DH/G/505

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LES PARTICIPANTS PLAIDENT EN FAVEUR D'UNE INTENSIFICATION DE LA LUTTE CONTRE LA TORTURE

7 avril 1997


Communiqué de Presse
DH/G/505


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LES PARTICIPANTS PLAIDENT EN FAVEUR D'UNE INTENSIFICATION DE LA LUTTE CONTRE LA TORTURE

19970407 Elle entend le Ministre de la justice de la Bolivie et le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression

Genève, 27 mars 1997 -- La Commission des droits de l'homme a ouvert la séance de ce matin en entendant une déclaration de M. René Blattmann, Ministre de la justice de la Bolivie, qui a indiqué que son pays a lancé, en 19984, un processus de réforme visant à éliminer l'inégalité sociale dans le cadre du système d'administration de la justice et à garantir le respect des droits de l'homme. Il a notamment mis l'accent sur le projet de Code de procédure pénale, qui doit être examiné par le Parlement et qui prévoit l'obligation de respecter les méthodes auxquelles les populations autochtones recourent traditionnellement pour réprimer les délits commis par leurs propres membres.

La Commission a ensuite entendu M. Abid Hussain, Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, qui a présenté son rapport sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, ainsi que son rapport sur la mission qu'il a effectuée en Turquie. Il a insisté sur la tendance croissante en faveur de la défense du droit à la liberté d'expression et d'opinion, mais a regretté que les États continuent d'autoriser des restrictions à la liberté d'expression et d'opinion en invoquant notamment la menace à la sécurité nationale. Par ailleurs, M. Hussain a indiqué qu'il effectuera des visites en Pologne et au Bélarus au cours du mois de mai prochain et a espéré qu'une date serait rapidement fixé pour une visite au Soudan.

M. Ivan Tosevski, présentant le rapport du Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture, a rappelé que l'interdiction de la torture doit être respectée en toutes circonstances, sans exception aucune. M. Tosevski a déploré que le Fonds n'ait pu financer que 50% des demandes qui lui ont été adressées en 1996. Cette année, le Fonds a reçu 138 propositions de projets, ce qui constitue une augmentation de 40% par rapport à 1996. Les besoins réels de ces projets atteignent 25 millions de dollars, a indiqué M. Tosevski, qui a renouvelé l'appel aux donateurs afin qu'ils versent leurs contributions avant le 20 mai 1997.

La Commission a poursuivi son débat sur la question des droits de l'homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention

ou d'emprisonnement en entendant les déclarations des représentants de l'Égypte, de l'Argentine, du Chili, de l'Équateur, de la Chine, de l'Angola, du Venezuela, du Soudan et de la Slovaquie. Les représentants du Viet Nam et du Yémen ont exercé leur droit de réponse.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole : Fédération internationale des journalistes, Association internationale des éducateurs pour la paix du monde, Fédération Pen, Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud, Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples.

La Commission reprendra ses travaux cet après-midi à 15 heures afin de poursuivre l'examen de cette question.

Déclaration du Ministre de la justice de la Bolivie

M. RENÉ BLATTMANN, Ministre de la justice de la Bolivie, a reconnu que l'un des problèmes que rencontre traditionnellement son pays depuis sa création est celui de la dichotomie entre les valeurs que proclame la Constitution et la pratique quotidienne qui, parfois, bafoue ces valeurs. Il y a encore peu de temps, l'administration de la justice bolivienne traversait une période critique puisqu'elle était confrontée au problème du retard de la justice qui avait provoqué la méfiance des citoyens en leur système judiciaire et entraîné des détentions indéfiniment prolongées. C'est pourquoi, en 1994, a été lancé un processus de réforme visant à éliminer l'inégalité sociale dans le cadre du système d'administration de la justice et à garantir le respect des droits de l'homme.

M. Blattmann a insisté sur le fait que la Loi sur la réforme du régime électoral, adoptée le 19 mars 1997, oblige les partis politiques à incorporer dans les listes électorales pour les élections législatives un minimum de 30% de femmes. Il a également souligné que l'application de la «Loi contre le retard de la justice», adoptée en février 1996, s'est traduite par la libération de 30% de la population carcérale du pays. Avant l'entrée en vigueur de cette loi, 91% des personnes détenues en Bolivie n'avaient pas été condamnées. Au cours de la première année d'application de cette loi, ce chiffre est passé à 59,8%.

Cette réforme normative s'accompagne de mécanismes opérationnels de mise en oeuvre. L'un d'entre eux est le Programme de défense publique qui vise, par le biais de services d'assistance juridique gratuite, à rendre la justice accessible aux plus démunis. Le Ministre a en outre mentionné le projet de loi du Conseil de la magistrature visant, en particulier, à alléger la charge de travail des autorités juridictionnelles afin qu'une fois déchargées de tâches administratives, elles puissent se consacrer entièrement à la fonction qui consiste à administrer la justice. Un autre mécanisme opérationnel lié à la protection des droits de l'homme a été la création, dans la zone de

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Chapare, grande productrice de feuilles de coca, d'un bureau des droits de l'homme dont l'objectif est de protéger et de promouvoir les droits de l'homme des habitants de la région, notamment dans le cadre des activités menées par les forces de sécurité en vue d'interdire les activités des narcotrafiquants. Ce bureau a reçu 2000 plaintes depuis sa création en décembre 1995.

Les réformes partielles du Code pénal bolivien, en vigueur depuis le 10 mars 1997, consolident l'État de droit et garantissent les droits constitutionnels de tous. À cet égard, le Ministre de la justice a mis l'accent sur la réforme de la norme de l'article 17 du Code pénal relative à la condition d'«indien des forêts» qui s'inspirait d'un concept hautement discriminatoire en considérant l'«indien des forêts» comme incapable de comprendre que ses actes étaient contraires à l'ordre juridique. À l'heure actuelle, le projet de Code de procédure pénale, qui doit être examiné par le Parlement, envisage d'incorporer l'obligation de respecter les méthodes auxquelles les populations autochtones recourent traditionnellement pour réprimer les délits commis par leurs propres membres. Ce projet propose que l'organe juridictionnel, lorsqu'il se prononcera sur des questions pénales, prenne en compte les traditions des communautés autochtones. La réforme des peines du Code de procédure pénale a éliminé la peine de mort, conformément à la ratification, par la Bolivie, du Pacte de San José de Costa Rica. De ce fait, la Bolivie a intégré le camp abolitionniste.

Présentation du rapport sur la liberté d'expression et d'opinion

Présentant son rapport sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. ABID HUSSAIN, Rapporteur spécial, a insisté sur la tendance croissante en faveur de la défense du droit à la liberté d'expression et d'opinion. Il a toutefois souligné, citant le rapport annuel mondial du Comité de protection des journalistes, que 185 journalistes ont été emprisonnés et 27 tués pour l'année 1996. Le Rapporteur spécial a regretté que les États continuent d'autoriser des restrictions à la liberté d'expression et d'opinion en invoquant notamment la menace à la sécurité nationale. Il a demandé aux États de réviser non seulement les lois qui visent à protéger la sécurité nationale mais aussi les lois pénales ordinaires qui pourraient être utilisées pour restreindre la liberté d'expression, d'opinion et d'information. Il a également estimé que les États ne devraient pas admettre que des considérations de croyance s'opposent à la liberté d'expression et d'opinion.

M. Hussain a également déclaré que la protection et la promotion du droit de la femme à la liberté d'expression méritaient une attention particulière, tant il est vrai que, trop souvent, les États invoquent la tradition ou la religion pour empêcher la société de s'adapter aux nouvelles réalités. Soulignant que, dernièrement, les médias ont été exploités pour jeter de l'huile sur le feu de certains conflits, il a déploré que le rôle positif, constructif et de maintien de la paix des médias est trop souvent oublié. Il a rappelé que le droit à la liberté d'expression et d'opinion a

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été reconnu comme une composante essentielle du processus visant à assurer la participation populaire sans laquelle la réalisation du droit au développement serait compromise.

M. Hussain a indiqué qu'il effectuera des visites en Pologne et au Bélarus au cours du mois de mai prochain. Il a espéré qu'une date serait rapidement fixée pour une visite au Soudan qui n'a pu se concrétiser l'an dernier à cause de difficultés d'organisation.

Le rapport de M. Abid Hussain contient des renseignements sur les communications envoyées et les réponses reçues en 1996 concernant l'Albanie, l'Algérie, le Brésil, la Chine, Cuba, l'Indonésie, le Myanmar, Sri Lanka, la Tunisie. Cela ne signifie nullement que tous les cas qui ont fait l'objet de communications antérieures ont été réglés à la satisfaction du Rapporteur spécial, attendu notamment que pour un nombre important de cas, il n'a pas reçu de réponses des gouvernements concernés. Le Rapporteur spécial tient toutefois à attirer l'attention sur un fait nouveau positif important, à savoir la collaboration croissante des gouvernements en matière de communication d'informations. Bien que ce fait ne reflète évidemment pas la situation quant au respect de la liberté d'opinion et d'expression dans le monde, il est de bon augure car il donne au Rapporteur spécial la possibilité d'engager le dialogue.

Dans ses conclusions et recommandations, M. Abid Hussain renouvelle son appel aux gouvernements pour qu'ils collaborent à l'exécution de son mandat et examinent leurs systèmes juridiques nationaux en vue de les mettre en conformité avec les normes internationales régissant le droit à la liberté d'opinion et d'expression. Il faut voir comme un signe positif qu'un certain nombre de pays ont créé des commissions nationales des droits de l'homme dans lesquelles siègent des personnalités indépendantes. Cela étant, le Rapporteur spécial ne peut que constater que des atteintes au droit à la liberté d'opinion et d'expression se produisent dans le monde entier et s'accompagnent d'autres violations des droits de l'homme telles que les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, la torture, l'intolérance religieuse, la détention arbitraire ou le terrorisme. Dans la mesure où elles sont révélatrices de la dégradation de la situation des droits de l'homme et de la situation politique dans un pays ou une région donnés, les informations faisant état de violations du droit à la liberté d'expression et d'opinion devraient progressivement être intégrées dans des systèmes de détection avancée visant à prévenir les catastrophes humanitaires et les exodes massifs.

Dans l'additif à son rapport consacré à la mission qu'il a menée en Turquie, le Rapporteur spécial indique que les renseignements crédibles qui lui ont été présentés de bonne foi l'amènent à constater qu'en Turquie, la liberté d'opinion et d'expression est largement attestée par un débat politique acharné, se traduisant notamment par la formulation de vives critiques à l'égard des membres du gouvernement et de sa politique dans une série de domaines précis. Les formes d'expression culturelles sont en cours

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de diversification et un nombre grandissant de personnes a accès à ce type d'information. Le rapport indique également que le Gouvernement turc n'a cessé de déployer des efforts visant à renforcer la protection des droits de l'homme en général. À la lumière de renseignements cohérents et crédibles, certains doutes persistent néanmoins quant au plein respect par la Turquie de ses obligations en matière de protection du droit à la liberté d'expression.

Présentation du rapport du Conseil d'administration du Fonds volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture

M. IVAN TOSEVSKI, présentant le rapport du Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture, a rappelé que l'interdiction de la torture est un droit qui doit être protégé en toutes circonstances, sans exception aucune. Le Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de le torture reçoit et distribue des contributions afin de fournir une assistance médicale, psychologique, sociale, économique et juridique aux victimes de la torture. M. Tosevski a déploré que le Fonds n'ait pu financer que 50% des demandes qui lui ont été adressées en 1996. Cette année, le Fonds a reçu 138 propositions de projets, ce qui constitue une augmentation de 40% par rapport à 1996. Les besoins réels de ces projets atteignent 25 millions de dollars et M. Tosevski a renouvelé l'appel du Fonds aux donateurs afin qu'ils versent leurs contributions avant le 20 mai 1997. Il a indiqué qu'à ce jour, les contributions gouvernementales et individuelles s'élèvent à 1 561 581 dollars.

Débat sur la question des droits de l'homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement

M. REDA BEBARS (Égypte) a déclaré qu'un effort accru est nécessaire dans la mise en oeuvre d'une série de mesures dans le domaine de la justice et de l'administration. L'Égypte estime notamment qu'il est important d'éviter des conflits de compétences entre les Rapporteurs spéciaux et les Comités. Le représentant a proposé que des critères clairs soient établis concernant les questions adressées aux gouvernements et que la Commission étudie la possibilité de préparer un questionnaire intégré couvrant tous les domaines de l'administration et de la justice. L'objectif fondamental de ces réformes est de renforcer le dialogue entre les mécanismes des droits de l'homme et les gouvernements sur la base de la confiance, de la transparence et de la neutralité. M. Bebars a souligné la nécessité de relancer les mécanismes relatifs à l'éducation et à l'information en matière de droits de l'homme, indiquant que des programmes ont d'ores et déjà été lancés à l'échelle nationale par le Gouvernement. Il s'est dit convaincu qu'un renforcement des activités de surveillance et d'éducation et du rôle des gouvernements et des organisations non gouvernementales peut contribuer à une plus large diffusion des principes des droits de l'homme.

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MME ZELMIRA REGAZZOLI (Argentine) a indiqué que son pays est partie à la Convention contre la torture depuis 1986 et qu'il a déjà présenté au Comité contre la torture son troisième rapport périodique sur l'état de l'application de la Convention. L'Argentine a entrepris d'éliminer à jamais la pratique de la torture et s'assure que les membres des forces publiques qui se rendent coupables de torture ne restent pas impunies. La représentante a par ailleurs indiqué que, sur le plan régional, l'Argentine a été très active dans l'élaboration de la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées, entrée en vigueur le 28 mars 1996, par laquelle les États parties reconnaissent que la disparition forcée est un délit de lèse-humanité et s'engagent à ne pas la tolérer, ni la permettre, ni la pratiquer et à n'invoquer aucune circonstance exceptionnelle qui pourrait en justifier l'usage, a-t-elle expliqué.

Mme Regazzoli a par ailleurs indiqué que son pays accorde la priorité à la question de l'élucidation du sort des personnes disparues durant la dictature militaire. Une Commission parlementaire mixte a été créée afin d'enquêter sur le sort qui a été réservé aux personnes disparues. Ainsi, sur un total de 9926 requérants, plus de 6500 ont eu droit à réparation, a-t-elle précisé. Mme Regazzoli a rappelé que son pays n'est devenu démocratique qu'en 1983 mais qu'il a, dès cette date, ratifié les traités et conventions relatifs aux droits de l'homme et créé des organismes spécialisés dans le domaine des droits de l'homme. Une loi a été adoptée afin d'offrir une pension à toutes les familles des personnes disparues avant le 10 décembre 1983.

M. ALEJANDRO SALINAS (Chili) a estimé qu'il est essentiel, pour lutter contre les disparitions forcées et la détention arbitraire, de mettre en place des politiques de réparation et de réhabilitation, non pas tant parce que la réparation équivaudrait à une action pénale ou ferait oublier aux victimes et à leurs familles les faits qu'ils ont subis, mais parce que cela constitue un effort moral des États pour remédier à la douleur causée par de telles pratiques. Le Chili est convaincu que seul un État de droit peut garantir le plein respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. Salinas a, par ailleurs, rappelé que le Président du Groupe de travail sur les détentions arbitraires a évoqué, dans sa présentation orale, les 500 cas de disparitions forcées qui se sont produites au Chili. À cet égard, le Chili tient à souligner que ces disparitions ont toutes eu lieu durant la dictature militaire et que le Gouvernement déploie tous les efforts possibles pour que la lumière soit faite sur ces affaires. Toutefois, le Chili aurait apprécié que le Président du Groupe de travail évoque également la coopération que lui ont apportée les diverses institutions du pays.

M. FEDERICO MENESES (Équateur) a indiqué que son pays suit avec une grande attention la préparation du projet de protocole facultatif de la Convention contre la torture. L'Équateur souhaite vivement que la communauté internationale trouve la formule permettant de faire accepter par tous le principe de missions de visite dans les lieux de détention, et ce, dès que les

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États auront ratifié le protocole. Ces visites, réalisées par un sous-comité, ne pourraient être suspendues qu'en cas de situations graves ou de déclaration de l'état d'urgence par un État. La prévention de la torture exige la mise en place de systèmes transparents s'inspirant de la volonté des États de prévenir et, le cas échéant, d'offrir réparation aux victimes des violations des droits de l'homme, a souligné le représentant.

M. DAI YUZHONG (Chine) a rappelé qu'en matière de lutte contre la torture, la coopération internationale est indispensable. Le représentant a regretté que certains groupes de travail et rapporteurs n'aient pas pleinement respecté leurs mandats et qu'ils aient lancé des attaques volontaires envers les pays en développement, au mépris du respect de la souveraineté des États et en confondant la torture et la punition des criminels conformément à la loi. Il leur a demandé de respecter les principes d'impartialité, d'universalité, d'objectivité, de non-sélectivité et d'éviter d'être utilisés à des fins politiques. Par ailleurs, la Chine est favorable à la poursuite des travaux du Groupe de travail sur le projet de protocole facultatif à la Convention contre la torture. Le protocole devrait clairement refléter les buts et principes contenus dans la Charte, particulièrement le principe du respect de la souveraineté et de la non-ingérence, a estimé le représentant. En outre, les visites dans les pays doivent se fonder sur le respect des lois des États concernés. M. Dai Yuzhong a souligné l'engagement de la Chine dans la lutte pour l'élimination de la torture et a rappelé que son Gouvernement a entrepris à cet égard une réforme de la procédure et du code pénal.

M. ADRIANO PARREIRA (Angola) a indiqué, au sujet des quatre cas de disparitions forcées qui auraient eu lieu dans le pays il y a plus de vingt ans, que pas une seule plainte n'a été déposée et qu'aucune demande d'enquête officielle n'a été ouverte à leur sujet. Il a souligné que l'Angola coopère activement avec le groupe de travail ainsi qu'avec les autres organismes des Nations Unies chargés des droits de l'homme. Il a assuré la Commission que son Gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour traiter les cas de disparitions forcées qui s'avéreraient réels. Dans l'intervalle, il a souhaité que le Groupe de travail suspende l'examen des quatre cas mentionnés.

M. NAUDY SUÁREZ FIGUEROA (Venezuela), souhaitant replacer dans son contexte la visite effectuée dans son pays par le Rapporteur spécial sur la torture, M. Nigel Rodley, a rappelé que le Venezuela n'avait pas échappé à la crise de la dette qui a frappé toute l'Amérique latine au cours des années 1980. Au cours de cette décennie, les indicateurs sociaux de la population du Venezuela n'ont cessé de chuter. Tous ces problèmes se sont aggravés au début des années 1990, le programme d'ajustements macro-économiques, dont le coût social a été très élevé, se soldant par un échec. Un Président constitutionnel fut même destitué par la Cour suprême et le système bancaire national s'est effondré. C'est dans ce contexte qu'en février 1994, débutait le mandat d'un nouveau Président constitutionnel, avec, pour objectif, le redressement économique et la reconstruction morale et institutionnelle du pays. Ainsi, en 1996, lorsque M. Rodley se rend au Venezuela, la crise

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politique est surmontée et l'on commence à enregistrer les premiers signes de stabilisation économique alors que les premières mesures de réforme institutionnelle sont lancées. Le représentant du Venezuela a rappelé l'extraordinaire franchise, attestée par le Rapporteur spécial, dont ont fait preuve tous les fonctionnaires gouvernementaux rencontrés ainsi que la liberté totale de mouvement dont a bénéficié M. Rodley.

M. YASSIR SED AHMED EL HASSAN (Soudan) a déclaré que son Gouvernement a pleinement coopéré avec le Groupe de travail sur les disparitions involontaires, malgré les difficultés liées au conflit qui se déroule dans le sud du pays. Il a encouragé toutes les organisations non gouvernementales aidant plus particulièrement les femmes et les enfants à poursuivre leur travail et a souhaité une coopération avec l'Unicef. S'agissant de la lutte contre la torture, le Soudan a décidé de créer un conseil chargé d'étudier cette question et a mis en place un système de surveillance de toutes les peines, a indiqué le représentant. Il a par ailleurs exprimé ses regrets pour les enfants enlevés par les rebelles et recrutés de force dans le cadre du conflit dans le Sud et a lancé un appel à la communauté internationale, au Comité international de la Croix-Rouge et au Rapporteur spécial sur cette question pour que les enfants puissent retrouver leurs familles.

M. IGOR GREXA (Slovaquie) a estimé que l'éradication de la torture et des pratiques similaires exige une conjugaison des efforts déployés aux niveaux national et international. C'est pourquoi la Slovaquie approuve le projet de création d'une cour criminelle internationale qui serait habilitée a juger de la torture, des disparitions forcées ainsi que de tous les actes portant gravement atteinte à l'intégrité psychique et physique des personnes. La Slovaquie estime qu'il faut passer au stade supérieur, c'est-à-dire à celui de l'analyse, pour que cette juridiction pénale permanente puisse voir le jour l'année prochaine. En attendant, elle juge nécessaire que tous les États ratifient les instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme et qu'ils retirent les réserves qu'ils ont émises sur certains articles de la Convention contre la torture, et notamment l'article 20. La Slovaquie a, pour sa part, retiré ses réserves sur cet article en mars 1995. Elle est, par ailleurs, favorable à la conclusion rapide du protocole additionnel facultatif à la Convention.

MME CAILIN C.E. MACKENZIE (Fédération internationale des journalistes) a rappelé que, pour être jugée diffamatoire, une déclaration doit être fausse, faite avec de mauvaises intentions et porter atteinte à la réputation. Elle a demandé la levée de la censure qui frappe la presse en Albanie et en Algérie. Elle a également souhaité que des meurtres de journalistes fassent l'objet d'enquêtes en Argentine et en Indonésie. Elle a demandé la libération de journalistes au Venezuela, en Indonésie et au Pérou. Dans ce dernier pays, elle a dénoncé l'utilisation de juges sans visage pour incarcérer des journalistes. Elle a indiqué qu'il y avait actuellement en Éthiopie 12 journalistes emprisonnés dont la moitié n'ont pas été inculpés. Elle a déclaré que l'utilisation de cours de sûreté de l'État pour juger des

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journalistes devait cesser en Turquie, où au moins 80 journalistes et écrivains se trouvent en prison en dépit des modifications apportées à la loi anti-terreur et où 184 écrivains et intellectuels sont emprisonnés pour avoir bravé la censure.

M. MESHACH KARANW (Association internationale des éducateurs pour la paix du monde) a exprimé sa vive préoccupation quant à la persistance des détentions indéfinies de défenseurs des droits de l'homme, de journalistes, d'opposants pacifiques et de la pratique de la torture et d'autres traitements inhumains ou dégradants. Il a appelé la Commission à mandater le Rapporteur spécial afin qu'il puisse enquêter sur les questions de torture et de décès de personnes en cours de détention au Nigéria et en Inde. La Commission est priée de demander au Nigéria, à la République de Corée et à l'Inde de coopérer avec le Rapporteur spécial et de juger les auteurs de tortures. Elle doit aussi inviter les États à interdire la pratique de la détention au secret.

MME FAWZIA ASSAAD (Fédération Pen) a attiré l'attention de la Commission sur la tendance des gouvernements qui connaissent des révoltes et des troubles sociaux à bâillonner, avant tout autre chose, la liberté d'expression. La suppression brutale du droit à la parole dans des pays en difficulté peut exacerber les conflits au lieu de les résoudre, a-t-elle ajouté. Évoquant à cet égard la situation en Albanie, au Bélarus, en Indonésie, au Myanmar, au Cameroun, en Zambie et au Zimbabwe, la représentante a recommandé que toutes les formes de censure, et pas seulement celles qui s'accompagnent de menaces à l'intégrité physique des personnes, entrent dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression.

M. FRANÇOIS COFFINIER (Agence des cités unies pour la coopération Nord- Sud) a dénoncé les errances de la société moderne qui ignore des franges entières de population et les emprisonne dans une situation sociale et économique inhumaine et dégradante. «Nous voulons parler des habitants des bidonvilles, des ghettos de nos grandes métropoles, qui sont inhumainement maintenus dans un état de pauvreté parce qu'on ne veut pas s'intéresser à leurs problèmes spécifiques, à leurs cultures» a déclaré M. Coffinier indiquant qu'il faisait notamment référence aux Gitans en France, au Touaregs en Afrique, aux Portoricains à New York. Il a également déploré l'emprisonnement psychologique des toxicomanes considérés tantôt comme délinquants, tantôt comme reliquats de l'humanité.

MME VERENA GRAF (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a dénoncé la détention par les autorités espagnoles de membres du parti politique basque Herri Batasuna et a estimé que l'Espagne étouffe ainsi la voix de représentants démocratiquement élus du pays Basque. Par ailleurs, elle a instamment demandé à la Commission de se pencher sur le conflit armé au Sri Lanka, où de graves violations des droits de l'homme se poursuivent avec une fréquence et une férocité accrues. La Commission doit demander à ce qu'il soit mis un terme à ce génocide, a indiqué la représentante.

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Droit de réponse

Le représentant du Viet Nam a déclaré que, comme cela est de coutume, une poignée de Vietnamiens de l'étranger, s'abritant derrière l'organisation Pax Romana et le prétendu Comité des droits de l'homme du Viet Nam, est venue devant cette Commission pour répandre des mensonges sur la réalité au Viet Nam. Le souci principal du Viet Nam en ce qui concerne sa politique à l'égard des prisonniers est de leur faire comprendre leurs erreurs pour qu'ils puissent réintégrer la société en citoyens honnêtes et utiles. Dans le pays, les prisonniers bénéficient de soins et d'éducation, ils ont des activités culturelles et peuvent recevoir des visites. Même lorsqu'il faisait face aux pires difficultés économiques, le Viet Nam a consacré une part importante du budget de l'État à l'amélioration des conditions de détention. Toute violation des droits légitimes des prisonniers est sévèrement punie. Les Vietnamiens de l'étranger qui ont pris la parole au nom de Pax Romana ont inventé l'histoire selon laquelle les prisonniers seraient utilisés pour déminer des terrains. Toutes les personnes détenues dans des camps de rééducation ont été libérées depuis longtemps.

Le représentant du Yémen a réfuté les allégations du représentant de l'Internationale des résistants à la guerre, qui s'était exprimé hier. Cette personne a oublié ce qu'il en était lorsque le Yémen a commencé à être unifié, a-t-il dit. Le peuple yéménite cherche aujourd'hui à maintenir son unité nationale et, s'il y a eu de graves violations des droits de l'homme dans le pays, elles ont été le fait des éléments sécessionnistes durant les événements de 1994. La victoire de la réunification yéménite contre ses ennemis est la réaffirmation que la paix et la stabilité règnent encore, a-t-il dit. Il a ajouté que son pays protège la liberté d'expression et compte plus de 15 partis politiques qui participeront aux élections législatives le 27 avril prochain. Il a conseillé à cette organisation non gouvernementale de ne plus laisser parler en son nom des gens qui cherchent à prolonger la guerre.

Rectificatif

Dans notre communiqué de presse DH/G/502 daté du 25 mars 1997 (après-midi), un deuxième droit de réponse de l'Arménie aurait dû y figurer :

Le représentant de l'Arménie a rappelé qu'il y a neuf ans, le peuple du Nagorno-Karabakh a recouru à des moyens pacifiques pour exercer son droit à l'autodétermination. L'Azerbaïdjan a alors réuni des forces qui se sont livrées à des pogroms. Les massacres de Sumgait ont été suivis des tueries et du pillage à Gianja en novembre 1988 et à Bakou en janvier 1990. De tels actes de barbarie sont difficiles à concevoir à l'époque moderne, a dit le représentant qui a souligné les efforts inutiles du délégué azéri de masquer ces brutalités.

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