SG/SM/6282

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PROPOSE AUX DIRIGEANTS DES COMMUNAUTÉS CHYPRIOTES D'ENGAGER "UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION" ET DE FORGER UN NOUVEAU PARTENARIAT

10 juillet 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6282


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL PROPOSE AUX DIRIGEANTS DES COMMUNAUTÉS CHYPRIOTES D'ENGAGER "UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION" ET DE FORGER UN NOUVEAU PARTENARIAT

19970710 M. Kofi Annan exprime l'espoir que les esprits clairs et les têtes froides prévaudront, ajoutant que la paix durable à Chypre est maintenant à notre portée

On trouvera ci-après l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l'ouverture des pourparlers relatifs à Chypre, au Centre de conférence de Troutbeck, à Amenia (Dutchess County, New York), le 9 juillet :

Je suis heureux de vous accueillir à l'ouverture de ces importants pourparlers.

Nous nous réunissons dans un cadre de grande beauté et de sérénité. C'est un lieu où, j'en suis sûr, les esprits clairs et les têtes froides prévaudront.

Cette réunion a été rendue possible grâce à la générosité du Gouvernement norvégien. Au nom de l'Organisation des Nations Unies, je souhaite exprimer ma profonde gratitude au Gouvernement norvégien pour ce geste caractéristique d'appui de la paix et de la stabilité internationales.

J'ai invité les dirigeants des communautés chypriotes à se rencontrer ici pour des pourparlers directs parce que je suis convaincu qu'une paix durable à Chypre est maintenant à notre portée.

Ce sont donc de graves responsabilités qui pèsent sur les épaules des dirigeants des deux communautés chypriotes. Je suis très heureux qu'ils aient pu venir. Je leur adresse mes souhaits les plus chaleureux de bienvenue.

Lors de la préparation de cette réunion, on m'a rappelé que les tout premiers pourparlers intercommunautaires se sont tenus il y a 29 ans, au domicile du Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies à Chypre. Du côté chypriote grec, les pourparlers étaient dirigés par le Président de la Chambre des Députés chypriote. Du côté chypriote turc, les pourparlers étaient dirigés par le Président de la Chambre de la communauté chypriote turque.

Ce sont ces mêmes dirigeants qui se trouvent auprès de nous aujourd'hui.

C'est là une continuité remarquable, qui témoigne, pour l'une et l'autre parties, d'une vie entière passée à servir et à diriger. Aujourd'hui, leur connaissance de la situation est sans pareille. Leur autorité au sein de leurs communautés respectives est intacte.

Je suis persuadé que ce sont les dirigeants forts qui font les meilleurs artisans de la paix. Cette pensée renforce mon sentiment profond que les perspectives en ce qui concerne le processus qui s'ouvre aujourd'hui sont porteuses d'espoir.

La recherche d'une solution pacifique du problème de Chypre a traîné trop longtemps. Pendant 33 ans et quatre mois, l'Organisation des Nations Unies s'est dépensée, en vain jusqu'à présent, pour parvenir à un accord concerté. Les résolutions du Conseil de sécurité se comptent par douzaines. Quatre secrétaires généraux se sont appliqués à mettre en oeuvre le mandat que leur avait confié le Conseil.

L'un d'entre eux a écrit que cette question avait pris plus de son temps et de son attention que toute autre au cours de ses 10 ans de service. Il a appelé Chypre "l'orpheline des Nations Unies".

Au total, 13 représentants spéciaux ont oeuvré pour aider les parties à résoudre leurs différends.

Jusqu'à présent, la recherche de la paix à Chypre n'a pas abouti, ce qui ne veut pas dire qu'elle ait été stérile.

La Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre, originellement mise en place pour une période de trois mois, existe toujours. C'est elle qui a été aux premières lignes, qui a oeuvré pour réduire les tensions et encourager les activités intercommunautaires. Ce sont ses travaux qui ont permis de réduire les tensions et de contenir les conflits. L'opération n'a pas été sans frais. À l'heure actuelle, les dépenses afférentes à la Force représentent 50 millions de dollars des États-Unis par an. Cent soixante-huit membres de la Force ont sacrifié leur vie au service de la paix à Chypre.

De ces pourparlers qui ont semblé ne jamais devoir finir, quelques éléments utiles sont ressortis. Des progrès importants ont été réalisés, qui ont permis de préciser certaines questions et ont constitué le point de départ de nos travaux aujourd'hui.

Il s'ajoute à ces considérations un autre facteur, à savoir qu'aujourd'hui la communauté internationale appuie plus résolument que jamais les efforts en vue d'une solution de la question de Chypre. L'appui du Conseil de sécurité a été sans équivoque. Notre réunion d'aujourd'hui

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elle-même — à laquelle sont présents des envoyés spéciaux venus de pays en si grand nombre — est la preuve que la communauté internationale attache une priorité élevée à la recherche d'une solution viable et globale.

Nous devons donc aller fermement de l'avant, dans un esprit positif, à la recherche de notre but commun, qui est une solution viable et globale du problème de Chypre.

Cet après-midi, M. Diego Cordovez vous communiquera en mon nom un certain nombre de suggestions. Elles visent à faciliter votre travail au cours de ces pourparlers directs. J'espère qu'elles pourront être utiles dans l'organisation de ce que vous allez entreprendre.

En approuvant ces suggestions, vous adresserez à la communauté internationale un message résolu et clair. Vous signalerez votre engagement et votre détermination à parvenir à un règlement global — que la population de Chypre attend depuis trop longtemps.

Il y a des années que vous êtes occupés à examiner les questions que vous avez identifiées comme étant fondamentales. Ces réflexions ont été fondées sur des notions et des approches que les secrétaires généraux successifs ont invoquées conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.

Les efforts du passé demeurent utiles et appréciables, et cela parce que — comme je l'ai dit au moment où j'ai pris mes fonctions actuelles — les éléments qu'appelle la mise au point d'un règlement sont de ce fait, réunis.

Je crois fermement que ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de rechercher, sans plus attendre, des solutions spécifiques et concrètes à chacune de ces questions, et à procéder dans le contexte propre à chacune d'entre elles. Nous ne viendrons à bout de cette tâche que si nous commençons par examiner les documents et les instruments juridiques qui constitueront le règlement global.

Je propose donc que vous engagiez un processus de négociations — je dis bien, un processus — au cours duquel vous édifierez peu à peu le cadre juridique à l'intérieur duquel la communauté chypriote grecque et la communauté chypriote turque forgeront un nouveau partenariat.

Je suis convaincu qu'en procédant de la sorte, vous serez en mesure de favoriser une convergence de vues et de positions de plus en plus féconde, dans un processus qui acquerra sa propre dynamique — et générera ainsi les compromis réciproques qu'une négociation implique nécessairement.

Je suis tout autant convaincu que, dès que le processus de négociation sera engagé, vous vous apercevrez que c'est là la manière la plus pratique d'élaborer des textes qui soient mutuellement acceptables et par là efficaces et durables.

( suivre)

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Le fait que le processus sera mené sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies lui conférera une autre dimension. Il garantira que les principes de la Charte inspireront tous les efforts de bons offices entrepris par le Secrétaire général, guidera vos débats et sous-tendra tous les accords auxquels vous parviendrez.

Ce que je cherche, ce n'est pas d'avoir à rapporter, une fois de plus, au Conseil de sécurité, qu'une occasion de plus a été perdue. Personne ne sous-estime l'immensité de la tâche qui vous attend. Mais la communauté internationale a à maintes reprises exprimé la confiance qu'elle avait dans votre capacité de concevoir de nouvelles structures constitutionnelles et institutionnelles — structures qui permettront aux populations des deux communautés chypriotes de vivre de concert et dans la paix.

Je partage cet espoir, et cette confiance. C'est dans cet esprit qu'ont été formulées les considérations visant à l'adoption d'une nouvelle approche des négociations, qui vous seront soumises.

Un autre point. Si nous voulons que les négociations se déroulent dans une atmosphère de confiance réciproque, il convient, à mon sens, que les deux parties s'abstiennent de toute déclaration publique. J'espère bien, donc, que nos amis des médias feront preuve de compréhension lorsqu'ils m'entendront déclarer qu'il n'y aura aucune déclaration faite ou d'interview accordée à la presse jusqu'à ce que ce cycle de négociations ait pris fin.

Il serait inexact de dire que le monde est penché sur les événements qui vont se dérouler à Troutbeck cette semaine. Mais nombreux sont ceux qui reconnaissent que la situation actuelle à Chypre n'ouvre aucune voie à la paix, à la sécurité et à un développement économique sain. Au contraire, la jeunesse de l'île grandit dans une atmosphère permanente d'incertitude et d'instabilité potentielle.

Pour eux, cette situation ne peut se poursuivre. Le sentiment général est que la situation est devenue plus urgente, et, plus que jamais, qu'il doit absolument être mis fin au différend.

Les conséquences d'un échec seraient vraisemblablement plus terribles qu'à aucun moment depuis des décennies.

En parvenant à un accord, les communautés chypriotes auront mérité le respect et la gratitude de la communauté internationale, mais il y a plus : grâce à elles, la communauté internationale sera aussi profondément soulagée qu'un point potentiellement chaud des relations internationales dans la Méditerranée orientale ait été éliminé et, ce qui est plus important, que tous les Chypriotes auront devant eux un avenir prospère et pacifique.

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