SG/SM/6223

"L'AVENIR EST ENTRE VOS MAINS", DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A UN GROUPE DE JEUNES FILLES

29 avril 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6223


"L'AVENIR EST ENTRE VOS MAINS", DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A UN GROUPE DE JEUNES FILLES

19970429 Les observations suivantes ont été faites, ce matin, par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, qui s'adressait à plusieurs centaines de jeunes filles aux Nations Unies à l'occasion de la journée "Amenez votre fille à votre travail". Une série de questions-réponses suit :

"C'est vraiment un matin exceptionnel, avec tant de jeunes ici. Je n'ai jamais vu une telle animation à l'ONU! Je tiens à vous dire à quel point je suis heureux de recevoir autant de jeunes filles, les jeunes femmes de demain. Nous n'avons pas un public aussi enthousiaste tous les jours! J'espère que vous vous rendez compte que l'avenir est entre vos mains et que cette journée vous permettra de découvrir de nouveaux centres d'intérêt et de nouvelles idées. Je vous encourage à toujours faire preuve d'une grande ouverture d'esprit car il ne saurait y avoir de limites à ce que vous, les femmes du XXIe siècle, pouvez accomplir. Ne l'oubliez pas. Il n'y a pas de limites et il ne doit pas y en avoir. Ne vous imposez pas de limites et ne laissez personne s'opposer à vos ambitions et à vos rêves.

En tant que femmes qui oeuvreront en faveur de l'égalité entre les sexes, vous détenez les clefs de votre destinée. Je sais qu'un avenir heureux et passionnant vous attend. Cette journée a pour but de lever un peu le voile sur votre avenir professionnel.

Je sais que le monde du travail peut paraître un peu mystérieux. Vos parents passent des heures au travail, loin de la maison. Ils partent pour le travail, loin de la maison, et sont absents de longues heures durant. Ils ramènent du travail à la maison, ils parlent travail, ils se disputent même parfois à propos du travail. Mais qu'est-ce qu'est réellement le travail? Je me souviens que mon fils, qui est maintenant un jeune homme de 23 ans, m'a demandé une fois, alors qu'il avait à peu près neuf ans, "Papa, qu'est-ce que tu fais au bureau? Je n'arrive jamais à te joindre au téléphone, on me répond toujours que tu es en réunion. Qu'est-ce que c'est, une réunion?". Je lui ai répondu "Eh bien, je discute de différents problèmes avec des amis". "Et après?", m'a-t-il dit. "On parle jusqu'à ce qu'on ait trouvé une solution". "Et qu'est-ce que tu fais d'autre?". J'ai répondu "On rédige parfois des documents et on prend des décisions". "C'est tout?

C'est ça le travail?". Maintenant que lui-même travaille, il comprend mieux les problèmes auxquels nous, en tant que parents, devons faire face. Vos parents sont allés à l'école, donc ils savent plus ou moins ce que vous y faites. Mais je suppose que la plupart d'entre vous, comme mon fils, savent très peu de choses sur la journée de vos parents, ou sur la nature de leur travail. C'est pourquoi nous voulons que cette journée vous donne un aperçu de ce qui vous attend, de ce qu'est le travail, et qu'elle soit pour vous comme le lever de rideau au théâtre, une oeuvre d'art dévoilée, ou une énigme enfin résolue. L'objectif est aussi de vous faire comprendre le rapport entre l'école et votre futur lieu de travail. Ce que vous apprenez maintenant à l'école vous ouvrira les portes de l'avenir. Le travail scolaire vous paraît peut-être difficile maintenant mais, un jour, vous comprendrez que des matières comme la grammaire et les mathématiques vous donneront les outils nécessaires pour travailler et progresser dans votre carrière. Et vous serez reconnaissantes à vos professeurs de vous avoir fait faire des exercices et à vos parents de vous avoir poussées à faire vos devoirs. Ce que vous apprenez à l'école vous permettra de continuer à apprendre au travail. Il vous faudra continuer d'apprendre toute votre vie.

Je voudrais saisir cette occasion pour vous rappeler que des millions de jeunes filles et de femmes n'ont aucun pouvoir et ne peuvent s'exprimer. Nous serons donc leur voix aujourd'hui, tout comme l'ONU se doit d'être la voix des pauvres du monde entier, dont les deux tiers sont des femmes et des petites filles. Nous devons nous battre pour elles, et avec elles, car si les femmes veulent obtenir non seulement un salaire égal pour un travail égal, mais l'égalité au plein sens du terme, elles doivent être des citoyennes du monde à part entière. Vous devez participer activement à la vie du monde qui vous entoure. Je voudrais vous citer l'écrivain Maya Angelou — je suis sûr que certaines d'entre vous ont lu son livre —, qui dit : "Il est difficile d'être une femme. Les femmes doivent être dures, tendres, rire autant que possible, et vivre longtemps. La guerrière armée d'esprit et de courage sera parmi les premières à célébrer la victoire". Au cours des années à venir, vous devrez relever de nombreux défis. En regardant vos visages pleins d'espoir, je suis certain que vous possédez les qualités nécessaires pour réussir et que plus tard, je rencontrerai certaines parmi vous faisant de grandes choses. Je suis convaincu que chacune d'entre vous, à sa manière, deviendra une citoyenne du monde. Dans cet esprit, mes jeunes amies, je vous souhaite une journée enrichissante. Considérez cette organisation comme votre maison. L'ONU est l'organisation des peuples du monde entier, et vous représentez les peuples du monde entier, vous êtes l'avenir. Vous êtes chez vous. Amusez-vous!"

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Questions et réponses :

Q : "Je m'appelle Una Cassidy. Aimez-vous être Secrétaire général et comment quelqu'un comme moi peut-il espérer un jour occuper un tel poste?"

R : "Je dois dire que je suis plus inspiré par la deuxième partie de la question que par la première. Je ne crois pas que l'on puisse aimer être Secrétaire général. C'est un travail très difficile. Il faut faire plein de choses à la fois et je ne dispose pas de beaucoup de temps. Je suis toujours en ligne de mire, jamais seul. C'est comme si je vivais sous une bulle de verre. Il y a tellement de problèmes à régler, de décisions à prendre. Il faut que je sois disponible pour beaucoup de personnes. Il faut faire face aux problèmes du monde entier mais aussi garder un peu de temps pour soi-même et sa famille, conserver un certain équilibre. Je crois que le plus difficile dans ce travail est le manque de temps : je dois rester en contact avec les Etats Membres, m'occuper de la réforme de l'Organisation, m'assurer de sa gestion et régler les crises aux quatre coins de la planète, que ce soit au Zaïre, en Albanie ou en Bosnie. Et une journée ne fait que 24 heures! En ce sens, ce travail est un défi perpétuel. Mais il faut que quelqu'un le fasse, et j'ai été choisi, ce qui est à la fois un honneur et un défi. Je fais de mon mieux.

Tu deviendras peut-être à ton tour Secrétaire général, bientôt je l'espère, car le Secrétaire général a toujours été un homme et je pense que bientôt ce sera une femme. Tu seras peut-être une des femmes qui parviendront à la tête de l'Organisation [Applaudissements]. Je t'encourage à travailler dur, à apprendre d'autres langues, à respecter les autres cultures et à essayer de comprendre le monde qui t'entoure. Quand le moment sera venu, peut-être rejoindras-tu tes parents et les gens comme moi qui travaillent à l'ONU et y feras-tu carrière. Bonne chance!"

Q : "Je m'appelle Anne-Marie. Quel est le travail du Secrétaire général?"

R : "C'est vraiment une question difficile. La meilleure façon d'y répondre serait sans doute que tu m'accompagnes toute une journée, pour avoir une idée. Hier, par exemple, je suis revenu d'un voyage en Inde, et la veille je m'étais rendu en Italie et en Allemagne. Je suis donc rentré hier et j'ai tenu des réunions avec toutes mes équipes pour discuter des problèmes survenus pendant mon absence. J'avais été tenu informé de certaines affaires par téléphone et par télécopie lorsque j'étais en Europe et j'avais déjà pu prendre certaines décisions.

Hier, nous avons eu des problèmes très graves dans l'est du Zaïre. Les réfugiés, dont 100 000 se trouvaient dans une situation très critique, avaient besoin de nourriture et d'aide. Nous avions l'aide alimentaire nécessaire

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mais ne pouvions pas la leur faire parvenir car les combattants ne voulaient pas laisser les organisations humanitaires approcher. La plupart des réfugiés étaient des femmes et des enfants. Vous avez peut-être vu à la télévision des images de ces réfugiés, affamés et squelettiques. Nous avons essayé d'obtenir des personnes qui contrôlent la région de laisser l'ONU, les ONG et les organisations humanitaires apporter de la nourriture. En vain. Il a donc fallu que je me rende au Conseil de sécurité afin d'étudier les moyens de faire pression sur les hommes qui contrôlent la région pour qu'ils nous laissent apporter une aide alimentaire aux populations. J'ai ensuite fait une déclaration à la presse et à la télévision pour dénoncer les personnes qui tuent les réfugiés en les affamant et dire qu'il fallait agir. Je me suis alors rendu à une réunion avec plusieurs ambassadeurs pour étudier les mesures à prendre. Puis j'ai participé à un déjeuner de travail avec un groupe d'ambassadeurs pour débattre de certains problèmes.

L'après-midi, j'ai rencontré tous les chefs de département, les Secrétaires généraux adjoints et les responsables du PNUD, de l'UNICEF et du FNUAP pour discuter de nos programmes et activités. J'ai ensuite participé à d'autres réunions et pris des décisions sur des problèmes survenus à New York ou ailleurs dans le monde. Ce n'était pas encore fini. Je me suis rendu à un dîner de travail et ai continué à travailler jusqu'à 23 heures environ. Puis je suis rentré chez moi et me suis couché vers minuit. À mon réveil ce matin, il a fallu que je passe encore quelques appels avant de venir au bureau poursuivre mon travail. Mes journées se passent presque toutes de cette façon. Alors, est-ce un travail facile ou difficile?"

Q : "Êtes-vous nerveux quand vous faites des discours?"

R : "C'est une question difficile. Je crois que personne n'est jamais vraiment à l'aise quand il s'agit de faire un discours. Au début, oui, j'étais nerveux, mais je m'y suis plus ou moins habitué. Maintenant encore, selon les personnes présentes et leur nombre, il arrive que je ressente une certaine appréhension. On n'arrive jamais à se détendre complètement. Je sais que certains ont du mal à prendre la parole, mais vous ne devriez jamais vous sentir nerveuses à l'idée de parler en public. Tu vois, tu as posé cette question de manière simple et éloquente et tout le monde t'a entendue. Et pourtant, quand nous devons parler en public, nous sommes parfois très intimidés. Il faut juste vous lever, respirer à fond, parler naturellement et vous serez éloquentes et brillantes. Donc, ne soyez pas nerveuses et intimidées. Je sais que les filles en particulier n'aiment pas prendre le parole en public mais vous devez le faire. Vous verrez, ce n'est pas difficile, une fois que vous l'avez fait deux ou trois fois."

Q : "Je m'appelle Maritha Mathay (?). Quand vous êtes-vous rendu compte que vous étiez capable d'être un chef et de régler les problèmes que vous traitez aujourd'hui?"

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R : "Bonne question. Certains pensent que l'on naît chef, d'autres qu'on le devient. Vous devez apprendre, relever des défis. Je crois que, à mesure que vous avancez dans la vie, vous rencontrez de nouveaux défis, de nouvelles situations. Chaque expérience, chaque rencontre vous enrichit. Je pense qu'il est important de traiter les problèmes à mesure qu'ils se présentent.

Il faut vous demander quel est le problème, comment puis-je le résoudre, est-ce que j'ai besoin d'aide, qui pourrait m'aider et comment puis-je organiser les personnes qui vont m'aider. Si vous prenez la vie de cette façon, en relevant tous les défis, chaque défi sera l'occasion de vous renouveler, de grandir et vous vous enrichirez en permanence. Je suis convaincu que nous pouvons tous être des chefs. Seulement, il faut prendre conscience de nos capacités, les mettre à l'essai et les exploiter. Et nous devons le faire à notre façon. Certains vous diront que pour être des chefs, des dirigeants, vous devez être dures, agressives, que vous devez vous comporter comme des garçons, vous mesurer à eux, c'est faux. Vous devez faire les choses à votre manière, vous servir de vos aptitudes et de vos talents, trouver un style qui vous convient. Essayer de vous mesurer aux garçons en vous comportant comme eux, c'est les laisser fixer les règles du jeu, et vous perdrez. Vous leur donnerez l'avantage. Faites les choses à votre manière. Bonne chance à toutes."

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