite de l'entreprise de réforme

Voici le texte de la déclaration que le Secrétaire général Kofi Annan a faite aujourd'hui au Siège lors d'une séance spéciale de l'Assemblée générale consacrée à la réforme.

J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui mon rapport intitulé "Rénover l'Organisation des Nations Unies : Un programme de réformes".

Les réformes que je propose sont ambitieuses. Il s'agit des plus vastes et radicales réformes opérées à l'ONU en 52 ans d'histoire.

L'objectif en est simple : transformer l'Organisation dans le sens d'une plus grande convergence des objectifs, d'une cohérence plus poussée des efforts et d'une plus grande souplesse afin de lui permettre de faire face aux exigences d'un monde de plus en plus dynamique et complexe.

On s'incline devant la prévoyance et l'esprit créateur des fondateurs de l'Organisation qui, réunis au lendemain de la seconde guerre mondiale et à l'aube de l'ère de la libération du joug colonial, ont conçu un instrument de progrès commun sans précédent dans les annales de l'histoire.

L'ONU a largement fait ses preuves au cours de ces 50 dernières années. La quasi-totalité des nations et des peuples s'y donnent rendez-vous pour débattre de programmes communs et résoudre des problèmes communs. C'est à elle que s'adressent les victimes d'agressions et d'oppression en quête de justice et de secours.

L'Organisation est à créditer d'importantes réalisations. Le colonialisme et l'apartheid ont vécu. Nous avons oeuvré ensemble à susciter, à rétablir et à bâtir la paix partout dans le monde. Nous sommes allés résolument de l'avant dans la promotion du progrès social et de l'amélioration du niveau de vie dans le respect plus grand des libertés.

Nous avons oeuvré à faire de la démocratie et du droit international les fondements de relations pacifiques entre les États. Nous nous sommes évertués à instituer des normes et pratiques claires en matière de coopération internationale dans des domaines aussi divers que le contrôle du trafic aérien, le droit de la mer, l'emploi d'armes chimiques et le jugement des crimes de guerre.

Plus que jamais nous avons foi dans les droits fondamentaux de la personne humaine. Nous nous sommes faits l'avocat du progrès de la femme et avons porté secours et offert un abri aux réfugiés. Nous nous sommes battus pour qu'il soit pourvu d'abord aux besoins de l'enfance — le groupe le plus vulnérable de l'humanité.

Aujourd'hui, le monde est desservi par une ONU dont la réussite n'est pas à démontrer et une Charte dont la validité n'est nullement entamée.

Plus que jamais, il est nécessaire d'avoir un instrument commun au service de l'humanité. La communauté mondiale doit faire face à des impératifs plus divers, plus pressants et plus complexes que jamais. Les États Membres voient se dresser devant eux toute une série de menaces et de défis nouveaux sans précédent, dont nombre dépassent les frontières nationales et les moyens d'un État à lui seul.

Par suite, l'Organisation doit faire face à des sollicitations et à des perspectives sans précédent. Aussi doit-elle, plus que jamais, être efficace et rationnelle, cohérente, rentable, apte à répondre à diverses sollicitations sans se disperser. Elle doit se tenir prête à répondre aux appels des États Membres, à aider ces derniers à atténuer les souffrances ou à garantir la paix.

Or, l'Organisation ne fonctionne pas comme elle le devrait. Elle a été lente à prendre la mesure de l'évolution des données géopolitiques.

Loin d'être souple et capable de s'adapter, elle a trop souvent été prisonnière de sa bureaucratie.

Elle s'est dans certains cas enfermée dans un carcan rigide, agissant dans l'isolement en l'absence de toute coordination ou presque au lieu de chercher à dépasser les limites sectorielles et les frontières institutionnelles.

Là où elle aurait dû doter ses responsables des moyens de leur action, elle n'a pas su tirer le meilleur parti de ses ressources humaines ou financières.

Au lieu de donner aux fonctionnaires les moyens de s'épanouir, elle les a asservis à une bureaucratie. Elle se doit de libérer leurs compétences et leurs capacités.

( suivre)

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Les États Membres souhaitent la réforme de l'Organisation. D'ailleurs, ils en indiquent l'exemple à suivre en la matière en revoyant leurs pratiques et en adaptant leurs politiques, en réfléchissant à de nouvelles mesures d'économie et de rentabilisation des dépenses.

J'ai eu l'honneur d'avoir été élu Secrétaire général après 30 ans de service à l'ONU dans les domaines de l'administration et des affaires du personnel, des opérations de maintien de la paix tant au Siège que sur le terrain.

S'il est une leçon que je tire de mon expérience c'est la suivante : l'ONU est capable d'accomplir et accomplira sa mission au service des peuples et des gouvernements du monde pour peu qu'elle soit dotée de fonds suffisants et de structures appropriées.

Depuis mon entrée en fonctions, je consacre toute mon énergie à inculquer le sens de la réforme à l'ONU.

Aujourd'hui, nous faisons un pas résolu en avant. Vous êtes maintenant saisis de tout un ensemble de mesures et de recommandations tendant à réformer et à rénover l'Organisation, qui englobe toutes les mesures et propositions de réforme mises en oeuvre pendant les six premiers mois de mon mandat. Permettez-moi maintenant d'évoquer les grandes lignes de ces réformes qui ont également diverses nouvelles orientations.

Pour être en mesure de continuer d'oeuvrer à la réalisation de nos principaux objectifs, de nous acquitter des tâches qui nous ont été confiées, nous devons commencer par affiner nos structures d'encadrement et de gestion.

C'est ainsi qu'un groupe de gestion de haut niveau assimilable à un cabinet sera chargé de conduire l'entreprise de réforme.

Un groupe de la planification stratégique relevant de mon cabinet sera chargé de recenser et d'analyser les questions et tendances qui se font jour dans le monde.

Les quatre comités exécutifs créés en janvier, qui sont chargés d'orienter les travaux de l'Organisation dans ses principaux domaines d'activité, seront renforcés.

Je recommanderai également à l'Assemblée générale de créer un poste de Vice-Secrétaire général dont le titulaire serait appelé à représenter le Secrétaire général lorsque celui-ci serait absent du Siège, à diriger les efforts de mobilisation de fonds aux fins du développement et à veiller à la cohérence des activités que l'Organisation mène dans plus d'un secteur.

L'Organisation gagnerait également à être rationalisée. Mes réformes pourvoient à ce besoin de plusieurs manières :

( suivre)

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— En proposant un budget à croissance zéro. Ce sera la première fois en une génération que le budget de l'Organisation enregistre une croissance négative en termes réels;

— En supprimant 1 000 postes de fonctionnaire — une réduction de 25 % par rapport aux effectifs d'il y a 10 ans;

— En réduisant les dépenses administratives de 33 %. Ces économies seront réaffectées au développement;

— Enfin, en réduisant le volume de la documentation. D'ici la fin de l'année nous aurons réduit la documentation de 30 %.

Je voudrais également sortir l'Organisation de la situation de quasi-faillite qu'elle vit depuis trop longtemps. Beaucoup trop d'États Membres ne s'acquittent pas de l'obligation conventionnelle qu'ils ont souscrite de verser intégralement leur contribution en temps opportun et sans condition.

Pour remédier à cette situation, je propose aux États Membres de créer un Fonds d'avances autorenouvelables dont le montant pourrait initialement atteindre jusqu'à 1 milliard de dollars, financé par des contributions volontaires ou par d'autres moyens que les États Membres pourraient suggérer.

Disons-le clairement : assurer la solvabilité de l'Organisation n'est pas uniquement un élément essentiel de la réforme, mais la condition de la réussite même de celle-ci.

La réforme doit renforcer les moyens dont nous disposons pour promouvoir le développement et nous attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des conflits. Le regroupement des fonds et programmes des Nations Unies qui s'occupent des questions de développement au sein d'un groupe des organismes de développement des Nations Unies permettra d'instaurer entre eux une coopération plus étroite, sans porter atteinte à leur caractère distinctif ou à leur identité propre.

Cette idée sera aussi appliquée sur le terrain, où toutes les entités des Nations Unies travailleront sous "un seul drapeau" dans une seule "Maison des Nations Unies". Je suis fier d'annoncer que les locaux occupés par les entités des Nations Unies présentes en Afrique du Sud seront les premiers à être ainsi désignés, avec effet immédiat.

Permettez-moi de passer maintenant à la question du financement du développement. Pour dire les choses simplement, nous avons besoin de ressources financières plus importantes pour le développement, qu'elles proviennent du secteur privé ou de sources gouvernementales. C'est la raison

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pour laquelle je propose la création d'un bureau du financement du développement. La mobilisation des ressources nécessaires exige un effort concerté, à temps complet.

Je propose également dans mon rapport des "dividendes pour le développement" provenant d'un transfert de ressources de l'administration aux activités économiques et sociales. Selon nos projections, leur montant devrait atteindre au moins 200 millions de dollars d'ici à l'an 2002. Je propose toutefois que les économies réalisées au titre du budget de l'exercice biennal en cours soient utilisées pour effectuer un versement initial au compte pour le développement en janvier 1998.

Le programme de réforme qui vous est présenté affectera pratiquement tous les départements et toutes les activités de l'Organisation.

Il contient des propositions qui doivent nous permettre de déployer plus rapidement les opérations de maintien de la paix et autres opérations sur le terrain.

Il met l'accent sur l'amélioration des moyens dont nous disposons pour consolider la paix, promouvoir le programme de désarmement, et renforcer la dimension écologique des activités de l'Organisation.

Il propose des moyens de lutter contre le fléau de la société "non civile" — les criminels, les trafiquants de drogues et les terroristes.

Il réoriente nos activités d'information afin que les peuples du monde comprennent mieux nos objectifs, notre rôle et nos activités.

Il demande une simplification des procédures administratives et une réforme approfondie des politiques et pratiques en matière de ressources humaines.

Il préconise une restructuration fondamentale dans plusieurs domaines, notamment les affaires économiques et sociales, les droits de l'homme et les affaires humanitaires. La promotion des droits de l'homme doit être intégrée à tous les principaux programmes et activités des Nations Unies. Nous devons répondre plus efficacement aux situations d'urgence complexes. Il sera par conséquent créé un nouveau Bureau de la coordination des secours d'urgence pour remplacer le Département des affaires humanitaires.

Un certain nombre de changements de caractère plus fondamental, qui ne peuvent être opérés que par les États Membres, constituent le complément naturel de ces propositions.

Plusieurs de ces changements ont trait à l'Assemblée générale.

J'ai proposé que l'Assemblée recentre ses travaux sur les questions hautement prioritaires et réduise la durée de ses sessions.

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Je propose que l'Assemblée adopte des "dispositions de temporisation", c'est-à-dire des délais précis pour la mise en oeuvre des initiatives qui entraînent la mise en place de nouvelles structures organisationnelles ou d'importants engagements de fonds.

Fait le plus important peut-être, j'engage l'Assemblée à envisager d'adopter un nouveau système de budgétisation, et de passer de la comptabilité des apports à une "budgétisation fondée sur les résultats". Cette approche, que de nombreux États Membres appliquent déjà au niveau national, donnerait une plus grande souplesse au Secrétariat tout en assurant le strict respect du principe de la responsabilité.

Enfin, j'ai recommandé aux États Membres d'envisager la possibilité de créer une commission chargée de déterminer s'il convient d'apporter les changements fondamentaux à l'ensemble du système — notamment aux institutions spécialisées qui sont des membres essentiels de la famille des Nations Unies.

Voilà en quelques lignes le plan de réforme que je soumets à votre examen. Je suis sûr de la validité de ces propositions, convaincu de leur nécessité et résolu à les mettre en oeuvre.

Nous sommes au seuil d'une ère nouvelle pour l'Organisation des Nations Unies.

À l'aube d'un siècle nouveau, adaptés à un monde nouveau, et résolus à répondre aux aspirations des fondateurs de l'Organisation, nous nous trouvons face à de vastes perspectives. L'ONU doit être prête à saisir le potentiel qu'offre cette ère nouvelle et à le mobiliser dans l'intérêt de tous.

Les réformes que je propose aujourd'hui permettront à l'ONU de faire plus et de faire mieux encore. Elles nous permettront d'être à la hauteur de ces perspectives qui s'ouvrent au niveau mondial et de faire véritablement de l'ONU l'expression des aspirations les plus élevées de l'humanité.

Ce à quoi j'aspire en présentant ce plan de réforme — simplement et immédiatement — c'est de transformer la conception, la qualité et l'exécution des services que nous fournissons. C'est là ce que vous attendez, ce que le monde attend de nous. Nous comptons bien répondre à cette attente.

Voilà l'engagement que je prends vis-à-vis de vous et du monde entier : à compter d'aujourd'hui, nous commençons une révolution tranquille à l'ONU.

En échange, je vous demande et je demande au monde entier de ne pas nous juger seulement par les réductions ou par les nouvelles structures que nous proposons. Jugez-nous plutôt — et jugez nous correctement — par les secours et par la protection que nous apportons aux pauvres et aux affamés, à ceux qui sont malades et qui sont menacés — les peuples du monde que l'ONU a pour vocation de servir.

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Selon un proverbe africain, "La terre ne nous appartient pas. C'est un trésor qui nous est confié en dépôt pour les générations futures". Nous devons veiller aujourd'hui à mériter la confiance qui a été mise en nous, et à faire de nouveau de l'ONU l'instrument qui fera fructifier ce trésor. Nous pouvons jeter les nouvelles bases de la paix, du progrès et du développement et nous allons nous employer à le faire.

Nous sommes à l'ère des Nations Unies.

Délivrés des conflits idéologiques, nos moyens d'action renforcés par la technique et la prospérité mondiale, nous pouvons mieux que jamais espérer voir nos nobles idéaux se réaliser. Nous avons, vis-à-vis de toutes les générations futures, le devoir de faire de ce moment plein de promesses un nouveau point de départ pour tous les peuples et toutes les nations.

Nous pouvons voir la lumière au bout du tunnel sombre et dangereux du siècle actuel, et cette lumière est rendue encore plus brillante par les espoirs et les rêves de tous les peuples du monde. L'ONU demeure le seul véhicule véritablement universel de tous ces rêves. Revitalisée, à la suite de la réforme et animée d'une volonté nouvelle, elle peut les porter dans le nouveau millénaire, et en faire la réalité.

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