DH/G/509

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR LES QUESTIONS SE RAPPORTANT AUX POPULATIONS AUTOCHTONES

7 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/509


LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR LES QUESTIONS SE RAPPORTANT AUX POPULATIONS AUTOCHTONES

19970407 Elle entend les déclarations de quatre ministres

Genève, 2 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu, ce matin, les déclarations du Ministre des droits de l'homme du Guatemala, du Ministre de la Justice et des droits de l'homme du Togo, du Ministre des affaires étrangères de l'ex-République yougoslave de Macédoine et du Ministre des affaires étrangères de Lettonie.

Mme Marta Altolaguirre, Ministre des droits de l'homme du Guatemala, a rappelé que depuis la signature des Accords de paix le 29 décembre dernier, son Gouvernement a lancé une lutte contre l'impunité et a procédé à la codification de délits tels que les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et la torture. Mme Altolaguirre a par ailleurs indiqué que son pays a fait d'importants progrès dans le cadre de l'Accord sur les droits et l'identité des populations autochtones, comme en témoigne l'établissement de plusieurs commissions mixtes paritaires chargées d'analyser les réformes qui touchent les populations autochtones. La tâche essentielle du Guatemala aujourd'hui est de donner vie au projet de nation multi-ethnique, multilingue et pluriculturelle, conformément aux Accords de paix.

M. Ephrem Seth Dorkenoo, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et des droits de l'homme du Togo, a souligné que la construction d'un État de droit passe nécessairement par la mise sur pied d'un appareil judiciaire sain. Il a indiqué que le Gouvernement a adopté, entre 1996 et 1997, un ensemble de textes visant à doter le pays d'institutions de protection des droits de l'homme. À cet égard, l'installation de la Cour constitutionnelle intervenue le 22 février 1997 a marqué une étape décisive dans le processus démocratique togolais. S'agissant du drame en cours dans la région des Grands Lacs, il a appelé les peuples du monde et ceux d'Afrique à conjuguer leurs efforts pour juguler ces crises et leur apporter des solutions durables.

M. Ljubomir Frckoski, Ministre des affaires étrangères de l'ex-République yougoslave de Macédoine, a souligné que l'action préventive, en particulier dans les domaines de l'éducation et de l'assistance économique, est d'une importance capitale pour assurer le respect des droits de l'homme et le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a mis l'accent sur la nécessité de renforcer la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales telles que le Conseil de l'Europe et l'OSCE.

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Il a estimé que la préparation d'une étude comparative sur la situation des minorités nationales dans les Balkans faciliterait le dialogue bilatéral et régional entre les pays de la région sur cette question. M. Ljubomir Frckoski a par attiré l'attention sur la politique de discrimination positive adoptée par le Gouvernement de son pays afin d'assurer une plus large intégration des personnes appartenant à des minorités nationales.

M. Valdis Birkavs, Ministre des affaires étrangères de la Lettonie, a également mis l'accent sur l'importance de la coopération régionale et le rôle des organisations régionales afin de faire connaître les positions nationales. Le Ministre a par ailleurs déclaré que les mécanismes et institutions des droits de l'homme des Nations Unies, pour rester efficaces et crédibles, ne doivent en aucun cas devenir le lieu où certains pays pointent du doigt d'autres pays à des fins de politique intérieure.

Poursuivant son débat sur les questions se rapportant aux populations autochtones, la Commission a entendu les déclarations des représentants du Brésil, du Canada, de l'Argentine, du Nicaragua et du Mexique, ainsi que des organisations non gouvernementales suivantes : Association internationale des éducateurs pour la paix du monde, Saami Council, Pax Christi international, Société pour les peuples en danger, Libération, International Educational Development.

La Commission reprendra ses travaux cet après-midi à 16h30 afin de conclure son débat sur les populations autochtones et entamer le débat sur les services consultatifs dans le domaine des droits de l'homme et sur l'action visant à encourager et développer davantage le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'expert indépendant sur l'assistance à la Somalie dans le domaine des droits de l'homme présentera son rapport. La Commission entendra aussi le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Déclaration du Ministre des droits de l'homme du Guatemala

Mme MARTA ALTOLAGUIRRE, Ministre des droits de l'homme du Guatemala, a rappelé que, depuis la signature des Accords de paix le 29 décembre dernier, son Gouvernement a lancé une lutte contre l'impunité qui a permis l'arrestation de 177 agents de l'État. Le Code pénal a été transformé, en juillet dernier, afin de codifier et de sanctionner les délits tels que les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et la torture. En outre, en collaboration avec la Mission des Nations Unies (MINUGUA), le Centre d'administration de la justice a été inauguré le 13 février dernier. Le Ministre a indiqué que, dans le cadre de l'épuration et de la professionnalisation des corps de sécurité, 219 agents et enquêteurs ont été démis de leurs fonctions pour avoir participé à plusieurs actes illicites et 45 juges destitués pour délits de corruption. Le champ de la juridiction militaire a été transformé de manière à ce qu'il ne s'applique qu'aux délits commis par les membres de l'armée. Les délits de droit commun sont jugés exclusivement dans le cadre des tribunaux civils.

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Mme Altolaguirre a par ailleurs indiqué que son pays a fait d'importants progrès dans le cadre de l'Accord sur les droits et l'identité des populations autochtones, comme en témoigne l'établissement de plusieurs commission mixtes paritaires chargées d'analyser les réformes qui touchent les populations autochtones. Ainsi, le 19 mars dernier, le Conseil national des Mayas a été créé afin de faciliter la participation des ethnies à la vie publique, en particulier pour ce qui concerne l'éducation, la culture, l'environnement et l'artisanat, a-t-elle dit.

Le Ministre a toutefois indiqué que le Guatemala se trouve toujours confronté à des situations difficiles qui ne sont pas toutes liées aux 36 années de conflit armé qui l'ont secoué. Elle a évoqué la pauvreté chronique du pays et les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour assurer la sécurité de tous les citoyens. Les milieux du crime organisé profitent du vide créé par le démantèlement des forces militaires, qui constituaient auparavant la seule présence institutionnelle à l'intérieur du pays et qui n'a pu être totalement remplacée par celle des autorités civiles et judiciaires, a-t-elle expliqué. Elle a cependant affirmé que le Guatemala est déterminé à assurer la primauté du droit et à consolider la paix et la démocratie. Le Guatemala a tourné la page du passé et s'est lancé dans une nouvelle étape de son histoire. Sa tâche essentielle aujourd'hui est de donner vie au projet de nation multi-éthnique, multilingue et pluriculturelle, conformément aux Accords de paix, a déclaré le Ministre.

Déclaration du Ministre de la justice et des droits de l'homme du Togo

M. EPHREM SETH DORKENOO, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et des droits de l'homme du Togo, a déclaré que le Gouvernement togolais ne ménage aucun effort pour asseoir une politique efficiente d'éducation aux droits de l'homme. Le Togo accorde une grande attention à la question touchant la promotion des droits de l'enfant et de la femme, des libertés publiques, notamment les libertés syndicales et la liberté de presse, domaines qui bénéficient de programmes nationaux. Par ailleurs, en exécution d'un programme de coopération signé en 1996 avec le Centre pour les droits de l'homme des Nations Unies, des séminaires ont été organisés en vue de la promotion des droits de l'homme et de la culture démocratique au Togo.

M. Dorkenoo a souligné que la construction d'un État de droit passe nécessairement par la mise sur pied d'un appareil judiciaire sain. Ainsi, le Gouvernement a adopté, entre 1996 et 1997, un ensemble de textes visant à doter le pays d'institutions de protection des droits de l'homme. À cet égard, l'installation de la Cour constitutionnelle intervenue le 22 février 1997 a marqué une étape décisive dans le processus démocratique togolais. L'administration pénitentiaire bénéficie aussi d'un programme d'assistance en cours de négociation, a indiqué le Ministre. Il a par ailleurs souligné la détermination de son Gouvernement à poursuivre les efforts relatifs à l'installation des institutions prévues par la Constitution et a sollicité, à cet égard, un élargissement de la coopération avec le Centre pour les droits de l'homme.

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Le Togo oeuvre au redressement de la situation économique du pays pour assurer un développement harmonieux et durable à ses populations, mais il a en face de lui de nombreux défis à relever en raison de la conjoncture économique défavorable. La première obligation des pays en développement est d'assurer le plein épanouissement de leurs citoyens. Dans cette optique, redoubler d'efforts pour aider les pays pauvres dans la voie du développement s'avère nécessaire, a estimé M. Dorkenoo. S'agissant du drame en cours dans la région des Grands Lacs, il a appelé les peuples du monde et ceux d'Afrique à conjuguer leurs efforts pour juguler ces crises et leur apporter des solutions durables. Il a souligné à cet égard le rôle du Togo, initiateur du récent sommet de l'Organisation de l'unité africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.

Déclaration du Ministre des affaires étrangères de l'ex-République yougoslave de Macédoine

M. LJUBOMIR FRCKOSKI, Ministre des affaires étrangères de l'ex- République yougoslave de Macédoine, a observé que la communauté internationale est toujours confrontée à de nombreux exemples de violations des droits de l'homme et à la réaction insuffisamment efficace, voire tardive, des Nations Unies. Il a affirmé que l'action préventive, en particulier dans les domaines de l'éducation et de l'assistance économique, est d'une importance capitale pour assurer le respect des droits de l'homme et le maintien de la paix et de la sécurité internationales. La plus modeste action préventive sera toujours plus efficace que la plus coûteuse des opérations qui aura été mise en place après que des vies humaines aient été menacées. «La prévention rendra inutile tous les futurs tribunaux pour criminels de guerre», a estimé le Ministre. En outre, toute nouvelle prolifération des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme est futile tant que ceux qui existent déjà ne sont pas véritablement appliqués. Néanmoins, il convient d'adopter des normes qui permettront de renforcer les instruments existants, a déclaré le Ministre macédonien. C'est pourquoi son pays est favorable à l'élaboration de protocoles facultatifs destinés à renforcer la promotion des droits des femmes et des enfants, deux groupes considérés comme particulièrement vulnérables.

M. Frckoski a estimé que l'adoption d'un grand nombre de résolutions n'est pas la réponse adéquate aux problèmes existants. Il faut, dès à présent, spécifier les questions qui devraient être débattues chaque année et celles qui devraient l'être sur une base biennale voire triennale. M. Frckoski a par ailleurs exprimé sa conviction que cette année verrait l'adoption d'un instrument visant à protéger les défenseurs des droits de l'homme.

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Le Ministre a mis l'accent sur la nécessité de renforcer la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales telles que le Conseil de l'Europe et l'OSCE, faisant valoir qu'étant donnée la situation financière défavorable des Nations Unies, il serait judicieux d'éviter les chevauchements entre les activités de ces organisations et celles de l'ONU. Il a estimé que la préparation d'une étude comparative sur la situation des minorités nationales dans les Balkans faciliterait le dialogue bilatéral et régional entre les pays de la région sur cette question. Il a par ailleurs déploré que les discussions au sein du nouveau Groupe de travail sur les minorités soient abstraites et académiques. Il s'est prononcé en faveur de la nomination d'un rapporteur thématique de la Commission sur la question des minorités ethniques, religieuses et linguistiques. «Il nous appartient de décider si nous allons agir pour prévenir les guerres ethniques ou simplement pour remédier à leurs conséquences» a déclaré le Ministre. M. Frckoski a rappelé le constat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires de l'ex-Yougoslavie, selon laquelle la situation des droits de l'homme dans son pays est totalement différente, et considérablement meilleure, par rapport à celle d'autres pays de la région. Ce constat s'est traduit par une recommandation de Mme Elisabeth Rehn visant à ce que le pays ne fasse plus partie du mandat du Rapporteur spécial. Une telle attitude prouve que la communauté internationale désire encourager les exemples positifs. «La République de Macédoine est exactement ce type d'exemple», a déclaré le Ministre.

M. Frckoski a par ailleurs mis en exergue les résultats positifs de la politique de discrimination positive adoptée par le Gouvernement de son pays afin d'assurer une plus large intégration des personnes appartenant à des minorités nationales. Le Ministre a attiré l'attention de la Commission sur le fait que le sentiment d'appartenance ethnique ne tolère aucune option politique ou idée divergente de la part des individus appartenant à un même groupe ethnique. Lorsque le sentiment d'appartenance ethnique collective devient un motif sous-jacent du combat politique, apparaît inévitablement l'intolérance, a-t-il souligné. C'est pourquoi il faut se réjouir que les peuples des Balkans soient voués à vivre écartelés entre différents États car cela devrait les amener à comprendre qu'il ne faut pas laisser des personnes appartenant à des minorités vivre au sein de leur société d'une façon dont ils ne souhaiteraient pas voir vivre leur propre minorité dans un pays tiers.

Déclaration du Ministre des affaires étrangères de la Lettonie

M. VALDIS BIRKAVS, Ministre des affaires étrangères de la Lettonie, a appuyé les réformes intervenues au Centre pour les droits de l'homme et indiqué que son pays est disposé à appuyer de nouvelles réformes, qu'il estime nécessaires. Il a souligné que le Centre a joué un rôle primordial dans l'établissement de normes en matière de droits de l'homme en Lettonie. Le Gouvernement de Lettonie a la ferme volonté politique d'intégrer le plus grand nombre possible de normes dans le domaine des droits de l'homme dans ses

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efforts pour mettre en place un cadre national d'application et de promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales. À cet égard, le bureau national des droits de l'homme a été créé dans le but d'améliorer la situation générale des droits de l'homme et de mettre en oeuvre un programme d'éducation et d'information dans ce domaine. La création récente de la Cour constitutionnelle de Lettonie a, par ailleurs, permis de compléter le système des recours nationaux.

La Lettonie donne suite à ses engagements internationaux et s'apprête à ratifier sans réserves la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme, a déclaré M. Birkavs. Il a mis l'accent, dans un contexte plus large, sur l'importance de la coopération régionale et le rôle des organisations régionales pour promouvoir un dialogue régional dans le domaine des droits de l'homme. Le Centre pour les droits de l'homme des Nations Unies a, à cet égard, un rôle important à jouer. Le Ministre a déclaré que les mécanismes et institutions des droits de l'homme des Nations Unies, pour rester efficaces et crédibles, ne doivent en aucun cas devenir un lieu où certains pays montrent du doigt d'autres pays à des fins de politique intérieure.

Débat sur les questions se rapportant aux populations autochtones

Mme MARIA HELENA PINHEIRO PENNA (Brésil) a indiqué que la population autochtone dans son pays est constituée de 330 000 citoyens appartenant à 215 groupes ethniques parlant près de 170 langues. Les populations autochtones sont principalement concentrées dans la région amazonienne et vivent encore, pour la plupart, dans un isolement relatif, voire total, alors que d'autres se sont intégrés dans l'économie régionale. Ils se considèrent néanmoins comme membres de communautés culturelles particulières et sont reconnus comme tels. Les terres autochtones couvrent 11,13% du territoire national. Sur les 554 zones autochtones reconnues par la Fondation nationale pour les indiens, 223 ont été définies, confirmées et enregistrées, qui couvrent près de 460 000 kilomètres carrés. Cinquante-deux autres zones sont en cours de démarcation. Le décret 1775/96 assure à ce processus davantage de transparence et fournit des garanties légales. Le Gouvernement intensifie les mesures visant à interdire l'exploitation illégale des ressources naturelles et à chasser les intrus, en particulier les chercheurs d'or, des zones autochtones. Il est nécessaire d'identifier des projets de développement économiques pour la région amazonienne qui soient compatibles avec la préservation de l'environnement et la protection du territoire autochtone. Près de 300 000 mineurs vivent encore dans cette région et sont les principaux responsables de l'invasion des terres autochtones. Il convient donc de trouver des alternatives économiques à l'exploitation minière afin de supprimer l'une des principales menaces qui pèsent sur les communautés autochtones.

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Le principal défi auquel est confronté le Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones consiste à identifier une plate-forme commune sur la base de laquelle tous les pays du monde s'engageraient à promouvoir la reconnaissance et la jouissance des droits autochtones. Le Brésil accueille favorablement la proposition de convoquer au Chili un second atelier sur la création d'une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies.

M. WAYNE LORD (Canada) a déclaré que, pour le Canada, l'adoption d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones est une des activités prioritaires de la Décennie internationale des populations autochtones. À cet égard, la deuxième session du Groupe de travail a marqué une nouvelle étape positive vers l'atteinte de cet objectif commun, a estimé le représentant. En outre, la participation des organisations autochtones est essentielle afin d'assurer que le résultat des négociations tienne pleinement compte des préoccupations et des valeurs des autochtones. Le Canada a annoncé qu'il présentera une résolution destinée à faire avancer ce travail. De plus, le Gouvernement du Canada mène des consultations intensives sur cette question avec les peuples autochtones du Canada, y compris des réunions entre représentants gouvernementaux et autochtones, dirigeants autochtones et le Ministre des affaires étrangères. Le Canada estime, en outre, que la création d'un forum permanent des populations autochtones dans le système des Nations Unies est une activité de première importance de la Décennie.

Mme ZELMIRA MIREYA REGAZZOLI (Argentine) a fait valoir que son pays a modifié un certain nombre de ses lois afin de reconnaître les droits des populations autochtones. Elle a expliqué que les populations autochtones comprennent, en Argentine, environ 650 000 personnes qui appartiennent à 16 ethnies dispersées sur douze provinces. Elles ne constituent toutefois que 1,5% de la population argentine. La réforme constitutionnelle de 1994 reconnaît expressément la préexistence des populations autochtones à la formation de l'État. Les communautés autochtones sont désormais dotées d'une personnalité morale qui leur permet de promouvoir les mesures permettant l'exercice de leurs droits pleins et entiers. En outre, la réforme a permis de reconnaître le droit inaliénable des populations autochtones à posséder la terre sur laquelle ils vivent. C'est dans ce contexte que, il y a quelques semaines, le président Menem a remis, au cours d'une cérémonie officielle, plus de 125 000 hectares de terres à 3 000 autochtones.

Mme Regazzoli a, par ailleurs, indiqué que le Gouvernement a lancé un programme intitulé «Éducation et culture» visant à assurer un enseignement bilingue et interculturel. Le Gouvernement a également entrepris de valoriser les connaissances médicinales des populations autochtones et de distribuer une grammaire de la langue guaranie dans les écoles et bibliothèques du Paraguay, de Bolivie, du Brésil, de l'Uruguay et de l'Argentine. L'Argentine fera tout ce qui est son pouvoir pour garantir le respect des droits des populations autochtones consacrés par sa Constitution, car les peuples qui oublient leur histoire sont des peuples qui renoncent à leur avenir, a-t-elle ajouté.

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M. DANILO ROSALES DÍAZ (Nicaragua) a souligné que la population de son pays est composée de plus de 10% d'habitants autochtones. La proclamation, en 1994, de la Décennie pour les peuples autochtones a signifié pour les 26 millions d'autochtones latino-américains, appartenant à 400 ethnies, la sortie d'un long tunnel. Il est temps aujourd'hui de garantir l'accès de ces populations aux processus de prise de décisions et à l'élaboration de programmes d'action qui les concernent, a estimé le représentant. Le Nicaragua a octroyé l'autonomie aux régions de la côte atlantique, ce qui constitue la pierre angulaire des droits et des devoirs des ethnies nicaraguayennes. En 1995, une réforme constitutionnelle a été adoptée reconnaissant aux populations autochtones le droit de maintenir et de développer leur identité et leur culture, de se doter de leurs propres structures sociales, de s'administrer eux-mêmes et de légiférer dans le domaine de l'impôt.

Le représentant a estimé que le projet de déclaration qui est en cours de négociation devrait impérativement contenir des dispositions sur le droit à l'utilisation de la terre et des ressources et sur le droit au développement économique selon les traditions autochtones. Il s'est en outre dit convaincu que, s'il existe une réelle volonté politique et si l'on prend bien soin d'adopter une approche au cas par cas, il est tout à fait possible de parvenir à une harmonisation entre les préoccupations d'unité et d'intégrité territoriale des États et les droits des populations autochtones à décider librement de leur destin dans le cadre constitutionnel d'un État donné.

M. TONATIUH ROMERO REYES (Mexique) a rappelé que la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail sur les populations autochtones et tribales constitue le seul instrument international qui prenne en considération l'évolution du droit international et les changements intervenus ces dernières années dans le droit international concernant ces peuples. Le représentant a expliqué qu'en 1991, son pays a modifié son code de procédure pénale de telle sorte que les autochtones aient le droit d'être assistés d'un traducteur lors des procès et que les magistrats prennent en compte tous les facteurs qui ont influé sur le délit commis. Il a rappelé que son pays maintient que la négociation politique dans le cadre de la loi constitue la seule solution du conflit qui a commencé le 1er janvier 1994 au sujet du Chiapas. Il a expliqué que les négociations ont été fructueuses en ce qu'elles ont permis de jeter les bases d'une nouvelle relation entre l'État et les communautés autochtones, même si, a-t-il ajouté, le dialogue est parfois interrompu.

Pour ce qui est de la question de la création d'une instance permanente sur les populations autochtones, le Mexique appuie la tenue d'un deuxième séminaire chargé de l'examen de la question. Il a exhorté les États à parvenir à des accords constructifs au sujet des populations autochtones et à faire tout ce qui est possible pour que le Groupe de travail achève sa tâche avant la fin de cette décennie. Le Mexique exhorte également tous les pays qui ne l'ont pas encore fait à ratifier la Convention 169 de l'OIT.

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Mme WILDA SPALDING (Association internationale des éducateurs pour la paix du monde) a déclaré que, le 31 mars dernier, les tribunaux fédéraux des États-Unis ont donné un ordre de réinstallation, prévoyant l'intervention des marshalls si nécessaire, visant à évincer le peuple diné de la région de Big Mountain qu'il tient pour sacrée. Un projet minier se cache en fait derrière cette décision. Ce cas particulier montre clairement que, pour beaucoup d'autochtones, la réinstallation, en les séparant de leur terre sacrée, est une violation de l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Étant donné que l'Ambassadeur des États-Unis auprès des Nations Unies, M. William Richardson, est originaire de la région de Big Mountain et que ses anciens éditoriaux dans le Los Angeles Times attestaient de sa sensibilité aux droits des indiens américains, il faut souhaiter qu'il encouragera les tribunaux fédéraux à laisser du temps aux Anciens des communautés dinée et hopie concernées pour trouver une solution respectueuse de leur terre sacrée. Il faut aussi espérer que M. Richardson demandera au Secrétaire général d'envoyer un rapporteur spécial dans la région de Big Mountain.

M. LARS-ANDERS BAER (Saami Council) a déclaré que l'adoption d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones revêt une importance capitale tant pour les peuples autochtones que pour la communauté internationale tout entière. Il a souligné que les questions relatives à la terre et aux ressources naturelles constituent des préoccupations fondamentales pour ces peuples et a recommandé que les Nations Unies entreprennent une étude thématique à ce sujet. Il a également demandé que soit nommé un rapporteur spécial chargé des questions concernant les populations autochtones. Un second intervenant s'est prononcé en faveur de la création d'une instance permanente des peuples autochtones et a appelé à une coopération renforcée à cet égard.

Mme ÉLIANE PROVO KLUIT (Pax Christi international) a demandé à la Commission d'assurer la pleine participation des populations autochtones au Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de déclaration sur les droits des populations autochtones. Elle a estimé que le projet de déclaration, dans son état actuel, doit servir de point de départ et de norme minimale pour les discussions sur la question et ne doit donc pas être repris à zéro. Elle a exhorté les Nations Unies à établir une instance permanente pour les populations autochtones aux Nations Unies qui puisse examiner tant les questions des droits de l'homme que les questions économiques, sociales, culturelles et politiques. La déléguée a par ailleurs souligné la nécessité de parvenir à un accord au Bangladesh en ce qui concerne le conflit des Chittagong Hill Tracts. Elle s'est aussi inquiétée que le nouveau Gouvernement australien soit revenu sur les assurances qui avaient été données aux aborigènes en ce qui concerne leurs droits de l'homme. Elle a dénoncé l'éviction forcée illégale, aux termes de la loi argentine, de deux communautés mapuches en décembre 1996. Elle a également attiré l'attention de la Commission sur la situation des familles navajos et hopies qui sont

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aujourd'hui menacées d'expulsion dans le nord de l'Arizona. En Papouasie occidentale, a-t-elle poursuivi, les papous continuent d'être victimes de la répression exercée par les autorités indonésiennes. Elle a également dénoncé la réinstallation forcée de dizaines de milliers de villageois mon et karen pratiquée par le «SLORC» au Myanmar. S'il est vrai que la Papouasie-Nouvelle-Guinée a abandonné l'utilisation de mercenaires à Bougainville, il est inquiétant que rien n'ait été fait pour amener les parties au conflit à engager un dialogue constructif.

M. ISAK CHISHI SWU (Société pour les peuples en danger) a mis l'accent sur la situation du peuple naga, qui vit entre l'Inde, la Chine et le Myanmar et qui compte plus de trois millions de personnes. Après la décolonisation de l'Inde, les Nagas ont refusé tout arrangement constitutionnel avec l'Inde mais il a été décidé, en 1947, qu'après dix ans d'autonomie, ils pourraient décider de se joindre à l'Union indienne ou de déterminer librement leur avenir. Cela n'a jamais été fait, a dit le représentant. De 1954 à 1964, plus de 150 000 Nagas ont trouvé la mort. En 1995, 50 000 troupes indiennes spéciales ont été envoyées dans cette région en renfort des 200 000 déjà installées. Le représentant a rappelé que les Nagas ne demandent rien à l'Inde et qu'ils ne font que défendre leur droit à l'autodétermination.

M. SHASHA CHOUDHURY (Libération) a attiré l'attention de la Commission sur l'oppression coloniale que subissent, de la part de l'Inde, les peuples autochtones en Assam, Manipur, Tripura, Nagaland, Megahlaya, Arunachal Pradesh et Mizoram. Il a notamment dénoncé la loi de 1958 qui légalise des violations graves des droits de l'homme commises par les forces armées indiennes dans ces régions. L'imposition forcée de la culture indienne dominante aux peuples autochtones au nom de l'intégration nationale constitue une menace pour leur identité et leurs cultures traditionnelles, a estimé le représentant. Il a indiqué que, dans le contexte persistant de graves violations des droits de l'homme, les peuples autochtones de l'Assam continueront à revendiquer leur droit à l'autodétermination.

M. MICHAEL CHAMBERLIN (International Educational Development) a rappelé que 56 peuples indiens vivent au Mexique où ils représentent 10% de la population. Concentrés principalement dans les États d'Oaxaca, du Chiapas, de Veracruz et du Yucatán, les autochtones représentent la catégorie la plus pauvre des 40% de pauvres que compte le pays. En 1994, en réponse à la pauvreté structurelle, l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) s'est soulevée au Chiapas pour exiger la reconnaissance des droits des autochtones mexicains. Aujourd'hui encore, en dépit du cessez-le-feu déclaré par les parties au conflit, il continue d'y avoir des morts. Il y a, dans cet État mexicain, 5 000 militaires répartis dans trente camps. À cause de leur présence, le tissu social des communautés autochtones se détruit et les femmes n'osent plus sortir de peur d'être violées. C'est pourquoi International Educational Development invite le Gouvernement mexicain à fixer, le plus tôt possible, une date pour la visite des rapporteurs spéciaux qui ont exprimé le souhait de se rendre dans le pays.

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