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DH/G/516

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: PRÉSENTATION DES RAPPORTS SUR LE NIGÉRIA, LA GUINÉE ÉQUATORIALE, L'AFGHANISTAN, CUBA ET L'EX-YOUGOSLAVIE

10 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/516


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: PRÉSENTATION DES RAPPORTS SUR LE NIGÉRIA, LA GUINÉE ÉQUATORIALE, L'AFGHANISTAN, CUBA ET L'EX-YOUGOSLAVIE

19970410 La Commission entame son débat sur la question de lala violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde

Genève, le 8 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, au cours d'une séance qui s'est prolongée dans la soirée, les présentations des rapports sur les situations des droits de l'homme qui prévalent en Guinée équatoriale, au Nigéria, en Afghanistan, à Cuba et sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Les représentants du Nigéria, de l'Afghanistan, de Cuba, de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine ont fait des déclarations suite à la présentation de ces rapports.

Les représentants du Rwanda et du Zaïre, ainsi que le Ministre des droits de l'homme du Burundi, ont pris la parole pour réagir à la présentation, faite ce matin, des rapports concernant la situation des droits de l'homme dans ces trois pays. Les trois rapporteurs spéciaux concernés ont ensuite fait des observations.

M. Alejandro Artucio, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Guinée équatoriale, a souligné que 65% de la population équato-guinéenne vit dans un état de pauvreté extrême et que le Gouvernement aura une opportunité unique de résoudre les problèmes d'infrastructure et les problèmes sociaux du pays grâce à l'augmentation de la production de pétrole brut. Dans le domaine politique, et en prévision des élections législatives qui doivent avoir lieu prochainement, il faudrait réformer la loi électorale, a estimé le Rapporteur spécial.

M. Bacre NDiaye, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et M. Param Cumaraswamy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, ont présenté leur rapport conjoint sur la situation des droits de l'homme au Nigéria en regrettant l'annulation de la visite qu'ils devaient effectuer au Nigéria. M. Bacre Waly Ndiaye s'est dit préoccupé par les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et par l'application des peines de mort prononcées par des tribunaux qui violent les normes internationales en matière de droit à un procès équitable. M. Param Cumaraswamy s'est, quant à lui, dit préoccupé par le manque de ressources financières et humaines qui affectent le fonctionnement des tribunaux.

M. Choong-Hyun Paik, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, a présenté son rapport en affirmant qu'il lui semblait que les taliban n'ont pas l'intention de trouver une solution politique au conflit. Bien que la paix et la stabilité semblent régner dans les zones dominées par les taliban, la situation explosive dans le pays a provoqué un effondrement de l'économie. Les mesures qu'ils ont prises contre le femmes s'apparentent à un apartheid sexuel, a-t-il en outre déclaré.

M. Johan-Carl Groth, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme à Cuba, a présenté son rapport en soulignant que, comme les années précédentes, il n'a pas été autorisé à se rendre dans le pays. M. Groth s'est dit convaincu que les progrès réalisés par Cuba dans l'instauration d'une économie de marché auront une incidence croissante sur la situation des droits de l'homme.

Mme Élisabeth Rehn, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, a exprimé sa préoccupation devant l'usage excessif de la force par la police serbe à l'encontre de la population d'origine albanaise. Alors que les prochaines élections en Croatie, importantes pour la Slavonie orientale, suscitent l'inquiétude des Serbes, Mme Rehn a affirmé que le Gouvernement croate doit s'engager fermement afin de donner confiance en l'avenir aux résidents de cette région. Elle a souligné la persistance du processus de «purification ethnique» en Bosnie- Herzégovine, qui n'est pas imputable à des acteurs indisciplinés mais le fait d'une politique délibérée visant à empêcher la construction d'une société tolérante et pluri-ethnique. Le défi dans ce pays consiste à atténuer les conséquences de la guerre.

Entamant son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales où qu'elle se produise dans le monde, la Commission a également entendu les représentants des pays suivants: Bélarus, Pays-Bas (au nom de l'Union européenne et des pays associés d'Europe centrale et orientale ainsi que de Chypre), Chine, Égypte et Liban.

La République populaire démocratique de Corée et l'Algérie ont exercé leur droit de réponse.

Le représentant de Sri Lanka est intervenu au titre du point de l'ordre du jour concernant l'organisation des travaux.

Demain matin, à 10 heures, la Commission entendra une déclaration du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan. Elle poursuivra ensuite son débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde. Les Rapporteurs spéciaux sur les situations des droits de l'homme au Soudan, au Myanmar et en République islamique d'Iran

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présenteront leurs rapports, ainsi que le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l'enfance fera également une déclaration.

Présentation de rapports au titre de la question des violations des droits de l'homme partout dans le monde

Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en Guinée équatoriale, M. ALEJANDRO ARTUCIO, Rapporteur spécial sur la question, a souligné qu'au cours de sa visite dans le pays, les autorités équato- guinéennes ont largement coopéré avec lui. Le Rapporteur spécial a été reçu par le Président de la République et a pu rencontrer le Premier Ministre, divers ministres et secrétaires d'État, des magistrats de la Cour suprême, des représentants de toutes les forces politiques ainsi que des personnes qui avaient été détenues pour des raisons politiques ou idéologiques.

M. Artucio a affirmé que l'indépendance du pouvoir judiciaire n'est toujours pas garantie dans le pays. En effet, au cours de sa visite à la Cour suprême de justice, il a constaté la préoccupation de ses interlocuteurs face au manque de pouvoir du plus haut tribunal du pays pour faire appliquer ses décisions suite à l'interférence d'autres pouvoirs de l'État, notamment l'exécutif. Le Rapporteur spécial a déclaré que l'extension excessive de la juridiction militaire à des cas pour lesquels ni le délit, ni les auteurs ne relèvent du domaine militaire constitue une source permanente d'injustice. Suite à sa visite dans la prison publique de Malabo, le Rapporteur spécial a pu constater qu'aucun des prisonniers ne s'est plaint d'avoir été battu en prison. Les sévices infligés, s'il y en a eu, se sont produits dans les commissariats de police et dans les unités militaires. Dans la prison de Malabo, M. Artucio a toutefois pu constater que l'alimentation et l'assistance médicale pour les détenus restent insuffisantes.

Le Rapporteur spécial a affirmé avoir reçu des témoignages concordant selon lesquels se sont produites, dans différentes régions du pays, des arrestations et des détentions d'opposants politiques, accompagnés de torture et de mauvais traitements. Il a ajouté ne pas avoir eu connaissance que des mesures aient été prises contre les fonctionnaires qui se sont rendus coupables de ces exactions. S'agissant des femmes équato-guinéennes, le Rapporteur spécial a pu vérifier une fois de plus qu'elles étaient victimes de discrimination, notamment en ce qui concerne l'éducation et l'emploi et dans les domaines social et politique. S'agissant de la question de la discrimination, M. Artucio a souligné que rien ne devrait empêcher le mouvement regroupant les membres de l'ethnie Bubi, le MAIB, d'agir librement, dans la mesure où ce mouvement ne préconise pas la violence. En outre, la situation des enfants dans le pays est extrêmement préoccupante en raison de la condition sociale et économique de pauvreté extrême dans laquelle vit

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une grande partie de la population. Soulignant que 65% de la population équato-guinéenne vit dans un état de pauvreté extrême, le Rapporteur spécial a affirmé que le Gouvernement aura une opportunité unique de résoudre les problèmes d'infrastructure et les problèmes sociaux du pays dans la mesure où la production de pétrole brut, fait nouveau en Guinée équatoriale, devrait connaître une croissance importante puisque l'on est passé d'une extraction de 35 000 à 40 000 barils par jour.

En conclusion, M. Artucio s'est réjoui de n'avoir pas rencontré, ni d'avoir eu connaissance de personnes qui soient détenues pour des raisons politiques ou idéologiques. Il a recommandé que les institutions adoptent les mesures nécessaires afin d'assurer que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire agissent en toute indépendance dans leurs sphères respectives de compétence. Il a réitéré sa recommandation visant à ce que soit restreinte la compétence de la juridiction militaire aux délits strictement militaires commis par le personnel militaire. Les pouvoirs publics devraient, par ailleurs, mettre un terme à l'impunité dont jouissent les responsables de violations des droits de l'homme. Dans le domaine politique, et en prévision des élections législatives qui doivent avoir lieu prochainement, il faudrait réformer la loi électorale. Il faudrait également permettre la création de partis politiques établis sur une base régionale et faciliter l'accès des partis aux moyens de communication sociaux de l'État, a estimé M. Artucio. Il faudrait par ailleurs créer une autorité électorale indépendante où seraient représentées les principales forces politiques. À cet égard, le Rapporteur spécial s'est réjoui que le Chef de l'État ait invité, le 31 janvier dernier, les partis d'opposition à entamer un dialogue concernant notamment la réforme de la loi électorale et de la loi relative aux libertés publiques.

Dans son rapport, le Rapporteur spécial recommande notamment que la Guinée équatoriale ratifie la Convention contre la torture ainsi que la Convention internationale contre toutes les formes de discrimination raciale. À cet égard, il faudrait mettre un terme à la pratique qui consiste, pour les autorités centrales voire «périphériques» chargées de l'ordre public, à appliquer des sanctions administratives sans contrôle judiciaire comportant des amendes pouvant être commuées en peine d'emprisonnement. Constatant que le défaut de publication régulière des lois, décrets et actes du gouvernement constitue une source de grave insécurité juridique, M. Artucio recommande que ces textes soient périodiquement publiés. Les délits de diffamation du Chef de l'État ou d'offense à ce dernier ou à toute autre autorité devraient être jugés par des juridictions pénales ordinaires. Le Rapporteur spécial recommande de poursuivre la surveillance internationale de la situation des droits de l'homme en Guinée équatoriale en l'accompagnant d'une assistance technique et de services administratifs.

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Présentant leur rapport sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, M. Bacre Waly Ndiaye, Rapporteur spécial chargé d'étudier les questions relatives aux exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et M. Param Cumaraswamy, Rapporteur spécial chargé de la question de l'indépendance des juges et des avocats, ont regretté de ne pas être en mesure de présenter à la Commission ses conclusions relatives à une visite au Nigéria qui a dû être annulée.

M. BACRE WALY NDIAYE a indiqué que les éléments conduisant à la décision d'annulation de la visite sont exposés dans l'additif au rapport. De fait, les Rapporteurs spéciaux et le Gouvernement étaient convenus d'une mission qui devait avoir lieu du 23 février au 5 mars 1997. Toutefois, après l'arrivée d'une mission préparatoire qui devait avoir lieu au Nigéria, il est apparu que le Gouvernement nigérian n'était pas disposé à permettre aux Rapporteurs spéciaux de rencontrer certains détenus. De l'avis des Rapporteurs, c'est là une violation du mandat type des missions d'enquête des Rapporteurs spéciaux ou des représentants de la Commission des droits de l'homme, ce qu'ils ont, par principe, jugé inacceptable. M. Bacre Waly Ndiaye s'est dit préoccupé par les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et par l'application des peines de mort prononcées par des tribunaux qui violent les normes internationales en matière de droit à un procès équitable. La prévention des violences liées à des conflits ethniques ou religieux reste également un sujet de préoccupation, a souligné le Rapporteur spécial.

M. PARAM CUMARASWAMY a déclaré que la situation au Nigéria est exacerbée par le non-respect du droit et de la législation. Il s'est dit préoccupé par le manque de ressources financières et humaines qui affectent les tribunaux. La primauté du droit n'est pas respectée au Nigéria et à cet égard, les décrets promulgués par le gouvernement militaire ont sonné le glas de toute forme d'ordre constitutionnel dans le pays. Le Gouvernement bafoue les principes de base de l'indépendance du pouvoir judiciaire et du rôle des avocats et viole la Convention sur les droits civils et politiques. Le Rapporteur spécial a demandé à la Commission de renouveler le mandat sur la situation des droits de l'homme au Nigéria et de nommer un rapporteur spécial pour ce pays.

Le rapport fait principalement état des différentes communications entre les Rapporteurs spéciaux et le Gouvernement nigérian, en vue de parvenir à un accord sur les modalités d'une visite dans le pays. Les rapporteurs spéciaux réaffirment les observations, conclusions et recommandations formulées dans leur rapport intérimaire à l'Assemblée générale, sous réserve des observations relatives aux événements ultérieurs qui figurent dans le présent rapport. Ils voudraient cependant attendre, pour formuler des conclusions finales, d'avoir pu accomplir leur mission d'enquête au Nigéria, indique le rapport. Dans leurs observations préliminaires, les rapporteurs spéciaux indiquent que tout en se félicitant de l'invitation qui leur a été adressée par le Gouvernement,

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ils regrettent profondément qu'aucun accord ne soit réalisé quant aux dates de leur mission et qu'à ce jour le Gouvernement n'ait pas accepté le mandat type. Les rapporteurs spéciaux regrettent également que le Gouvernement nigérian invoque la préparation de missions d'autres organisations ou organes de transition vers un régime civil pour ne pas recevoir les deux rapporteurs spéciaux à une date qu'il avait lui-même proposée antérieurement. Ils souhaitent souligner qu'ils accueillent avec satisfaction et encouragent la mise en oeuvre du Programme de transition vers un régime démocratique. Les rapporteurs spéciaux souhaitent réaffirmer que l'acceptation du mandat par le Gouvernement nigérian est à leur avis une condition sine qua non de la poursuite des discussions concernant les dates, le programme et l'itinéraire de la visite.

La Commission a également été saisie d'un additif au rapport qui comporte trois chapitres : un chapitre récapitulatif des communications et des réunions entre les deux Rapporteurs spéciaux et le Gouvernement nigérian durant la période comprise entre les dates d'achèvement du rapport et du présent additif. Un deuxième chapitre contient une analyse des allégations que les Rapporteurs spéciaux ont reçues concernant les questions qui entrent dans le champ d'application de leurs mandats respectifs. Dans le troisième chapitre figurent les conclusions et les recommandations des Rapporteurs spéciaux. Compte tenu de l'importance et la nécessité d'instaurer un ordre constitutionnel au Nigéria, les Rapporteurs spéciaux ont notamment recommandé au Gouvernement nigérian d'abroger tous les décrets révoquant ou limitant des garanties protégeant les libertés et les doits fondamentaux. Ils lui ont également recommandé de prendre des mesures efficaces pour empêcher des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ainsi que des actes de torture, les mauvais traitements et les arrestations et mises en détention arbitraires de la part des membres des forces de sécurité. Par ailleurs, le Gouvernement devrait prendre des mesures préventives en vue d'éviter de nouvelles violences entre communautés. Il devrait également envisager d'abolir la peine de mort.

M. AUWALU YADUDU (Nigéria) a déclaré que le Nigéria a coopéré dans la transparence avec les mécanismes des droits de l'homme. À cet égard, il a notamment fait état de la visite en 1996 d'un groupe de juristes qui ont rejeté toute forme de sanction à l'encontre du Nigéria et qui ont félicité le Général Abacha pour la poursuite du processus de démocratisation. Le représentant a également annoncé que le Nigéria a pris une série de mesures tendant à changer la législation, particulièrement en ce qui concerne la détention. Plus de 20 détenus ont été libérés jusqu'à présent, a souligné le représentant. Par ailleurs, le Gouvernement coopère avec le Groupe de coopération ministérielle du Commonwealth, ainsi qu'avec les Rapporteurs thématiques des Nations Unies, dont il a regretté l'annulation de la visite prévue dernièrement. Le représentant s'est dit préoccupé de l'exagération de

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la situation au Nigéria et a précisé que les récentes arrestations et mises en détention ont été motivées par des actes de terrorisme, après enquête dûment menée. Les allégations de détentions arbitraires, d'exécutions extrajudiciaires et arbitraires sont sans fondement, a affirmé le représentant. Le Nigéria respecte les droits de chacun et souhaite s'associer à la communauté internationale pour condamner le terrorisme.

Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan, M. CHOONG-HYUN PAIK, présentant son rapport, a indiqué que des changements dramatiques ont eu lieu dans ce pays depuis la dernière session de la Commission. Les principales victimes sont les populations civiles. Il semble que les taliban n'aient pas l'intention de trouver une solution politique au conflit. Depuis le mois d'octobre dernier, 250 000 Afghans ont dû fuir; 50 000 d'entre eux se seraient réfugiés au Pakistan, qui accueille déjà plus d'un million de réfugiés, alors qu'il y aurait toujours quelque 1,4 millions d'Afghans réfugiés en Iran. Le représentant a indiqué que, bien que la paix et la stabilité semblent régner dans les zones dominées par les taliban, la situation explosive dans le pays a provoqué un effondrement de l'économie. Plus de la moitié de la population de Kaboul ne survit que grâce à l'aide humanitaire, a-t-il dit. Les politiques et pratiques des taliban ont été renforcées depuis leur prise du pouvoir en septembre 1996 et ce sont les femmes et les jeunes filles qui en pâtissent le plus. Aucune femme n'a le droit de travailler ou de recevoir une éducation et l'Université de Kaboul qui a rouvert ses portes le 9 mars dernier ne compte plus aucune femme dans ses rangs, a dit M. Paik. Les taliban n'ont, en outre pas tenu leur promesse d'autoriser les filles de moins de neuf ans de reprendre l'école. Apparemment, les taliban n'ont pas l'intention de permettre aux femmes de travailler avant que tout le territoire soit sous leur contrôle. Les mesures qu'ils ont prises contre les femmes s'apparentent à un apartheid sexuel, a-t- il déclaré.

Le Rapporteur spécial s'est dit particulièrement inquiet des conséquences de la fermeture des bains publics sur la santé des femmes. En outre, 225 femmes auraient été battues pour violations du code vestimentaire. Le Rapporteur spécial a indiqué qu'en l'absence de gouvernement central ayant autorité sur l'ensemble du territoire, les tribunaux de charia islamique ont prononcé des jugements a priori contraires aux normes acceptables en droit international. La peine capitale et les exécutions extrajudiciaires continueraient à être prononcées et les lapidations des femmes adultères se poursuivraient. Il a en outre souligné que l'absence de gouvernement central fait de l'Afghanistan un terrain fertile pour la production et le trafic de drogues et pour l'implantation de terroristes. M. Paik a souhaité que la communauté internationale poursuive son aide humanitaire et que l'accent soit mis sur le dialogue constructif, la coopération et les consultations avec les autorités afghanes afin de parvenir à une acception commune des normes minimales à respecter en matière de droits de l'homme.

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Dans son rapport, M. Choong-Hyun Paik souligne que, depuis septembre 1996, le pays n'a toujours pas de gouvernement central légitime, effectif et opérationnel, de système judiciaire indépendant, impartial, unifié, de constitution ou d'institutions civiles et que le respect de la légalité n'est pas assuré. Rien n'est fait pour que les auteurs de violations des droits de l'homme rendent compte de leurs actes et il n'existe aucun mécanisme de recours pour les victimes. Le pays est en état de guerre civile, écrit-il. Il ne juge pas que les taliban soient réellement soucieux de parvenir à une solution politique négociée à la guerre civile dans le pays et estime que la solution militaire est probablement la ligne de conduite retenue par le mouvement. Il se dit vivement préoccupé par l'impact qu'une telle attitude peut avoir sur la situation globale des droits de l'homme dans le pays. Il souligne que les taliban lui ont affirmé avoir été bien accueillis par la population parce qu'ils ont rétabli la paix et la sécurité dans les régions sous leur contrôle alors qu'au contraire les citoyens semblent entretenir un très vif ressentiment à leur égard. Les taliban en ont pris conscience puisqu'ils ont décidé de déplacer les populations entières de villes situées au Nord de Kaboul pour se prémunir contre une éventuelle rébellion.

J'ai le sentiment que les représentants du mouvement taliban considèrent la sécurité comme un préalable à tout progrès et développement dans le pays et estiment que toute discussion concernant les droits de l'homme et les obligations juridiques internationales constituent une immixtion dans la religion, les coutumes et les traditions du pays, écrit le représentant.

M. Paik juge que la dignité de la personne humaine doit être à nouveau respecté dans le pays et que les autorités doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation effective des femmes à la vie civile. Il estime que l'ONU devrait parler d'une seule voix et appliquer à l'échelle du système une politique unique concernant l'égalité des sexes et mettre au point une stratégie pour créer l'infrastructure nécessaire à la promotion et à la protection des droits de l'homme en Afghanistan. Il recommande également que les Nations Unies mettent au point une stratégie faisant de la défense des droits de l'homme une activité permanente en Afghanistan. Le Rapporteur spécial préconise également que certaines normes minimales internationalement admises en matière de droits de l'homme soient observées à tout instant. Un système d'administration de la justice cohérent et conforme aux normes internationales devrait être établi. Il invite les dirigeants taliban à s'inspirer des exemples d'intégration réussie des femmes dans la société d'autres pays islamiques et souhaite que la communauté internationale dégage les ressources en faveur de l'éducation à domicile des jeunes filles. Il recommande également que les taliban mettent un terme aux déplacements de populations dans les régions situées au nord de Kaboul et permettent aux personnes déplacées de rentrer chez elles.

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M. HUMAYUN TANDAR (Afghanistan) a estimé que ce rapport est le plus tragique que la Commission ait à étudier à cette session et qu'il appelle à une mobilisation immédiate de la communauté internationale. Le Mouvement des taliban a été fabriqué de toutes pièces à l'extérieur du pays. Depuis le 27 septembre 1996, d'épaisses ténèbres couvrent une partie de l'Afghanistan, a-t-il dit. Les filles sont interdites d'instruction et plus de 400 femmes ont été battues et humiliées dans les rues de la ville. Une dizaine de femmes ont été lapidées à mort dans diverses régions du pays sous le contrôle des taliban. Toutes les associations de juristes, d'écrivains, d'artistes ont été interdites et tous les titres de la presse écrite indépendante ont dû cesser de paraître.

M. Tandar a précisé que certains analystes caractérisent le conflit en cours en Afghanistan de conflit ethnique et ajouté que le rapport du Rapporteur spécial pourrait le laisser penser. Il s'agit en fait de l'opposition de deux conceptions différentes de la religion, de la vie, de l'homme, de la liberté et de la responsabilité, a-t-il rectifié. Les pays qui soutiennent les taliban doivent savoir que la prise de contrôle totale de l'Afghanistan par les taliban encouragera les groupes du même type dans leur pays, des groupes qui mitraillent les croyants en pleine prière. Il a indiqué que le silence observé par les champions des droits de l'homme qui s'attribuent la responsabilité morale de défendre les défenseurs des droits de l'homme met gravement en doute leur sincérité et risque d'être brisé par le bruit des bombes et des actions terroristes dans leur propre pays. Il a réaffirmé l'attachement des autorités légales aux principes universels des droits de l'homme et de l'État de droit.

M. CARL-JOHAN GROTH, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme à Cuba, présentant son rapport sur la question, a fait valoir que c'est la cinquième fois qu'il s'adresse à la Commission sur cette question et que, comme les années précédentes, il n'a pas été autorisé à se rendre dans le pays. La situation quant au respect des libertés fondamentales n'a pas changé alors que beaucoup de dissidents à l'intérieur du pays jugent que la situation s'améliorerait nettement si le Gouvernement respectait ses propres lois, a-t-il dit. Il a expliqué que, d'après les informations qu'il a pu obtenir, il y a eu un changement à Cuba ces derniers temps, qui concerne le mode de répression des groupes de dissidents. Il s'agit désormais moins de peines de prisons que de harcèlement et de mesures vexatoires exercées par les forces de sécurité, de menaces et d'agressions. Les autorités cubaines continuent par ailleurs de contraindre les dissidents à quitter le pays pour éviter des peines d'emprisonnement, comme cela a été le cas pour 38 personnes durant les trois premiers mois de 1997.

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M. Groth a indiqué qu'aucune information ne lui est parvenue sur une éventuelle amélioration des conditions de détention. Les prisons sont toujours surpeuplées et dotées d'installations sanitaires déplorables. Les mauvais traitements y sont monnaie courante et les criminels sont incarcérés dans les mêmes quartiers que les prisonniers politiques, a-t-il déclaré. Aucune amélioration ne se serait produite en ce qui concerne le respect de la liberté d'expression et d'opinion, a-t-il ajouté avant de préciser que la loi d'avril 1996 autorisant le travail indépendant a posé, comme condition préalable d'octroi d'une licence, l'examen de la carrière et du «passé idéologique» du candidat. M. Groth s'est dit convaincu que les progrès réalisés par Cuba dans l'instauration d'une économie de marché vont avoir une incidence croissante sur la situation des droits de l'homme. Il a affirmé en que les recommandations qui figurent dans son rapport sont facilement réalisables par le Gouvernement cubain et qu'elles n'auraient pratiquement aucun coût politique ou économique.

Dans son rapport, le Rapporteur spécial indique qu'il a essayé de maintenir le plus largement possible les relations avec les citoyens cubains et qu'il s'est rendu à New York et à Washington du 26 au 29 août 1996 où il a pu s'entretenir avec des personnes qui connaissent bien les réalités cubaines. Pour lui, la répression de la dissidence durant l'année a consisté essentiellement à harceler de mesures vexatoires les groupes visés. Il évoque les menaces, les visites d'intimidation au domicile des militants, les sanctions pour délits économiques et la répression des délits politiques. Il souligne toutefois que le nombre d'inculpations et de condamnations prononcées ont beaucoup diminué par rapport aux années précédentes. Pour M. Groth, l'attention des différentes instances internationales et le dialogue critique engagé par plusieurs pays et groupes régionaux n'y sont pas étrangers.

M. Groth souligne que l'effondrement de l'économie cubaine semble avoir été enrayé et juge remarquable qu'un pays qui a brutalement perdu un tiers de son produit national ait pu supporter une crise d'une telle ampleur et que le régime ait survécu. Il en conclut qu'à l'évidence le régime jouit auprès de vastes couches de la population d'une crédibilité et d'une marge de confiance bien plus grandes que ne le pensaient beaucoup d'observateurs. Il estime que la souplesse du système économique a joué un rôle dans ce domaine, notamment la légalisation de la possession de dollars, l'institution du travail indépendant et la distribution par circuits privés. Il note toutefois que les obstacles qui subsistent et qui devront être surmontés sont gigantesques. Pour lui, la nouvelle phase de transition aura, du moins à court et moyen terme, des conséquences et des coûts sociaux très difficiles à gérer pour le gouvernement. M. Groth ajoute que la souplesse économique n'a pas eu son équivalent sur le plan politique et qu'il est clair que le Gouvernement cubain reste ouvertement réticent et même carrément hostile à l'idée de mettre en place un système pluraliste. Il pense néanmoins que les changements introduits sur les plans économique et social vont obliger les autorités à se préoccuper de nouvelles formes de communication et de consultation avec les citoyens.

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Devant la persistance des atteintes aux droits de l'homme en 1996, il réitère donc les recommandations faites les années précédentes. Il recommande notamment de ne plus frapper les citoyens de mesures répressives pour des motifs de liberté d'expression et de remettre en liberté les personnes emprisonnées pour l'exercice de ces droits. Il souhaite que Cuba ratifie les principaux instruments internationaux de droits de l'homme dont elle n'est toujours pas partie, et en particulier le Pacte sur les droits civils et politiques. Il souhaite que l'on supprime les dispositions légales sur la discrimination pour motif politique et que l'on révise les règles de procédure, et notamment l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il souhaite que la lumière soit faite sur les cas de violations du droit à la vie et que l'accord conclu avec le Comité international de la Croix-Rouge soit renouvelé. Il juge que la communauté internationale doit continuer à faire tout ce qu'elle peut pour que Cuba s'engage dans une transition politique menée dans le calme et pour que la population reçoive toute l'assistance humanitaire dont elle a besoin. Il approuve le renforcement de la coopération technique et financière multilatérale et bilatérale avec Cuba afin que le Gouvernement et la population puissent poursuivre les réformes économiques et entamer les réformes de principe urgentes qu'impose la situation actuelle. Il estime que Cuba devrait demander l'établissement d'un programme de servies consultatifs et d'assistance technique qui aideraient à mieux informer les Cubains sur la question des droits de l'homme.

M. CARLOS AMAT FORES (Cuba) a estimé que le rapport sur son pays prétend, une fois encore, remettre en question de manière inacceptable les bases mêmes du régime politique cubain et de ses institutions démocratiques. Les sources qui sous-tendent cette étude sont partiales et non crédibles puisqu'elles sont constituées d'ennemis déclarés de la Révolution cubaine, a-t-il dit. Cuba a toujours dénoncé la sélectivité et la politisation de la Commission dans son traitement de cette question. Il a expliqué que certaines condamnations sont préparées bien avant la session, notamment en ce qui concerne Cuba, et qu'elles sont inspirées par les États-Unis qui n'ont pas répugné à exercer des pressions sur leurs alliés idéologiques pour obtenir un vote de condamnation de la politique des droits de l'homme à Cuba. Sans les États-Unis et sans la nécessité de justifier un blocus inhumain, il n'y aurait pas de question de la situation des droits de l'homme à Cuba inscrite à l'ordre du jour de cette Commission, s'est affirmé le représentant.

M. Amat Fores a estimé que l'on accuse Cuba parce qu'elle incarne la viabilité d'un modèle qui est une alternative au néolibéralisme féroce, un exemple de pays qui développe la justice et l'équité sociales, au sein d'une démocratie participative, sans intermédiaires politiques ni groupes de pression millionnaires. Contrairement à ce qui se passe dans les pays qui prétendent nous donner des leçons, il n'y a pas eu, en 38 ans de révolution,

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une seule disparition, un seul assassinat politique, une seule exécution arbitraire ou sommaire, a dit le représentant. Il n'y a pas livres vantant la torture à Cuba, pas d'escadrons de la mort, pas de Noirs lynchés et matraqués en pleine rue, ni de prostitution infantile.

Le système économique, politique et social cubain s'est ouvert aux investissements étrangers et les entreprises financières et fiscales ont été transformées. Cuba a légalisé le travail indépendant et libéralisé le marché de l'élevage. Cuba a des lois qui correspondent à sa situation exceptionnelle, à une vie d'assiégé et à la bataille pour la survie que livre le peuple cubain jour après jour, a rappelé le représentant. Il a regretté que certains pays au sein de cette Commission aient choisi de suivre l'initiative des États-Unis qui ne mène nulle part et ôte tout crédit à la Commission et à ses actions. Il a émis l'espoir que les pays membres de la Commission et en particulier les pays en développement repousseront cette proposition et reconnaîtront le caractère inacceptable d'une tentative d'imposer à un pays des formes politiques et sociales élaborées dans des capitales extérieures. Nous ne sommes pas parfaits mais notre société est plus juste et plus humaine que celles de ceux qui nous accusent, a conclu M. Amat Fores.

Présentant son rapport périodique sur la situation des droits de l'homme dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, Mme ELIZABETH REHN, Rapporteur spécial, a souligné que les différents pays de l'ex-Yougoslavie ont un avenir étroitement lié par un effort d'édification d'une société démocratique et respectueuse des droits de l'homme. Ainsi, le soutien du processus démocratique devrait être une priorité de la communauté internationale.

Mme Rehn a exprimé sa préoccupation devant l'usage excessif de la force par la police serbe à l'encontre de la population d'origine albanaise, estimant qu'il est nécessaire de maintenir la communication avec le Kosovo afin de réduire les risques de violences. En Serbie, la nouvelle loi sur les médias pourrait entraîner une plus grande censure et le Ministre de l'information est invité à amender le projet afin de garantir une réelle liberté des médias. En Croatie, les prochaines élections, importantes pour la Slavonie orientale, suscitent l'inquiétude des Serbes. Elle a constaté «un énorme fossé entre les promesses de Zagreb et les actions - ou l'inaction - du gouvernement». Selon Mme Rehn, le Gouvernement croate doit s'engager fermement par une action concrète afin de donner confiance en l'avenir aux résidents de cette région. Elle a souligné la persistance du processus de «purification ethnique» en Bosnie-Herzégovine, qui n'est pas imputable à des acteurs indisciplinés mais le fait d'une politique délibérée d'empêcher la construction d'une société tolérante et pluri-ethnique. Parmi les recommandations qu'elle a préconisé, Mme Rehn a souligné l'arrestation des criminels de guerre, l'application stricte du principe de conditionnalité pour toute aide autre qu'humanitaire, et la reconstruction de la société civile avec l'aide de la communauté internationale.

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En Bosnie-Herzégovine, le défi consiste à atténuer les conséquences de la guerre. Outre le problème des personnes disparues, déplacées et des réfugiés, d'autres problèmes requièrent un traitement prioritaire, tels le déminage. Le moment est venu de renforcer la pression afin d'établir la démocratie et le respect des droits de l'homme, avant qu'il ne soit trop tard, a en outre estimé Mme Rehn. Dans son rapport, Mme Rehn note, en effet, que les atteintes aux droits de l'homme restent fréquentes et systématiques dans tout le pays. La liberté de circulation doit notamment être beaucoup mieux garantie. Si elle veut conserver son identité nationale propre, la Bosnie- Herzégovine doit autoriser ses ressortissants à s'installer dans la région de leur choix, conformément à la législation. Par ailleurs, le rapport souligne que l'arrestation des individus inculpés de crimes de guerre devrait être une priorité absolue. Dans la mesure où les autorités locales refusent de coopérer, la communauté internationale doit prendre sur elle de mettre en place un mécanisme efficace qui permettra d'appréhender, voire de rechercher si nécessaire, les suspects mis en accusation.

S'agissant de la République de Croatie, le rapport note que le respect des droits individuels des Serbes de Croatie reste un grave sujet de préoccupation. Le Rapporteur spécial s'inquiète des récentes décisions et déclarations publiques de certains hauts personnages de l'État, qui dénotent une hostilité de plus en plus marquée envers toute voix discordante. Il exhorte par ailleurs le Gouvernement à s'abstenir de sanctionner des magistrats compétents sur la seule base de leurs opinions politiques ou de leur origine nationale. Il recommande également que le pouvoir judiciaire soit renforcé grâce à des programmes de formation pour les nouveaux juges et à la formation continue des magistrats déjà en exercice. Dans la Région de la Slavonie orientale, de la Baranja et du Srem occidental (Croatie), il incombe au Gouvernement croate de démontrer son attachement à l'État de droit et à la protection des droits de l'homme. La possibilité de voir les Serbes de Croatie quitter massivement la Région reste un grave sujet de préoccupation. Le Rapporteur spécial estime que le maintien d'une présence internationale travaillant avec les autorités croates et la population locale peut jouer un rôle utile dans la restauration de la société civile dans la Région.

S'agissant de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), le Rapporteur spécial constate avec une vive inquiétude que les élections municipales de novembre 1996 ont violé les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantissant des élections libres et régulières, en qu'en annulant les victoires initiales de l'opposition, le parti au pouvoir a détourné à son profit le verdict des urnes. Le Gouvernement devrait envisager d'inviter des observateurs internationaux chargés de vérifier la régularité des prochaines élections. Par ailleurs, un organe impartial devrait rapidement enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitements ou de tortures et notamment sur les affaires particulièrement graves qui se seraient produites au Kosovo.

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Le rapport note, dans ses conclusions et recommandations générales, que la situation s'est améliorée dans le territoire couvert par le mandat du Rapporteur spécial depuis la précédente session de la Commission des droits de l'homme. Cependant, les violations flagrantes de droits de l'homme n'ont pas cessé. Le progrès en matière de protection des droits de l'homme passe par la restauration de la société civile. L'action devrait en priorité porter sur la création et le renforcement, tant au niveau national que local, des institutions et des mécanismes requis. La réconciliation sociale dans l'ex-Yougoslavie exige que toutes les allégations de violations graves du droit humanitaire fassent l'objet d'un examen approfondi et équitable devant le Tribunal pénal international. Le Rapporteur spécial reste très préoccupé par le phénomène des «urgences silencieuses», et qui touche particulièrement les orphelins, victimes de viol, handicapés mentaux oubliés dans des institutions et les familles des personnes disparues. Le rapport souligne par ailleurs qu'il incombe tout particulièrement aux autorités religieuses de favoriser la renaissance morale des communautés déchirées par la guerre. L'indépendance des médias est primordiale pour le processus de démocratisation et le Rapporteur spécial demande à tous les Gouvernements de mieux garantir l'accès de l'opposition aux médias, notamment lors de la prochaine campagne électorale. Enfin, le Rapporteur spécial recommande que la Commission reconduise son mandat pour l'année qui vient.

La Commission a également été saisie de deux autres rapports périodiques antérieurs du Rapporteur spécial sur cette question.

M. DARKO BEKIC (Croatie) a notamment souligné que, six ans après l'agression subie par la Croatie, ce pays attend toujours la réintégration d'une partie de son territoire encore gérée par l'Autorité de transition des Nations Unies. Il a indiqué que le nombre des personnes soupçonnées de crimes de guerre en Slavonie orientale a été réduit à 150. Il a affirmé que le Gouvernement croate est disposé à reconnaître les certificats primaires et secondaires émis dans cette région pendant la période d'occupation, entre 1990 et 1997. Il n'y a aucun fossé entre les promesses de Zagreb et les mesures effectivement prises par le Gouvernement croate, a-t-il déclaré. La Croatie considère que les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire ont cessé sur son territoire, ce qui n'exclut pas que des incidents isolés puissent parfois se produire.

Il est faux de prétendre que les retours en Croatie sont «extrêmement» difficiles, comme l'affirme Mme Rehn. Sur les 25 000 candidatures au retour reçues de Croates et de Serbes, 15 000 ont été traitées se traduisant par le retour de 14 459 personnes qui représentent 58% des Serbes ayant fait acte de candidature. En revanche, pas un seul Croate n'est revenu en Slavonie orientale. De toute façon, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que le retour des Serbes en Croatie soit rapide : il ne peut être que graduel.

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Le représentant croate a souhaité qu'à l'avenir, Mme Rehn applique des critères plus objectifs lorsqu'elle s'acquittera de son mandat. En ce qui la concerne, la Croatie estime que son adhésion au Conseil de l'Europe permettra à sa prochaine génération de grandir dans un environnement respectueux des droits d'autrui. S'agissant de la liberté d'expression dans le pays, le représentant croate a notamment indiqué qu'une concession avait été accordée à la station de radio «Radio 101».

M. ZELJKO JERKIC (Bosnie-Herzégovine) a déclaré que la Bosnie-Herzégovine a besoin de l'aide et de l'appui de la communauté internationale afin de se lancer sur la voie de la réconciliation et de la reconstruction. Le respect, la promotion et la protection des droits de l'homme sont au coeur des préoccupations du Gouvernement, a assuré le représentant. Il a espéré que le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie pourra continuer à s'acquitter de sa tâche dans les années à venir.

La Commission est également saisie du rapport du Secrétaire général sur la question des droits de l'homme à Chypre, présenté en application de la décision 1996/112 par laquelle la Commission décidait de conserver cette question à son ordre du jour. Ce document indique que la mission de bons offices effectuée l'an dernier par le Secrétaire général n'a pas permis de sortir de l'impasse à laquelle avait abouti le processus de négociation. Le 1er mai 1996, le Conseil de sécurité a approuvé la nomination de M. Han Sung-Joo, ancien Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, en qualité de nouveau Représentant spécial à Chypre, en remplacement de M. Joe Clark qui exerçait ces fonctions depuis 1993. Comme cela était expliqué dans le rapport soumis au Conseil de sécurité en décembre 1996 sur la mission de bons offices du Secrétaire général à Chypre, les tensions se sont ravivées au cours de l'année écoulée et les violences le long des lignes de cessez-le-feu ont atteint un niveau sans précédent depuis 1974. Les événements récents ont une nouvelle fois mis en lumière l'instabilité inhérente au statu quo et la nécessité urgente d'efforts concertés pour aboutir à un règlement politique global par la voie des négociations.

La Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre continue notamment d'assurer l'évacuation sanitaire d'urgence de civils des deux communautés résidant dans la partie nord de l'île. En 1996, les autorités chypriotes turques ont continué de traiter au cas par cas les demandes d'autorisations présentées par des Chypriotes turcs désireux d'assister à des activités bicommunautaires, même à l'intérieur de la zone tampon de l'ONU. Elles ont souvent refusé cette autorisation à la dernière minute ou sans préavis ni explication. Quant aux Chypriotes turcs qui vivent dans la partie sud de Chypre, auxquels la loi reconnaît les mêmes droits et privilèges qu'aux Chypriotes grecs, mais qui sont souvent victimes de

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discrimination arbitraire et de persécutions policières, les quatre recommandations qui avaient été faites au Gouvernement par la Force des Nations Unies ont été suivies. En décembre 1996, la Force des Nations Unies a ouvert un bureau à Limassol afin de pouvoir remplir plus facilement ses fonctions humanitaires en faveur des Chypriotes turcs vivant dans le sud de l'île. Sur le plan humanitaire, la situation des Chypriotes grecs et maronites vivant dans le nord de l'île n'a pas beaucoup changé en 1996. En revanche, quelques améliorations sont intervenues en ce qui concerne la liberté de circulation et l'approvisionnement en eau des maronites vivant dans le nord de l'île.

Déclarations concernant les rapports relatifs à la situation au Rwanda, au Zaïre et au Burundi

M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a souligné que, trois ans après le génocide et les massacres qui ont endeuillé le pays, la majorité des planificateurs et des organisateurs de cette tragédie court toujours. La justice internationale est en panne, a-t-il constaté. La défaillance du tribunal international est due à sa structure et à son mode de fonctionnement actuels. Le représentant a rappelé que les tribunaux rwandais ont, dès novembre 1996, commencé à juger ceux qui sont poursuivis pour crime de génocide. Dans le souci de jeter les bases d'une réelle reconstruction nationale, le Rwanda s'est doté d'une législation adaptée au caractère extraordinaire de la situation que connaît le pays. Ainsi, les degrés de culpabilité des auteurs présumés du génocide et des massacres seront pris en considération et des réductions de peine importantes seront accordées à tous ceux qui, ayant été entraînés dans ces crimes, accepteront de collaborer avec la justice. Le représentant a indiqué que le Gouvernement rwandais envisage la création d'un fonds d'assistance judiciaire pour assurer la défense des prévenus et des victimes sans ressources. Le retour massif des réfugiés rwandais a eu de nombreuses incidences sur la situation des droits de l'homme dans le pays, notamment en matière de droit à la propriété, auxquelles le Gouvernement essaie de remédier. Le Gouvernement rwandais a pris des mesures pour désengorger les prisons en libérant les détenus gravement malades ainsi que ceux qui s'étaient rendus coupables de délits de droit commun mineurs.

Le représentant rwandais s'est dit surpris que le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Rwanda, présenté ce matin, mette en cause l'indépendance de la magistrature et la liberté d'expression dans le pays. Tout en affirmant que la recherche d'une solution globale aux problèmes des pays de la région des Grands Lacs constituerait une approche simpliste, le représentant a affirmé que le Rwanda n'est pas opposé à la tenue d'une conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Mais l'ordre du jour de cette conférence devrait être établi par les pays concernés, en concertation avec l'ONU et l'OUA.

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M. GODEFROID MARUME MULUME (Zaïre) a commenté les présentations des rapports sur le Rwanda, le Zaïre et le Burundi, au regard notamment de la question du manque de coopération, du blocage du processus démocratique et de certains aspects liés au conflit à l'est du Zaïre. Les faits soulignés dans les trois rapports laissent croire que la République du Zaïre est une jungle sans foi ni loi, a déploré le représentant. Le Rapporteur spécial a par ailleurs pu se déplacer librement dans le pays, ce qui contredit un prétendu manque de coopération de la part des autorités. S'agissant de la question complexe de la nationalité zaïroise, celle-ci relève de la souveraineté de chaque État, a rappelé le représentant. L'allégation selon laquelle le Zaïre créerait des apatrides est totalement fausse, même si le Rapporteur spécial semble considérer que c'est un des motifs crédibles du déclenchement de la guerre dans l'est du pays.

S'agissant des droits fondamentaux, la situation politique et économique actuelle du Zaïre rend difficile la jouissance des droits économiques, sociaux et politiques. En outre, il est difficile de réapprendre la tolérance après trente ans de parti unique, a souligné le représentant. S'agissant du conflit à l'est du Zaïre, il s'est étonné que l'on justifie la guerre par la fixation arbitraire des frontières. Concernant le retrait de la nationalité zaïroise aux «banyarwanda», il a affirmé que la loi sur la nationalité sert à tort de prétexte pour justifier la guerre. En revanche, la cause que l'on doit prendre en compte est la présence massive et prolongée de réfugiés rwandais dans cette région. Enfin, le Zaïre a toujours appuyé la tenue d'une conférence dans la région des Grands Lacs, a ajouté le représentant.

Mme CHRISTINE RUHAZA, Ministre des droits de l'homme du Burundi, a regretté que le Rapporteur spécial ait étendu son rapport à la période fin 1996 début 1997 alors que sa dernière visite dans le pays date de juillet 1996, ce qui explique pourquoi son rapport ne reflète en rien la situation sur le terrain. Elle a confirmé que son pays a besoin d'aide mais pas de rapports qui ne font que semer la confusion et entretenir le trouble. Il est inacceptable qu'un Rapporteur spécial jette de l'huile sur le feu au lieu de rapporter objectivement ce qui se passe dans un pays donné, a-t-elle déclaré.

Pour ce qui est des critiques du Rapporteur spécial sur les mesures prises par le Gouvernement quant au regroupement des populations, la représentante a indiqué que chaque État doit prendre les mesures qui s'imposent pour assurer sa stabilité et la sécurité de populations contre les exactions des milices terroristes. La représentante s'est étonnée de cette polémique car la protection de populations par déplacements ne contrevient tout d'abord en rien au droit international et répond ensuite aux nécessités imposées par leurs besoins pressants en matière de sécurité. Elle a expliqué que ces populations sont principalement des Tutsis qui vivent regroupés depuis octobre 1993 dans des camps de déplacés à cause du génocide de 1993, qui en

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font des cibles privilégiées des attaques terroristes. Ces populations sont regroupées en attendant que les conditions de sécurité leur permettent de se réinstaller ailleurs, a-t-elle ajouté tout en se disant indignée que le Rapporteur spécial propose l'arrêt de l'assistance humanitaire aux populations regroupées.

Le Ministre a rappelé que le gouvernement de transition s'est fixé pour objectif de restaurer l'autorité de l'État et d'établir le dialogue avec les factions. Elle a attiré l'attention du Rapporteur spécial sur le fait que l'embargo illégal imposé par les États voisins au Burundi n'est pas de nature à ramener la paix et constitue un obstacle à la réalisation des objectifs que s'est fixés le Gouvernement. Toute proposition de solution doit être concertée, a souligné le Ministre burundais.

M. ROBERTO GARRETÓN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Zaïre, a souhaité mettre l'accent sur deux idées principales. D'une part, il a déploré une nouvelle fois le manque de coopération des autorités, qui ne lui ont pas permis d'effectuer une visite qu'il avait demandée et qui ne lui ont pas non plus fourni de renseignement sur un certain nombre de cas. S'agissant du processus électoral, la loi sur les élections de 1996 est le seul progrès qui puisse être signalé. Il n'y a en revanche aucun progrès dans le sens de la démocratie et du respect des droits de l'homme, a estimé M. Garretón. Il n'y a notamment ni liberté d'expression, ni liberté d'association. Concernant la loi sur la nationalité, la législation nationale doit être conforme à la législation internationale, a ajouté le Rapporteur spécial.

M. RENÉ DÉGNI-SEGUÍ, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Rwanda, a commenté la déclaration faite cet après-midi par le représentant rwandais en soulignant le caractère incontestable des faits sur lesquels il s'est basé pour conclure à l'absence de liberté d'expression et d'indépendance de la justice. La réconciliation nationale au Rwanda passe par la justice, a insisté le Rapporteur spécial. Il faut donc rompre avec l'impunité qui règne tout en assurant des procès équitables. S'il est vrai qu'il ne faut pas banaliser le génocide, il ne faut pas non plus que le génocide serve de prétexte pour violer les droits de l'homme.

M. PAULO SERGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, a précisé que les remarques formulées dans son rapport portent sur 1996. Il s'est étonné que le Ministre du Burundi juge que son rapport ait été partisan alors que le Burundi l'a jugé impartial pour ce qui concerne les effets néfastes de l'embargo qui lui est imposé. Je suis partisan, mais seulement des victimes, a-t-il affirmé. Il a précisé qu'il n'a jamais proposé d'interrompre l'aide humanitaire en faveur des personnes regroupées mais qu'il a juste souligné à quel point il était inadéquat de

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maintenir cette politique de regroupement ainsi que les dilemmes éthiques et moraux que cette question pose à la communauté internationale. M. Pinheiro a estimé que les remarques du Ministre du Burundi relèvent d'une lecture biaisée de son rapport.

Débat sur la question de la violation des droits de l'homme partout dans le monde

M. STANISLAU AGURTSOU (Bélarus) a jugé qu'aucun pays ne peut aujourd'hui raisonnablement prétendre respecter pleinement les droits de l'homme ni s'être doté de toutes les normes voulues en matière de droits de l'homme. Le Bélarus est convaincu que ce n'est que par le dialogue constructif et la coopération étroite entre États que l'on parviendra à progresser sur la question des droits de l'homme. Il a rappelé que son pays s'est engagé dans une phase de transition politique et économique car il estime que la démocratie est une condition fondamentale au plein respect des droits de l'homme et au développement durable. Le représentant a souligné que son pays ne connaît pas de conflits pour des raisons ethniques ou religieuses, ce qui constitue une particularité dans les régimes post-soviétiques. Il a par ailleurs invité le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression et d'opinion à se rendre dans le pays du 28 mai au 1er juin prochains.

Évoquant l'importance des accords régionaux pour la promotion et le respect des droits de l'homme, le représentant a estimé que le rapprochement politique entre le Bélarus et la Fédération de Russie, qui a pris la forme d'une union signée il y a peu par les présidents des deux pays, aura un effet positif sur le respect des droits de l'homme. Il a en effet expliqué que le but de l'intégration étroite entre le Bélarus et la Fédération de Russie est de renforcer le niveau de vie des peuples ainsi que leur développement économique et social en mettant en commun leur potentiel humain et matériel.

M. PETER VAN WULFFTEN PALTHE (Pays-Bas, au nom de l'Union européenne et des États associés d'Europe centrale et orientale, ainsi que de Chypre) a affirmé que les États devaient être tenus pour responsables de l'application et du respect des droits de l'homme. «Nous répudions et nous ne tolérerons pas les activités, dans nos propres pays, qui entravent la pleine jouissance des droits de l'homme», a-t-il assuré. M. van Wulfften Palthe a indiqué que l'Union européenne ne traitera pas ici des situations au Myanmar, au Timor oriental, en Iran, en Iraq, au Nigéria, au Zaïre ni de la question des colonies de peuplement dans les territoires arabes occupés, sujets sur lesquels elle prendra des initiatives au cours de la présente session de la Commission en présentant les projets de résolution appropriés.

L'Union européenne est gravement préoccupée par la persistance des violations massives des droits de l'homme dans la région africaine des Grands Lacs, au Burundi, au Rwanda et dans l'est du Zaïre. La sécurité et

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la dignité des réfugiés qui retournent dans leur pays doit être assurée dans la région. Tous les pays de la région devraient collaborer avec le HCR et toutes les parties devraient s'abstenir d'utiliser les camps de réfugiés dans des buts politiques. Une conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs, traitant des problèmes de la région dans leur globalité, doit être convoquée de toute urgence, sous les auspices de l'ONU et de l'OUA. Au Rwanda, l'Union européenne est vivement préoccupée par la manière dont sont conduits les premiers procès pour génocide. Aussi, souligne-t-elle que les normes internationalement reconnues doivent être pleinement respectées en matière d'application de la peine de mort. La peine capitale doit en effet être appliquée avec la plus grande retenue. Au Burundi, la situation se détériore gravement. Il y est fait état de massacres de réfugiés retournant dans le pays de la part de l'armée burundaise et de massacres perpétrés par des groupes rebelles. Le Burundi doit donc rétablir l'Assemblée nationale et lever l'interdiction qui frappe tous les partis politiques.

D'autre part, l'Union européenne se déclare fortement préoccupée par les violations des droits de l'homme qui persistent dans divers pays issus de l'ex-Yougoslavie, à savoir la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Toutes les autorités compétentes dans ces pays devraient respecter leur obligation de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Ils devraient faire tout leur possible pour échanger des informations sur les personnes disparues. En Bosnie-Herzégovine, l'Union européenne se réjouit des progrès enregistrés jusqu'à présent dans l'application de l'accord cadre général. Toutefois, la situation générale des droits de l'homme laisse à désirer, en particulier dans les zones dominées par les Serbes et les Croates. À cet égard, la situation dans la République Srpska pourrait judicieusement bénéficier de l'institution d'un ombudsman indépendant. L'Union européenne rappelle que son assistance en faveur de la reconstruction économique est étroitement liée au respect des Accords de paix, dont la coopération avec le Tribunal est une partie essentielle. S'agissant de la Croatie, la situation de la minorité serbe, particulièrement dans les anciens secteurs nord et sud, continue de préoccuper l'Union européenne. la Croatie devrait faire davantage pour faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées, particulièrement en ce qui concerne les Serbes croates qui se trouvent actuellement hors du pays.

En Afghanistan, persistent de sérieuses violations des droits de l'homme et entraves au droit humanitaire. À cet égard, l'Union européenne est particulièrement préoccupée par la détérioration de la situation des femmes et des fillettes, surtout dans les zones contrôlées par les taliban. Toutes les parties devraient cesser les hostilités et s'engager dans un dialogue destiné à établir un gouvernement représentant les divers groupes ethniques et religieux du pays.

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S'agissant du Soudan, où se poursuivent les bombardements aériens, les exécutions sommaires, les pratiques esclavagistes et la discrimination ethnique et religieuse, l'Union européenne déplore que les autorités soudanaises n'enquêtent pas sur les violations de droits de l'homme dans le pays. Toutes les parties au conflit au Soudan devraient respecter ces droits et le droit humanitaire. Par ailleurs, l'Union européenne est particulièrement préoccupée par les attaques terroristes répétées dont est victime la population civile en Algérie. Elle encourage le Gouvernement algérien à développer davantage le processus démocratique et à favoriser la stabilité et la paix dans le pays. Jugeant encourageant le retour du processus de paix au Libéria, l'Union européenne rappelle que les Accords de paix d'Abuja II devraient être strictement appliqués. Ceux qui font obstruction à l'application de ces accords devraient être sanctionnés. S'agissant de l'Angola, l'Union européenne demande aux deux parties d'appliquer sans délai les clauses politiques et militaires restantes du processus de paix. L'Union européenne est par ailleurs préoccupée par la poursuite de violations des droits de l'homme en Somalie, particulièrement en ce qui concerne la discrimination dont sont l'objet les femmes et les fillettes, victimes notamment de mutilations génitales. Toutes les parties au processus de paix en Somalie devraient oeuvrer en faveur de la réconciliation nationale.

S'agissant de la Tchétchénie, l'Union européenne espère que les résultats des élections présidentielles et parlementaires qui se sont déroulées le 27 janvier dernier renforceront le cadre démocratique nécessaire pour parvenir à une solution globale du conflit. L'Union européenne exhorte toutes les parties au conflit tchétchène à libérer les prisonniers restants et à résoudre les cas de personnes disparues. D'autre part, l'Union européenne se réjouit de la stabilité politique croissante depuis les élections au Cachemire et prend note avec satisfaction des initiatives indiennes visant à prévenir les violations des droits de l'homme, tout en se déclarant préoccupée par la persistance de ces violations. L'Union européenne demande au Gouvernement pakistanais de prendre les mesures nécessaires afin d'empêcher les infiltrations armées à partir des zones sous son contrôle. Il faut néanmoins se réjouir de la reprise des pourparlers sur les questions bilatérales entre les gouvernements de l'Inde et du Pakistan. L'Union européenne demande par ailleurs aux gouvernements du Népal et du Bhoutan de trouver une solution juste et durable au problème des réfugiés bhoutanais qui se trouvent actuellement dans des camps du HCR au Népal. L'Union européenne se réjouit du départ des mercenaires de Papouasie-Nouvelle-Guinée et espère que le Gouvernement de ce pays saisira la chance qui s'offre ainsi de rechercher un règlement pacifique négocié pour Bougainville.

S'agissant du Guatemala, l'Union européenne espère que les efforts du Gouvernement de ce pays et de la communauté internationale réduiront le niveau des violations des droits de l'homme. En outre, l'Union européenne est

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convaincue que le statu quo à Chypre est inacceptable. Les tensions intercommunautaires qui ont surgi l'an dernier ont montré qu'il était urgent d'intensifier les efforts visant à promouvoir une solution juste et fiable basée sur une fédération «bizonale et bi-communautaire» conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

L'Union européenne prend note des intentions exprimées par la Chine qui considère positivement d'accéder au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Des progrès en matière de pratique juridique doivent également être soulignés. Toutefois, cela n'est pas suffisant. En effet, le système de rééducation par le travail forcé et l'utilisation excessive de la peine capitale en Chine constituent d'importants sujets de préoccupations, à l'instar des conditions de détention dans le pays et de la situation des droits de l'homme au Tibet. L'Union européenne a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de poursuivre ses efforts en faveur d'un dialogue constructif avec la Chine en matière de droits de l'homme et demande donc au Gouvernement chinois de se joindre à elle dans cet effort.

Par ailleurs, l'Union européenne se déclare profondément préoccupé par le nombre de prisonniers politiques et de prisonniers de conscience en République populaire démocratique de Corée où persiste en outre la pratique de la rééducation par le travail forcé. L'Union européenne regrette que l'accès des ONG et des experts internationaux à ce pays soit sévèrement restreint. À Cuba, le droit à la liberté d'expression et d'association est violé. La détention et le harcèlement des membres des groupes qui cherchent à promouvoir et à protéger les droits de l'homme devraient absolument cesser sur l'île. L'Union européenne demande à Cuba d'entamer un dialogue avec les représentants de ces groupes et de relâcher sans condition les prisonniers politiques. La situation des droits de l'homme en Arabie saoudite, où la justice est mal administrée et où des prisonniers sont torturés ou détenus sans jugement, est un sujet de grave préoccupation pour l'Union européenne. Le traitement des prisonniers est également un sujet d'inquiétude en Syrie, pays dont la situation des droits de l'homme reste préoccupante. L'Union européenne demande par ailleurs au Niger de modérer son attitude à l'égard de l'opposition. S'agissant du Tchad, où des progrès ont été enregistrés sur la voie de la transition démocratique mais où l'on signale notamment des arrestations arbitraires et des exécutions extrajudiciaires, l'Union européenne demande au Gouvernement et aux forces rebelles de respecter les droits de l'homme.

Exhortant aussi tous les gouvernements démocratiques à respecter les droits de l'homme, l'Union européenne souligne qu'en dépit des bonnes intentions affichées par le Gouvernement turc, la situation des droits de l'homme en Turquie reste préoccupante, particulièrement en ce qui concerne

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l'impunité dont bénéficie le personnel de l'armée et de la police qui se rend coupable de violations des droits de l'homme. Tout en réitérant sa condamnation du terrorisme et en soutenant l'intégrité territoriale de la Turquie, l'Union européenne rappelle que toutes les actions entreprises par la Turquie pour défendre ses citoyens doivent respecter les droits de l'homme.

Les préoccupations de l'Union européenne concernant la situation des droits de l'homme en République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sont particulièrement pertinentes en ce qui concerne le Kosovo. Ainsi, l'Union européenne demande que soient appliquées les recommandations du Représentant du Président en exercice de l'OSCE, notamment pour ce qui est de la liberté de la presse, de l'indépendance du judiciaire, de la révision du système politique et économique et de la nécessité d'ouvrir un dialogue avec l'opposition sur la question du processus de démocratisation. L'Union européenne reste également préoccupée par la situation des droits de l'homme en Indonésie, s'agissant notamment des tentatives visant à entraver les activités des groupes politiques, des syndicats et des médias. En Guinée équatoriale, la persistance de violations systématiques des droits de l'homme reste préoccupante. L' Union européenne reste également préoccupée par la situation des droits de l'homme en Colombie, qui s'est détériorée depuis l'an dernier. L'engagement des autorités colombiennes est nécessaire pour réduire le niveau d'impunité qui règne dans le pays. L'Union européenne reste préoccupée par l'existence continue des juges sans visage au Pérou, pays dont la situation des prisons est préoccupante. L'Union européenne condamne les attaques perpétrées par le LTTE au Sri Lanka tout en se déclarant préoccupée des rapports faisant état de violations des droits de l'homme de la part de l'armée dans le nord et l'est de l'île.

L'Union européenne regrette par ailleurs la détérioration de la situation des droits de l'homme au Bélarus où le référendum organisé en novembre 1996 et la nouvelle constitution n'ont pas donné naissance à l'application de normes démocratiques. Le Gouvernement de ce pays doit assurer la liberté des médias et l'indépendance de la justice. D'autre part, le fonctionnement du système judiciaire et des services de police ainsi que les conditions pénitentiaires sont préoccupantes au Kenya. Enfin, l'Union européenne se déclare préoccupée des récentes indications fournies par la Chine selon laquelle ce pays envisagerait d'affaiblir la protection juridique des libertés civiles à Hongkong. Elle demande donc au Gouvernement chinois et au futur Gouvernement de la région administrative spéciale de Hongkong de s'assurer qu'il n'y ait pas d'érosion des droits et libertés dont jouit actuellement la population de Hongkong.

M. WU JIANMIN (Chine) a déclaré que l'examen de la situation des droits de l'homme par pays à la Commission est devenu une question fortement politisée et conflictuelle. Cette situation est due à la confrontation

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Nord-Sud, provoquée par le Nord et imposée aux pays du Sud. Les pays du Nord n'ont pas compétence pour juger des droits de l'homme dans les pays en développement, a estimé le représentant. En effet, les pays développés ont maintes fois violé les droits de l'homme, notamment à l'ère industrielle et lors de la colonisation, et sont actuellement responsables de beaucoup de problèmes de droits de l'homme, comme la faim, la pauvreté et le racisme. Le représentant de la Chine a attribué trois raisons au maintien de la confrontation par les pays du Nord : la volonté de raviver le rêve colonialiste, de détourner l'attention de leurs propre problèmes, comme le racisme, la discrimination des femmes, la xénophobie et les violations des droits des travailleurs migrants, et de jeter le blâme sur les autres, surtout en ce qui concerne le trafic de drogue. Afin de mettre un terme à la confrontation, la Chine propose que la Commission encourage la démocratie, la coopération et le dialogue et qu'elle s'oppose à l'imposition de leur point de vue par quelques pays développés. Elle devrait également adhérer au principe de l'égalité et du respect mutuel et s'opposer à la pratique consistant à opprimer les faibles.

M. MOUNIR ZAHRAN (Égypte) a refusé la sélectivité et le double langage en matière de droits de l'homme et l'invocation des droits de l'homme pour justifier une ingérence dans les affaires intérieures des États. Sur la situation au Moyen-Orient, M. Zahran a souhaité une reprise du processus de paix sur la base des Accords de Madrid et du principe de Terre contre Paix. Le représentant a également espéré que la mise en oeuvre des Accords de Dayton permettra de mettre un terme à la haine ethnique et raciale en Bosnie-Herzégovine. Il a jugé indispensable que la situation se stabilise et que cessent les tentatives de démembrement de cet État. Il faut lui permettre de constituer son armée nationale et de faire face aux menaces extérieures, a- t-il estimé. L'Égypte appelle en outre tous les États à collaborer avec le TPI pour l'ex-Yougoslavie de manière à ce que soient jugés tous ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité et que l'on cesse de parler des droits de l'homme de façon théorique.

Le représentant égyptien s'est par ailleurs dit préoccupé par la dégradation de la situation dans la région des Grands Lacs. Il a estimé urgent que ceux qui se sont livrés à des exactions graves et à des violations des droits de l'homme soient jugés par le Tribunal pénal international d'Arusha et a affirmé que cela seul permettra d'éviter qu'une telle tragédie ne se reproduise. Le représentant a indiqué que l'Égypte est opposée à toute intervention étrangère au Zaïre ainsi qu'à la participation de milices étrangères au conflit.

M. AMINE EL KHAZEN (Liban) a déclaré que la situation des droits de l'homme au Sud-Liban et dans la Bekaa Ouest mérite une attention particulière à cause de l'occupation par Israël depuis 1978 d'une grande partie de cette région du territoire libanais. Cette occupation constitue une violation

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flagrante des lois internationales et des résolutions du Conseil de sécurité, a souligné le représentant. Les forces d'occupation israéliennes ont notamment ouvert une série de centres de détention dans la zone occupée du Sud-Liban et soumettent les détenus aux pires formes de tortures physiques et morales. L'occupation persistante d'Israël est la cause principale de la tension permanente dans la région, a déclaré le représentant. Le Liban réitère son appui aux objectifs de la conférence de Madrid en vue de réaliser une paix juste, globale et permanente dans la région. Le représentant a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle adopte des mesures efficaces, concrètes et réalistes afin de mettre rapidement un terme à la politique israélienne d'occupation, d'oppression et de répression et de l'obliger à retirer ses troupes du Liban sans aucune condition, à libérer tous les détenus, à élucider le sort des personnes disparues et à cesser tous les actes qui violent les droits de l'homme.

Droit de réponse

Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a répondu à la déclaration de l'Union européenne en réfutant catégoriquement les allégations selon lesquelles son pays connaît une mauvaise situation des droits de l'homme. Il a rappelé que l'Union européenne nomme son pays depuis 1993, lorsqu'elle a lancé sa campagne sur la prétendue question nucléaire. L'accusation aveugle et stéréotypée contre la République populaire démocratique de Corée se poursuit donc encore cette année. Si l'Union européenne s'attend à pouvoir changer quelque chose en République populaire démocratique de Corée en exerçant des pressions, elle ferait bien d'abandonner. Seul le peuple coréen a le droit et la capacité de réunifier la péninsule. Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a conseillé à l'Union européenne de se servir de son large potentiel pour fournir logements, emplois et éducation à sa population qui en a grandement besoin.

Le représentant de l'Algérie a répondu au représentant des Pays-Bas que tous les processus électoraux, élections présidentielles, législatives et bientôt locales qui ont eu lieu en Algérie ont été le fruit de la seule volonté du peuple algérien, sous contrôle des Nations Unies, de l'OUA et de la Ligue des États arabes. L'Algérie continuera à construire l'État de droit mais attend que l'Union européenne lève toute ambiguïté sémantique sur la violence terroriste. Il a indiqué que beaucoup de pays européens constituent, au grand jour, des bases arrières et logistiques du terrorisme. Ne pas combattre le trafic d'armes ou tolérer des réseaux terroristes serait rompre avec le devoir de solidarité méditerranéenne, a-t-il dit. Il a souligné que de nombreux appels au meurtre ont été lancés de plusieurs capitales européennes qui ont été tolérés sous le prétexte qu'ils n'ont pas été suivis de passages à l'acte.

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Déclaration au titre de la question de l'organisation des travaux de la session

M. BERNARD A.B. GOONETILLEKE (Sri Lanka) a rappelé que le Sri Lanka a présenté un projet de décision L.2 concernant l'organisation des travaux de la Commission et a regretté que rien n'ait été fait pour apporter des réponses aux questions posées en ce qui concerne le fonctionnement de la Commission depuis le début de cette session. S'agissant notamment de la gestion du temps, le représentant a suggéré que l'on suive la pratique de la Sous- commission en accordant en priorité la parole aux membres et aux observateurs. Il a demandé au Président de la Commission de s'enquérir de la procédure qui a permis à un orateur, le Révérend Emmanuel, de Jaffna, de s'exprimer au nom de l'organisation non gouvernementale Bureau international de la paix, pour laquelle il n'était pas accrédité.

Rectificatif :

Dans notre communiqué de presse (DH/G/512) du 7 avril, le nom de l'orateur intervenant au nom de Pax Cristi international, au deuxième paragraphe de la page 15, aurait dû se lire comme suit :

Mme AMINA NASIR (Pax Christi international) a estimé que les cas les plus célèbres de violences inter-ethniques à l'origine de déplacements massifs de populations se produisent dans la région des Grands Lacs, en Afrique. La situation des réfugiés rwandais au Zaïre, en Tanzanie et au Burundi est très préoccupante, a dit la représentante qui a jugé que le manque de sécurité, les violations des droits de l'homme, la persistance de menaces et la présence de mines ne peuvent inciter les réfugiés à revenir chez eux. Elle a souhaité que lorsque l'on parle de violations des droits de l'homme, l'on évoque également les violences causées en raison du sexe, notamment le viol et l'esclavage sexuel en échange de nourriture, ainsi que les détentions arbitraires et l'enrôlement de force des enfants dans les armées.

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