En cours au Siège de l'ONU

PKO/54

COMITE DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX : LES DELEGATIONS EXAMINENT TOUS LES ASPECTS DE LA QUESTION

11 avril 1997


Communiqué de Presse
PKO/54


COMITE DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX : LES DELEGATIONS EXAMINENT TOUS LES ASPECTS DE LA QUESTION

19970411 Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix a poursuivi ce matin son débat général sur l'étude de la question des opérations de maintien de la paix sous tous leurs aspects. Au cours de ce débat, il a été souligné que les opérations prennent de plus en plus une forme multifonctionnelle, comprenant à la fois des aspects politiques, humanitaires, sociaux, et économiques. Plusieurs délégations ont insisté sur la nécessité de doter les opérations d'un mandat clair et précis, en particulier lorsqu'il concerne des activités d'assistance humanitaire. Des délégations ont dénoncé la confusion qui semble se profiler entre les concepts de maintien de la paix, de consolidation de la paix et des opérations menées en vertu du Chapitre VII de la Charte. Des délégations ont lancé une mise en garde contre la tendance qui consiste à priver l'Assemblée générale de ses prérogatives en matière de paix et de sécurité internationales.

Les délégations ont par ailleurs attiré l'attention sur l'impact de la crise financière sur les activités du Département des opérations de maintien de la paix. Les pays contributeurs de troupes, en particulier, ont mis l'accent sur l'obligation qui incombe aux Etats Membres de payer leur contribution en temps voulu.

Les représentants des pays suivants ont participé au débat : Bangladesh, Roumanie, Australie, Canada, Norvège, Egypte, Etats-Unis, République démocratique populaire lao, République tchèque, Cuba, Singapour, Fidji, Zimbabwe, Turquie, Namibie, Soudan et Colombie.

Le Comité spécial devrait achever son débat général cet après-midi à partir de 15 heures.

M. MOHAMMAD ZIAUDDIN (Bangladesh) s'est félicité de participer pour la première fois aux travaux du Comité en tant que membre à part entière. Son pays considère que c'est là un hommage qui lui est rendu, pour la contribution importante qu'il a apportée aux efforts de paix des Nations Unies. Il a rappelé les sacrifices consentis par les casques bleus du Bangladesh, dont plusieurs ont donné leur vie. Il a déploré que certains Etats Membres hésitent à financer des missions de maintien de la paix qui s'avèrent nécessaires, et semblent en outre réticents à payer les contributions qu'ils doivent. Les Nations Unies en sont de ce fait réduites à jouer un rôle de témoin passif pendant que les combats font rage et que la guerre et la destruction continuent en divers endroits du monde.

Le refus de certains de payer leurs contributions a en outre des répercussions négatives sur le remboursement des dépenses des pays en développement contributeurs de troupes. Certains de ces pays, qui comptent parmi les moins avancés, continuent cependant leurs efforts. Il incombe à chaque Etat Membre de remplir les engagements qu'il a contractés en vertu de la Charte. Les contributions payées devraient être entièrement consacrées au remboursement des dépenses des pays contributeurs, et prioritairement, des moins développés d'entre eux, afin de leur permettre de payer les salaires de leurs citoyens qui ont mis leur vie en danger au service de la paix. Le Bangladesh réitère que cette importante organisation que sont les Nations Unies ne devrait plus détourner les fonds prévus pour le développement pour pacifier et rembourser les dépenses des pays contributeurs. Le Bangladesh est fortement préoccupé par la pratique existante aux Nations Unies en matière de compensations du personnel du maintien de la paix frappé d'invalidité au cours de missions et des familles de ceux morts en action. Le système actuel est injuste. Le Bangladesh est aussi profondément inquiet devant le nombre de plus en plus important d'"officiers détachés à titre gracieux" par les Etats Membres aux Nations Unies Il est clair que les pays en développement ne peuvent se permettre cette pratique. En conséquence, le nombre d'officiers de pays développés détachés ainsi au Département du maintien de la paix a augmenté de telle façon qu'il a entraîné un déséquilibre alarmant

M. PETRU DUMITRIU (Roumanie) a réitéré la position de son pays selon laquelle le maintien de la paix ne doit pas être considéré comme un concept isolé mais doit être intégré dans un éventail plus large qui va de la diplomatie préventive à la consolidation de la paix en passant par le déploiement préventif. De l'avis de la Roumanie, il est nécessaire de créer une culture commune qui prendrait en compte ces trois éléments. Le concept de maintien de la paix tel qu'autorisé récemment par l'Albanie illustre cette nécessité d'approche intégrée. La menace que fait peser cette crise sur la paix et la sécurité dans la région a de multiples origines qu'il convient de traiter. Le cas de l'Albanie a ainsi montré les limites des lignes de démarcation conceptuelles discutées traditionnellement au sein du Comité spécial. La crise albanaise souligne, en outre, la nécessité d'une réflexion sur le déploiement rapide. Se félicitant, à cet égard, de la création prochaine d'un état-major à déploiement rapide et notant, par ailleurs, que

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les critiques avancées par certaines délégations n'ont donné lieu à aucune autre proposition, le représentant a souligné que la seule alternative offerte à la communauté internationale est de choisir entre l'action et la non-action. La Roumanie, pour sa part, se prononce pour l'action. Le représentant a estimé que les Nations Unies doivent continuer à explorer de nouvelles voies de coopération avec les organisations régionales.

Mme ANASTASIA CARAYANIDES (Australie) a déclaré que le processus de renforcement de l'efficacité des capacités des Nations Unies en matière de maintien de la paix doit se poursuivre, et figurer au centre des préoccupations dans ce domaine. Des progrès importants ont déjà été accomplis tels que l'amélioration du mécanisme de consultations entre le Conseil de sécurité et les Etats Membres qui contribuent aux opérations de maintien de la paix. Il faut selon l'Australie, poursuivre ces efforts et renforcer encore les consultations entre les pays contributeurs, le Département du maintien de la paix et le Conseil de sécurité. La structure du Département doit elle aussi être améliorée : il est essentiel que ce dernier soit plus performant en matière de planification et de gestion des opérations. Il est notamment impératif que le Département soit en mesure d'effectuer des études de faisabilité pour le Conseil de sécurité, et qu'il soit à même d'évaluer si les mandats prévus sont réalisables. Toute opération de maintien de la paix efficace exige un financement sain, et donc, exige que tous les Etats Membres honorent leurs obligations et paient leurs contributions. Trop d'Etats manquent à ces obligations, et les conséquences sont graves.

La délégation australienne est d'avis que l'absence d'une stratégie logistique claire est la cause de nombre de problèmes rencontrés dans le contexte des opérations de maintien de la paix. S'agissant du personnel prêté gratuitement par les Etats Membres à l'Organisation, l'Australie estime que ce personnel a été jusqu'ici et demeurera une ressource de valeur pour les activités de maintien de la paix. La représentante s'est félicitée des mesures prises en vue d'établir au sein de l'Organisation un état-major pouvant être déployé rapidement. Cette unité ne sera pas une "panacée", mais permettra à l'Organisation d'accélérer le renforcement de son efficacité. Son assise financière devrait être solide, et son personnel représentatif d'une répartitition géographique équitable. Pour l'Australie il est en outre essentiel d'accorder l'attention qu'elles méritent aux questions suivantes: le renforcement de la coopération entre l'ONU et les organisations régionales; l'amélioration de la coordination des activités des composantes de maintien de la paix et des institutions humanitaires sur le terrain, et la protection du personnel de ces missions et du personnel y associé.

M. DAVID KARSGAARD (Canada) a estimé que la nouvelle structure organisationnelle du Département des opérations de maintien de la paix doit se fonder sur un certain nombre de fonctions-clés. Il a cité l'octroi de conseils militaires en temps opportun, la création d'un noyau d'état-major à déploiement rapide, le maintien d'une unité de communication rapide entre les Nations Unies, les Etats membres et les missions sur le terrain, le maintien

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d'une unité administrative et de soutien logistique, la formation, et la publication de rapports sur les leçons tirées des missions. Le représentant a souligné que le rôle du Département doit être discuté, au cours de cette session du Comité spécial, afin de fournir des directives au Secrétariat.

Un des aspects de la nature de plus en plus complexe du maintien de la paix concerne la relation entre les activités humanitaires et les missions de maintien de la paix. Nombre de difficultés rencontrées sur le terrain par les opérations de maintien de la paix peuvent être imputées à leur tentative de mettre en oeuvre un mandat humanitaire imprécis. Il est apparu évident, lors des dernières missions, y compris la Force multinationale en Afrique centrale menée par le Canada, que le rôle et les capacités de la composante militaire de toute opération doivent être clairement définis avant le déploiement. Aussi longtemps que les mandats et les missions resteront imprécis et irréalistes, les opérations de maintien de la paix continueront à être perçues comme étant incapables d'avoir un impact positif sur les urgences humanitaires. Il faut se poser les vraies questions, a poursuivi le représentant, savoir quelle est la réponse appropriée quand un conflit éclate et qu'il menace la livraison de l'aide humanitaire et comment les principes fondamentaux d'indépendance et d'impartialité, caractéristiques de l'action humanitaire, peuvent être respectés quand le critère traditionnel d'une opération de maintien de la paix n'existe plus. Le Comité spécial se doit répondre à ces questions, a insisté le représentant.

M. DAG WERNO HOLTER (Norvège) s'est félicité des progrès accomplis en vue de renforcer le mécanisme de consultations entre le Conseil de sécurité et les Etats Membres contributeurs de troupes. Il a estimé qu'étant donné le caractère de plus en plus multifonctionnel des opérations de maintien de la paix, il conviendrait de permettre à d'autres pays qui contribuent aux efforts de maintien de la paix sous d'autres formes, en personnel humanitaire par exemple, de participer à ces consultations. Une plus grande coordination des activités des diverses composantes des opérations sur le terrain est nécessaire. Il est impératif que les Nations Unies apportent une réponse intégrée aux crises, et considère tous les aspects de ces dernières : prévention, maintien de la paix, l'assistance humanitaire, et efforts de reconstruction.

Le représentant a insisté sur l'importance qu'il convient d'accorder aux efforts préventifs. Les déploiements militaires peuvent prévenir l'explosion de conflits, a-t-il dit, prenant pour exemple l'expérience de l'opération des Nations Unies en ex-République yougoslave de Macédoine. Il est essentiel de définir clairement des mandats réalisables pour chacune des opérations de maintien de la paix envisagée. La Norvège appuie pleinement le travail accompli par le Groupe de l'expérience tirée du Département du maintien de la paix. Elle se réjouit également de l'établissement d'un état-major pour les missions à déploiement rapide au sein de l'Organisation, et est persuadée que ce dernier aura rapidement prouvé qu'il était un instrument indispensable à la gestion des crises. Le représentant a également insisté sur l'obligation qui

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incombe à chaque Etat membre de respecter ses engagements en vertu de la Charte, et de payer ses contributions au budget de l'Organisation. Il est certain que le Secrétariat et le Département du maintien de la paix, c'est un fait, ont besoin de ressources qui dépassent les limites des ressources disponibles actuellement au titre du budget de l'Organisation. La Norvège, sur une base volontaire, a fourni une aide financière à l'Organisation, et est prête à continuer à coopérer,

M. NABIL ELARABY (Egypte) a estimé que la pratique du Département des opérations de maintien de la paix consistant à recruter du personnel prêté par leur gouvernement est devenue désormais une pratique répandue et incontrôlable. Aujourd'hui, le Département comprend un certain nombre de personnel prêté ayant de plus de plus de responsabilités donc accès à tous les aspects essentiels des activités de l'Organisation. L'ONU se retrouve donc aujourd'hui complètement dépendant de ce personnel. Ceci est préoccupant et montre le caractère inacceptable de cette pratique. Le Comité spécial se doit donc de prendre des mesures spécifiques, en coopération avec d'autres organes de l'Assemblée générale, pour que cette pratique soit progressivement abandonnée.

Par ailleurs, le représentant a indiqué que le Conseil de sécurité a tenu récemment des consultations informelles sur la tenue éventuelle d'une réunion formelle pour examiner certaines activités de consolidation de la paix après un conflit. Au cours de cette discussion, l'Egypte a réitéré la position du Mouvement des pays non alignés qui tient à une distinction entre les mesures de consolidation de la paix qui sont du ressort de l'Assemblée générale et les opérations de maintien de la paix qui, elles, relèvent du Conseil de sécurité. Dans ce contexte, le représentant a affirmé que l'Assemblée générale est pleinement compétente pour créer des opérations de maintien de la paix qui ne tombent pas sous le Chapitre VII de la Charte.

M. BILL RICHARDSON (Etats-Unis)a indiqué que son gouvernement avait proposé un plan de paiement des arriérés américains au Congrès. Nous déployons des efforts importants pour convaincre le Congrès que les Nations Unies sont engagées à réaliser le type de réformes qui s'imposent pour qu'elles deviennent une organisation plus efficace. Nous espérons que ces changements conduiront à de grandes améliorations dans le domaine des activités de maintien de la paix. Notre objectif est d'aider l'Organisation à offrir les meilleurs services à tous les membres de la communauté internationale, à un moindre coût pour ces derniers. Les Nations Unies peuvent être fières des nombreux progrès qui ont été réalisés jusqu'ici afin de renforcer l'efficacité des opérations de maintien de la paix, et en particulier de la mise en place des arrangements relatifs aux forces en attente, et du développement d'un quartier général pouvant être déployé rapidement. Les Etats-Unis saluent les pays qui se sont associés pour former la "Readiness Brigade". S'il reste encore quelques questions à régler, les Etats-Unis pensent que ce concept peut servir de modèle pour de futurs arrangements de ce type.

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Le représentant a ensuite insisté sur l'importance que son gouvernement accorde au renforcement de la coopération avec les organisations régionales, Dans un environnement où les ressources sont limitées, une organisation régionale opérant dans le cadre d'un mandat des Nations Unies, constitue un instrument de maintien de la paix efficace, combinant la force d'une structure et la connaissance des coutumes locales. L'exemple de la coopération actuelle entre les Nations Unies et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest en est un exemple édifiant.

Le représentant a ensuite insisté sur l'importance que revêt pour les Etats-Unis une structure logistique efficace et forte pour assurer l'efficacité des opérations du maintien de la paix. Il a encouragé le Département de maintien de la paix à développer une stratégie logistique solide, tout en saluant les efforts qui ont déjà été faits en ce sens en 1996, en particulier en ce qui concerne les procédures de remboursement aux pays contributeurs de troupes. Les Etats-Unis ont également pris note des progrès accomplis au niveau de la base des Nations Unies à Brindisi. Enfin, il a souligné l'attention toute particulière que son gouvernement accorde au développement des opérations de police civiles et a expliqué que les Etats-Unis étaient actuellement en train d'explorer les voies qui s'offrent de renforcer les opérations de ce type.

M. ALOUNKEO KITTIKHOUN (République populaire démocratique lao) a estimé que les propositions du Département des opérations de maintien de la paix tendant à améliorer son fonctionnement, dont la création d'un état major à déploiement rapide, doivent être examinées attentivement, étant donné la complexité de leurs implications politiques, juridiques, pratiques et financières. Venant à la question des ressources, le représentant a craint que la crise actuelle ne mène à une situation où les instances pertinentes approuveront des mandats sans fournir les ressources adéquates. Si cela continue, le Secrétariat se verra dans l'obligation de mendier du personnel gratuit. A cet égard, le représentant a attiré l'attention sur la pratique existante. Il s'est demandé comment la communauté internationale peut mesurer la fidélité et l'intégrité de personnel prêté gratuitement et a craint que cette pratique n'altère le caractère international de l'Organisation.

Le représentant a dit partager le point de vue du Groupe des 77 et de la Chine qui a indiqué, lors de la session de la Cinquième Commission, que le recrutement de ce personnel doit être approuvé par l'Assemblée générale et qu'un système juste, équitable et transparent doit être établi pour que tous les pays aient l'occasion d'y participer. En conséquence, le recrutement de ce personnel dans les différents départements et opérations de l'Organisation doit véritablement refléter le principe de la représentation géographique équitable. Toute procédure de recrutement contraire à ce principe doit être évité.

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M. ALBERT H.L. HO (Singapour) a indiqué que son pays, de petite taille a une capacité limitée de contribution aux opérations de maintien de la paix en termes de contingents. Aussi a-t-il considéré que le prêt gratuit d'officiers au Département de maintien de la paix serait un moyen pragmatique de compenser. Son gouvernement serait heureux de pouvoir maintenir cette forme de contribution, si le Département la considère utile. Il est important que les Nations Unies soient prêtes à apporter une assistance immédiate lorsque cela est nécessaire n'importe où dans le monde, a souligné le représentant. Singapour apporte une contribution aux opérations de maintien de la paix sous la forme de matériel, d'équipement. Singapour s'est engagé à fournir du personnel, ayant souscrit aux arrangements relatifs aux forces en attente. Pourquoi créer une unité de déploiement rapide au sein de l'Organisation, s'est demandé le représentant? Quels types d'opérations de maintien de la paix nécessiteraient en particulier ce déploiement rapide? L'expérience nous a montré que le succès des opérations de maintien de la paix dépend fortement des intérêts des grandes puissances.

M. PEDRO NUNEZ MOSQUERA (Cuba) a souligné que les opérations de maintien de la paix ne sont pas une solution aux conflits. Elles sont des mesures provisoires et ponctuelles conçues pour éviter l'aggravation des conflits. Il faut donc d'abord recourir à d'autres mesures de règlement des conflits avant le déploiement d'une opération. Le processus de maintien de la paix ne saurait, en outre, se dérouler de façon indépendante. Il doit se fonder sur les buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies. C'est pourquoi le principe de la souveraineté des Etats, de l'intégrité territoriale ou encore du non recours à la force doivent demeurer des éléments-piliers des opérations de maintien de la paix, de leur début à leur aboutissement. Par ailleurs, le représentant s'est dit préoccupé par la tendance actuelle qui veut établir une relation entre les opérations de maintien de la paix et le Chapitre VII de la Charte.

Cette tactique, a dit le représentant, vise en fait à donner une certaine légitimité au lien que certains veulent établir entre les opérations de maintien de la paix et le recours à la force. Il a également dénoncé la tendance qui veut que les mandats des opérations de maintien comprennent également des activités humanitaires voire de développement économique. C'est une autre tactique, a-t-il dit, qui tend à usurper les pouvoirs de l'Assemblée générale. Cette tendance se manifeste surtout, a-t-il insisté, lorsque l'on insère des activités de consolidation de la paix dans les mandats de maintien de la paix. Il faut rappeler que la responsabilité de la consolidation de la paix incombe exclusivement à l'Assemblée générale. Il est surprenant de constater que l'argument humanitaire sert aujourd'hui à justifier une intervention armée. Qui pourrait en effet croire que le déploiement d'hommes armés peut contribuer à éliminer la faim et les maladies? L'action humanitaire ne doit pas servir de prétexte pour intervenir dans des affaires qui incombent aux Etats eux-mêmes. Il est, en conséquence, essentiel que l'Assemblée générale établisse les principes qui doivent régir les opérations de maintien de la paix.

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M. DUSAN ROVENSKY (République tchèque) a insisté sur l'accent qu'il convient de mettre sur les mesures de prévention des conflits. Ces mesures peuvent éviter le déploiement d'opérations coûteuses et compliquées, et empêcher que des conflits ne s'enveniment. Le représentant a vivement regretté que l'intérêt porté à cette question semble avoir fortement décru récemment. Il a regretté que les sous-groupes du Groupe de travail de l'Assemblée générale relatif à l'Agenda pour la paix, chargé respectivement de la diplomatie préventive et de la construction de la paix après les conflits n'aient pas encore pu soumettre des recommandations. Le représentant a fait valoir que le Comité devrait se pencher sur la question des opérations d'imposition de la paix, lesquelles semblent émerger comme une nouvelle forme d'opérations de maintien de la paix.

M. SAKIUSA RABUKA (Fidji) a déclaré que les Nations Unies ne devraient épargner aucun effort pour jouer un rôle accru dans la prévention des conflits et a appuyé la création d'un département chargé de la diplomatie préventive. Un tel département, qui travaillerait en collaboration avec les Etats Membres, devrait recevoir, collecter, analyser, interpréter des informations et faire des rapports alertant la communauté internationale sur les conflits potentiels. Ces rapports devraient comprendre des recommandations tendant à minimiser et à résoudre les conflits. Le représentant a accueilli avec satisfaction l'offre de la Norvège de créer un fonds de l'action préventive aux Nations Unies et d'y contribuer sur une base annuelle. Le représentant a rappelé que son pays participe depuis 1978 aux opérations de maintien de la paix. Il, à cet égard, dénoncé les allégations dont a été victime le contingent de Fidji de l'UNIFIL selon lesquelles il se serait montré rigide et inflexible dans l'interprétation de l'UNIFIL SOPs. Les unités de Fidji, a regretté le représentant, ont été décrites comme étant partiales. Une telle accusation injustifiée ne saurait rapprocher Fidji de ceux qui veulent, en fait, porter préjudice à l'autorité et à la crédibilité de l'Organisation. Fidji est convaincu de la nécessité d'uniformiser les programmes de formation du maintien de la paix, en particulier en ce qui concerne l'interprétation des règles d'engagement. La question de la formation uniformisée acquiert d'autant plus d'importance que la distinction entre le maintien de la paix et l'action humanitaire est de moins en moins nette.

M. NGONI SENGWE (Zimbabwe) s'est félicité de la création du Groupe des leçons tirées de l'expérience au sein du Département du maintien de la paix, et des travaux effectués par ce dernier jusqu'à ce jour. Le Zimbabwe a demandé au Département d'envisager la tenue d'un séminaire sur UNAVEM à Harare, afin de faciliter la participation des pays africains qui ont fourni des troupes à cette opération.

L'une des leçons tirées de l'expérience acquise, a dit le représentant, est le constat fait que les contingents des pays contributeurs sont bien plus efficaces dans une opération donnée lorsqu'ils ont été entraînés ensemble. Aussi le Zimbabwe a-t-il décidé d'organiser une formation coordonnée de plusieurs contingents de pays de la Communauté de développement de l'Afrique

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australe (SADC) avec la coopération du Gouvernement du Royaume-Uni et des gouvernements de ces pays. Le représentant a par ailleurs évoqué la crise financière qui porte atteinte aux activités de l'Organisation en matière de maintien de la paix. Les Etats Membres se doivent de payer leurs contributions, dans les délais impartis, et sans conditions, a-t-il dit. Les Etats Membres devraient être prêts à supporter la charge du maintien de la paix et de la sécurité où que cela soit dans le monde. Les décisions du Conseil de sécurité devraient refléter cette détermination commune, et non les intérêts économiques et politiques d'une poignées de grandes puissances qui ont choisi de sacrifier l'humanité tout entière au profit de leurs propre enrichissement.

M. TUNC UGDUL (Turquie) a souligné que les nouvelles opérations de maintien de la paix nécessitent une approche fortement intégrée. Ces opérations se distinguent aujourd'hui par leur caractère multifonctionnel et comprennent des dimensions politique, humanitaire, sociale et économique exigeant des experts civils qui travaillent en collaboration avec des militaires. Les opérations de maintien de la paix doivent être planifiées et exécutées en coordination avec les organisations humanitaires. Le meilleur moyen de leur assurer le succès est d'établir un point de contact unique pour l'échange d'informations, la planification et la stratégie opérationnelle.

Par ailleurs, les activités des Nations Unies et des organisations régionales doivent être considérées comme complémentaires. Le rôle directeur des Nations Unies doit être souligné et renforcé afin d'éviter un manque d'autorité qui pourrait conduire à des problèmes de coordination et diminuer l'efficacité de l'opération. Pour ce qui est de l'action préventive, le représentant a estimé que c'est le moyen le plus rentable de résoudre les conflits. L'opération en ex-République yougoslave de Macédoine peut être qualifiée de réussie et doit servir d'exemple pour les opérations à venir dans les régions de conflits potentiels. La Turquie est convaincue qu'une attention particulière doit être accordée aux mesures de diplomatie préventive comme l'établissement des faits, le déploiement préventif et la capacité d'alerte rapide. Dans ce contexte, la Turquie appuie, par ailleurs, l'établissement d'une mission d'appui de petite taille composée d'envoyés spéciaux dans les cas où cela s'avèrera nécessaire.

M. MARTIN ANDJABA (Namibie) parlant de la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales, a déclaré que ces organisations doivent être transformées et intégrées dans un programme d'action réaliste englobant la diplomatie préventive, le rétablissement de la paix, le maintien de la paix et la consolidation de la paix. Etant donné que les accords régionaux ont parfois un avantage dans la prévention et le règlement des conflits, les organes régionaux et sous-régionaux doivent être renforcés dans le domaine du maintien de la paix. En Afrique, un partenariat significatif et une coopération renforcée sont envisagés entre les Secrétaires généraux des Nations Unies et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) dans le domaine du règlement des conflits et des opérations de secours humanitaires. A cet

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égard, la Namibie salue la coopération qui s'est installée entre les Nations Unies et le Groupe de surveillance de l'ECOMOG dans le cadre du conflit libérien.

M. HAMID ALI MOHAMED ELTINAY (Soudan) a souhaité que les opérations de maintien de la paix tiennent compte des principes de la Charte des Nations Unies concernant la souveraineté des Etats, leur intégrité territoriale et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Les forces de maintien de la paix doivent être déployées avec l'assentiment des parties et être dotées d'un mandat clair. En ce qui concerne le personnel prêté, le Soudan estime que leur nombre ne doit pas être accru au-delà des limites actuelles. La crise de l'Organisation ne doit pas servir de prétexte pour avoir recours à ce personnel. Le Soudan redoute l'érosion de l'impartialité qui doit caractériser le personnel des Nations Unies. Il invite, en conséquence, les pays à payer leur contribution en temps voulu. La question d'indemnisations en cas de décès ou d'invalidité du personnel de maintien de la paix sur le terrain est une autre question qui doit être traitée de façon uniforme. La duplicité des critères dans ce domaine est refusée par tous les pays et le Comité doit y mettre fin. Pour ce qui d'un quartier général à déploiement rapide, l'examen de cette question demande une certaine prudence et le Comité doit s'attacher à effacer tous les doutes qui planent à ce sujet.

M. ALVARO FORERO (Colombie) a dénoncé le fait que certains conflits se voient discriminés parce qu'ils n'intéressent tout simplement pas les membres du Conseil de sécurité. Il a en outre souhaité que l'on réfléchisse davantage aux moyens d'améliorer les opérations de maintien de la paix avant de songer à développer l'action préventive qui a également ses limites. En ce qui concerne la capacité de réaction rapide de l'Organisation, le représentant s'est dit convaincu que le mécanisme des forces en attente représente un outil approprié. Selon lui, cette initiative n'est pas suffisante. En raison de l'absence de consensus sur la création d'un état major à déploiement rapide, il revient au Comité spécial d'analyser cette question.

Pour ce qui est du manque de représentation géographique dans les effectifs du Département des opérations de maintien de la paix, le représentant a jugé étonnant que personne n'ait souligné le caractère anormal de cette situation. Sa dimension politique est telle qu'il faut l'examiner dans une instance spécialisée comme le Comité spécial. Il est difficile de comprendre que les pays en développement, qui sont les plus importants contributeurs de troupes, n'aient aucun accès aux instances de décision qui semblent être concentrées entre les mains des pays développés. Le représentant a expliqué, d'autre part, que beaucoup d'opérations de maintien de la paix ont connu des difficultés parce que non seulement elles ne tenaient pas compte de certaines principes de la Charte mais parce qu'en outre elles ne respectaient pas non plus certains critères fondamentaux comme la nécessité de distinguer les opérations de maintien de la paix et les opérations décrites dans le Chapitre VII de la Charte, le consentement des parties, la neutralité ou encore l'interprétation stricte "de la menace à la paix et à la sécurité internationales.

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