DH/G/508

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DES QUESTIONS SE RAPPORTANT AUX POPULATIONS AUTOCHTONES

10 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/508


LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DES QUESTIONS SE RAPPORTANT AUX POPULATIONS AUTOCHTONES

19970410 Elle achève son débat sur les violations des droits des personnes détenues ou emprisonnées

Genève, le 1er avril -- La Commission des droits de l'homme a entamé, dans la soirée, l'examen des questions se rapportant aux populations autochtones. M. José Urrutia a présenté le rapport du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones. Il a souligné qu'une déclaration concernant les populations autochtones doit essentiellement refléter leurs préoccupations et qu'ils doivent contribuer à son élaboration. Il faut recourir à l'imagination et à l'esprit d'ouverture des participants au Groupe de travail pour entamer les négociations sur le fond. M. Urrutia a souhaité que l'on puisse adopter un texte par consensus.

Les représentants des pays suivants ont fait valoir leurs positions sur ce point : Ukraine, Danemark (au nom des pays Nordiques), Chili, Fédération de Russie, Chine, Bangladesh, Nouvelle-Zélande, Pérou, Suisse, Estonie, Espagne, Australie et Malaisie.

La Commission a également entendu les représentants des organisations non gouvernementales suivantes : Indigenous World Association, Indian Law Resource Center, Assemblée permanente pour les droits de l'homme, Asian Cultural Forum on development, Ligue internationale des droits de l'homme, World Council of Churches, Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement, Association américaine de juristes, Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques, Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, Inuit Circumpolar Conference, International Work Group for Indigenous Affairs et Organisation internationale de développement des ressources indigènes.

La plupart des représentants d'États qui se sont exprimés cet après-midi sur ce sujet ont souhaité que l'on définisse avec soin le terme de populations autochtones ainsi que la portée exacte de la Déclaration. De nombreux intervenants ont plaidé en faveur d'une participation étroite des populations autochtones au processus d'élaboration du projet de Déclaration.

Les organisations non gouvernementales ont été nombreuses à souhaiter que l'on progresse dans la voie de la création d'une instance permanente des populations autochtones. Certaines délégations ont souhaité que cette instance relève de l'autorité du Conseil économique et social et qu'elle traite des questions de droits de l'homme, de santé, d'environnement, de culture et de développement concernant les autochtones.

La Commission avait auparavant achevé son débat sur la question de la violation des droits des personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. Le représentant de la République islamique d'Iran, ainsi que des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus: Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, Association africaine de l'éducation pour le développement, Conseil international des Traités indiens, Société mondiale de victimologie, Fédération mondiale de la jeunesse démocratique et Mouvement international des faucons.

Les représentants des pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Éthiopie, Philippines, Chine, Chili, Bahreïn, Malaisie, Tunisie, Turquie, Maroc, Népal, Cuba, Myanmar et Iraq. L'observateur de la Palestine est également intervenu dans l'exercice de son droit de réponse.

M. Louis Joinet, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a fait part de ses observations sur les interventions qui ont été faites au sujet du rapport du Groupe de travail. Il a notamment précisé que le Groupe de travail s'estime, habilité à traiter de cas de personnes condamnées par un tribunal militaire, car l'examen de la procédure appliquée dans de tels cas a permis de mettre à jour non pas de simples irrégularités ou le non-respect de certaines règles de droit, mais des violations de ce droit d'une telle gravité qu'elles confèrent à la privation de liberté qui en résulte un caractère arbitraire. Par ailleurs, afin de prouver qu'il ne se considère pas comme une juridiction supranationale, le Groupe a décidé de ne plus parler de «décisions» mais d'«avis» et d'examiner de manière plus équilibrée les communications dont il est saisi lorsqu'ont été prononcées des condamnations à des peines d'emprisonnement fermes et définitives.

La Commission poursuivra son échange de vues sur les populations autochtones demain matin, à partir de 10 heures. Elle entendra également le Ministre des droits de l'homme du Guatemala, le Ministre de la justice et des droits de l'homme du Togo, ainsi que le Ministre des affaires étrangères de l'ex-République yougoslave de Macédoine et le Ministre des affaires étrangères de Lettonie.

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Débat sur la question de la violation des droits de l'homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement

M. MOSTAPHA ALAEE (République islamique d'Iran) a déclaré que, sans le droit à la liberté d'expression et d'opinion, la société devient un instrument du totalitarisme. Toutefois, la portée et les limites de ce droit sont liées à des notions contradictoires, à savoir le droit individuel à la liberté d'expression, d'une part, et les intérêts de la société au sens large, d'autre part. Au cours des dernières décennies, la liberté d'expression a été utilisée pour atteindre des objectifs politiques immédiats et illégitimes. Certaines sociétés ont négligé la préservation des valeurs morales et des normes qui constituent les piliers de la société humaine. Les services et réseaux de télécommunications, tels que la télévision et la radio, deviennent de moins en moins nationaux et donc de plus en plus globaux par nature. L'accès à des matériels racistes, xénophobes et pornographiques devient chaque jour plus aisé. C'est pourquoi il convient d'identifier et de prendre rapidement des mesures destinées à protéger l'intérêt public. Ces mesures devront être globales et inclure la responsabilité des différents acteurs, du créateur des programmes à l'utilisateur, ainsi que l'auto-régulation des médias. La Commission devrait donc analyser la situation afin, d'une part, d'assurer l'utilisation responsable des nouveaux services audiovisuels, y compris Internet, et, d'autre part, de contrôler la dissémination des informations dont le contenu est offensant pour la dignité humaine.

M. AHMED KHENNICHE, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, a attiré l'attention de la Commission sur un mouvement de femmes et de mères de disparus né il y a deux ans à Istanbul à la suite de la disparition du journaliste Hasan Ocak. Il a ensuite laissé la parole à un témoin, M. Hedayat Matindaftari, qui a dénoncé les lois iraniennes qui prescrivent des traitements inhumains, cruels et dégradants. Il a rappelé à cet égard le sort de certains dissidents accusés d'espionnage par le Gouvernement iranien. La situation en Iran est grave et la communauté internationale doit réagir, a estimé l'intervenant.

Mme GHENNET GIRMA, Association africaine d'éducation pour le développement, a déploré le double langage que tiennent certains États. Les États-Unis ont fustigé ce matin Cuba et la Chine alors qu'ils protègent d'autres pays où la détention arbitraire, les exécutions extrajudiciaires et la torture sont pratique courante, a-t-elle dit. Elle a en outre fait valoir que les femmes sont souvent au premier rang de la lutte contre les disparitions forcées.

Mme ROSEANNE OLGUIN, Conseil international de Traités indiens, a attiré l'attention de la Commission sur le sort des autochtones emprisonnés pour avoir défendu leurs droits et leurs valeurs culturelles. Elle a dénoncé la torture dont les Tamouls sont victimes durant leur détention au Sri Lanka,

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soulignant que ce phénomène est devenu endémique et mérite donc une attention particulière. Elle a exhorté le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur la torture à se rendre sur l'île. Elle a également souhaité que soit enfin autorisée la visite au Sri Lanka du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires. Elle a demandé au Gouvernement sri-lankais de présenter son premier rapport au Comité contre la torture. L'orateur a par ailleurs attiré l'attention sur les problèmes auxquels sont confrontées, depuis des décennies, les autochtones aux Etats-Unis, qui ne peuvent librement exercer leur culte traditionnel. Elle a exhorté la Commission à intervenir directement auprès du Président des Etats-Unis au sujet de M. Leonard Peltier, injustement incarcéré depuis 22 ans, et des prisonniers autochtones, afin que soient renforcées et appliquées les mesures fédérales de protection des autochtones.

M. SYED NAZIR GILANI, Société mondiale de victimologie, a déclaré que la question de la torture et des disparitions au Cachemire mérite une attention particulière de la part de la Commission. Il a souligné que le nombre de personnes tuées sous la torture a pris des proportions effrayantes. Il a lancé un appel aux organisations non gouvernementales pour qu'elles combattent ces pratiques. En attendant une résolution du conflit au Jammu-et-Cachemire, il faut soustraire la population à de tels traitements. À cette fin, le représentant a demandé que les mécanismes des Nations Unies portent leur attention à cette question et souhaité la mobilisation des organisations gouvernementales et non gouvernementales.

M. ABDELBAGI GEBRIEL, Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, a rappelé que la Commission des droits de l'homme a adopté l'année dernière, par consensus, une résolution sur la situation des droits de l'homme au Nigéria en tenant compte de l'engagement pris par le Nigéria d'améliorer la situation des droits de l'homme sur le territoire, notamment en ce qui concerne la population ogonie. Or, depuis lors, le Nigéria a ignoré l'esprit et la lettre de ce texte et a emprisonné davantage de personnes pour des motifs politiques qu'elle n'en n'a libéré. Quarante personnes auraient été emprisonnées après le coup d'État manqué de 1994. Le Nigéria a même invoqué un grand nombre de difficultés administratives afin d'entraver la Mission menée conjointement par le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur les exécutions arbitraires. Le représentant a également dénoncé les détentions effectués pour délits politiques et les tortures en cours de détention au Soudan. En Turquie, la torture est encore pratiquée, surtout contre les Kurdes. Au Bahreïn, des informations font état de tortures et de décès en cours de détention.

M. HAMID REZA ESHAGHI, Mouvement international des faucons, a souligné que l'appareil judiciaire est un «thermomètre du respect des droits de l'homme». À cet égard, il a attiré l'attention de la Commission sur la situation en Iran, qu'il a qualifié de «grand laboratoire de violation des

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droits de l'homme». Ainsi, l'indépendance de la justice en Iran a été le premier principe sacrifié au profit du pouvoir politique. Désormais, est condamnée à mort toute personne qui mettrait à la disposition d'étrangers et de l'opposition iranienne des informations confidentielles, même dans le domaine social. L'objectif poursuivi dans l'application de la plupart des peines, même lorsqu'il s'agit de délits de droit commun, n'est autre que la répression sociale. Au cours des deux premières semaines de la présente session de la Commission, 22 exécutions publiques ont eu lieu dans différentes villes. En adoptant une nouvelle résolution pour condamner fermement ces violations des droits de l'homme, la Commission doit se montrer encore plus déterminée vis-à-vis de ce «régime moyenâgeux».

M. LOUIS JOINET, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a présenté ses observations finales sur le débat relatif aux droits des personnes soumises à la détention. Pour ce qui est de la question de savoir si le Groupe de travail s'estime habilité à traiter de cas de personnes condamnées par un tribunal militaire, dans un procès à huis-clos, par exemple, M. Joinet a indiqué qu'en effet le Groupe a estimé devoir répondre que oui. L'examen de la procédure appliquée dans de tels cas a permis de mettre à jour non pas de simples irrégularités ou le non-respect de certaines règles de droit, mais des violations de ce droit d'une telle gravité qu'elles confèrent à la privation de liberté qui en résulte un caractère arbitraire, a-t-il dit.

Pour ce qui est de la composition collégiale du Groupe de travail, le Président-Rapporteur a rappelé que la Commission avait opté pour cette formule au motif que le mandat du Groupe portait essentiellement sur les questions de légalité et qu'elle avait jugé indispensable qu'il puisse être tenu compte de la spécificité des systèmes juridiques grâce à une représentation géographique équitable. En outre, pour toutes les visites sur le terrain, qui nécessitent de une à deux années de concertation, la mission du Groupe intègre toujours un membre qui est originaire de la région. Quant à la durée du mandat du Groupe, M. Joinet a estimé que si l'on abaissait la durée du mandat de trois ans à 180 jours, cela compromettrait le sérieux du travail et les efforts de suivi. La continuité est gage de sérieux et d'indépendance, a-t-il dit.

Droit de réponse

Le représentant de l'Éthiopie a estimé qu'il est inacceptable que la Commission ait entendu une fois de plus la «litanie de mensonges du Mouvement international pour l'union fraternelle entre les races et les peuples». Il a indiqué que l'orateur représente une organisation politique qui s'est auto- proclamée «Conseil éthiopien des droits de l'homme». Le Gouvernement a rappelé qu'il n'a rien à voir avec les problèmes internes de la Confédération des syndicats et de l'Association des enseignants. Le représentant a fait valoir qu'il existe actuellement 64 partis politiques, dont 7 au niveau

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national et les autres au niveau régional. Il a qualifié de désinformation délibérée les allégations concernant la redistribution des terres. En fait, la redistribution des terres a été décidée par le Parlement régional conformément à la Constitution. Des étudiants mécontents ont manifesté au lieu d'exercer un recours. Les étudiants arrêtés lors de cette manifestation ont été libérés, a ajouté le représentant. Il s'est indigné que l'organisation non gouvernementale précitée continue de jouir de son statut d'observateur auprès de la Commission.

Le représentant des Philippines a exprimé son désaccord avec certaines parties du rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées concernant son pays. S'agissant du travailleur de santé qui aurait disparu deux jours après avoir participé à une réunion d'organisations non gouvernementales locales à Mindanao, il a indiqué que la Commission philippine des droits de l'homme a enquêté sur ce cas depuis 1995 et a récemment conclu que sa disparition ne peut être imputée avec certitude à un membre de l'armée philippine. Au cours de l'enquête, la Commission philippine n'a pas pu déterminer la cause de la disparition car elle s'est trouvée confrontée à des théories contradictoires. Le représentant des Philippines a assuré que son Gouvernement n'est pas sourd aux demandes de justice des familles des personnes disparues, comme en témoigne notamment l'établissement d'une Commission indépendante des droits de l'homme. Si les auteurs des disparitions n'ont pu être traduits devant les tribunaux, c'est parce que les témoins ont manqué. Le Département de la justice et la Commission des droits de l'homme philippine ont mis en oeuvre un programme de protection des témoins pour pallier à ce problème.

La représentante de la Chine a rappelé que, le 27 mars dernier, une personne s'est exprimée au nom du Parti radical et a prétendu être la soeur de Wei Jingsheng, qui aurait été condamné pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression. La représentante a indiqué que personne en Chine n'est emprisonné pour avoir dit ce qu'il ou elle pensait. Wei Jingsheng a enfreint le code pénal chinois et un tribunal a conclu que ses activités constituaient un complot contre l'État. Ce matin, une autre organisation a présenté un tissu de mensonges à la Commission qui ne valent pas la peine d'être relevés, a dit la représentante. Elle a rappelé que cette Commission est une instance solennelle qui ne se prête pas à la diffusion de rumeurs et qu'elle ne doit pas servir de tribune pour des tentatives de déstabilisation.

La représentante du Chili a rappelé que le Gouvernement chilien a déjà condamné le crime commis par des agents de l'État chilien durant la période de dictature militaire contre M. Carmelo Soria. Elle a rappelé que les gouvernements chiliens démocratiques ont fait tout leur possible pour éclaircir les violations des droits de l'homme et obtenir le châtiment des coupables tout en indemnisant les victimes. La Cour suprême du Chili,

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en application d'un décret d'amnistie, a définitivement jugé cette affaire pour laquelle il n'existe donc plus aucun moyen de recours. Le Gouvernement chilien ne peut que s'incliner devant cette décision de la Cour suprême qu'il a néanmoins déplorée. Il a donc proposé à la famille de M. Soria et au Gouvernement espagnol de faire une déclaration officielle par laquelle, entre autres, il réitérerait la reconnaissance de la responsabilité d'agents de l'État chilien dans le crime commis contre M. Soria. Le Gouvernement chilien déciderait alors de créer une fondation à laquelle serait affecté un fonds volontaire pour ériger un monument commémoratif sur un lieu symbolique tel que celui de la disparition de M. Soria.

Le représentant du Bahreïn a déclaré que certaines organisations non gouvernementales ont mentionné le Bahreïn en présentant des informations inexactes. Tous ceux qui ont enfreint la loi notamment par la force ou le terrorisme, qui ont tué des innocents, jouissent de tous leurs droits, y compris du droit d'être représentés par un avocat, sans pression ni coercition, a précisé le représentant. Les procès ont lieu en présence de la défense et des membres de la famille. Par ailleurs, il a rappelé que le Bahreïn a signé un mémorandum d'entente avec le Comité international de la Croix-Rouge concernant les visites aux détenus. Le Bahreïn condamne le terrorisme de groupes qui jouissent d'une aide reçue de l'étranger, a ajouté le représentant.

Le représentant de la Malaisie a indiqué que le procès qui a été intenté contre le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats a été l'initiative d'un citoyen privé qui a estimé être victime de diffamation. La Malaisie n'est pas partie à ce procès et ne peut aucunement influer ou intervenir. La Malaisie a toujours été un membre responsable de la communauté internationale et respectera donc toutes ses obligations en matière de droit international et de droits et immunités diplomatiques.

Le représentant de la Tunisie a souligné que la décennie 1987-1997 a été marquée dans son pays par la mise en oeuvre de profondes réformes dans tous les secteurs de la vie publique. Le multipartisme et le pluralisme se sont renforcés; la démocratie s'est ancrée. Les acquis sociaux ont été consolidés. Ainsi, le revenu moyen par habitant a été multiplié par cinq en termes réels depuis 1960. Le représentant tunisien a estimé que la défense des droits de l'homme n'a pas été le motif qui a animé une organisation non gouvernementale lorsqu'elle s'est référée à la situation des droits de l'homme en Tunisie sur la base de préjugés et de données infondées. Prochainement, un projet de loi sera soumis à la Chambre des députés afin de renforcer la représentativité des partis politiques au sein de la Chambre des députés et des conseils municipaux. Suite à la visite qu'a effectuée le Chef de l'État tunisien à la prison civile de Tunis, le Président du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'est vu conférer le mandat d'effectuer inopinément et sans autorisation préalable des visites d'inspection dans les prisons.

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Le représentant de la Turquie a dénoncé «la tirade» du représentant de l'Union européenne contre son pays, mercredi dernier. Aucun des pays membres de l'Union n'a jamais révélé les violations sérieuses des droits de l'homme perpétrées sur le territoire de l'Union, a-t-il dit. La Turquie, pour sa part, croit dans les vertus de l'autocritique et s'efforce de consolider la démocratie et le respect des droits de l'homme. Il a demandé ce que l'Union pense de l'un de ses pays membres qui a adopté une loi sur la citoyenneté qui contient des dispositions racistes. Il a rappelé que l'objectif de la Commission est de promouvoir les droits de l'homme partout dans le monde ainsi que la coopération entre les États et non de favoriser des approches politiquement sélectives.

Le représentant du Maroc a estimé que la déclaration faite au nom de l'Association internationale des juristes démocrates constituait une paraphrase sélective des conclusions du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et a rappelé les efforts engagés par le Maroc pour clarifier tous les cas mentionnés dans le rapport. La déclaration de cette organisation non gouvernementale est de la propagande fondée sur le leitmotiv perpétuellement réitéré des disparitions. Le Gouvernement marocain souhaite obtenir plus d'informations au sujet de ces allégations, a déclaré le représentant. S'agissant du cas de Mohammed Deddache, le Maroc a accédé à une demande de transfert vers le sud du pays formulée par une organisation non gouvernementale, soulignant que l'intéressé a lui-même refusé cette proposition. Par ailleurs, le Maroc a adressé au Groupe de travail une note verbale sur le rapport concernant les disparitions forcées ou involontaires, a ajouté le représentant.

Le représentant du Népal a remercié le Groupe de travail sur les détentions arbitraires pour son rapport concernant sa visite au Népal et a assuré que le Gouvernement népalais étudiait actuellement les recommandations que comporte ce document. Il a toutefois regretté que le Groupe de travail ne se soit pas attaché à expliquer les raisons qui ont poussé les réfugiés bhoutanais à se rendre dans des camps au Népal. Sans volonté politique, le problème de ces réfugiés ne pourra pas être réglé. Le représentant népalais a souligné l'importance de la conclusion du Groupe de travail selon laquelle il faut que les négociations entre le Népal et le Bhoutan aboutissent rapidement à un accord afin de régler le problème des réfugiés.

Le représentant de Cuba a jugé indigne que les États-Unis, l'un des plus grands violateurs des droits de l'homme, pays responsable de guerres et de génocides, se permette de parler de droits de l'homme dans cette enceinte. Le représentant s'est demandé ce que les milliers d'afro-américains penseraient de ce que les États-Unis appellent des «droits exotiques» défendus par Cuba tels que le droit au logement, à la nourriture et à l'éducation qui ne sont pas reconnus aux Noirs aux États-Unis. Le représentant s'est également demandé si l'on pouvait qualifier de «droit exotique» celui de choisir librement ses partis politiques et de lutter contre un embargo brutal.

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L'Observateur de la Palestine a souligné la nature paradoxale de la déclaration du représentant des États-Unis, qui a demandé la suppression du point concernant la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine, de l'ordre du jour de la Commission, alors même qu'une résolution vient d'être adoptée à ce sujet. Il a estimé que les États-Unis manifestent comme par le passé leur opposition à la volonté de la communauté internationale, tant à la Commission qu'au Conseil de sécurité, et a considéré qu'il s'agit là d'une preuve supplémentaire de leur manque de crédibilité. Cette position va à l'encontre du processus de paix dans son ensemble et va dans le sens de la politique israélienne, a estimé le représentant.

Le représentant du Myanmar a jugé d'autant plus surprenantes les observations erronées formulées ce matin par M. William Richardson concernant le Myanmar qu'elles proviennent d'une personnalité qui a eu l'occasion de visiter le pays et d'avoir des conversations soutenues avec des hauts fonctionnaires gouvernementaux. Il a en outre estimé qu'il n'est pas acceptable qu'il soit fait référence à l'Union du Myanmar en utilisant un nom ancien. Par ailleurs, la Convention nationale du Myanmar est l'instance la plus approprié pour parvenir à l'établissement d'un système démocratique multipartite dans le pays. Il est donc totalement inconvenant pour les États-Unis d'exprimer une préférence pour un parti politique ou une personnalité donnés au détriment des autres partis politiques légaux. Le Gouvernement actuel du Myanmar est transitoire par nature et n'a pas l'intention de conserver plus longtemps que nécessaire la responsabilité de l'État. Il est regrettable que certains soient décidés à poursuivre la confrontation et à politiser la question des droits de l'homme.

Le représentant de l'Iraq a estimé que le Gouvernement des États-Unis a prouvé ce matin, par l'intermédiaire de son représentant, à quel point il méprise le droit humanitaire international. Les États-Unis forcent les Kurdes à continuer de faire sécession afin de fomenter la dissension en Iraq. En recommandant des mesures d'embargo aérien et la poursuite de l'embargo en vigueur depuis sept ans, les États-Unis ne cherchent qu'à empêcher la population iraquienne de bénéficier d'une aide, a-t-il dit.

Le représentant de la Chine a regretté la «mauvaise habitude» des États-Unis de pointer du doigt d'autres pays comme s'ils étaient les maîtres du monde. Le monde change et appartient à tous les peuples du monde, a-t-il dit, pas seulement aux États-Unis. Ce sont les peuples de chaque pays qui sont les mieux à même de juger de la situation des droits de l'homme chez eux, a souligné le représentant. D'autant que la situation des droits de l'homme aux États-Unis est loin d'être irréprochable et que le racisme y est toujours très vigoureux, a-t-il ajouté. Si les États-Unis ne cherchent pas la confrontation, comme ils le prétendent, il faut qu'ils le montrent concrètement, en revenant au dialogue et à la coopération, a-t-il dit.

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Présentation du rapport du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones

Présentant le rapport du Groupe de travail sur un «Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones», M. JOSÉ URRUTIA, Président-Rapporteur, a souligné la nécessité d'instaurer un climat de confiance en prévision des négociations à venir afin de permettre des progrès tangibles. Les parties ont été invitées à formuler des propositions concrètes sur chaque article du projet élaboré par le Groupe de travail sur les populations de la Sous-Commission. Si des négociations concrètes n'ont pas encore été entamées quant au fond, les objectifs fixés pour la deuxième réunion du Groupe de travail ont toutefois été atteints, s'est félicité le Président-Rapporteur.

Une déclaration destinée aux populations autochtones doit essentiellement refléter leurs préoccupations et bénéficier de leur coopération, a estimé M. Urrutia. La seule façon de surmonter les problèmes est de recourir à l'imagination et à l'esprit d'ouverture des participants au Groupe de travail pour entamer les négociations sur le fond. Le Président- Rapporteur a souligné sa ferme intention de jeter les bases d'un processus d'adoption par consensus.

Le rapport du Groupe de travail note que les préoccupations exprimées dans la déclaration de l'Assemblée des peuples autochtones sont toutes fondées et appellent une attention spéciale de la part de toutes les délégations gouvernementales siégeant dans le Groupe de travail. Il indique que le Président-Rapporteur s'est employé à instaurer un climat de discussions ouvert propre à permettre aux populations autochtones de faire connaître leurs vues dans leur intégralité et en toute liberté. Dans le rapport de la session, une place particulière serait réservée aux préoccupations exprimées par l'Assemblée des peuples autochtones concernant la nécessité d'étudier de nouvelles formules et de nouveaux mécanismes de nature à permettre une participation accrue des populations autochtones au Groupe de travail.

Le projet tel qu'il avait été adopté par la Sous-Commission constituait la base des travaux du Groupe de travail. L'introduction de modifications et un travail de rédaction n'étaient pas l'objet de la session. Le Président- Rapporteur a émis l'espoir qu'un échange de vues constructif allait permettre aux Nations Unies d'adopter une déclaration sur les droits des populations autochtones qui assurerait à celles-ci une protection efficace. À l'issue de consultations, les participants sont convenus de consacrer d'abord un débat général aux questions et notions fondamentales touchant au projet de déclaration adopté par la Sous-Commission, après quoi les participants feraient part de leurs observations sur le dispositif du projet, sans pour autant s'engager dans des travaux de rédaction. De nombreuses délégations ont souligné la nécessité de consulter les organisations de populations autochtones avant la prochaine session du Groupe de travail.

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Le Président-Rapporteur a déclaré, au cours de la session, que les délégations de gouvernements et de peuples autochtones représentant des millions d'êtres humains s'étaient lancées dans une entreprise capitale d'un type nouveau qui apporterait des changements importants au droit international contemporain. Il a souligné qu'il était important de se montrer imaginatif dans la recherche de nouveaux moyens de renforcer la participation des peuples autochtones au Groupe de travail. Il a aussi souligné la nécessité pour tous les participants de faire preuve de souplesse et d'esprit d'ouverture. En sa qualité de Président-Rapporteur, il a indiqué qu'il tiendrait des consultations officieuses avec des représentants des gouvernements et des organisations autochtones au cours des 12 mois à venir, afin de tirer parti du processus de dialogue qui s'est engagé.

Débat sur les questions se rapportant aux populations autochtones

Mme NINA KOVALSKA (Ukraine) a rappelé que la Conférence de Vienne a solennellement réaffirmé le droit des peuples à l'autodétermination ainsi que leur droit d'avoir recours à tout moyen jugé légitime pour y parvenir. Un consensus a alors été atteint quant au code de conduite des peuples et des gouvernements dans le cadre du droit à l'autodétermination dans des pays à composante multi-ethnique, qui a présupposé la reconnaissance d'un droit à l'autodétermination à l'intérieur des États, a-t-elle précisé. De l'avis de l'Ukraine, c'est sur cette notion que le Groupe de travail devrait se pencher sérieusement à sa prochaine session. Elle a souhaité que la Déclaration sur les peuples autochtones fasse la distinction entre deux groupes distincts, les populations autochtones aux rites tribaux qui vivent dans des réserves et les populations intégrées dans une société. Elle a regretté que la déclaration soit trop axée sur les peuples tribaux et qu'elle ne puisse, partant, avoir un caractère universel.

M. HANS-PAVIA ROSING (Danemark, au nom des pays nordiques) a exhorté la Commission à prendre des mesures rapides et décisives en faveur de l'établissement d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies. Il a rappelé que l'atelier sur une instance permanente, qui s'est réuni à Copenhague en juin 1995, n'a pas été en mesure de rédiger des conclusions définitives. Le représentant danois a, par ailleurs, tenu à souligner qu'il n'existe aucun mécanisme, au sein des Nations Unies, qui permette aux représentants des populations autochtones de prendre part aux prises de décision sur les questions qui les concernent directement. Il a salué l'offre faite par le Gouvernement chilien d'organiser un second atelier sur la création d'une instance permanente. M. Rosing a estimé que l'instance permanente devrait s'occuper de questions telles que le développement, l'environnement, la culture et les droits de l'homme, et faire rapport au Conseil économique et social. Elle devrait être composée de représentants des gouvernements et des populations autochtones.

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Les pays nordiques demandent que soit adoptée le plus tôt possible la déclaration sur les droits des populations autochtones qui doit absolument être élaborée avec la participation des populations autochtones. Le Fonds de contributions volontaires pour la Décennie internationale des populations autochtones devrait par ailleurs contribuer aux activités telles que l'établissement d'une instance permanente et la formation dans le domaine des droits de l'homme, y compris les droits autochtones.

M. LUÍS LILLO (Chili) a déclaré que la violation des droits des populations autochtones au cours de leur histoire en a fait un secteur hautement vulnérable de la population. Il a exprimé sa profonde préoccupation face à l'orientation prise par les travaux du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones. Au cours des dernières sessions du Groupe, ces travaux ont en effet été marqués par d'inquiétants signes d'intolérance. M. Lillo a souligné le sentiment de frustration éprouvé par les organisations autochtones en raison de l'énorme retard pris pour mener à bien les négociations sur le projet de déclaration sur les droits des populations autochtones. Il a par ailleurs souligné que le processus de négociations mené dans le cadre de la Commission, c'est-à-dire au niveau gouvernemental, est une étape indispensable sans laquelle l'adoption de la déclaration par l'Assemblée générale ne serait pas envisageable. Le Gouvernement chilien espère en outre que la Commission approuvera par consensus la résolution qui autorisera la tenue, au Chili, d'un second atelier sur l'établissement d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies.

Mme VALERIA RYKOVA (Fédération de Russie) a déclaré que la Fédération de Russie accorde une importance capitale à l'élaboration d'un projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. S'agissant du rapport du Groupe de travail sur un projet de déclaration, la représentante a souligné que la discussion a favorisé l'entente en vue de l'adoption d'une telle déclaration. Par ailleurs, la Fédération de Russie appuie de Programme d'action dans le cadre de la Décennie internationale des populations autochtones, qui témoigne du renforcement de la coopération internationale pour résoudre les problèmes concernant ces peuples. En Fédération de Russie, un comité national a été créé pour mener des activités dans le cadre de la Décennie, en mettant l'accent sur le respect de l'environnement et la renaissance des cultures nationales. La représentante a indiqué que son Gouvernement souhaite la création d'une instance permanente pour les populations autochtones et appuie la proposition du Chili de tenir une deuxième réunion à ce sujet.

M. LONG XUEQUN (Chine) a indiqué que, bien que son pays n'ait pas de populations autochtones sur son sol, il n'en accorde pas moins une grande importance à la question. À cet égard, la Chine estime que la Déclaration sur les droits des populations autochtones constituera un élément supplémentaire

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dans l'arsenal des Nations Unies permettant de promouvoir et de protéger les droits de ces populations. Toutefois, sans une définition adéquate du terme «populations autochtones» et sans définition du champ d'application de la déclaration, il risque d'être difficile de justifier l'utilité d'une telle déclaration, a-t-il soutenu. La Chine espère toutefois que le Groupe de travail parviendra à adopter un projet de déclaration par consensus et à le soumettre à la Commission pour examen le plus tôt possible.

M. MIJARUL QUAYES (Bangladesh) a estimé que la dichotomie colon- autochtone était au coeur de la question des populations autochtones et que l'imposition de valeurs extérieures à ces populations a pour conséquence leur dépossession et leur marginalisation. Le Bangladesh note que les critères définissant les peuples autochtones ne sont pas clairs. Le représentant s'est notamment interrogé sur l'origine du chiffre de 300 millions de personnes appartenant aux peuples autochtones. Si des groupes s'identifient comme tels, il a fait observer que certains groupes vulnérables et victimes de violations des droits de l'homme ne peuvent néanmoins pas être considérés comme autochtones. La meilleure approche consiste à définir les peuples autochtones en fonction de la colonisation qu'ils ont subie et des souffrances qui en résultent, a estimé le représentant du Bangladesh.

M. RENÉ WILSON (Nouvelle-Zélande) a exprimé le soutien de son pays aux agences et organes du système des Nations Unies qui ont, à l'instar de l'UNESCO, de l'OMS, de l'OIT et du PNUD, accordé une priorité croissante aux activités touchant les questions autochtones. Il a déclaré que l'étude présentée par le Secrétaire général sur les mécanismes, procédures et programmes des Nations Unies qui concernent les populations autochtones est un document global qui doit continuer d'être examiné. En Nouvelle-Zélande, la commémoration de la Décennie internationale des populations autochtones s'est concentrée l'an dernier et cette année sur le thème de l'éducation. En 1998, le thème central de cette commémoration sera l'art. La Nouvelle-Zélande s'engage à contribuer de manière constructive à l'élaboration d'une déclaration sur les droits des populations autochtones qui soit le reflet d'un large consensus international. C'est pourquoi il convient de souligner, dans le cadre des travaux du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones, l'importance du processus d'accréditation. Aussi, la Nouvelle-Zélande demande au Comité des organisations non gouvernementales et au Conseil économique et social de traiter rapidement les demandes en souffrance émanant des organisations autochtones. Le représentant néo-zélandais a par ailleurs indiqué que son pays avait apporté son plein appui aux programmes de l'OMS destinés à améliorer la santé des populations autochtones. Il a déclaré que son pays présenterait cette année un projet de résolution concernant le Groupe de travail de la Sous-Commission sur les populations autochtones et la Décennie internationale des populations autochtones.

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M. LUÍS CHÁVEZ (Pérou) a rappelé que son pays compte 72 groupes ethnolinguistiques protégés par la Constitution qui leur reconnaît le droit de garder leur identité ainsi que d'utiliser leur langue. Le Pérou estime que le Groupe de travail a maintenant les moyens d'entamer sa discussion sur le fond mais doit y associer, pour assurer le succès du processus, les représentants des populations autochtones. Pour ce qui est de la question d'une instance permanente, le Pérou est d'avis que cette proposition doit évoluer en fonction des progrès qu'aura réalisé le Groupe de travail dans la rédaction de la déclaration.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a déclaré que la Suisse souscrit pleinement aux deux principes objectifs concrets de la Décennie internationale des populations autochtones, à savoir l'adoption d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones et la création d'une instance permanente consacrée aux autochtones. À cet égard, les discussions doivent être constructives, donnant le signal politique d'une véritable coopération internationale, et débouchant sur la solution concrète de problèmes dans les divers domaines concernés. La Suisse estime que le principe de subsidiarité constitue un moyen adéquat pour préserver une diversité culturelle. Les peuples autochtones ne doivent pas être isolés, ni assimilés : il faut préférer l'intégration, dans le respect du droit à la différence, a estimé le représentant. La situation des peuples autochtones est comme un baromètre du respect des droits de l'homme par la communauté des États, a-t-il souligné.

Mme MALLE TALVET (Estonie) a estimé que les deux objectifs principaux de la Décennie internationale des populations autochtones sont l'adoption d'un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones et l'établissement d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies. Elle a affirmé que les populations autochtones sont impatientes en raison de l'inaction de la communauté internationale. Les populations autochtones espèrent que, même si la déclaration n'est pas légalement contraignante, elle exercera, une fois adoptée, une certaine pression morale sur les gouvernements, ce qui permettra d'améliorer la situation des autochtones, qui est critique dans de nombreuses parties du monde. La survie de nombreux petits peuples deviendra problématique. Les Estoniens eux-mêmes peuvent se considérer comme des autochtones qui ont survécu. La représentante de l'Estonie a affirmé que beaucoup restait à faire en faveur des autochtones, y compris dans les pays ayant une longue tradition démocratique. Il va sans dire que dans les pays où les droits de l'homme sont négligés, voire absents, cette tâche prend une ampleur encore plus grande. Afin de faciliter la coopération, les gouvernements ne devraient pas empêcher de manière arbitraire les contacts entre les populations autochtones et les groupes ou individus qui essaient d'améliorer leur sort. En outre, il faut se pencher sur les modalités de fonctionnement de l'instance permanente. L'Estonie apprécie la proposition du Gouvernement du Chili visant à organiser un second atelier sur cette question.

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M. JUÁN GONZÁLEZ DE LINARES (Espagne) a indiqué que son pays appuie la constitution d'une instance permanente des populations autochtones à condition qu'il associe étroitement les représentants de ces populations aux activités qui y seront menées. L'Espagne souhaiterait que cette instance dépende du Conseil économique et social et qu'il comporte dans son mandat les questions liées aux droits de l'homme, au développement, au milieu ambiant, à la santé, à l'éducation et à la culture. Le représentant a suggéré que l'on s'inspire de l'expérience positive acquise dans ce domaine en Amérique latine avec la création, en 1992, du Fonds pour le développement des populations autochtones d'Amérique latine et des Caraïbes, dont l'objectif est de promouvoir le développement durable de ces populations. Il a en outre annoncé à la Commission la célébration, à Madrid, du 22 au 26 septembre prochain, de la Première Conférence internationale sur la propriété intellectuelle des populations autochtones.

M. JOHN CAMPBELL (Australie) a déclaré que l'Australie a mis en place un processus de réconciliation entre les peuples indigènes et les Australiens non-autochtones, visant à promouvoir le dialogue, la compréhension, et à remédier aux problèmes économiques et sociaux touchant les aborigènes et les peuples des îles du détroit de Torres. L'Australie accorde une importance primordiale à l'élaboration du projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones et appuie la Décennie internationale des populations autochtones, a déclaré le représentant. L'Australie compte une organisation nationale pour les peuples autochtones, l'Aboriginal and Torres Strait Islander Commission, qui a pour tâche de coordonner et de mettre en oeuvre les activités de la Décennie afin de renforcer la conscience des droits des peuples autochtones. M. Campbell a estimé que la communauté internationale doit se servir du cadre fourni par la Décennie pour promouvoir l'avancement des peuples autochtones à l'échelle mondiale.

M. PETUUCHE GILBERT, Indigenous World Association, a demandé l'adoption rapide du projet de déclaration sur les droits des populations autochtones, estimant que ce document est en cours de rédaction depuis trop longtemps. Il a exhorté les gouvernements à s'engager politiquement et économiquement à éduquer le public sur les questions touchant les populations autochtones. Il a demandé, en particulier, au Gouvernement des États-Unis d'organiser des réunions régionales et de tenir les gouvernements tribaux des natifs américains informés du processus de promotion et de protection des droits autochtones. Il s'est également prononcé en faveur de la création d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies. Cette instance devrait avoir une portée et un mandat étendus. Elle devrait notamment examiner les questions économiques et sociales ainsi que les questions liées au développement, à l'environnement, à la culture et aux droits de l'homme des populations autochtones. L'instance devrait être organisée de manière à recevoir des plaintes pour toute négligence ou

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violation des droits de l'homme des populations autochtones. Cette instance devrait non seulement surveiller l'application de la future déclaration sur les droits des populations autochtones mais aussi aider les nations autochtones à acquérir leur indépendance vis-à-vis des États coloniaux. Le délégué a attiré l'attention de la Commission sur le projet Salt River auquel les peuples Acoma et Zuni s'opposent dans l'État du Nouveau-Mexique, aux États-Unis.

Mme DALEE SAMBO DOROUGH, Indian Law Resource Center, a souligné que cela fait quinze ans que les populations autochtones tentent d'attirer l'attention de la communauté internationale sur leur situation et d'obtenir l'élaboration de normes minima dans le cadre d'un projet de déclaration. Les Nations Unies ne doivent pas faire taire les populations autochtones maintenant et ne pas déroger au principe de la participation directe, a-t-elle dit. Elle a expliqué que les populations autochtones ne sont pas des lobbyistes mais qu'ils tentent d'obtenir la reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Ces populations ont le droit d'obtenir un statut à part au sein des Nations Unies et il faut donc revoir les règles de procédure et le processus de prise de décision qui leur sont applicables. Il faut, en particulier, que les Nations Unies prennent les mesures nécessaires pour assurer leur participation directe à tous les niveaux de décision, a-t-elle recommandé.

M. HORACIO RAVENNA, Assemblée permanente pour les droits de l'homme, s'est dit favorable à la création d'une instance permanente pour les populations autochtones. Il a déclaré que l'indien constitue «une catégorie supra-ethnique» qui fait référence aux relations qu'elle entretient avec la société. Opposant la diversité culturelle qui prévalait avant 1492 en Amérique au régime colonial, il a souligné quelques aspects négatifs de la relation entre le colonisé et le colonisateur, notamment en Argentine. Ainsi, dans la pratique, la législation argentine réduit les revendications autochtones à leur seule dimension géographique. En réalité, il s'agit de revendications beaucoup plus vastes, a affirmé le représentant. Il a exigé que les sociétés chargées d'administrer les terres des autochtones s'abstiennent de les céder à des particuliers et qu'elles cessent les poursuites contre les chefs locaux. Il a dénoncé les violations des droits des populations autochtones, notamment dans le cadre d'expériences sur le génome humain.

M. SUHAS CHAKMA, Asian Cultural Forum on Development, a déclaré que les forces coloniales sont toujours en oeuvre qui menacent les populations autochtones de disparition. Il a attiré l'attention de la Commission sur le fait que le Gouvernement du Bangladesh a exercé des pressions sur le Gouvernement thaïlandais afin que ce dernier n'octroie pas de visas aux participants jumma et bengali à la Conférence de paix internationale sur les Chittagong Hill Tracts qui s'est réunie à Bangkok du 23 au 26 février 1997.

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Il a souhaité que la Commission autorise la tenue, à Santiago du Chili, d'un second atelier sur l'instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies. Il a également souhaité que la Commission prolonge le mandat de Mme Mónica Pinto afin de surveiller le processus de paix au Guatemala.

M. BILL BARKER, Ligue internationale des droits de l'homme, a fait valoir que les autochtones australiens ont une espérance de vie de 17 ans inférieure aux autres Australiens et que la mortalité infantile de cette population est trois fois plus élevée. Bien qu'elles ne représentent que 1,4% des familles australiennes, les populations autochtones représentent 22% des sans abris et 38% des pauvres. Le représentant a demandé au Gouvernement australien de reconnaître que les souffrances des aborigènes australiens ne sont pas un accident historique mais résultent d'une longue violation constante de leurs droits. Pour assurer le plein succès des travaux du Groupe de travail, il faudra qu'un lien fondamental soit établi entre les populations autochtones, leurs terres et leurs ressources et que l'on reconnaisse comme essentiel le principe de droits collectifs ainsi que celui du droit à l'autodétermination, a assuré le représentant.

M. EUGENIO POMA, Conseil oecuménique des Églises, a recommandé que la Commission adopte la résolution 38 de la Sous-Commission sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités, qu'elle nomme un rapporteur spécial sur les questions des terres et de l'environnement des populations autochtones, qu'elle adopte le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones et qu'elle appuie la création d'une instance permanente pour les populations autochtones. Il a également engagé la Commission à renforcer la participation des peuples autochtones aux mécanismes des Nations Unies.

Mme CARMEN YAMBERLA, Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement, a estimé que le projet de déclaration sur les droits des populations autochtones prévoit les conditions minimales nécessaires à la survie des populations autochtones. Elle a affirmé que les populations autochtones constatent avec inquiétude que le temps qui leur a été consacré dans le cadre de la Décennie internationale des populations autochtones s'est rapidement écoulé. Elle a souligné que l'éducation est l'un des piliers du travail entrepris par les populations autochtones pour se préparer à l'avenir. Les autochtones s'inquiètent notamment de la corruption qui frappe plusieurs des pays dans lesquels ils constituent une part importante de la population. Il faudrait que la communauté internationale apporte son soutien à la construction de la paix dans des pays tels que le Mexique, la Colombie et le Guatemala. La déléguée s'est prononcée en faveur de la prolongation du mandat de Mme Mónica Pinto, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Guatemala.

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M. MARCIAL ARIAS, Association américaine de juristes, a estimé que l'on ne peut discuter des questions des populations autochtones sans les consulter et qu'il faut donc changer les règles de participation aux Nations Unies. On ne peut pas non plus continuer de parler de la possibilité de créer une instance permanente, il faut le faire et définir à cette fin quelques éléments indispensables à son fonctionnement, a-t-il affirmé. Il a également souhaité que l'on associe les populations autochtones à tous les mécanismes des Nations Unies qui prennent des décisions qui concernent les populations autochtones. Il a mentionné, à titre d'exemple, les mécanismes prévus dans le cadre de l'application de la Convention sur la diversité biologique.

M. PIERRE MIOT, Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques, a déclaré que les peuples indigènes en Asie sont les plus appauvris, marginalisés et oppressés de la société et que leurs luttes sont souvent réprimées par les forces gouvernementales. Il s'est dit particulièrement préoccupé par la situation des Karen en Birmanie et en Thaïlande et par le traitement discriminatoire des peuples autochtones au Kerala en Inde. En Colombie, le défi est d'aider les communautés indigènes à atteindre un développement «plus humain», alors qu'au Brésil, le manque de travail et la perte d'identité culturelle sont des causes de suicide chez les indiens Guaranis. Le représentant a toutefois souligné les aspects positifs de la situation au Guatemala, au Mexique et au Pérou. Il a par ailleurs estimé que l'attribution du prix Nobel de la Paix à deux leaders du Timor oriental constitue un réel encouragement à tous les peuples autochtones, afin qu'ils soient reconnus dans leur spécificité.

La représentante de la Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples a attiré l'attention de la Commission sur la situation de marginalisation et d'exploitation que subissent les autochtones dans l'État mexicain du Chiapas. Elle a rappelé que la population autochtone de cet État exige la reconnaissance de ses droits, l'accès aux services de base tels que la santé et l'éducation, et la possibilité d'utiliser et de posséder la terre. Elle a estimé que, jusqu'à présent, le processus de dialogue a été caractérisé par le manque de volonté politique du Gouvernement fédéral pour résoudre le fond du conflit. Les déplacements internes de communautés entières sont devenus des phénomènes récurrents, atteignant les proportions d'un véritable exode. En outre, les détentions arbitraires et les disparitions de paysans appartenant à certaines communautés autochtones ont touché des dizaines d'hommes et de femmes. C'est pourquoi la Commission devrait s'intéresser à ce grave problème et apporter son soutien à une médiation internationale entre les parties au conflit.

M. HJALMAR DAHL, Inuit Circumpolar Conference, a recommandé à la Commission de revoir la composition du Groupe de travail sur les populations autochtones afin de permettre la participation pleine et entière des populations autochtones. Il a également souhaité que le projet de déclaration

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soit adopté par la Commission dans les meilleurs délais afin qu'il puisse être prochainement transmis à l'Assemblée générale. Il a rappelé que son peuple, qui habitait le partie septentrionale du Groënland, a été déplacé de force en 1953 par les autorités danoises afin de laisser place libre au Gouvernement américain qui souhaitait y installer une base militaire. Ce faisant, on a privé un tiers de la population de sa terre et on l'a exposée à des risques d'attaques nucléaires et de contamination, a-t-il précisé.

Le représentant de International Work Group for Indigenous Affairs a déclaré que le peuple Jumma des Chittagong Hill Tracts lutte pour le droit de retourner en toute sécurité dans son pays d'origine, le Bangladesh. Il a estimé que la création d'une instance permanente pour les populations autochtones est nécessaire à l'établissement d'un partenariat avec ces populations et à la solution de leurs problèmes. Le représentant a exhorté la Commission à se pencher sur la situation dans les Chittagong Hill Tracts au Bangladesh, ainsi qu'à Tripoura, en Inde, où la population lutte pour l'indépendance depuis 1972. Il a déploré l'absence d'amélioration notable et le non-respect de ses engagements par le Gouvernement du Bangladesh et a fait état de violations des droits de l'homme dans cette région. Enfin, le représentant a revendiqué le droit à la reconnaissance et le droit à l'autodétermination pour son peuple.

M. I. WILTON LITTLECHILD, Organisation internationale de développement de ressources indigènes, a demandé à la Commission d'appuyer le projet de résolution du Canada relatif à une troisième réunion du Groupe de travail intersession de la Commission qui permettrait de disposer rapidement d'une déclaration sur les droits des populations autochtones. La Commission devrait également appuyer le projet de résolution du Danemark concernant le second atelier sur l'établissement d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies. À cet égard, l'orateur s'est réjoui de l'offre d'assistance lancée par le Chili et le Fonds volontaire. La Commission devrait, par ailleurs, appuyer la résolution de la Sous-Commission proposant une étude sur les droits fonciers autochtones. L'expert indépendant sur le Guatemala devrait être prolongé a en outre estimé le représentant.

M. DATO HISHAMMUDDIN TUN HUSSEIN (Malaisie) a indiqué que le monde traite aujourd'hui des nombreux problèmes des autochtones avec une négligence outrageante alors que l'inclusion d'une question relative à ce point devrait permettre d'examiner tous les maux dont les populations autochtones souffrent. Il a indiqué que la Malaisie a souffert de la colonisation qui a légué au pays des groupes ethniques très divers qui ont fini par se livrer la guerre en 1969. Il a indiqué que le Gouvernement malaisien a commencé en 1970 à mettre en place des programmes de développement à long terme et s'est dit fier qu'un certain nombre de pays en développement aient manifesté le souhait d'en faire de même chez eux.

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