DH/G/517

LE SECRETAIRE GENERAL À LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: L'ACTION DES NATIONS UNIES DANS LE DOMAINE DES DROITS DE L'HOMME RELÈVE DE LA DIPLOMATIE PREVENTIVE

10 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/517


LE SECRETAIRE GENERAL À LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: L'ACTION DES NATIONS UNIES DANS LE DOMAINE DES DROITS DE L'HOMME RELÈVE DE LA DIPLOMATIE PREVENTIVE

19970410 La Commission entend le Directeur de l'Unicef sur la situation des enfants dans le monde ainsi que les Rapporteurs spéciaux sur le Soudan, le Myanmar et l'Iran

Genève, le 9 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, une allocution du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan. Elle a également entendu une déclaration de Mme Carol Bellamy, Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l'enfance. La Commission a ensuite entendu les compte-rendus de quatre Rapporteurs spéciaux sur la question des droits de l'homme au Soudan, au Myanmar et en République islamique d'Iran ainsi que sur les exécutions extra-judiciaires, arbitraires et sommaires.

Dans sa déclaration, M. Kofi Annan a fait valoir que les violations flagrantes des droits de l'homme vont invariablement de pair avec des situations qui peuvent menacer la paix et la sécurité et qui sont susceptibles de dégénérer en conflits. L'action menée par les Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme doit être considérée comme une composante de son action dans le domaine de la diplomatie préventive. Il a rappelé que les opérations de surveillance des droits de l'homme menées par l'ONU ont prouvé que le respect des droits de l'homme est un élément clé pour rétablir la stabilité sociale, la reconstruction et le relèvement des sociétés après les périodes de conflit. C'est à l'aune du droit au développement que se mesure le respect de tous les autres droits de l'homme, a déclaré le Secrétaire général. Il s'est dit foncièrement attaché au renforcement et au développement des systèmes des droits de l'homme des Nations Unies. Ce sont les États membres qui assureront en définitive la réussite de l'effort entrepris en honorant les engagements qu'ils ont pris en ratifiant les divers instruments de droits de l'homme négociés au sein de la Commission.

Mme Carol Bellamy, Directeur exécutif du l'Unicef, a rappelé que 60 millions de filles dans le monde sont non seulement privées d'instruction mais courent un risque accru d'exploitation. Elle a dénoncé les innombrables injustices dont elles continuent d'être victimes dès leur plus jeune âge, le fait qu'elles soient en général moins bien nourries quand elles sont bébés, et parfois tuées en raison de leur sexe. Un quart de la population enfantine

âgée de 5 à 14 ans dans les pays en développement, est obligée de travailler, a-t-elle dit. Elle a jugé impératif, pour alléger les souffrances des enfants touchés par la guerre, de soutenir sans équivoque le Protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés. Pour éliminer les formes les plus dangereuses du travail des enfants, il faut demander aux sociétés multinationales et nationales d'adopter et d'appliquer des codes de conduite et des politiques d'achat, sous surveillance internationale, garantissant qu'à l'avenir, aucun enfant ne sera astreint à des travaux dangereux et préjudiciables, a-t-elle indiqué.

M. Gáspár Bíró, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, a indiqué que la situation a peu de chances de s'améliorer à court terme. Il a souligné qu'il n'y a aucune différence de race, de sexe, de langue ou d'origine ethnique entre les victimes de violation et que tous risquent d'être arrêtés et torturés si on les soupçonne d'être des opposants politiques au régime. M. Bíró estime que ce sont les femmes et les enfants qui pâtissent le plus de cette situation. Ils sont souvent soumis à l'esclavage, sexuel ou non. Il a recommandé à la Commission de poursuivre l'examen de la situation au Soudan sur une base prioritaire et d'envoyer des spécialistes des droits de l'homme sur le terrain. Le représentant du Soudan a fait une déclaration concernant le rapport de M. Bíró.

M. Rajsoomer Lallah, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déploré le manque de coopération de la part du Gouvernement du Myanmar, qui n'a jamais répondu à ses demandes de visite. Il a expliqué qu'il s'est rendu en Thaïlande afin d'évaluer la situation des personnes déplacées qui ont fui le Myanmar et se trouvent dans des camps de réfugiés le long de la frontière. Il a notamment attiré l'attention sur le sort des Karen, des Mon, des Karenni et des Shan qui ont été contraints de fuir leurs foyers afin d'échapper au travail forcé imposé par les forces armées. Le Rapporteur spécial a constaté avec regret qu'il n'y a pas eu de changement dans la situation des droits de l'homme au Myanmar au cours de l'année écoulée et qu'il n'y a toujours aucun signe d'amélioration. Le non- respect de la démocratie est la cause fondamentale des violations graves des droits de l'homme dans ce pays, a conclu M. Lallah. Le représentant du Myanmar a fait une déclaration à la suite de la présentation du rapport.

M. Maurice Copithorne, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran, a déclaré que, s'il est peut-être vrai que le Gouvernement a fait des progrès dans un certain nombre de domaines, il n'en demeure pas moins qu'il y a encore beaucoup à faire en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en Iran. Le Représentant spécial reconnaît qu'il y a, dans un certain nombre de domaines, un mouvement qui peut être considéré comme significatif d'un changement encore en voie d'accomplissement et dont les fruits restent à cueillir. Il a rappelé que la prime pour la suppression de

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Salman Rushdie a été augmentée. Il a regretté que l'Iran ait décidé de ne pas lui adresser d'invitation de se rendre dans le pays cette année mais a constaté qu'à d'autres égard, «la pleine coopération continue». Il a souhaité que la demande d'assistance technique du Gouvernement iranien soit favorablement examinée.

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, M. Bacre Waly Ndiaye, a déclaré que cette année encore, trop nombreux furent ceux et celles qui furent victimes de ce genre de pratique et que l'indifférence à leur sort s'est accrue. Il a notamment été impossible d'organiser une intervention internationale au Zaïre où la tragédie qui couvait dans les camps de réfugiés a fini par éclater, a déploré le Rapporteur spécial. En 1996, 131 appels urgents ont été lancés en faveur de plus de 1100 personnes provenant de 40 pays, sans compter les appels lancés en faveur de groupes familiaux, de communautés indigènes, de groupes de réfugiés ou de déplacés et de civils piégés par les guerres. Depuis le 1er novembre, 56 appels urgents ont été transmis à 29 pays. Des allégations se rapportant à 1300 cas individuels d'exécutions sommaires ont été transmises à plus de 50 pays. Parmi les réponses reçues, beaucoup ont été trop vagues, a constaté le Rapporteur spécial. Il a déploré le manque de coopération des gouvernements à cet égard.

Le représentant de la Syrie, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont participé au débat : Pax Christi international (au nom également du Service international pour les droits de l'homme et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), Amnesty international, Fédération internationale des journalistes libres, International Federation for the Protection of the Rights of Ethnic, Religious, Linguistic and other Mminorities, France-Libertés : Fondation Danielle Mitterrand et l'Union interparlementaire.

La Commission poursuivra son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales cet après midi, à partir de 15 heures, à l'occasion d'une séance qui se prolongera jusqu'à minuit ce soir.

Déclaration de M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies

M. KOFI ANNAN, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, a souligné l'évolution spectaculaire de la formulation et de l'application par la Commission d'instruments de protection des droits de l'homme, dont les six principaux sont les deux Pactes internationaux, les Conventions contre la torture et la discrimination, et les Conventions de protection des droits de la femme et de l'enfant.

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Le Secrétaire général a déclaré que les violations flagrantes des droits de l'homme vont invariablement de pair avec des situations qui peuvent menacer la paix et la sécurité et qui sont susceptibles de dégénérer en conflits. L'action menée par l'Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme doit être considérée comme une composante de son action dans le domaine de la diplomatie préventive. «L'Organisation des Nations Unies n'a pas été en mesure d'intervenir chaque fois qu'il l'aurait fallu», a reconnu le Secrétaire général. Il a rappelé qu'une telle action exigeait le consentement de l'État concerné, sauf dans le cas des opérations entreprises dans le cadre du Chapitre VII de la Charte. Mais chaque fois que l'ONU a pu prendre des mesures préventives, elles se sont révélées très profitables aux pays concernés. Elles ont permis notamment de prévenir des pertes en vies humaines, d'atténuer les souffrances et d'éviter la destruction et les gaspillages de ressources d'importance vitale.

Les opérations de contrôle du respect des droits de l'homme au Cambodge, en El Salvador, en Haïti, au Rwanda et en Bosnie-Herzégovine ont démontré que le respect des droits de l'homme était un élément clé pour rétablir la stabilité sociale après les périodes de conflit. Si l'on ne prête pas dûment attention aux problèmes que pose le respect des droits de l'homme des minorités et des particuliers, le tissu social des pays qui sortent d'une période de conflit ne pourra être reconstitué, la paix ne pourra s'enraciner et la reconstruction et le relèvement seront impossibles.

Il ne peut y avoir de développement vraiment durable que si les droits politiques, économiques et sociaux de tous sont pleinement respectés, a poursuivi le Secrétaire général. Ces droits aident à rétablir l'équilibre social qui est indispensable pour qu'une société puisse progresser dans un climat de paix. C'est à l'aune du droit au développement que se mesure le respect de tous les autres droits de l'homme. «Notre objectif devrait être de parvenir à une situation dans laquelle tous les individus seraient en mesure d'exploiter au maximum leur potentiel et de contribuer à l'évolution de la société dans son ensemble» a-t-il estimé.

M. Kofi Annan a souligné que, depuis sa prise de fonction, dans le cadre du processus de réforme qu'il a engagé, les droits de l'homme constituent un secteur à part entière. Il entend poursuivre l'effort entrepris pour améliorer le fonctionnement du secrétariat du Centre pour les droits de l'homme de façon à renforcer les services qu'il fournit à la Commission. Il s'agira notamment d'accroître la transparence et d'instaurer une culture du partage. Le Secrétaire général est résolu à affecter à des programme de fond, dans tous les cas où cela sera possible, les économies que la réforme de l'administration du Centre permettra éventuellement de réaliser.

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Le Secrétaire général s'est dit foncièrement attaché au renforcement et au développement des structures mises en place au sein du système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. Ce sont bien entendu les États Membres qui, en définitive, assureront la réussite de l'effort entrepris en honorant les engagements qu'ils ont pris lorsqu'ils ont ratifié les divers instruments relatifs aux droits de l'homme négociés au sein même de cette Commission.

Déclaration du Directeur général du Fonds des Nations Unies pour l'enfance

Mme CAROL BELLAMY, Directeur général du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef), a déclaré qu'à mesure que l'Unicef comprend mieux la manière dont la Convention relative aux droits de l'enfant influence son travail, deux principes dominants exigent son attention. Il s'agit de la non- discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant, valeurs dont il faut tenir compte pour tous les autres droits. «Le jour où nous serons en mesure de garantir le respect de ces deux principes, la vie des enfants aura changé de manière décisive» a assuré Mme Bellamy.

Mme Bellamy a affirmé que la situation dans la région africaine des Grands Lacs, en Afghanistan, en Bosnie et, particulièrement ces jours-ci, au Zaïre, hante les esprits alors que des jeunes filles et des femmes subissent, parmi d'autres atrocités, des actes de viol, perpétrés comme tactique de guerre délibérée. Il faut mettre les enfants à l'abri des pires conséquences de la guerre, a-t-elle souligné. Le Directeur général de l'Unicef a précisé qu'il fallait garantir la protection, la réadaptation psycho-sociale et la réinsertion de tous les enfants victimes de conflits armés.

S'agissant particulièrement des filles, Mme Bellamy a déclaré que les innombrables injustices dont elles continuent d'être victimes dès leur plus jeune âge illustrent la nécessité d'appliquer sans plus attendre le principe de non-discrimination. En effet, dans de nombreuses sociétés, les filles sont moins nourries quand elles sont bébés, reçoivent moins de soins médicaux et sont parfois tuées simplement en raison de leur sexe. Des millions de fillettes sont livrées à un mariage précoce, à l'enlèvement, aux mutilations sexuelles, aux violences au sein de la famille; autant de faits insensés qui, dans beaucoup de pays, ne sont pas considérés comme des délits ni jugés contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, en Ouganda, des milliers de jeunes filles ont été enlevées par l'Armée de résistance du seigneur, violentées et données en mariage pour payer des dettes. Depuis 1995, les taliban ont chassé les étudiantes et les enseignantes des salles de classe. Ainsi, 60 millions de filles dans le monde sont non seulement privées d'instruction mais courent un risque accru d'exploitation.

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On estime à 250 millions le nombre d'enfants au travail dans le monde, soit un quart de la population enfantine âgée de 5 à 14 ans dans les pays en développement. «Nous ne pouvons ignorer les enfants qui, dans le monde développé, dans des pays possédant de bonnes ressources, travaillent dans des ateliers-bagnes, sont victimes de la discrimination raciale et de la prostitution enfantine, et n'ont pas accès aux services sociaux» a souligné le Directeur général.

«La mise en oeuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant: voilà désormais notre priorité» a affirmé Mme Bellamy. Pour alléger les souffrances des enfants touchés par la guerre, il faut soutenir sans équivoque le Protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés, qui relève à 18 ans l'âge du recrutement volontaire et obligatoire dans les forces armées. Il faut aussi appuyer le processus d'Ottawa qui propose l'adoption d'un traité international interdisant la production, le stockage et l'emploi des mines terrestres antipersonnel. Enfin, pour éliminer les formes les plus dangereuses du travail des enfants, il faut demander aux sociétés multinationales et nationales d'adopter et d'appliquer des codes de conduite et des politiques d'achat garantissant qu'à l'avenir, aucun enfant ne sera astreint à des travaux dangereux et préjudiciables à sa santé. Un enseignement primaire gratuit et universel ainsi que des chances égales doivent aussi être offerts aux enfants.

Présentation de rapports au titre de la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde

M. GÁSPÁR BÍRÓ, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, présentant son quatrième rapport depuis 1993, a indiqué que tous ses rapports sur la question font état de violations massives des droits de l'homme et que la situation a peu de chances de s'améliorer à court terme. Il a évoqué les fréquentes et incessantes violations de la liberté religieuse, qui prend parfois la forme de destructions de lieux de culte. Il a indiqué qu'il n'y a aucune différence de race, de sexe, de langue ou d'origine ethnique entre les victimes de violations et que tous risquent d'être arrêtés et torturés si on les soupçonne d'être des opposants politiques au régime. Le Rapporteur spécial a par ailleurs fait part de son inquiétude face à la déclaration de guerre faite au plus haut niveau gouvernemental à un ennemi interne vaguement défini et qui justifierait les arrestations massives opérées depuis le 13 janvier dernier. M. Bíró a déclaré que ce sont les femmes et les enfants qui pâtissent le plus de cette situation. Ils sont souvent soumis à l'esclavage, sexuel ou non. Les femmes en particulier sont violées par toutes les parties en conflit et servent de «réconfort» aux soldats. De nombreuses mesures ont été prises aux niveaux fédéral et local pour restreindre la liberté de mouvement des femmes, a-t-il été ajouté . Elle ne doivent par exemple pas s'asseoir près des conducteurs de bus, être séparés des hommes par un rideau dans les théâtres et les écoles et emprunter des voies différentes lors des manifestations publiques.

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M. Bíró a expliqué que la raison pour laquelle il n'a cessé de demander, en 1995 et 1996, que des observateurs des droits de l'homme soient placés dans le pays est qu'il espère que leur présence contribuerait à inciter les parties en conflit à cesser d'infliger des souffrances innommables aux populations civiles. Il a recommandé à la Commission de poursuivre l'examen de la situation au Soudan sur une base prioritaire et d'envoyer des spécialistes des droits de l'homme sur le terrain.

Le rapport note qu'après 1993, tous les droits de l'homme reconnus par l'Organisation des Nations Unies, sans exception, on été continûment violés par des agents du Gouvernement soudanais ou des individus notoirement à sa solde et collaborant avec lui. Les membres de différentes parties au conflit du Sud-Soudan et des monts Nuba - autres que le Gouvernement soudanais et ses inféodés - ont commis de nombreuses atrocités et atteintes à la vie, à la liberté et à la sécurité personnel des citoyens soudanais dans les zones sous leur contrôle.

Tous les citoyens soudanais qui vivent dans des régions contrôlées par le Gouvernement soudanais s'exposent à des violations des droits de l'homme et autres mauvais traitement dès lors qu'ils ont le malheur d'être considérés comme des opposants au régime, ou même seulement soupçonnés d'être en désaccord avec son programme politique. Depuis janvier 1997, le leitmotiv de la politique du Gouvernement est de déclarer la guerre et un mobilisation générale contre ses ennemis intérieurs et extérieurs, sans faire de distinction entre les nationaux soudanais qui s'enrôlent dans les forces armées en lutte contre lui et ceux dont le seul tort est d'habiter dans les zones du conflit. Compte tenu des informations persistantes selon lesquelles on procédait à l'islamisation forcée des chrétiens et des adeptes d'autres religions africaines traditionnelles dans les régions du sud contrôlées par le Gouvernement, les camps pour enfants, les camps d'entraînement des forces de défense populaires et les colonies de personnes déplacées du nord, le Rapporteur spécial ne peut que conclure que la situation en ce qui concerne la liberté de religion et de conscience s'est encore aggravée.

Vu sa gravité et sa détérioration générale, la situation des droits de l'homme dans l'ensemble du Soudan nécessite un suivi et un examen continus et approfondis de la part de l'Organisation des Nations Unies. Parmi ses recommandations, le Rapporteur spécial estime que le Gouvernement soudanais devrait mettre immédiatement un terme aux bombardements aériens délibérés et aveugles d'objectifs civils. Il devrait libérer tous les détenus et prisonniers politiques, mettre fin à tous les actes de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants et fermer tous les centres de détention secrets, veiller à ce que toutes les personnes accusées bénéficient des garanties d'une procédure régulière. Le Gouvernement soudanais devrait veiller à ce que ses forces de sécurité, son armée, ses forces de police,

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les forces de défense populaire et d'autres groupes paramilitaires ou de défense passive soient convenablement entraînés et agissent conformément aux normes énoncées par le droit international, et que les auteurs d'infractions soient traduits en justice. Le Gouvernement soudanais devrait cesser immédiatement de procéder à des rafles des enfants des rues dans les grandes ville qu'il contrôle, libérer tous les enfants des camps spéciaux ou des autres endroits où ils sont détenus contre leur gré. Le Gouvernement soudanais et les autres parties impliquées dans le conflit armé au Soudan devraient conclure un cessez-le-feu dans les meilleurs délais. Le Rapporteur spécial exhorte aussi toutes les parties au conflit à empêcher leurs agents de commettre des actes de violence contre la population civile.

M. AHMED EL MUFTI (Soudan) a noté que les informations présentées dans le rapport du Rapporteur spécial sur la Soudan n'ont pu être vérifiées en raison de contraintes de temps et a estimé que ses conclusions et recommandations doivent donc être prises avec des précautions extrêmes par la Commission. La Commission ne doit pas se baser sur des informations dont la véracité n'est pas avérée pour adopter une décision sur la Soudan, a-t-il estimé. M. El Mufti a expliqué que le Rapporteur spécial a rencontré plusieurs représentants du Gouvernement au Soudan avant que sa visite ne soit brutalement interrompue par une agression armée qui s'est produite dans les parties méridionales et orientales du pays et qui a provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes. En rendant visite, du 4 au 12 janvier, aux chefs de factions qui ont participé au conflit armé, le Rapporteur spécial n'a fait que légitimer leur action et leur accorder plus de crédibilité qu'il n'en accorde aux sources officielles, a estimé le représentant.

M. El Mufti a en particulier regretté que M. Bíró ait utilisé des méthodes de recherche qui ont mené à des généralisations quant à la situation prévalant dans le pays tout entier et qui ont délibérément omis le point du vue du Gouvernement. Il a rappelé que M. Bíró a en particulier essayé d'insinuer que le Gouvernement soudanais agirait en collusion avec le Commandant des rebelles à propos de l'abduction d'un avion du Comité international de la Croix-Rouge et de ses passagers et que le Gouvernement n'aurait entamé aucune action légale à leur encontre. En réalité, le Gouvernement négocie actuellement avec le CICR afin de parvenir à établir un comité indépendant d'enquête sur cet événement. Pour ce qui est des allégations de meurtres dans un camp de réfugiés au Nord de l'Ouganda, le Soudan n'offre aucune base de repli, contrairement à ce que prétend M. Bíró, à des groupes de rebelles ougandais et a même demandé l'ouverture d'un enquête à ce sujet.

M. El Mufti a estimé que le ton excessivement politique du rapport de M. Bíró, son incapacité à vérifier la véracité de ses sources fait douter de l'utilité de ses visites et de ses rapports. Il a souhaité que la Commission examine soigneusement ses recommandations afin de s'assurer qu'elles soient compatibles avec les termes de son mandat.

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Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, M. RAJSOOMER LALLAH, Rapporteur spécial, a déploré le manque de coopération de la part du Gouvernement du Myanmar, qui n'a jamais répondu à ses demandes de visite. Dans ces circonstances, il n'a pas été possible d'engager un dialogue constructif à la lumière de l'analyse de la situation actuelle, de la législation et de l'impact négatif sur les droits de l'homme de l'évolution récente dont il est fait état dans le rapport, a déclaré le Rapporteur spécial.

N'ayant pas été en mesure d'effectuer sa visite dans le pays, le Rapporteur spécial a rassemblé des informations à partir de sources gouvernementales, inter-gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que sur la base de témoignages des personnes ayant quitté récemment le pays. Il a indiqué qu'il s'est rendu en Thaïlande afin d'évaluer la situation des personnes déplacées qui ont fui le Myanmar et se trouvent dans des camps de réfugiés le long de la frontière. Il a notamment attiré l'attention sur le sort des personnes appartenant à des minorités ethniques qui vivent dans les régions frontalières. Durant les 30 dernières années, le Karen, les Mon, les Karenni et les Shan ont été contraints de fuir leurs foyers afin d'échapper au travail forcé imposé par les forces armées. Des opérations militaires lancées récemment dans l'État du Karen ont eu des effets dévastateurs sur la population et la situation ne semble pas devoir s'améliorer.

Le cadre juridique et institutionnel actuel du Myanmar n'est pas conforme aux normes internationales établies en matière de droits de l'homme, a estimé M. Lallah. En outre, une série de lois continuent à pénaliser l'exercice des droits civils et politiques et les allégations d'exécutions arbitraires, de tortures et de déplacements forcés de personnes appartenant à des minorités ethniques se multiplient. Le Rapporteur spécial a constaté avec regret qu'il n'y a pas eu de changement dans la situation des droits de l'homme à Myanmar au cours de l'année écoulée et qu'il n'y a toujours aucun signe d'amélioration. Il estime que le non-respect de la démocratie est la cause fondamentale des violations graves des droits de l'homme dans ce pays.

Dans son rapport, le Rapporteur spécial regrette que ses efforts pour obtenir la coopération du Gouvernement du Myanmar et pour se rendre dans le pays aient échoué jusqu'ici. Il souligne que l'absence de respect des droits liés à un gouvernement démocratique est la source de toutes les principales violations des droits de l'homme au Myanmar, dans la mesure où cette absence implique une structure de pouvoir autocrate qui est responsable seulement envers elle-même, et qui repose donc sur une négation et une répression des droits fondamentaux. En outre, les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires, la pratique de la torture, le portage et le travail forcé continuent au Myanmar, en particulier dans le cadre des programmes de développement ou des opérations de lutte contre les rebelles dans les régions

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dominées par des minorités. Le rapport souligne notamment qu'il n'y a pas pratiquement pas de liberté de pensée, d'opinion, d'expression ou d'association au Myanmar et que le SLORC exerce son pouvoir absolu pour faire taire l'opposition et pénaliser les personnes qui ont des vues ou des convictions divergentes.

Parmi ses recommandations, le Rapporteur spécial suggère que le Gouvernement du Myanmar devrait envisager d'adhérer aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et aux deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949. La législation du Myanmar devrait être alignée sur les normes internationalement acceptées en ce qui concerne la protection de l'intégrité physique, notamment le droit à la vie, la protection contre la disparition involontaire, l'interdiction de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, l'octroi de conditions de détention humaines pour tous, et l'application de garanties judiciaires minimales. Par ailleurs, pour veiller à ce que le Gouvernement du Myanmar tienne réellement compte de la volonté du peuple, il faudrait qu'il prenne des mesures pour permettre à tous les citoyens de participer librement au processus politique, conformément aux principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et accélère le processus de transition à la démocratie, notamment par le transfert du pouvoir à des représentants démocratiquement élus. La Gouvernement du Myanmar devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus de transition vers la démocratie et faire participer à ce processus les représentants élus de manière régulière en 1990. Il devrait également garantir à tous les partis politiques le libre exercice de leurs activités sans restriction et, dans ce cadre, lever immédiatement toutes les restrictions imposées à la Secrétaire générale, aux responsables et aux membres de la NLD, afin de leur permettre d'exercer librement leurs droits civils et politiques. Par ailleurs, le Gouvernement de Myanmar devrait d'urgence prendre des mesures pour mettre un terme au déplacement forcé de personnes et créer des conditions propres à prévenir l'afflux de réfugiés dans les pays voisins.

La Commission a également été saisie du rapport de Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, présenté en application de la résolution 51/117 de l'Assemblée générale. Le rapport indique que l'Envoyé du Secrétaire général, M. Fransesc Vendrell, a effectué un séjour à Myanmar du 17 au 21 février 1997, au cours duquel il a tenu des consultations avec des membres du Gouvernement, des fonctionnaires. Il s'est également entretenu avec des dirigeants de partis politiques, à savoir la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) et notamment sa Secrétaire générale, Daw Aung San Suu Kyi, le Parti de l'unité nationale (NUP) et la Ligue des nationalités Shan pour la démocratie. Le rapport note que des représentants du Gouvernement ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que la priorité revenait dans le pays

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à l'élimination des activités des divers mouvements insurrectionnels contre lesquels le Myanmar devait lutter depuis son indépendance. En réponse aux questions posées par M. Vendrell concernant les perspectives de dialogue avec Daw Aung San Suu Kyi et la NLD, qui avait remporté la majorité absolue des voix lors des élections de 1990, le Gouvernement a répété que la seule instance appropriée pour des pourparlers politiques était la Convention nationale.

M. U AYE (Myanmar) a déclaré que le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar consiste essentiellement en une série de déclarations politiques qui ont pour but d'influencer l'issue des événements au Myanmar. Le rapport, qui néglige les réalisations positives, n'est ni objectif, ni équilibré, a jugé le représentant. Le Gouvernement de Myanmar a constamment coopéré avec les organes des droits de l'homme et continuera à le faire. M. Lallah aura la possibilité de se rendre dans le pays en temps utile, a ajouté le représentant. Le système législatif, contrairement aux observations du Rapporteur, fonctionne efficacement. En effet, l'indépendance de la justice est strictement maintenue et le Gouvernement n'exerce aucun contrôle sur l'administration judiciaire. Par ailleurs, le représentant a souligné que la Convention nationale chargée de l'élaboration d'un État démocratique est un organe représentatif de tous les partis politiques légaux et de toutes les composantes de la société et constitue le forum le plus approprié pour le dialogue et le consensus. Le représentant a rejeté les rapports du Rapporteur spécial et leur contenu comme n'étant pas pertinents et a déploré qu'aucun des aspects du droit au développement n'ait été mentionné dans les rapports.

Présentant son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Rapporteur spécial sur la question, M. BACRE WALY NDIAYE, a déclaré que, cette année encore, trop nombreux furent ceux et celles qui furent victimes d'exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et que l'indifférence à leur sort s'est accrue. Il a notamment été impossible d'organiser une intervention internationale au Zaïre où la tragédie qui couvait dans les camps de réfugiés a fini par éclater, a déploré le Rapporteur spécial.

M. Ndiaye a déclaré que son rapport reflète quelques fois des progrès et trop souvent les atteintes au droit à la vie dans plus de 93 pays. En 1996, 131 appels urgents ont été lancés en faveur de plus de 1100 personnes provenant de 40 pays, sans compter les appels lancés en faveur de groupes familiaux, de communautés indigènes, de groupes de réfugiés ou de déplacés et de civils piégés par les guerres. Depuis le 1er novembre, 56 appels urgents ont été transmis à 29 pays. Des allégations se rapportant à 1300 cas individuels d'exécutions sommaires ont été transmises à plus de 50 pays.

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Parmi les réponses reçues, beaucoup ont été trop vagues, a constaté le Rapporteur spécial. Il a déploré à cet égard le manque de coopération des États concernés. En revanche, il s'est félicité de l'invitation du Gouvernement des États-Unis, et des invitations à concrétiser des Gouvernements du Sri Lanka et de l'Algérie.

Le rapport note que la communauté internationale devrait concentrer ses efforts sur la prévention effective des situations de crise dans le domaine des droits de l'homme et sur l'application des normes existantes concernant la protection du droit à la vie. Les États qui n'ont pas encore ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et en particulier le deuxième Protocole facultatif s'y rapportant, sont invités à le faire. Tous les États devraient mettre leur législation nationale en conformité avec les normes internationales.

Les États qui appliquent la peine capitale devraient respecter toutes les normes garantissant des procès équitables qui figurent dans les instruments juridiques internationaux pertinents, en particulier dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En outre, les gouvernements qui continuent d'appliquer cette peine aux mineurs et aux malades mentaux sont particulièrement invités à aligner leur code pénal national sur les normes juridiques internationales. Les gouvernements des pays où la peine capitale existe encore sont donc invités à ne ménager aucun effort pour obtenir son abolition. Par ailleurs, les gouvernements devraient adopter des mesures efficaces pour assurer la protection des personnes qui sont menacées d'exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire.

Compte tenu de l'ampleur du problème des décès survenus en détention, le Rapporteur spécial demande à la Commission des droits de l'homme d'envisager de nommer un rapporteur spécial chargé de la question des conditions de détention et des conditions dans les prisons. Face à l'usage excessif de la force par les responsables de l'application des lois, tous les gouvernements devraient veiller à ce que le personnel des forces de sécurité reçoive une formation qui les familiarise avec les questions relatives aux droits de l'homme. S'agissant des violations du droit à la vie pendant les conflits armés, tous les États qui ne l'ont pas encore fait sont encouragés à ratifier les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux Protocoles additionnels. En outre, tous les gouvernements sont encouragés à ratifier le Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le Rapporteur spécial estime qu'il faudrait mettre en place un dispositif de contrôle pour veiller à l'application des dispositions de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

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Les gouvernements qui ne l'ont pas encore fait sont invités à ratifier la Convention et le Protocole relatifs au statut des réfugiés. Il faudrait interdire le refoulement des réfugiés ou l'expulsion de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays vers des pays ou des zones où le respect de leur droit à la vie n'est pas totalement garanti. Enfin, le Rapporteur spécial préconise une série de mesures pour lutter contre le problème de l'impunité, à savoir la création d'une cour criminelle internationale permanente ayant compétence universelle à l'égard des violations massives des droits de l'homme et du droit humanitaire, l'adoption d'une convention similaire à a Convention contre la torture, qui donnerait aux tribunaux nationaux une compétence internationale à l'égard des personnes soupçonnées d'avoir commis des violations massives du droit à la vie.

Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme dans la République islamique d'Iran, M. MAURICE COPITHORNE, Représentant spécial du Secrétaire général sur cette question, a déclaré que son mandat continuait à être stimulant, d'une part en raison du grand nombre d'organisations et d'individus intéressés par cette question et qui expriment des vues souvent contradictoires, et d'autre part en raison de la difficulté qu'il y a à vérifier les faits dans un grand nombre de situations. En outre, l'application des normes juridiques internationales dans une société telle que celle de la République islamique d'Iran constitue un défi intellectuel. «Néanmoins, le tableau global est clair» a poursuivi M. Copithorne. S'il est peut-être vrai que le Gouvernement du pays a fait des progrès dans un certain nombre de domaines, il n'en demeure pas moins vrai qu'il y a encore beaucoup à faire en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en Iran. Le Représentant spécial reconnaît qu'il y a, dans un certain nombre de domaines, un mouvement qui peut être considéré comme significatif d'un changement encore en voie d'accomplissement et dont les fruits restent à cueillir.

M. Copithorne a estimé que les décisions de la Commission sur l'Iran devraient en incorporer le résumé qui figure dans ce rapport. Le Représentant spécial a rappelé qu'en ce qui concerne M. Salman Rushdie, la prime a encore été augmentée. Il a également souligné que le Gouvernement de la République islamique d'Iran avait décidé de ne pas lui adresser d'invitation à se rendre dans le pays cette année. Le Représentant spécial a regretté cette décision mais a constaté qu'à d'autres égard, «la pleine coopération continue». Il a souhaité que la demande d'assistance technique du Gouvernement de la République islamique d'Iran soit favorablement examinée. Étant donné qu'il n'est pas possible de disposer d'un rapport global sur la situation des droits de l'homme dans un pays donné en une trentaine de pages, M. Copithorne a préconisé une approche qui permettrait de faire porter chaque rapport sur des secteurs spécifiques et de disposer ainsi en trois ans, par exemple, d'un tableau global.

(à suivre

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Dans son rapport, M. Copithorne indique qu'il avait été en pourparlers avec des représentants du Gouvernement iranien pendant un certain temps à propos d'une deuxième visite en Iran, la première ayant eu lieu en février 1996. Le Gouvernement iranien a toutefois souligné qu'«en réalité, pour les quelques États dont la position, motivée par des considérations politiques, l'a jusqu'à présent emporté à la Commission, les rapports du Représentant spécial ne sont utiles que dans la mesure où ils renforcent leurs préjugés et leurs conclusions préconçues. En conséquence, pour l'instant, une nouvelle visite en République islamique d'Iran ne servirait pas à grand-chose». Dans ces conditions, M. Copithorne estime que, s'il est risqué de se fonder sur les informations des médias et des opposants mécontents, dans le cas de l'Iran, les incidents révélateurs sont trop nombreux pour ne pas être pris en considération. Le Représentant spécial souligne d'une manière générale que l'intolérance, même si elle répond aux voeux de la population, reste de l'intolérance.

De l'avis de M. Copithorne, la condition des femmes en République islamique d'Iran n'est, à bien des égards, pas égale à celle des hommes. Toutefois, le Représentant spécial affirme que le débat public sur la situation des femmes gagne aujourd'hui en vigueur dans le pays. Étant donné les tensions considérables manifestement suscitées par cette question, il est encore trop tôt pour évaluer les progrès accomplis. S'agissant de la peine de mort, le rapport indique que, selon des sources extérieures, le nombre de personnes condamnées à mort et exécutées en 1996 a été deux fois plus élevé qu'en 1995. Tout en affirmant qu'un grand nombre des condamnations à la peine capitale seraient liées au trafic de drogue, M. Copithorne souligne qu'il y a eu, dernièrement, une recrudescence des accusations d'espionnage, acte qui est passible de la peine de mort. Par ailleurs, il est généralement allégué qu'il reste au moins quelques prisonniers d'opinion dans les prisons iraniennes, indique le Représentant spécial.

S'agissant de la fatwa visant Salman Rushdie, le Représentant spécial croit comprendre que les négociations se poursuivent à ce sujet entre le Gouvernement de la République islamique d'Iran et l'Union européenne et qu'il y a peu de progrès à signaler à cet égard. Le Représentant spécial affirme avoir été informé que le droit de propriété privée continuait à être généralement refusé aux bahaïs. Il ajoute qu'il est désormais interdit à la majorité des bahaïs de Yazd d'effectuer des opérations commerciales. De plus, les Iraniens à l'étranger sont toujours victimes d'actes de violence, les poursuites judiciaires engagées auprès des tribunaux étrangers suite à ces actes ayant fait apparaître dans certains cas une nette implication de la République islamique d'Iran.

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Le Représentant spécial recommande que le Gouvernement iranien prenne l'initiative de susciter un changement d'attitude parmi la population à l'égard de la condition de la femme dans le pays et de modifier la législation en vue d'améliorer sensiblement et rapidement la condition de la femme. Il recommande également que les accusations portées contre un certain nombre de religieux chiites soient examinées par les tribunaux ordinaires, que les accusés soient entendus en séance publique et qu'ils aient droit, comme tous les prévenus, d'être représentés par un défenseur indépendant. La législation régissant la presse, la littérature et le cinéma devrait être révisée afin de la rendre plus fiable, plus transparente et d'application plus indépendante. Le Représentant spécial recommande aussi qu'il soit répondu rapidement aux demandes d'assistance technique internationale faites par l'Iran dans plusieurs domaines. En conclusion, M. Copithorne souligne que les autorités iraniennes ne manquent pas de rappeler l'impact néfaste en Iran des huit années de guerre et de l'afflux de réfugiés afghans. Ce fait signifie que, compte tenu de ces facteurs, l'Iran fait en réalité des progrès appréciables dans le domaine du respect des droits de l'homme. Il s'est, d'autre part, dit préoccupé du procès récemment intenté contre l'un de ses collègues et qui menace l'intégrité du processus des rapporteurs spéciaux.

Débat sur la question de la violation des droits de l'homme dans le monde

M. GHASSAN NSEIR (Syrie), rappelant que le sud du Liban et la Bekaa- Ouest sont toujours sous l'occupation israélienne depuis 1978, a déclaré que l'occupation constitue une violation des droits fondamentaux de l'homme, qui se manifeste notamment par les bombardements aveugles, la destruction de maisons, la destruction des récoltes et l'exode de la population. Israël continue d'exercer la violence et la répression à l'encontre des civils et garde des détenus dans les prisons israéliennes, refusant le droit de visite à leurs familles et aux organisations humanitaires et internationales. Le représentant a souligné la responsabilité du Gouvernement israélien actuel dans le sabotage du processus de paix, notamment en raison de sa politique d'expansion. Le Gouvernement israélien tient un double langage qui consiste à parler de la paix et en même temps à refuser de respecter les conventions internationales et d'honorer ses engagements suite aux principes de la Conférence de Madrid, a déclaré le représentant. Il a demandé à la Commission de condamner Israël au vu de ses violations continues des droits de l'homme et a déploré que le représentant de l'Union européenne ait ignoré ces violations dans la déclaration qu'il a faite hier au titre de ce point.

Mme MILENA PERES, Pax Christi international, prenant la parole également au nom du Service international pour les droits de l'homme et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, a mis l'accent sur les violations des droits de l'homme au Timor oriental. Elle a déclaré qu'il existe de nombreux États multi-ethniques qui vivent dans la paix et dans

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le respect de leurs différents héritages culturels. Un État n'a pas à être culturellement, ethniquement ou religieusement homogène, a-t-elle dit en dénonçant la poursuite de la répression par les autorités indonésiennes contre le peuple timorais. Un crime est une crime, a-t-elle dit, et aucune justification intellectuelle ou politique ne saurait le faire oublier. La représentante a également passé en revue la situation en République de Corée, au Myanmar, au Bangladesh, en Thaïlande, au Tibet, aux Philippines et en Inde. Elle s'est par ailleurs dit favorable à la création d'un Forum permanent chargé d'examiner les questions des populations autochtones.

Mme ISABELLE SCHERRER, Amnesty International, a déclaré qu'en Algérie, le cycle de la violence et des atteintes flagrantes aux droits de l'homme de la part des forces de sécurité, des milices soutenues par le Gouvernement et des groupes d'opposition se poursuit. Elle a donc souhaité que le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires et le Groupe de travail sur les disparitions forcées se rendent en Algérie en 1997. Elle a par ailleurs affirmé qu'au cours de l'année écoulée, la situation s'est détériorée en Colombie où les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et la torture commises par les forces de sécurité et leurs alliés paramilitaires se sont multipliées dans plusieurs régions. Aussi, a-t-elle souhaité que la Commission montre au peuple colombien que l'ouverture du bureau du Haut Commissaire ne signale pas la fin du droit de regard de la communauté internationale mais indique au contraire que la Commission assumera une fonction de supervision et prendra des mesures.

Affirmant qu'en Indonésie et au Timor oriental, la détention de prisonniers d'opinion, les procès inéquitables, la torture et les exécutions extrajudiciaires se poursuivent, la déléguée d'Amnesty International a demandé que la Commission adopte une résolution sur l'Indonésie et le Timor oriental afin que le Gouvernement mette immédiatement en oeuvre les recommandations de la Commission qu'il ignore totalement. En outre, l'approche consensuelle de la Commission sur le Nigéria a échoué. Dans ce pays, règne un climat de terreur et d'intimidation. Aussi, la Commission devrait-elle nommer un rapporteur spécial sur le Nigéria. En Turquie, 1996 a été une année particulièrement noire qui a apporté des preuves encore plus évidentes de participation de l'État et de collusion aux plus hauts niveaux dans des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions. Le PKK et d'autres groupes armés continuent de commettre des abus de droits de l'homme, notamment le meurtre de civils. Le Gouvernement turc devrait donc inviter le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires et le Groupe de travail sur les disparitions forcées à se rendre dans le pays en 1997.

M. ALGIS TOMAS GENIUSAS, Fédération internationale des journalistes libres, s'est dit vivement préoccupé par les violations de la liberté d'expression et d'opinion, notamment au Bélarus et au Kosovo. Il a par ailleurs déploré que le droit au développement et à l'autodétermination

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soit bafoué, notamment par la Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Turquie et la Fédération de Russie. Le représentant a recommandé que la décolonisation envisagée par les Nations Unies d'ici à l'an 2000 prenne en compte tous les peuples victimes du colonialisme, y compris les Tchétchènes. Il a aussi attiré l'attention de la Commission sur la politique de la Fédération de Russie à l'égard des pays baltes.

M. KYRIACOS KALATTAS, International Federation for the Protection of the Rights of Éthnic, Religious, Linguistic and other Minorities, a indiqué que l'invasion de Chypre par la Turquie en 1974 a provoqué des milliers de morts et forcé plus de 200 000 Chypriotes grecs à fuir leurs maisons. Trente-sept pour cent de l'île ont ensuite été occupés, a-t-il dit en soulignant que les violations des droits de l'homme, telles que le harcèlement et l'intimidation, se poursuivent à l'égard des Chypriotes grecs «enclavés». Personne ne sait rien de ce qu'il est advenu des 1 619 personnes qui ont disparu lors de l'invasion de l'île, a-t-il rappelé. Pendant ces 23 dernières années, les Turcs ont implanté dans l'île des colons en provenance d'Anatolie et ont ainsi altéré le caractère démographique du territoire. Il a jugé que la communauté internationale doit faire preuve de la même détermination à l'égard de Chypre qu'elle l'a fait pour d'autres pays.

Mme ANITA TEXIER, France-Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, a exprimé sa très vive préoccupation devant la situation des droits de l'homme en Colombie et au Pérou, qui ne s'améliore malheureusement pas et va même, dans certains domaines, jusqu'à s'aggraver. En Colombie, on compte en 1996 près de 3 000 morts pour des raisons politiques ou idéologiques et 180 000 personnes déplacées supplémentaires, les secteurs les plus atteints étant les syndicalistes, les paysans, les opposants politiques et les autochtones. Mais, plus grave encore est la montée du paramilitarisme cautionné par le Parlement et le Gouvernement. Face à cette dégradation constante de la situation, force est de constater que le bureau du représentant du Haut Commissaire n'est toujours pas installé, a regretté la déléguée. Il est donc nécessaire de renforcer le bureau permanent du Haut Commissaire par la désignation d'un expert dont le mandat serait de soutenir ce bureau et, si nécessaire, de le suppléer dans la mission d'observation de la situation et dans l'élaboration d'un rapport détaillé sur la situation en Colombie.

Tout en condamnant la prise d'otages du 17 décembre 1996 par le mouvement Tupac Amaru au Pérou, France-Libertés ne peut oublier que la revendication des preneurs d'otages portait sur la situation inhumaine des détenus dans le pays. En effet, le Pérou ne respecte aucune des normes minimales fixées par les Nations Unies en ce qui concerne les conditions des personnes emprisonnées. La déléguée a attiré l'attention sur le sort des personnes injustement accusées et détenues sans preuve, pour terrorisme, dont le nombre oscillerait entre 3 000 et 4 000 bien qu'il n'y ait pas de chiffres officiels. Il faut que la Commission exige du Gouvernement péruvien qu'il honore ses obligations conformément à la demande du Comité des droits de l'homme.

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Mme ISABELLE OSEREDOZUK, Union interparlementaire, a annoncé la création d'un comité des droits de l'homme des parlementaires, qui a pour mission d'examiner les plaintes alléguant une violation des droits fondamentaux des parlementaires. Elle a attiré l'attention de la Commission sur certains cas dont l'évolution est particulièrement préoccupante, soulignant notamment la suspension de l'Assemblée nationale du Burundi, et les révocations de parlementaires en Indonésie et au Cambodge.

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