SG/SM/6234

LA MEILLEURE DÉFENSE CONTRE "LES NOUVEAUX DANGERS MONDIAUX" EST UNE SOCIÉTÉ FONDÉE SUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES, LA JUSTICE SOCIALE, LES DROITS DE L'HOMME ET LA DÉMOCRATIE

15 mai 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6234


LA MEILLEURE DÉFENSE CONTRE "LES NOUVEAUX DANGERS MONDIAUX" EST UNE SOCIÉTÉ FONDÉE SUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES, LA JUSTICE SOCIALE, LES DROITS DE L'HOMME ET LA DÉMOCRATIE

19970515 On trouvera ci-après le texte du discours prononcé le 10 mai par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant l'Académie des sciences sociales et l'Institut des relations internationales de Shanghai (Chine) :

Il m'est particulièrement agréable de vous rencontrer aujourd'hui dans cette ville extraordinaire. Je comprends pourquoi l'un de ses édiles a dit qu'il fallait faire de la grue l'oiseau officiel de Shanghai. De nouvelles constructions sortent de terre un peu partout dans cette métropole sans cesse en mouvement et dont le dynamisme est une réalité palpable.

Shanghai est donc le lieu tout indiqué pour évoquer avec vous la place de la Chine dans le monde et notamment sa capacité potentielle de jouer les premiers rôles dans l'économie mondiale.

Quiconque, comme moi, a été associé pendant si longtemps aux activités de l'Organisation des Nations Unies, se convainc facilement du poids politique de la Chine au sein de l'Organisation et dans le monde.

Il y a plus de cinq décennies, la Chine fut l'un des premiers pays à convenir de la nécessité de créer l'Organisation des Nations Unies, et elle est aujourd'hui un membre permanent du Conseil de sécurité. La Chine a participé à des opérations de maintien de la paix en Afrique, au Moyen-Orient et dans le golfe Persique. Elle a aidé à apporter des solutions politiques à certains conflits, comme celui du Cambodge, par exemple.

Beaucoup de pays sont en admiration devant les résultats remarquables obtenus par la Chine aux plans social, économique et culturel. L'économie chinoise, qui se classe au troisième rang mondial, continue de se développer à un rythme rapide. Depuis que vous avez entamé le processus de réforme, en 1978, votre pays, qui s'oriente vers l'économie du marché, enregistre une croissance annuelle moyenne de plus de 9 %.

Il n'est donc pas étonnant que nombreux sont ceux qui dans les pays en développement voient en la Chine un exemple encourageant, celui d'un pays dont le dynamisme et l'industrie ont été sources de progrès considérables. Outre son influence politique, la Chine joue un rôle de locomotive économique qui suscite l'intérêt du monde entier.

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Ces deux rôles sont évidemment interdépendants, sachant que la puissance économique de la Chine lui confère davantage d'autorité et de force au plan politique. Je suis pour ma part convaincu que le poids politique de la Chine et son dynamisme économique lui offrent, notamment parmi les pays en développement, une occasion unique de jouer un rôle de premier plan dans la conception et la mise en place de l'ordre politique de l'après-guerre froide.

C'est pour cette raison que j'ai décidé d'aborder avec vous les problèmes de la mondialisation et de l'interdépendance économique dans l'optique des activités de l'Organisation des Nations Unies en faveur de la paix internationale et du développement, en espérant avoir votre opinion à ce sujet.

Dans beaucoup de pays, l'État se retire de nombreuses activités économiques, et cela a libéré les forces de la mondialisation et de la libéralisation qui ont, à leur tour, stimulé les investissements et apporté la prospérité un peu partout. Dans le monde d'aujourd'hui, le secteur privé est le principal fournisseur de ressources financières et techniques et de capacités de gestion. La Chine, en général, et la ville de Shanghai, en particulier, ont grandement bénéficié de cette évolution de l'économie mondiale.

La mondialisation a fait naître en nous l'espoir que l'ingéniosité et l'esprit d'entreprise nous feraient connaître un nouvel âge d'or. De fait, les pays en développement ont également largement aidé à accélérer l'intégration mondiale. Ils reçoivent davantage d'investissements étrangers et prennent une part croissante au commerce mondial. Malheureusement, seule une poignée d'entre eux ont jusqu'à présent profité de ces avantages. En effet, la plus grande partie des flux de capitaux privés vont à 12 pays seulement, dont la Chine, qui en reçoit à elle seule quelque 40 %.

On voit donc que de graves problèmes de développement persistent. Les avantages de la mondialisation peuvent apporter la prospérité à une région, tout en marginalisant d'autres régions. Plus de 100 pays connaissent une situation plus difficile qu'il y a 15 ans. Des millions de personnes souffrent toujours de la pauvreté, de la faim et de l'analphabétisme. L'énorme volume des flux financiers internationaux, dont une partie alimente la spéculation, risque de déstabiliser les systèmes financiers. La mondialisation de la production a aggravé le chômage dans de nombreux pays, qu'ils soient développés ou en voie de développement. Enfin, la concurrence acharnée dans les pays et entre eux risque de conduire à la surexploitation des ressources naturelles et d'aggraver les atteintes portées à l'environnement.

Certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, sont désormais pratiquement tenus à l'écart de l'économie mondiale. La plupart d'entre eux ont tenté d'introduire une réforme économique et de libéraliser le marché,

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mais la faiblesse de leur appareil économique et institutionnel ne leur a pas permis de mettre à profit les occasions offertes par la mondialisation.

Si cette tendance devait se poursuivre, l'écart entre les pays développés et un grand nombre de pays en développement se creuserait davantage au cours des prochaines années.

La mondialisation a également apporté de nouveaux dangers dans son sillage. Je veux parler du trafic de drogues, des menaces pour l'environnement, du terrorisme et de la criminalité internationale. Ces périls perpétuent une nouvelle menace pour les États car ils dépassent le cadre d'intervention d'un seul pays.

Comme on le voit, les problèmes de la mondialisation sont considérables. Il s'agit de problèmes nouveaux qui ne peuvent être abordés que dans le cadre d'une action mondiale menée conjointement par tous les pays. À cet égard, l'Organisation des Nations Unies peut et doit être l'instrument de cette action commune.

Le développement est de longue date l'un des axes majeurs de l'action de l'Organisation des Nations Unies, à côté de la paix, des droits de l'homme et du droit international. Ensemble, tous ces éléments devaient contribuer à garantir une nouvelle forme de stabilité et de sécurité. En 1945, les fondateurs de l'Organisation ont reconnu qu'à eux seuls, les moyens militaires ne pouvaient garantir la sécurité et la paix et que le développement économique et social était le fondement le plus solide de la paix, de la stabilité et de la sécurité.

Cette approche novatrice n'a malheureusement jamais été mise à l'épreuve. De nouvelles stratégies ont été mises au point mais jamais appliquées et les intentions premières des fondateurs ont été déformées par la bipolarisation du monde.

L'Organisation des Nations Unies a certes exercé des fonctions utiles, mais pas celles qu'avaient envisagées ses fondateurs. Pendant les 45 années qui ont suivi sa création, l'Organisation a été un centre vital de contact et de dialogue. Elle a accompli des tâches importantes dans le domaine du maintien de la paix. La décolonisation est intervenue rapidement et subitement, souvent grâce à l'intervention de l'Organisation des Nations Unies qui a également défini et mis en avant la question du développement dans ses différentes formes, mais les relations internationales étaient dominées par la guerre froide.

Aujourd'hui, nous sommes en présence d'une nouvelle conjoncture géopolitique. La bipolarisation des relations internationales n'existe plus. De nouveaux problèmes se posent au niveau mondial. La compétition mondiale pour le rang de superpuissance a souvent fait place à de l'indifférence.

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Certains États s'effondrent ou implosent avant que le monde ne daigne leur prêter attention. Ainsi, l'importance cruciale de la consolidation de la paix et du développement économique comme fondement de la paix n'a jamais été aussi manifeste.

C'est l'occasion de redéfinir et de renforcer le rôle de l'Organisation des Nations Unies dans la coopération internationale pour le développement. S'agissant des questions économiques et de développement, j'estime, pour ma part, que le système des Nations Unies a un rôle décisif de réflexion et de promotion à jouer.

Concrètement, j'estime que l'Organisation des Nations Unies doit :

— Se faire le porte-parole démocratique des faibles dans les débats internationaux sur les questions économiques;

— Être le lieu de décisions consensuelles sur les actions à entreprendre;

— Entreprendre des activités de plaidoyer et de sensibilisation;

— Aider à nouer de nouvelles alliances et de nouvelles coopérations;

— Servir de cadre de conciliation des intérêts privés et de l'intérêt général;

— Promouvoir les valeurs communes; et enfin

— L'Organisation elle-même doit mener des activités de développement qui soient à la fois rentables et efficaces.

Il s'agira de concevoir et de mettre en oeuvre de nouveaux moyens d'intervention pour promouvoir le développement durable dans le cadre des mécanismes du marché aux niveaux national et mondial.

Certains progrès ont d'ores et déjà été réalisés en matière de coopération dans les travaux sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique et la Convention sur la lutte contre la désertification. Le mois prochain, l'Assemblée générale tiendra une session extraordinaire pour examiner les progrès réalisés depuis la tenue, il y a cinq ans, de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) et mettre au point un plan d'action pour l'avenir. La Commission du développement durable, qui s'est réunie le mois dernier, participe également à la redéfinition des choix en matière de développement.

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Les problèmes du développement économique et de la mondialisation font aujourd'hui l'objet d'un large débat international. Il est dores et déjà évident que l'Organisation des Nations Unies n'a pas d'autre choix que de servir de cadre d'action commun pour tous les pays. Mais, si l'on veut qu'elle soit à la fois efficace et performante, il faut la renforcer. C'est pour cette raison que nous nous sommes engagés dans un processus de réforme.

L'un des objectifs de l'Organisation consiste à résoudre les problèmes en suspens dans le domaine du développement, comme l'accumulation des mandats, le chevauchement des responsabilités et le gaspillage né du double emploi.

La réforme vise à mieux cibler et à clarifier les activités grâce à une meilleure intégration au niveau du Siège et encore plus au niveau des pays. À cet égard, les nouvelles dispositions envisagées, notamment le renforcement du rôle des coordonnateurs résidents et du système des équipes de pays, devrait permettre d'améliorer l'appui au développement durable, notamment en Afrique et dans les petits États insulaires en développement.

Je ferai de mon mieux pour faire en sorte que toutes les économies réalisées à travers le processus de réforme soient réinjectées par l'Organisation dans des activités de développement concrètes.

J'ai déjà affirmé clairement que l'un des objectifs de la réforme de l'Organisation aux niveaux social et économique doit être de renforcer la coopération Sud-Sud, dont on n'a pas, à mon sens, exploré toutes les possibilités.

La coopération Sud-Sud doit dépasser le cadre du simple slogan. Il faut en faire une plate-forme viable et facilement applicable dans le cadre de programmes et projets communs concrets. Elle ne peut se substituer au dialogue avec les pays partenaires développés mais elle doit être non seulement une source de solidarité et de force, mais aussi un outil puissant de coopération pour le développement entre les pays de niveaux économiques similaires.

L'attachement de la Chine à la coopération Sud-Sud ne date pas d'hier. La République populaire a fourni un appui généreux aux pays en développement sous forme d'investissements, de coopérants, de bourses et d'autres actions de formation. La communauté internationale lui est reconnaissante pour la généreuse contribution qu'elle a apportée au fil des ans.

L'Organisation des Nations Unies a pour sa part été heureuse d'apporter sa modeste contribution en fournissant une assistance au Gouvernement chinois dans le cadre des activités du Groupe spécial de la coopération technique entre pays en développement pour la mise en place d'un réseau international de petites centrales hydroélectriques dans la province de Hangzhou. L'Organisation contribuera également à la mise en place d'un cadre juridique pour en faire un centre international.

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S'il y a une seule leçon à tirer de l'expérience de l'Organisation dans les activités de maintien, de rétablissement et de consolidation de la paix, c'est que la paix et la sécurité ne peuvent être pensées exclusivement du point de vue militaire.

La sécurité de l'humanité au sens large exige des actions sur plusieurs fronts, notamment celui du développement durable et celui du renforcement de l'exercice démocratique du pouvoir. La meilleure défense contre les nouveaux périls mondiaux que sont le trafic de stupéfiants, la corruption et le terrorisme est l'instauration d'une société fondée sur l'égalité des chances, la justice sociale, les droits de l'homme et la démocratie.

Je fonde beaucoup d'espoirs sur ma collaboration future avec le Gouvernement chinois pour une coopération Sud-Sud renforcée, qui est un volet essentiel de la coopération internationale pour le développement et fait partie intégrante du rôle de l'Organisation dans la promotion de la paix et de la sécurité dans le monde.

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