DH/G/514

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LES INTERVENANTS SOUHAITENT QUE L'ON PRENNE MIEUX EN COMPTE LES VIOLATIONS SPÉCIFIQUES DES DROITS DES FEMMES

8 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/514


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LES INTERVENANTS SOUHAITENT QUE L'ON PRENNE MIEUX EN COMPTE LES VIOLATIONS SPÉCIFIQUES DES DROITS DES FEMMES

19970408 Genève, le 7 avril -- La Commission des droits de l'homme a poursuivi, ce soir, son débat sur les services consultatifs dans le domaine des droits de l'homme et sur l'action visant à encourager et développer davantage le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris son programme et ses méthodes de travail.

La Commission s'était réunie à huis-clos, dans l'après-midi, afin d'examiner les communications relatives aux violations présumées des droits de l'homme dont elle a été saisie au titre de la résolution 1503 du Conseil économique et social. La Commission a examiné, vendredi 4 avril et cet après-midi, dans le cadre de cette procédure, la situation des droits de l'homme dans les seize pays suivants : Antigua-et-Barbuda, Arabie saoudite, Botswana, Estonie, États-Unis, Gambie, Kirghizistan, Lettonie, Liban, Lituanie, Ouzbékistan, République tchèque, Sierra Leone, Syrie, Tanzanie et Tchad. La Commission a décidé de suspendre l'examen des situations dans les onze pays suivants : Antigua-et-Barbuda, Botswana, Estonie, États-Unis, Lettonie, Liban, Lituanie, Syrie, Tanzanie, République tchèque et Ouzbékistan.

La Commission a entendu, dans le cadre du débat sur les services consultatifs et la promotion des droits de l'homme, les déclarations des représentants des pays suivants: Nouvelle-Zélande, Togo, Suède (au nom des pays Nordiques), Autriche, Mongolie, Soudan, Norvège, Azerbaïdjan et Arménie. Les représentants des Commissions nationales des droits de l'homme des Philippines, de l'Indonésie et de la République islamique d'Iran se sont également exprimés. Une représentante du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme a pris la parole sur ces questions, ainsi que des organisations non gouvernementales suivantes : Asian Cultural Forum on Development, Conseil mondial de la paix, Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, La coalition internationale pour la santé de la femme, Parti radical transnational et Conseil international de Traités indiens.

De nombreux intervenants ont mis l'accent sur la violence dont les femmes font l'objet, que cela soit au cours de conflits armés internationaux ou internes. Une organisation a notamment souligné qu'il faudra revoir les critères d'attribution du statut de réfugiés de manière à y faire figurer les

persécutions subies en raison du sexe. Une délégation a estimé que le projet de protocole facultatif à la Convention sur toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes serait très probablement soumis à l'Assemblée générale pour adoption avant l'an 2000. D'autres intervenants ont rappelé la nécessité urgente de mettre en place une cour pénale internationale permanente, dont le champ ne soit pas limité à certaines zones géographiques ou à certaines époques. Des intervenants ont par ailleurs attiré l'attention de la Commission sur les violations des droits de l'homme résultant du phénomène des déplacements forcés et du terrorisme, notamment.

Les représentants du Kenya, de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ont exercé leur droit de réponse.

La Commission devrait achever son débat sur ces points lors de la séance de demain matin, à partir de 10 heures. Elle devrait ensuite entendre les Rapporteurs spéciaux chargés, respectivement, de la situation des droits de l'homme au Rwanda, au Zaïre et au Burundi dans le cadre de l'examen de la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elle se produise dans le monde. Elle entendra par ailleurs une allocution du Ministre de la justice du Soudan.

Suite du débat sur les services consultatifs et l'action visant à encourager et développer davantage le respect des droits de l'homme

Mme ELIZABETH WILSON (Nouvelle-Zélande) a déclaré que la question de la violence contre les femmes est une priorité pour son Gouvernement. À cet égard, la représentante néozéalandaise a notamment annoncé l'entrée en vigueur, en juillet 1996, d'une législation contre la violence dans les foyers. La Nouvelle-Zélande a rappelé sa volonté d'appliquer les principes définis dans la plate-forme de Beijing, par la mise en oeuvre au niveau national d'un certain nombre de mesures, telles que l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, le respect de l'égalité dans toutes les politiques et les programmes et le renforcement du rôle de la femme dans la prise de décision.

M. GNONDOLI KOMI (Togo) a expliqué que son pays a compris très tôt qu'une politique fondée sur le respect des droits de l'homme est un ciment à la construction d'un État de droit et d'un développement socio-économique durable. Il a précisé qu'une Commission nationale des droits de l'homme a été créée en 1987 mais que son travail a été mis à mal par les événements qu'a connus le pays entre 1990 et 1993. C'est pourquoi le Togo a demandé la coopération du Centre afin de mettre au point un projet technique sur la sensibilisation et la formation pour le développement d'une culture démocratique et la création de l'État de droit, a-t-il dit. Ce projet a deux composantes : la première se rapporte aux droits de l'homme dans l'administration de la justice et la deuxième à la formation du corps enseignant. Les activités du projet ont été lancées officiellement le 22 avril 1996, a-t-il dit.

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M. Komi a par ailleurs expliqué que les efforts de son Gouvernement pour doter le pays d'institutions de protection des droits de l'homme ont permis l'adoption, depuis 1996, d'un certain nombre de mesures telles que la création, en 1996, d'une Cour constitutionnelle, l'adoption de lois organiques relatives au fonctionnement de la Cour suprême, au statut des magistrats et au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Le Togo souhaite toutefois que le programme d'assistance technique prenne, entre autres, en compte la protection des droits de l'enfant et de la femme, l'administration pénitentiaire et l'assistance aux médias. M. Komi a rappelé que son pays soutient fortement le programme de services consultatifs et d'assistance technique du Centre et qu'il a versé 500 000 francs CFA au Fonds.

Mme ANN-MARIE PENNEGARD (Suède), au nom des pays nordiques, a attiré l'attention de la Commission sur la situation des personnes déplacées dans leur propre pays, en insistant notamment sur les situations qui prévalent dans la région africaine des Grands Lacs, en ex-Yougoslavie et au Tadjikistan. Elle a également mentionné la situation préoccupante des Arabes chiites déplacés dans le nord de l'Iraq. Elle a exhorté le Secrétariat des Nations Unies et le Haut Commissaire aux droits de l'homme à développer une stratégie qui permette de s'assurer que les recommandations formulées par les mécanismes de droits de l'homme se traduisent en actions concrètes de protection et d'assistance en faveur des réfugiés et des personnes déplacées internes.

Mme Pennegard a souligné l'importance d'assurer une présence des droits de l'homme sur le terrain, dans les zones où existent des crises liées aux déplacements internes de populations. Des services consultatifs et une assistance technique dans le domaine des droits de l'homme devraient être fournis aux gouvernements concernés par ce phénomène. Étant donné la difficulté d'appliquer le droit au retour des réfugiés et des personnes déplacées, en dépit des efforts des organisations humanitaires, le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Francis Deng, devrait user de ses bons offices pour faciliter la coopération entre les gouvernements concernés et les organisations humanitaires. Les pays nordiques tiennent à souligner que la responsabilité de réduire le fléau des personnes déplacées internes sur le territoire d'un pays incombe en premier lieu au gouvernement concerné.

Mme AURORA NAVARRETE-RECINA, Présidente de la Commission des droits de l'homme des Philippines, a indiqué que la Commission a pour mandat la promotion et la protection des droits de l'homme et des droits fondamentaux consacrés par la Constitution des Philippines. S'agissant du fonctionnement de la Commission, la représentante a mis l'accent sur le Centre d'action des droits de l'homme de Barangay, programme-phare en matière de protection et de défense des droits de l'homme, chargé de la réception des plaintes,

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de l'information et de l'éducation, de la documentation et de la coordination des services. Les enfants constituent actuellement la catégorie la plus vulnérable et la Commission philippine des droits de l'homme a créé un centre pour les droits de l'enfant. La promotion des droits de l'homme est assurée par le biais de l'information publique et l'éducation afin de sensibiliser la population aux droits fondamentaux, en coopération avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, a souligné la représentante.

M. CHRISTIAN STROHAL (Autriche) a noté qu'environ 1% de la population mondiale est déplacée, la majorité à l'intérieur de son propre pays. Il suffit de regarder ce qui se passe dans la région des Grands Lacs et dans l'ex-Yougoslavie pour comprendre la détresse de ces personnes et constater à quel point les réponses de la communauté internationale sont peu adaptées aux besoins, a-t-il dit. Bien que les causes des déplacements de population soient nombreuses, il en est une qui est à la source même des mouvements de population, à savoir, l'absence de respect des droits de l'homme. L'Autriche s'associe donc au Représentant spécial du Secrétaire général pour les personnes déplacées, pour prôner l'élaboration d'un cadre normatif permettant de répondre aux besoins des personnes déplacées. M. Deng devrait présenter à la Commission l'année prochaine un ensemble de principes énonçant les règles juridiques applicables à la protection des déplacés. Pour ce qui est du dialogue que poursuit le Représentant spécial avec les gouvernements, l'Autriche estime qu'il est du ressort des États de traiter de ces situations et, le cas échéant, de demander une aide extérieure lorsqu'ils ne disposent pas des moyens nécessaires. Puisqu'il est évident que M. Deng ne peut, à lui seul, répondre à l'ampleur du problème, il faut qu'il associe à toutes les phases de son activité, de manière systématique, les institutions spécialisées des Nations Unies, a-t-il déclaré.

M. TSEDENJAY SUBHBAATAR (Mongolie) a souligné que, parmi les réformes importantes qui ont été entreprises depuis sept ans dans son pays, figure en première place la rénovation du système judiciaire et législatif. Dès le début de ce processus de réforme, la Mongolie a demandé à bénéficier des services consultatifs et de l'assistance technique des organes chargés des droits de l'homme au sein des Nations Unies. Sur la base de cette coopération, le Gouvernement de la Mongolie et le Centre pour les droits de l'homme sont parvenus à un accord sur l'application d'un projet multisectoriel pour le pays qui concerne notamment des activités telles que la publication, dans la langue nationale, de tous les instruments relatifs aux droits de l'homme, l'organisation de divers séminaires et ateliers sur la justice pénale, l'institution nationale, le statut des ONG, ainsi que la formation des membres de différents organes chargés d'appliquer la loi.

La Mongolie recherche par ailleurs l'assistance technique qui lui permettra de mettre sur pied une institution nationale et de rédiger un programme d'action national. La Mongolie estime que les accords régionaux

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sont un bon moyen de parvenir au consensus entre les pays appartenant à une même région, qui partagent, dans une certaine mesure, les mêmes valeurs et les mêmes préoccupations. À cet égard, elle suit avec intérêt le processus d'établissement d'institutions nationales des droits de l'homme dans de nombreux pays de la région Asie-Pacifique et se réjouit de l'émergence d'un nouveau forum pour les institutions nationales dans la région. Elle accorde aussi beaucoup d'intérêt à l'initiative du Gouvernement japonais relative au programme de partenariat pour le développement démocratique. La plate-forme adoptée par le nouveau Gouvernement mongol élu en juin dernier accorde un rang de priorité élevé à l'action concrète en faveur de la mise en place prochaine d'un mécanisme national des droits de l'homme.

M. ABDEL MONEIM HASSAN (Soudan) a déclaré que son pays accorde une importance primordiale à la question des personnes déplacées dans leur propre pays. Il a annoncé la création d'une commission spéciale sur les personnes déplacées qui travaille en coopération avec les organisations non gouvernementales et les organisations internationales. Rappelant qu'au Soudan, des milliers de citoyens se sont déplacés vers le nord du pays, le représentant a fait état d'une stabilisation de la situation des personnes déplacées. De nombreuses personnes ont notamment pu retourner dans leur lieu d'origine grâce à l'aide fournie par l'État. Le représentant a estimé qu'il est essentiel à cet égard d'assurer une meilleure coordination avec les gouvernements concernés. Il a regretté que les institutions spécialisées des Nations Unies se concentrent essentiellement sur l'aide humanitaire. En outre, le Soudan n'est pas favorable à la venue d'observateurs des droits de l'homme dans les zones de conflit, estimant qu'il s'agirait là d'ingérence dans les affaires intérieures. Les efforts entrepris par le Soudan ont été concrétisés dans une charte pour la paix qui prend la forme d'un accord global ouvert à toutes les parties, car la paix est la seule garantie de stabilité et de développement, a déclaré le représentant.

M. CLEMENTINO AMARAL, de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Indonésie, a indiqué que cette institution a été créée en 1993 et qu'elle oeuvre indépendamment du Gouvernement. Il a expliqué que l'Indonésie est un pays immense, aux problèmes tant sociaux qu'économiques, politiques et culturels. Il a souligné que, suite aux appels de la Commission nationale pour que l'Indonésie ratifie la Convention contre la torture, il est fort probable que le pays y adhère l'année prochaine. La Commission a en outre envoyé des missions là où se seraient produites des violations de droits de l'homme, ainsi que sur les lieux de détention. La Commission a par ailleurs élaboré des programmes de formation et d'éducation aux droits de l'homme, en particulier à l'intention des forces armées. En outre, afin de renforcer les fonctions de la Commission aux niveaux régional et sous-régional, l'Indonésie a entrepris de renforcer ses liens avec les autres commissions nationales de la région et se félicite que de plus en plus de pays de la région aient exprimé le souhait de créer à leur tour de telles institutions, a dit le représentant.

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M. ZIAEE FAR, de l'institution nationale de la République islamique d'Iran, a souligné que les droits de l'homme ne peuvent pas être codifiés et appliqués par une seule culture car la reconnaissance de la diversité culturelle et la préoccupation de toutes les nations en ce qui concerne les impératifs de liberté et de justice sont désormais une réalité incontournable. Tout en se félicitant de la décision visant à accorder un statut d'observateur au sein de la Commission aux institutions nationales, il a estimé que la prochaine étape devrait consister à mieux articuler leur participation à toutes les commissions du Conseil économique et social. Depuis deux ans, la Commission islamique des droits de l'homme est une institution nationale très active en République islamique d'Iran. La Commission estime que la liberté ne prend tout son sens qu'à travers la vérité. Elle a entrepris différentes activités visant à promouvoir les droits de l'homme, y compris en examinant des plaintes et en organisant des visites de surveillance du respect des droits de l'homme. La République islamique d'Iran souhaite réitérer à l'attention du Centre pour les droits de l'homme sa demande de services consultatifs et techniques qui contribueraient grandement à favoriser les activités de l'institution nationale.

Mme ROXANNA CARRILLO, Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, a recommandé, s'agissant des droits des femmes, un certain nombre de mesures, estimant notamment que les conclusions et les recommandations des rapports présentés à la Commission doivent comprendre des mesures préventives et répressives dans le domaine des droits de la femme. Elle a suggéré que la prise en compte de sources d'information soit étendue aux responsables gouvernementaux, aux organisations de femmes et aux organisations non gouvernementales. Les rapports devraient également inclure une analyse des formes de violations des droits de l'homme selon les circonstances dans lesquelles elles se produisent et leur impact sur la victime.

Mme HEDDY ASTRUP (Norvège) a fait valoir que le meilleur moyen d'assurer le respect des droits des femmes est d'intégrer les efforts à cet égard à tous les domaines d'activités relatifs aux droits de l'homme. Le défi de la communauté internationale consiste à s'assurer que les activités liées aux droits de l'homme soient universelles, et qu'elles s'adressent aussi bien aux hommes qu'aux femmes, a-t-elle dit. Les femmes doivent faire partie de toutes les activités des Nations Unies, les questions thématiques, les questions par pays, et les activités menées par les mécanismes des droits de l'homme. Mme Astrup a par ailleurs rappelé que la Commission de la condition de la femme s'est réunie le mois dernier et qu'elle a examiné quatre questions essentielles pour les femmes : environnement, éducation, formation et prise de décisions. Elle a expliqué que les travaux du Groupe de travail chargé de rédiger un protocole facultatif à la Convention contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a progressé à tel point qu'il n'est pas improbable que le texte final de ce projet soit prêt à être soumis à

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l'Assemblée générale pour adoption avant l'an 2000. Le seul aspect prêtant à controverse est le fait de savoir si le protocole permettra l'examen des plaintes émanant de groupes et s'il faut établir, ou non, une procédure séparée d'enquête, a précisé la représentante.

M. TOFIK MOUSSAEV (Azerbaïdjan) a attiré l'attention de la Commission sur le nombre croissant de personnes innocentes tuées suite à des actes de terrorisme, ce qu'aucune circonstance ne saurait justifier. Outre son agression contre l'Azerbaïdjan, l'Arménie se livre à une activité subversive sur le territoire de l'Azerbaïdjan, a déclaré le représentant. Les services secrets arméniens et diverses organisations terroristes arméniennes se livrent en effet à des actions terroristes et subversives contre les citoyens pacifiques de la République d'Azerbaïdjan, en prenant pour cible les sites industriels et les moyens de transport. M. Moussaev a affirmé que le recours au terrorisme pour appliquer la politique arménienne d'annexion a des précédents historiques remontant au siècle dernier. Depuis la fin des années 1980, le terrorisme arménien sur le territoire de l'ex-Union soviétique s'est accru, particulièrement après la reconnaissance publique de prétentions territoriales sur l'Azerbaïdjan et le lancement des opérations armées dans la région du Nagorno-Karabakh en Azerbaïdjan. «Les faits dont nous disposons nous fournissent la preuve irréfutable de la responsabilité de l'Arménie dans des activités terroristes contre l'Azerbaïdjan et d'autres États» a assuré M. Moussaev. Ces faits sont suffisants pour condamner l'Arménie en tant qu'État aidant le terrorisme, a-t-il ajouté.

M. KAREN NAZARIAN (Arménie) a déclaré que la situation des réfugiés reste un problème majeur du monde moderne. Les réfugiés sont des sujets vulnérables, facilement manipulables à des fins politiques. À cet égard, la région transcaucasienne ne constitue pas une exception. À l'heure actuelle, il y a 304 000 réfugiés en Arménie, venus notamment d'Azerbaïdjan, du Nagorno- Karabakh et d'Abkhazie. L'Azerbaïdjan, souhaitant rétablir son contrôle militaire sur certains territoires perdus lors des opérations militaires, a surestimé le nombre de réfugiés et de personnes déplacées de nationalité azerbaïdjanaise. Alors que le problème des réfugiés azéris est clairement dépendant de la question de leur retour, il est inconcevable que les réfugiés arméniens retournent volontairement sur leur lieu d'origine en territoire azéri. En Arménie, l'institution de l'asile est une composante majeure du système de protection des réfugiés et leur garantit entre autres l'accession à la propriété privée.

M. SUHAS CHAKMA, Asian Cultural Forum on Development, a fait valoir qu'une très grande part des personnes déplacées sont les victimes de projets de développement. En outre, la création de «zones sûres» dans les zones de conflit vise à satisfaire, en réalité, les États qui refusent d'accorder l'asile à ces personnes. Les pays concernés s'opposent en outre à ce que soit examinée la question des personnes déplacées du fait de la mise en oeuvre de

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projets de développement. Le délégué a donc estimé que la Commission des droits de l'homme devrait charger le Représentant spécial sur les personnes déplacées d'enquêter sur cette forme de déplacement de populations. M. Chakma a par ailleurs évoqué les déplacements forcés de 6000 réfugiés Jumma du Bangladesh en Inde, soulignant que l'Inde est membre du Comité exécutif du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et doit donc respecter ses obligations en vertu des normes internationales sur la protection des réfugiés.

M. REFAQAT ALI, Conseil mondial de la paix, a affirmé qu'il existe aujourd'hui dans le monde environ 24 millions de personnes qui ont cherché refuge dans leur propre pays. Or, à l'heure actuelle, aucune organisation internationale n'a reçu le mandat de traiter de cette catégorie de personnes dont le sort relève habituellement de la responsabilité de l'État. Aujourd'hui, l'Afghanistan est le théâtre d'un spectacle atroce, à savoir le déplacement de milliers de personnes, en particulier des Tadjiks, poussées à fuir leurs foyers devant l'avance de l'armée des Talibans. L'Inde connaît des événements similaires. En effet, des milliers de Cachemiris, de musulmans et d'hindous sont devenus sans-abri suite au terrorisme et sont réfugiés dans leur propre pays. Ils ont été victimes d'infiltrations armées venues du Pakistan et de la zone du Cachemire sous contrôle pakistanais. La Commission devrait affirmer que la question de la protection des personnes déplacées et des victimes des exodes massifs doit être liée à l'action visant à pénaliser ceux qui sont responsables de ces situations.

M. SAIDOU KANE, Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme, a dénoncé les conditions misérables dans lesquelles vivent les réfugiés et déportés négro-mauritaniens dans les camps du Sénégal et du Mali depuis huit ans. La stratégie de refus du Gouvernement mauritanien, qui empêche le retour de ses citoyens noirs et l'insécurité complète qui règne dans le sud du pays risquent de rendre la situation explosive si aucune mesure concrète n'est prise en vue d'atténuer les souffrances de ceux qui ont accepté le retour et qui se sont retrouvés dans l'incapacité de recouvrer leurs biens. Le représentant a engagé le Gouvernement de la Mauritanie à apporter une solution adéquate au problème des déportés négro-mauritaniens.

Mme SIA REGINA DUNBAR, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, a indiqué que, trop souvent, les femmes sont considérées, lors de conflits armés, comme des butins de guerre. Les femmes au Sierra Leone, entre 1991 et 1996, ont été couramment violées et mutilées sexuellement tandis qu'au Sri Lanka, depuis septembre 1996, huit femmes auraient été violées de manière répétée par les militaires. Tous les crimes de guerre doivent être punis, a-t-elle dit, et il est important à cette fin de créer une cour pénale permanente, sans limite de territoire ou de temps. Bien que les femmes et les enfants constituent 80% des personnes déplacées et des réfugiés du monde,

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elles ne peuvent demander à bénéficier du statut de réfugiés en raison des critères avancés pour l'obtention de ce statut. Or, il est vital que ces critères incluent les violations infligées spécifiquement aux femmes. La représentante s'est félicitée de la résolution du 13 mars dernier du Parlement européen qui a exhorté les États membres à reconnaître que les persécutions infligées en raison du sexe d'un individu entrent dans les critères retenus pour l'obtention du droit d'asile. Elle a souhaité que tous les États en fassent de même.

Mme CHARLOTTE BUNCH, La coalition internationale pour la santé de la femme, Centre de la tribune de la femme et Center for Women's Global Leadership, au nom de The Global Campaign for Women's Human Rights) a affirmé que la Commission devait, au cours de la présente session, mettre sur pied un mécanisme chargé de procéder à un examen des progrès enregistrés cinq ans après la plate-forme de Vienne. Elle a constaté que l'intégration des questions concernant les femmes au sein du mécanisme des droits de l'homme des Nations Unies n'a progressé que très lentement. Aussi, est-il difficile de concevoir avant le milieu du siècle prochain et, a fortiori avant l'an 2000, la pleine intégration, dans ce mécanisme, des préoccupations concernant les femmes. La Commission devrait s'assurer que les droits des femmes sont dûment intégrés dans les activités qui seront entreprises dans le cadre de la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La représentante a en outre souhaité le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes.

Mme OLGA CECHUROVA, Parti radical transnational, a déclaré que la pandémie VIH/SIDA n'est pas un simple problème mondial de santé. Le droit à l'information et à l'éducation, à la santé et à la non-discrimination doivent être garantis à toutes les catégories de personnes vulnérables. La représentante a invité les gouvernements à prendre des mesures afin d'éviter la stigmatisation et la marginalisation des personnes affectées par le virus et à renforcer les mécanismes qui sont chargés des questions de droits de l'homme en relation avec le VIH/SIDA. Elle a également souligné la responsabilité des individus, des groupes et de la société à l'égard de la promotion d'un environnement social favorable à la prévention de la maladie. En outre, la Commission devrait examiner la question du VIH/SIDA dans le cadre des questions telles que le statut des femmes et la violence contre les femmes.

Mme BONNIE WHITESINGER, Conseil international de Traités indiens, a déclaré que, depuis vingt ans, le peuple Dineh (Navajo) du Nord-Est de l'Arizona, résiste aux évictions et aux déplacements forcés. Elle a expliqué que les Navajos n'ont pas le droit de rénover leur logement ni d'en construire de nouveaux. Il y a des cas où dix huit personnes vivent dans une seule pièce, dans des conditions similaires à celles du tiers-monde, a-t-elle dit.

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Mme Whitesinger a souhaité que la Commission envoie un rapporteur spécial pour enquêter sur la situation de ces populations dans la région et sur les violations du droit à la liberté religieuse, à un toit et à la vie de famille qui sont infligées à son peuple par les États-Unis.

Droit de réponse

Le représentant du Kenya, en réponse à l'intervention de l'organisation Human Rights Watch-Africa en ce qui concerne les personnes déplacées du Kenya suite à des affrontements ethniques qui se sont produits en 1991, a affirmé que la majorité de ces personnes sont rentrées chez elles. Il a reconnu que certaines n'ont pas été réinstallées dans les zones mêmes d'où elles avaient été déplacées. Toutefois, les projets de réinstallation menés à bien par le Gouvernement kényan, notamment en collaboration avec le PNUD, ont été couronnés de succès. Le représentant a souligné les efforts de son Gouvernement et des organisations humanitaires pour rétablir les services communautaires et renforcer la sécurité dans les zones sinistrées. Un certain nombre de ceux qui s'étaient rendus coupables de violations durant les affrontements ont été arrêtés, jugés et condamnés. Il est faux de prétendre que le Gouvernement du Kenya a entravé le programme du PNUD en faveur des personnes déplacées.

Le représentant de l'Arménie a estimé que la déclaration du délégué de l'Azerbaïdjan repose sur les accusations non fondées. Il a regretté que l'Azerbaïdjan ait opté pour une telle approche alors que le Groupe de Minsk vient de reprendre les négociations. Cette attitude ne correspond pas à l'esprit de compromis prôné par le Gouvernement de l'Azerbaïdjan, a noté le représentant. Il a lancé un appel à cette délégation pour qu'elle renonce à ses propos provocateurs.

Le représentant de l'Azerbaïdjan a indiqué que son pays soumettra très prochainement au Secrétariat des informations sur les activités terroristes perpétrées par l'Arménie sur le territoire de l'Azerbaïdjan afin qu'elles soient examinées à la prochaine session de la Commission.

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