DH/G/543

LE COMITE CONTRE LA TORTURE RECOMMANDE AU MEXIQUE DE METTRE EN PLACE DES MECANISMES DE CONTRÔLE DU RESPECT DES LOIS PAR LES AGENTS DE L'ETAT

2 mai 1997


Communiqué de Presse
DH/G/543


LE COMITE CONTRE LA TORTURE RECOMMANDE AU MEXIQUE DE METTRE EN PLACE DES MECANISMES DE CONTRÔLE DU RESPECT DES LOIS PAR LES AGENTS DE L'ETAT

19970502 Abordant l'examen du Paraguay, les experts expriment leur déception pour la lenteur du processus de rétablissement du plein respect des droits de l'homme

Genève, 2 mai - Le Comité contre la torture a présenté, ce matin, ses observations et recommandations sur le troisième rapport périodique de Mexique, recommandant à ce pays, notamment, de mettre en place des mécanismes de contrôle permettant de veiller à ce que les agents de l'Etat et les autorités chargées de l'application de la loi obéissent à leurs devoirs et garantissent le respect des lois visant à éliminer la torture et à imposer des sanctions pénales et administratives aux coupables.

Le Comité est vivement préoccupé par les nombreuses informations fiables selon lesquelles, malgré toutes les mesures prises pour éliminer la torture, celle-ci continue d'être pratiquée systématiquement au Mexique, notamment par la police judiciaire tant fédérale que locale, et par les agents des forces armées, sous prétexte de lutte contre la subversion.

Le Comité contre la torture a aussi commencé, ce matin, l'examen du rapport du Paraguay sur l'application des dispositions de la Convention dans ce pays. Les experts ont regretté la lenteur du processus d'élaboration des lois visant à rétablir le plein respect des droits de l'homme.

Le Vice-Ministre de la justice du Paraguay a souligné la difficulté de transformer les mentalités après 34 ans de dictature. Il a notamment reconnu que les détentions illégales n'ont pas totalement cessé dans son pays.

Le Comité poursuivra, cet après-midi, l'examen du rapport du Paraguay. Il entendra les réponses de la délégation du Paraguay aux questions posées par les experts.

Observations et recommandations du Comité sur le rapport du Mexique

Dans ses observations finales sur l'examen du rapport du Mexique, le Comité se félicite des efforts déployés par ce pays pour améliorer la

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protection juridique des victimes de la torture, et plus particulièrement les nouvelles dispositions de janvier 1994 relatives au droit d'obtenir réparation, ainsi que celles visant à rendre obligatoires les recommandations de la Commission nationale des droits de l'homme, qui font obligation aux autorités d'indemniser les victimes de la torture.

Le Comité reconnaît l'importance des initiatives et mesures qui ont été prises dans le domaine de l'éducation et de la formation en matière de droits de l'homme, qui portent sur un grand nombre de domaines susceptibles d'engendrer des violations des droits de l'homme.

Le Comité exprime sa préoccupation face aux limites des pouvoirs de la Commission nationale des droits de l'homme, dont les recommandations n'ont pas un caractère obligatoire pour l'autorité ou le service public visé. Ainsi, la Commission nationale est dans l'impossibilité de faire progresser les procédures concernant les situations qu'elle dénonce. Le Comité estime qu'un renforcement des pouvoirs de la Commission favoriserait le respect des dispositions de la Convention.

Le Comité est vivement préoccupé par les nombreuses informations fiables selon lesquelles, malgré toutes les mesures prises pour éliminer la torture, celle-ci continue d'être pratiquée systématiquement au Mexique, notamment par la police judiciaire tant fédérale que locale, et par les agents des forces armées, sous prétexte de lutte contre la subversion.

Le Comité constate avec préoccupation l'énorme écart qui existe entre l'importance de l'arsenal juridique et administratif mis en place pour éliminer la torture et la réalité dont témoignent les informations dont il dispose. Le Comité est d'avis que l'inefficacité des mesures prises est due, entre autres choses, à l'impunité dont jouissent les auteurs ainsi qu'au fait que les autorités judiciaires continuent d'admettre comme preuve des aveux ou déclarations obtenus par la torture.

Le Comité recommande la mise en place de mécanismes permettant de veiller à ce que les agents de l'Etat et le personnel des services judiciaires obéissent à leurs devoirs et garantissent le respect des nombreuses normes juridiques qui existent au Mexique pour éliminer la torture et imposer des sanctions pénales et administratives aux coupables.

Le Comité recommande de conférer aux Commissions des droits de l'homme les pouvoirs juridiques de porter plainte dans les cas graves de violation des droits de l'homme et, notamment, dans les cas d'allégations de torture. Il recommande en outre de mettre au point des mécanismes d'information sur les droits des détenus à porter à l'attention des détenus dès leur arrestation. Cette information serait placée en évidence dans tous les lieux de détention,

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ainsi que dans tous les lieux relevant du Ministère public et des services judiciaires en général.

Examen du rapport du Paraguay

Présentant le deuxième rapport périodique du Paraguay, M. Arnaldo Giménez Cabral, Vice-ministre de la justice a indiqué que les détentions illégales étaient pratique courante pendant les années de dictature où il n'y avait aucune garantie constitutionnelle. La personne arrêtée pendant l'état de siège ne disposait d'aucun recours. Les policiers, à l'époque, «ne comprenaient pas qu'il leur fallait des mandats d'arrêt». Cette mentalité est en train de changer, non sans difficulté, a reconnu M. Giménez. Aujourd'hui, l'école de police dispense des cours obligatoires sur les droits de l'homme. Mais, ajoute le Vice-ministre, on ne peut pas affirmer que le phénomène des arrestations arbitraires et les détentions illégales ait totalement cessé.

Le projet de code pénal, qui a été approuvé par le Sénat et se trouve actuellement à l'examen au Parlement, définit et sanctionne le délit de torture et exclut la possibilité que de tels actes, imputables à un fonctionnaire ou commis en accord avec un fonctionnaire, restent impunis. Le pouvoir exécutif est respectueux des droits de l'homme. Pour ce qui est de l'autorité judiciaire, M. Giménez a souligné que les mentalités étant difficiles à transformer, c'est le Parquet qui désigne lui-même l'avocat de la défense dans les procès des cas de torture. Le Paraguay a entrepris de réformer les services pénitentiaires en y construisant des réfectoires et en y effectuant des travaux de réfection. Il envisage de construire des nouveaux établissements pénitentiaires, notamment les femmes.

Le rapport du Paraguay souligne que le pays achève d'instaurer la démocratie et qu'il a fait de la lutte contre la torture l'un de ses objectifs principaux. C'est ainsi que le pays vient de reconnaître la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, et que les autorités s'efforcent de promouvoir et de diffuser les droits de l'homme, non seulement auprès de la population en général, mais auprès des juges, afin qu'ils respectent les droits de l'homme dans leurs décisions.

Le rapport souligne qu'à la différence des autres pays qui ont connu des dictatures, le Paraguay n'a pas adopté de loi d'amnistie qui aurait eu pour effet de laisser impunies des personnes qui se seraient rendues coupables de violations de droits de l'homme. De surcroît, la torture est considérée comme une atteinte aux droits de l'homme et est déclarée imprescriptible par la Constitution.

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M. Alejandro González Poblete, membre du Comité et rapporteur chargé d'analyser le rapport du Paraguay, a fait remarquer que ce pays, en témoignage de sa volonté d'instaurer la démocratie, a ratifié la Convention contre la torture dès 1990, un an après la chute de la dictature en 1989. Toutefois, M. González Poblete a noté que le projet de code pénal ne définit pas la torture au sens de la Convention. Le projet de code, en son état actuel, prévoit un article intitulé «Torture», sans la définir dans les termes de l'article premier de la Convention. Le projet renforce les sanctions pénales à l'encontre des fonctionnaires qui se rendraient coupables de brutalités ou de blessures à une autre personne. La ratification de la Convention, a rappelé l'expert, exige de l'Etat partie qu'il incorpore les dispositions de la Convention dans sa législation nationale. Or, le Paraguay n'a pas encore donné suite à cette obligation. De surcroît, selon l'expert, si l'on considère les promesses annoncées lors du rapport initial, il semble que le Paraguay n'ait fait aucun progrès sur le plan législatif, en particulier en ce qui concerne les questions pénales. La législation en vigueur ne permet pas de donner satisfaction aux dispositions de la Convention. Le rapport ne dit pas si, en l'absence de législation en la matière, la Convention peut être appliquée et invoquée directement dans le cadre de demandes d'extradition.

S'agissant des «archives de la terreur», l'expert a demandé si ces documents antérieurs à 1989 peuvent être utilisés dans le cadre de la coopération judiciaire entre le Paraguay et d'autres pays. L'expert se félicite des initiatives prises au Paraguay pour promouvoir les droits de l'homme, après le vide culturel légué par 34 années de dictature. Si le rapport fait état de visites hebdomadaires de magistrats aux divers établissements pénitentiaires, il ne dit pas si les plaintes déposées ont été traitées et quels en ont été les résultats. Selon Amnesty International et Service paix et justice, deux organisations non gouvernementales qui ont joué un rôle fondamental pendant la dictature, il y aurait eu plus de cent cas de plaintes de victimes de torture en 1996 et les enquêtes n'auraient pas été menées avec efficacité. Il a invité la délégation du Paraguay à donner des éclaircissement à ce sujet. M. González Poblete a reconnu qu'il était difficile de défaire les petits pouvoirs dictatoriaux. Il s'est dit «déçu» par la lenteur des progrès visant à rétablir les conditions de plein respect des droits de l'homme.

M. Peter Thomas Burns, membre du Comité et co-rapporteur pour le rapport du Paraguay, a notamment voulu savoir si le traitement des victimes de la torture est abordé dans l'enseignement de la médecine. Il a demandé qui sont les fonctionnaires chargés des droits de l'homme au Ministère de l'intérieur, quel est le nombre des plaintes de torture, pourquoi n'y a-t-il pas de réparation pour les détentions illégales de moins de trois mois, comment obtenir des information sur la pratique de la torture en l'absence de définition de la torture.

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Un autre expert a demandé si les médecins paraguayens qui avaient participé à la torture pendant la dictature ont été sanctionnés. Le même expert a estimé souhaitable que le Paraguay fasse une contribution même symbolique au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture. D'autres experts ont demandé à la délégation de leur fournir un complément d'informations sur la procédure d'habeas corpus, sur la Cour suprême, sur la nomination des juges, leurs qualifications et la durée de leur mandat.

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