DH/N/208

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU LIBAN

7 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/N/208


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU LIBAN

19970407 Les membres du Comité ont regretté que le rapport ne fournisse pas d'informations précises sur l'application des dispositions du Pacte

Réuni ce matin, sous la présidence de Mme Christine Chanet (France), le Comité des droits de l'homme a entamé l'examen du deuxième rapport périodique du Liban.

M. Nabil Maamari, Conseiller au centre de recherches et de documentation au Ministère des affaires étrangères, a rappelé qu'en dépit de l'impact de la guerre civile au Liban, le Gouvernement libanais a déployé des efforts considérables visant à garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une partie de la population vit encore sous l'occupation d'Israël et le processus de paix n'a marqué aucun progrès substantiel.

Il a également apporté un certain nombre de précisions aux questions sélectionnées par le groupe de travail présession, telles notamment la persistance des effets de la guerre civile, la peine de mort, l'usage des armes par la police et les conditions de détention.

Les membres du Comité ont regretté que le présent rapport périodique exigible en 1988, ne fournisse pas des informations précises sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Reconnaissant que le Liban a subi des ingérences étrangères, ils ont réaffirmé le droit du Liban d'exercer pleinement sa souveraineté nationale. Selon eux, les efforts déployés par le Gouvernement libanais n'ont pas répondu de façon satisfaisante à l'attente du Comité. Ils ont regretté notamment la compétence des tribunaux militaires et se sont également inquiétés des conditions de déclaration de l'état d'urgence qui semblent un peu trop vagues.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra l'examen du rapport du Liban cet après-midi à 15 heures.

Rapport du Liban

Dans son deuxième rapport périodique (CCPR/C/42/Add.14), le Liban indique qu'en ce qui concerne le cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, la Constitution libanaise dispose dans son article 7 que tous les Libanais sont égaux devant la loi, qu'ils jouissent également des droits civils et politiques et qu'ils sont également assujettis aux charges et devoirs publics, sans distinction aucune. Il est vrai que l'affirmation de l'égalité dans les droits et les obligations concerne les citoyens et non les hommes et les femmes en général. Les femmes ont accès aux écoles et aux universités au même titre que les hommes. Elles sont également admises dans la fonction publique et la magistrature. La progression du nombre de femmes dans les professions libérales entre 1980 et 1994 est très nette. La femme majeure, qu'elle soit célibataire ou mariée, a la pleine capacité pour exercer le commerce. Les dispositions de la loi portant organisation du Ministère des affaires étrangères, qui exigeaient le transfert à l'administration centrale de la femme diplomate libanaise qui épousait un étranger, ont été supprimées par une loi de 1994. Une femme mariée peut obtenir un passeport sans l'autorisation de son époux.

En raison de menaces récentes contre la sécurité de l'Etat et le danger d'un retour aux conditions qui prévalaient durant la guerre de 1975 à 1990, des mesures ont été prises en vertu du décret_loi No 102 du 16 septembre 1983 portant sur la défense nationale qui dispose que si l'Etat est menacé, dans une ou plusieurs régions du pays, d'actes nuisibles à sa sécurité ou à ses intérêts, le maintien de l'ordre est confié à l'armée.

La peine capitale pour homicide volontaire prévue par l'article 549 du Code pénal a été étendue par le décret_loi No 112 du 16 septembre 1983, notamment à l'homicide commis sur une personne en raison de son appartenance confessionnelle ou par vengeance à l'homicide commis en utilisant des matières explosives.

En ce qui concerne la protection du droit des personnes à la vie par les mesures préventives de la guerre, il convient de signaler que le Gouvernement libanais s'est engagé dans des pourparlers de paix avec Israël, qui sont actuellement suspendus pour des raisons indépendantes de la volonté du Liban. Sur le plan interne, le Gouvernement libanais prend les mesures nécessaires pour empêcher le retour aux conflits armés qui ont ravagé le Liban pendant 16 ans.

La Commission parlementaire de règlement interne et des droits de l'homme a eu à étudier des plaintes présentées par des députés ou par les deux ordres d'avocats de Beyrouth et de Tripoli, au sujet de mauvais traitements pratiqués dans certains commissariats de police ou par certains services de sécurité. Des mesures ont été prises en collaboration avec le Ministre de

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la justice. Mais beaucoup plus grave est la situation dans la prison de Khiam, dans la bande frontalière dite "zone de sécurité" occupée par Israël au sud du Liban, que les délégués du Comité international de la Croix_Rouge n'ont pu visiter pour la première fois qu'en octobre 1995, et où environ 250 personnes, pour la plupart des Libanais, sont emprisonnées sans procès, certaines depuis plus de 10 ans. Des organisations non gouvernementales ont dénoncé à plusieurs reprises les conditions de détention dans cette prison et fait état de tortures durant les interrogatoires menés par des officiers israéliens. Soixante-quinze autres Libanais sont emprisonnés dans les mêmes conditions à l'intérieur du territoire israélien. Certains ont purgé les peines auxquelles ils avaient été condamnés mais n'ont pas été libérés.

Concernant le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le rapport indique que la législation pénale en vigueur prévoit, outre le fait de priver quelqu'un de sa liberté individuelle par rapt ou par tout autre moyen, les cas de rapt en relation avec les conflits armés internes qu'a connus le pays; elle prévoit la peine de travaux forcés à perpétuité dans une série de cas, notamment si la privation de la liberté dépasse un mois; s'il y a eu ou si l'auteur de l'infraction a utilisé sa victime comme otage pour intimider des personnes, des institutions ou l'Etat afin de leur soutirer de l'argent ou de les obliger à réaliser une volonté quelconque ou à faire ou ne pas faire une chose. Le rapport fait état des dispositions qui s'appliquent en ce qui concerne les garanties dont jouissent les individus face à la justice répressive et au ministère public.

Pour ce qui des droits de personnes privées de liberté, la Commission parlementaire du règlement intérieur et des droits de l'homme a eu plus d'une fois à examiner l'état des prisons et des centres de redressement des jeunes. Elle a recommandé que de nouveaux locaux pénitentiaires soient construits dans toutes les régions du Liban. L'insuffisance des locaux a fait qu'il n'a pas toujours été possible de séparer les jeunes prévenus des adultes. De même, il arrive que des femmes soient mises en arrestation dans les commissariats de police gardés par des hommes.

Afin de remédier à une répartition géographique forcée de la population libanaise suivant l'appartenance confessionnelle de chacun, la Constitution libanaise dispose que tout citoyen a le droit de résider dans n'importe quelle partie de ce territoire et d'en profiter dans le cadre de la souveraineté de la loi. La répartition géographique de la population sur la base de n'importe quelle appartenance est prohibée, de même que le morcellement, le partage territorial et l'implantation des Palestiniens. Concernant cependant le droit de quitter le pays, il existe un problème auquel le gouvernement doit faire face : c'est celui du libre retour de certains employés étrangers dans leur pays. Certains employeurs libanais, en effet, "confisquent" le passeport de leur employé étranger : ayant déboursé certaines sommes, notamment le prix

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du voyage de l'employé de son pays jusqu'au Liban, l'employeur veut s'assurer que son employé va remplir son contrat de services pendant le temps minimum nécessaire pour qu'il rentre dans ses frais. Les employés ont alors généralement recours au consul de leur pays au Liban afin d'obtenir un nouveau passeport suivant la procédure applicable dans le cas d'un passeport perdu. Des entraves extrêmement sévères à la libre circulation, notamment la circulation automobile, sont imposées par l'armée israélienne dans la zone frontalière qu'elle occupe.

Le rapport souligne qu'aucune loi libanaise n'impose des limites ou des modalités à la liberté de religion ou à la liberté du culte, que ce soit pour les Libanais ou pour les étrangers résidant au Liban. Les Libanais doivent nécessairement appartenir à l'une des confessions reconnues officiellement au Liban. Le mariage civil n'existant pas, un couple de Libanais qui souhaite se marier doit nécessairement recourir à la procédure et à la cérémonie imposée par l'une ou l'autre des communautés religieuses reconnues. Mais le mariage civil valablement célébré à l'étranger est reconnu au Liban même si les deux époux sont libanais.

Faisant référence à la participation à la direction des affaires publiques, le rapport indique que le Pacte national (accord non écrit de nature constitutionnelle établi en 1943), tout comme l'article 95 de la Constitution, implique la distribution des postes politiques de l'Etat (députés, ministres, premier ministre, président de la Chambre des députés et président de la République) sur les différentes communautés religieuses. Cette répartition a été rigoureusement respectée. Elle a été conservée à titre transitoire par l'Accord de Taëf qui prévoit cependant son abolition progressive. Cela a été traduit dans la nouvelle rédaction de l'article 95 de la Constitution.

Présentant le rapport de son pays, M. NABIL MAAMARI, Conseiller au Centre de recherches et de documentation au Ministère des affaires étrangères du Liban, a rappelé qu'en dépit de l'impact de la guerre civile au Liban, le Gouvernement a déployé des efforts considérables visant à garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Une partie de la population vit encore sous l'occupation d'Israël et le processus de paix n'a marqué aucun progrès substantiel. M. Maamari a souligné que les droits civils et politiques ne sont pas absents de l'esprit du Gouvernement libanais qui s'est empressé d'apporter des amendements législatifs en vue d'améliorer la condition des femmes. Sur le plan politique, les élections législatives tenues en octobre 1996 ont connu une forte participation. Le Liban n'oublie pas qu'il est membre de l'ONU et que l'un de ses fils, M. Malek a participé à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le rapport ici présenté a été préparé conformément aux recommandations du Comité des droits de l'homme, a assuré M. Maamari.

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Réponses de l'Etat partie à la première partie des questions posées par le Groupe de travail présession.

Répondant aux questions du groupe de travail présession, M. MAAMARI a précisé qu'aujourd'hui aucun impact de la guerre civile ne demeure en ce qui concerne le droit à la vie. La peine de mort n'a pas été abolie mais elle est prononcée en pleine conformité avec le droit. Les prisonniers mineurs sont détenus séparément des autres prévenus, dans une maison d'observation et ils ne peuvent pas être interrogés sans la présence d'une assistante sociale. Une enquête sociale s'efforce de déterminer les raisons de leur conduite délictueuse. Il existe aujourd'hui deux maisons de réhabilitation pour les mineurs.

L'armée a toujours le droit de contrôler les domiciles des particuliers pour raisons de sécurité publique. Le Conseil des ministres a interdit les manifestations dans la rue, mais les rassemblements ne sont pas interdits et il y a des réunions sportives, syndicales et des congrès en tout genre.

Depuis la fin de la guerre, il n'y a pas eu d'exécutions extrajudiciaires. Dans un cas exceptionnel, les délais de détention préventive n'ont pas été respectés.

L'utilisation des armes par la police est régie par un décret de 1945 qui stipule qu'elle doit être motivée par des raisons exceptionnelles. Toute utilisation de munition doit être justifiée. Il peut arriver que les forces de l'ordre soient obligées de tirer en l'air. Les rares cas où les armes ont été utilisées de manière injustifiée ont donné suite à des poursuites et des sanctions.

Il y a eu 12 condamnations à mort et exécutions ces 5 dernières années pour crimes crapuleux ou particulièrement graves. La détention à perpétuité est toujours sujette à compression de peine.

Les aveux donnés sous la torture ne sont pas valables. La comparution ne peut se faire qu'en présence d'un avocat qui peut intervenir, c'est pourquoi les aveux forcés n'ont pas cours au Liban. Certaines personnes sont en faveur de la présence d'un avocat comme simple témoin lors du processus policier d'arrestation.

La police ne peut pénétrer le domicile d'une personne pendant la nuit à moins qu'il y ait flagrant délit. La détention pour interrogatoire préliminaire ne peut pas excéder 3 jours. Toute infraction à cette procédure entraîne des mesures disciplinaires.

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Le représentant a reconnu que les conditions dans les prisons ne sont que partiellement satisfaisantes. Ainsi il n'y a pas de cour pour la promenade dans la prison pour femmes. En revanche, la prison de Beyrouth a été démolie sur demande des magistrats et des organisations humanitaires. 50 millions de dollars de crédits ont été votés pour améliorer l'état des prisons, mais ces crédits n'ont pas encore été dépensés. Rien n'est prévu pour rééduquer les détenus et il n'existe pas de code de conduite pour la direction des prisons qui dépend entièrement de la volonté de chaque directeur. Les travaux forcés n'existent pas, même s'ils sont toujours mentionnés dans le code pénal. Il existe un projet de transmettre la responsabilité des prisons du Ministère de l'intérieur au Ministère de la justice. Deux centres de réhabilitation et de surveillance pour jeunes délinquants ont été créés, où ils sont suivis par des psychologues et des assistantes sociales. Malheureusement ces deux établissements ne peuvent recevoir que 250 jeunes. Les jeunes filles, qui représentent environ 7% des mineurs délinquants, sont elles placées à la prison pour femmes.

Concernant l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire, M. MAAMARI a assuré que le droit libanais garantit pleinement ce droit. Dans les juridictions militaires, les juges sont militaires. Au Tribunal militaire, c'est un juge civil qui siège. Le Commissaire du gouvernement auprès de la Cour militaire est un juge civil. Le gouvernement a décidé de réduire la compétence des juridictions militaires. En tant de crise, les compétences de ces juridictions ont été élargies.

S'agissant de la participation à la vie politique, M. Maamari a indiqué que les élections législatives de 1996 ont connu une forte participation de la population. Il s'est déclaré convaincu que les élections municipales qui se tiendront en mai prochain, connaîtront le même succès.

Questions posées par les membres du Comité

Conscient des difficultés que le Liban connaît, la majorité des membres du Comité ont regretté que le présent rapport périodique exigible en 1988, ne fournisse pas des informations précises sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Soulignant la contribution précieuse de l'expert libanais qui oeuvre sans cesse en faveur de la promotion de la femme et pour inciter son gouvernement à se conformer aux recommandations du Comité. Un expert a souhaité que le rapport soit plus détaillé sur la situation des droits de l'homme en temps de guerre et sur les droits civiques. Reconnaissant que le Liban a subi des ingérences étrangères, notamment l'occupation d'Israël dans le sud, il a réaffirmé le droit du Liban d'exercer pleinement sa souverainté nationale. Toutefois, les efforts déployés par le Gouvernement libanais n'ont pas répondu de façon satisfaisante à l'attente du Comité. La situation des Libanais détenus par des agents syriens ou emmenés en Syrie ressort de la responsabilité du Liban et il est

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essentiel de savoir ce que le Gouvernement entreprend pour ces 219 personnes. Le Gouvernement ne saurait renoncer à l'exercice d'un devoir qui relève de sa propre souveraineté, a ajouté un membre du Comité. En ce qui concerne la peine de mort et l'élargissement de son application, il est regrettable que le Liban aille à l'inverse de la tendance mondiale dans ce domaine. Les élections législatives de 1996 ont fait l'objet de nombreuses critiques de la part de l'opposition, a rappelé l'expert qui fait remarquer que la participation n'a été que de 44%. L'expert a demandé si la loi d'amnistie générale du 16 août 1986 couvre tant les infractions militaires que les infractions de droit commun. En dépit du fait que les tribunaux militaires ont été créés pour connaître des infractions militaires, ces juridictions ont étendu leur compétence à des infractions de droit commun. Les suspects sont arrêtés sans l'intervention du ministère public et sans l'assistance d'un avocat. Toutes ces procédures sont contraires au jugement public. Préoccupé par le fait que des juridictions militaires sont également compétentes en matière civile, un autre expert a souhaité que la délégation libanaise explique de façon claire la procédure en vigueur. Pour un autre expert, le rôle des tribunaux militaires est également inquiétant d'autant que leur juridiction est élargie aux civils. Le rapport reconnaît les déficiences de cette procédure sommaire, qu'est-il fait pour remédier à cette situation? Qu'en est-il également des procès qui se déroulent sans que l'accusé soit présent? Cette procédure est-elle étendue aux cas relevant des tribunaux militaires? Est-ce que les affaires déférées devant les tribunaux militaires concernent des violations commises pendant l'état d'urgence? L'expert s'est interrogé sur la compatibilité de la compétence des tribunaux militaires avec les dispositions pertinentes du Pacte. Un autre membre du Comité a demandé des précisions sur les relations entre les tribunaux militaires et les tribunaux civils.

Les informations manquent de précision également pour ce qui est de l'application des lois, a remarqué un expert demandant un complément d'information sur les cas de torture et de mauvais traitements. Est-ce que le gouvernement a pris des mesures contre ceux qui ont perpétré des violations des droits de l'homme, notamment en matière de détention?

Se référant au décret 102 de septembre 1983, il a été noté que l'état d'urgence peut être déclaré dans des cas qui semblent toutefois un peu trop vagues. Il serait souhaitable que la législation libanaise soit plus restrictive sur cette question, afin de se conformer aux dispositions de l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un expert a demandé à la délégation libanaise de donner des précisions sur les procédures mettant fin à l'état d'urgence.

Des données plus précises doivent être fournies pour pouvoir déterminer quels sont les domaines où des mesures en faveur des droits de l'homme doivent être prises. La réponse donnée à la question relative

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aux exécutions extrajudiciaires et aux conditions de détention est tout à fait insuffisante, surtout si l'on tient compte des allégations de plusieurs organisations non gouvernementales. Il y a des cas de torture signalés par les organisations non gouvernementales (ONG) et le Gouvernement libanais ne semble pas disposé à donner quelque information que ce soit. Le Premier ministre du Liban a reconnu que 200 prisonniers libanais sont détenus en Syrie et il est regrettable que le rapport n'en fasse pas mention. Le même expert a demandé quel est le nombre d'arrestations et dans quelles conditions elles sont effectuées. Selon des affirmations extérieures, plusieurs d'entre elles ont eu lieu au mépris des dispositions du Pacte, notamment lorsqu'elles sont effectuées par des militaires.

Un expert a demandé à quel point le Liban est maître de son propre destin. Les forces syriennes déployées au Liban semblent être à l'origine d'un grand nombre de disparitions forcées et l'expert a demandé quelle est l'attitude du Gouvernement face à ces actes commis par des forces étrangères, ajoutant que le Gouvernement est toujours responsable des violations des droits de l'homme qui ont lieu sur son territoire.

Un membre du Comité a estimé que sur la base des informations fournies, il est difficile d'apprécier la compatibilité avec le Pacte de l'état d'urgence déclaré par le Liban. Il a demandé d'expliquer si les mesures prises en la matière émanent aussi bien du gouvernement que de l'armée.

Faisant référence à la détention, l'expert a demandé d'expliquer ce que l'on entend par un interrogatoire sur le champ. Peut-on invoquer des circonstances atténuantes, lorsque la peine de mort est appliquée? Le rapport semble indiquer qu'il s'agit d'un automatisme selon les délits considérés. En ce qui concerne les tribunaux, il n'y a pas de droit d'appel lors d'une sentence de peine de mort ni de garanties de procédure et des précisions sont nécessaires.L'expert a également demandé des précisions sur le système pénitentiaire.

Pour un autre membre du Comité, tout en déployant des efforts importants sur la mise en oeuvre du Pacte au Liban, le Gouvernement libanais a encore beaucoup à faire en faveur des femmes et des enfants. Concernant l'élaboration du deuxième rapport périodique, l'expert a fait remarquer que la délégation libanaise passe en revue les différentes mesures, sans insister sur des points fondamentaux comme les écoutes téléphoniques. Concernant le droit à un procès équitable, l'expert a émis des doutes sérieux sur la compétence des tribunaux militaires. Il y a ingérence dans le domaine judiciaire. En outre, toute décision concernant la peine de mort entraîne une violation des articles 6 et 14 du Pacte. La peine de mort semble avoir été appliquée à des cas très ordinaires. Il est fort inquiètant que les notions d'appartenances

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religieuse et politique semblent être considérées lors des procès où la peine de mort est en jeu, s'est inquiété un expert, qui a demandé plus d'information sur la liberté d'expression et les garanties qui sont données à ces droits fondamentaux inscrits au Pacte.

Conscient des difficultés que le Liban connaît, un expert a estimé que la législation libanaise n'est pas cohérente et n'est pas toujours compatible avec les dispositions du Pacte. Le rapport fournit des informations contradictoires sur les travaux forcés. Est-ce que la police a une prérogative particulière pour procéder à l'instruction préliminaire? L'instruction préliminaire relève en principe de la compétence du juge, a fait observer l'expert. Comment est régie la déportation de détenus vers la Syrie? Comment la législation pénale libanaise distingue-t-elle les personnes qui attendent leur jugement de celles qui sont détenues? A quel moment détermine- t-on la minorité d'un délinquant? L'expert a demandé des précisions sur la compétence des tribunaux religieux. Abordant l'article 25 du Pacte sur la liberté d'opinion et de confession, un expert a rappelé que le rapport initial du Liban indiquait qu'une personne athée ne pouvait pas voter ou être élue, qu'en est-il aujourd'hui et y a t-il un recours possible pour contester cet état de fait?

Réponses de l'Etat partie aux questions des experts

Répondant aux questions des experts, M. MAAMARI a indiqué que les élections législatives de 1992 avaient eu une participation très faible du fait d'un boycott de la population mais ce n'a pas été le cas lors des dernières élections de 1996. Il a estimé qu'il ne faut pas s'étonner de l'adoption de la loi d'amnistie après une guerre aussi longue, car comment peut-on chercher les personnes disparues pendant 16 ans de conflit. Cette loi ne s'applique qu'aux crimes commis par les milices à condition qu'il n'y ait pas de récidive.

Le décret-loi 102 relatif à l'état d'urgence a une existence permanente et il est prévu d'y faire appel en cas de besoin sans retourner devant le Parlement. En cas d'application de l'état d'urgence, l'armée libanaise se trouve sur le terrain et les personnes interpellées sont normalement déférées devant les tribunaux civils. Il est vrai que le décret loi 102 n'a pas été accompagné d'une notification et qu'il n'y a pas de contrôle des tribunaux militaires par les tribunaux civils.

M. MAAMARI a rappelé qu'il n'y a pas eu de cas de torture, mais il a reconnu que des personnes interpellées ont été gardées au-delà du délai autorisé ou ont été maltraitées sans que l'on puisse parler de torture. D'ailleurs, le représentant a siégé la semaine passée devant la Commission des droits de l'homme de Genève pour des affaires semblables et les dossiers ont

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été clos. Actuellement, il n'y a pas de personnes emprisonnées pour des raisons politiques ou autres délits d'opinion. Abordant la question des interrogatoires par les juges d'instruction, le fait que la personne soit interrogée sur le champ n'a pour but que de garantir les droits du prévenu et la présence d'un avocat n'est pas exclue, a-t-il dit.

En ce qui concerne les rassemblements publics, il a confirmé que seules les manifestations sont interdites. Poursuivant, M. MAAMARI a assuré que le gouvernement s'engage à prendre les mesures nécessaires à la promotion des femmes. Pour ce qui est de la présentation du rapport, il a fait observer que les organisations non gouvernementales ne consultent pas le gouvernement lors de la rédaction de leur propre rapport. Il est souhaitable que le dialogue s'établisse dans les deux sens. Pour ce qui est du non-paiement d'une pension alimentaire à l'ex-épouse, le juge est compétent pour donner suite. Au Liban, il n'existe pas de procédure de mariage en dehors de toute célébration religieuse. Les mariages non religieux sont généralement célébrés à l'étranger et reconnus au Liban. L'appartenance à une communauté religieuse ou ethnique ne signifie pas avoir la foi. La laïcité proposée par le Président de la République a été contrecarrée par un certain nombre d'associations. Les décisions en matière matrimoniale rendues par des tribunaux religieux pourraient faire l'objet d'appel devant les tribunaux civils. Le droit de vote est reconnu aux personnes athées, au même titre qu'à celles appartenant à une communauté religieuse ou ethnique.

Concernant les travaux forcés, M. Maamari a indiqué que les dispositions du code pénal en vigueur ne sont que des clauses de style. Pour l'emprisonnement de jeunes délinquants âgés de 12 à 18 ans, il a précisé que les services pénitentiaires leur accordaient un traitement plus favorable. S'agissant de la liberté de la presse, le droit libanais ne prévoit aucune censure. Cinquante-deux chaînes de télévision et davantage de stations de radio ont été pendant longtemps opérationnelles au Liban. Pour des raisons techniques, elles ont été invitées à se regrouper. Le gouvernement exerce une censure sur un seul cas de transmission par satellite vers l'étranger pour éviter de compromettre les relations de bon voisinage avec certains pays. Cette décision peut toutefois faire l'objet d'un recours.

Echanges de vues

Faisant remarquer que le rapport mentionne quatre cas d'emprisonnement pour dettes, un expert a demandé de donner des précisions sur la question. Quelles sont d'autre part les dispositions en vigueur concernant les mariages célébrés à l'étranger?

Un autre expert a regretté que la délégation ne fournisse pas d'informations précises sur l'organisation judiciaire, ses compétences et son impartialité. Quelles sont les juridictions d'appel? Quel est le mode de

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nomination des juges de droit commun? Un d'expert a demandé d'expliquer le rôle des forces armées syriennes et comment le Gouvernement libanais s'acquitte de ses responsabilités vis-à-vis de la population libanaise en matière de disparitions et tortures commises par les autorités syriennes.

M. MAAMARI a indiqué que le mariage civil célébré à l'étranger est soumis à loi du pays de célébration du mariage. Tout conflit sera soumis au juge civil libanais qui appliquera la loi étrangère. En ce qui concerne l'organisation de la magistrature, les magistrats sont indépendants et sont promus sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Le défaut du système actuel est que ce Conseil est désigné par le pouvoir exécutif en place. Un courant d'opinion visant à modifier la désignation de ce Conseil a vu le jour mais il n'existe pas encore de véritable projet sur la question. Dans la pratique les conditions d'indépendance sont bien appliquées. La démission du Président du Conseil de la magistrature est en quelque sorte une preuve de son indépendance.

La présence des forces armées syriennes est tout à fait légale sur le plan internationale puisqu'elles sont intervenues depuis 1976 pour contribuer à la fin de la guerre civile en vertu de la demande du Gouvernement libanais. Il y a de nombreux accords entre le Liban et la Syrie mais ils ne régissent pas la présence de l'armée syrienne. Le Liban fait une distinction claire entre la présence syrienne et la présence israélienne qu'il juge parfaitement illégale. La présence syrienne est une question qui pourrait être examinée, en temps opportun, par les autorités libanaises et syriennes. L'Accord de Taef conclu le 22 octobre 1989 a prévu la suppression progressive du système confessionnel. M. Maamari a déclaré que le Gouvernement libanais n'est pas en mesure de fournir de précisions sur les cas de torture pratiquées par les autorités syriennes. Il n'existe aucun cas de détention de prisonniers libanais en Syrie. Toutefois, il a regretté qu'aucun membre du Comité n'ait posé de questions concernant les prisonniers libanais emprisonnés en Israël et les cas de torture dont ils sont victimes.

La Présidente du Comité, Mme CHRISTINE CHANET, a rappelé que les membres du Comité en tant qu'experts indépendants posent des questions sur la base du rapport présenté par l'Etat partie et sur la base des informations concernant le pays, en l'occurrence le Liban, dont ils ont connaissance par ailleurs.

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