LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA GEORGIE
Communiqué de Presse
DH/N/200
LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA GEORGIE
19970327 Les experts déplorent la persistance du recours à la torture de la part de la police et les conditions de vie carcérale inhumainesLe Comité des droits de l'homme, réuni sous la présidence de Mme Christine Chanet (France) a achevé, ce matin, l'examen du rapport initial de la Géorgie. Les experts ont poursuivi l'échange de vue entamé hier matin. S'agissant du statut du Pacte international pour les droits civils et politiques, plusieurs membres du Comité ont fait observer qu'outre l'existence de dispositions contenues dans la Constitution, il est essentiel de prendre des mesures concrètes pour assurer la mise en oeuvre du Pacte et d'affirmer que le Pacte a la primauté en droit interne géorgien. Par ailleurs, il a été souligné que des aveux obtenus sous la contrainte ne peuvent être utilisés devant les tribunaux. Il est indispensable qu'il y ait des cours de formation, séminaires et ateliers sur les normes des droits de l'homme, à l'intention des juges et des avocats. Il a également été demandé des précisions sur l'objection de conscience et le secret d'Etat. Des experts se sont interrogés sur l'autorité habilitée à révoquer les magistrats.
Les membres de la délégation géorgienne ont indiqué que le Pacte prime et représente la base de l'Etat en matière de droits de l'homme. Par ailleurs, ils ont assuré les experts que les observations émises par le Comité seront publiées.
Dans leurs observations finales, les experts ont placé un accent particulier sur la nécessité d'adopter rapidement un nouveau code pénal, de s'attaquer à la peine capitale, à la corruption, aux traitements inhumains de la part de la police et à améliorer les conditions de vie carcérale. Sur ce dernier point, la Géorgie est clairement en contradiction avec l'article 10 du Pacte, qui énumère les droits fondamentaux des personnes emprisonnées. Les difficultés rencontrées ne sauraient exempter la Géorgie de ses obligations internationales. Les recours à la torture, particulièrement, sont absolument injustifiables. La franchise de l'Etat partie ne saurait servir d'excuse à un certain laxisme. Le Gouvernement doit également s'employer à mettre en place une véritable culture des droits de l'homme, en formant des magistrats et des juristes mais aussi l'ensemble de la population.
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La Présidente du Comité s'est félicitée du dialogue particulièrement instructif qui s'est instauré durant ces deux journées. Les informations données sont remarquables pour un premier rapport. Mme Chanet s'est réjouie de voir que le Gouvernement géorgien accorde désormais la priorité aux questions des droits de l'homme. Ainsi que les représentants de l'Etat partie l'ont eux-mêmes reconnu, il faut s'attacher à combattre la méfiance qui règne parmi la population. Exprimant sa préoccupation à l'égard du recours à la torture et des conditions de vie dans les prisons, elle a rappelé qu'il est d'une importance capitale que la Géorgie mette en place des mécanismes de recours pour les personnes victimes des violations des droits de l'homme, qui doivent par ailleurs être poursuivies de manière systématique.
Le Comité des droits de l'homme reprendra ses travaux, lundi 31 mars 1997 à 10 heures, pour examiner le quatrième rapport périodique de la Colombie.
Deuxième partie des questions approuvées par le groupe de travail présession et posées à la délégation de la Géorgie
Faisant référence à l'avortement, un expert s'est étonné que le Gouvernement géorgien considère l'avortement comme un moyen de planification familiale. A-t-on mené des enquêtes sur les violations commises à l'encontre des femmes? Quelles sont les autres méthodes contraceptives offertes par les services de santé publics? L'expert a demandé d'indiquer les moyens permettant aux avocats d'obtenir les preuves nécessaires à leurs dossiers. Concernant les étrangers, l'expert a demandé d'expliquer pourquoi le rapport parle d'une loi établissant la responsabilité pénale des étrangers. Est-ce que la responsabilité pénale des étrangers serait différente de celle des nationaux géorgiens?
Soulignant la nécessité de distinguer le rôle du procureur et de l'autorité judiciaire, un autre expert a demandé d'indiquer l'autorité chargée de l'enquête. Il faut veiller à ce que l'ensemble de la législation soit publiée de façon systématique. Notant que le rapport indique que les restrictions au droit à la vie privée doivent faire l'objet d'une loi, l'expert a demandé de spécifier les conditions dans lesquelles ces restrictions sont imposées. Y a-t-il eu des remèdes aux violations qui ont fait l'objet de plaintes? L'expert a fait remarquer que le rapport ne donne pas de détails sur les enquêtes concernant les violations la liberté de presse. Le Gouvernement géorgien doit prendre des mesures concrètes pour garantir les droits de l'enfant.
S'agissant du statut du Pacte international pour les droits civils et politiques, un membre du Comité a fait observer qu'outre l'existence de dispositions contenues dans la Constitution, il est essentiel de prendre des mesures concrètes pour assurer la mise en oeuvre du Pacte et d'affirmer que le Pacte a la primauté en droit interne géorgien. Abordant la question des aveux obtenus sous la contrainte, un autre membre du Comité a estimé que ces aveux ne peuvent être utilisés devant les tribunaux. Il est indispensable qu'il y ait des cours de formation, séminaires et ateliers sur les normes des droits de l'homme, à l'intention des juges et des avocats. Est-ce que l'objection de conscience est admise en droit géorgien? Il est nécessaire de définir avec précision et de façon restrictive le secret d'Etat. Est-ce que le gouvernement peut, par décret ministériel, mettre fin aux activités d'une station de radio? Par ailleurs, il a demandé des précisions sur le sort réservé aux condamnés à mort. Quelles sont les dispositions du droit géorgien concernant la révocation des juges? Existe-t-il un mécanisme indépendant ou s'agit-il plutôt d'une décision du gouvernement?
Un expert a estimé que les obligations imposées à un Etat partie par l'article 14 du Pacte exige un système judiciaire impartial et indépendant.
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Réponse de l'Etat partie
Reprenant la parole pour répondre aux experts, M. LEVAN ALEXIDZE, Chef du Bureau juridique du Président de la Géorgie, a indiqué qu'il n'y a pas encore eu d'affaire portée en justice invoquant une disposition du Pacte. Dans un tel cas, il faudrait vraisemblablement faire appel à la Cour constitutionnelle, a-t-il ajouté. Sur le lien entre le Pacte, et les conventions de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et du Conseil de l'Europe, le représentant a indiqué que le Pacte prime et représente la base de l'Etat en matière de droits de l'homme. Reconnaissant le caractère contraignant des Pactes internationaux signés par la Géorgie, Etat désormais indépendant, il a évoqué toutefois la guerre civile et le passé vécu "sous le joug" soviétique pour expliquer que les instruments internationaux n'avaient pas été pleinement appliqués.
Quant à la diffusion du Pacte, il a admis que l'ensemble des juges ne sont pas encore au fait de son contenu, mais le Gouvernement s'efforce de combler cette lacune. Par ailleurs, il a assuré les membres du Comité que les observations émises par le Comité seront publiées. Il existe en Géorgie un Haut Commissaire aux droits de l'homme et une faculté du droit international et des relations internationales a été créée, préparant des diplomates et des juristes, qui étudient alors le Pacte en détail. Par ailleurs de nombreux séminaires sur les droits de l'homme sont organisés avec la coopération d'institutions internationales ou d'autres pays.
Différentes institutions nationales sont chargées des droits de l'homme, à savoir le défenseur public, qui entrera très bientôt en fonction, le conseiller du président et le comité parlementaire, qui est en train d'élaborer une loi sur les minorités nationales, ainsi qu'un sous-comité sur les établissements pénitentiaires. Les recommandations publiées par le comité parlementaire sont contraignantes et il peut décider d'entamer des poursuites contre les individus responsables de violations des droits de l'homme.
Il existe un règle selon laquelle toutes les lois sont publiées et ce n'est qu'après publication qu'elles entrent en vigueur. Ces textes ne sont pas seulement diffusés en géorgien mais également en russe, et dans les langues des différentes minorités présentes dans le pays.
Il n'y a pas de loi sur le droit de grève, qui est cependant prévu par la Constitution. Dans les faits, les travailleurs ont souvent recours à la grève. Le représentant a indiqué également qu'il y a une loi spéciale pour les objecteurs de conscience qui peuvent donc effectuer un service civil. En ce qui concerne la liberté d'expression, il est possible que des pressions s'exercent parfois sur les média, mais cinq projets de loi sur la presse sont actuellement en préparation. D'ailleurs les pactes indiquent qu'en certaines circonstances l'on peut limiter les libertés des média, certes il faut
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auparavant définir les critères précis justifiant de telles limitations, ainsi que le Gouvernement l'a fait il y a quelques mois. Les personnalités de l'opposition politique ont accès aux média, et notamment à la télévision. En fait, le contrôle des chaînes de télévision est minime sinon existant.
En Géorgie, il y a plusieurs groupes nationaux ethniques et linguistiques. Ce pluralisme ne pose pas de problème et il n'y a aucune discrimination. La déclaration des Nations Unies de 1992 sur les individus appartenant à des minorités est la base de la politique géorgienne en la matière.
M. Alexidze a admis que l'avortement ne constitue pas une méthode de planification familiale adéquate, tout en ajoutant qu'il ne dispose pas de plus amples données sur la question. De même, il n'a pu fournir d'informations plus précises sur les cas de poursuites en justice suite à une violation du droit des femmes.
Pour sa part, M. ANZOR BALUASHVILI, Procureur général adjoint de la Géorgie, a indiqué que les violations des droits de l'homme ont souvent été commises par d'anciens ministres de l'intérieur ou autres hauts fonctionnaires. Ils ont cependant été arrêtés et traduits en justice. Le président de la Géorgie a jeté les bases du pays. Le Gouvernement géorgien se déclare prêt à confesser ses erreurs. Les libertés se développent et les personnes peuvent se déplacer librement sur l'ensemble du territoire. Pendant la guerre civile, le couvre-feu était en vigueur. La réforme judiciaire est en cours. Un code civil est en cours d'élaboration. D'autres codes sont finalisés et sur le point d'être adoptés par le parlement. Le représentant a indiqué que le code pénal fait l'objet d'amendements.
Le Gouvernement géorgien essaie d'éliminer toutes les lacunes juridiques. L'information est maintenant transmise aux intéressés. De nouvelles méthodes ont été adoptées pour recueillir les témoignages. Il n'existe pas de prisonniers politiques, a assuré M. Baluashvili. En 1992, lors des troubles ethniques, des personnes emprisonnées pour des crimes graves avaient été libérées au grand regret de la population. Concernant la défense des droits des détenus, il a indiqué que le code de procédure pénale interdit tout examen ou tout interrogatoire sans la présence d'un avocat. Le détenu est informé de ses droits et peut garder le silence tant qu'il n'a pas constitué un avocat. Les témoignages obtenus sans la présence d'un avocat sont irrecevables. En 1996, des modifications ont été apportées au niveau du parquet. M. Baluashvili a indiqué qu'il existe des lois régissant la presse. La fédération des journalistes a établi des règles éthiques qu'elle peut appliquer aux journalistes qui contreviennent à l'éthique dans l'exercice de leur profession. S'agissant des recours devant les juridictions nationales, M. Baluashvili a indiqué que les décisions de la Cour suprême ne sont pas définitives. Les confiscations sont autorisées par les tribunaux, sauf rares exceptions.
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Observations et commentaires finaux des experts
Les membres du Comité ont rappelé que le rapport écrit ne brossait pas un tableau suffisamment complet de la situation des droits de l'homme en Géorgie. Toutefois, le complément oral apporté par les membres de la délégation tend à démontrer que des avancées réelles en matière de droits de l'homme sont en cours en Géorgie. Beaucoup reste à faire et les experts ont placé un accent particulier sur la nécessité d'adopter rapidement un nouveau code pénal, de s'attaquer à la peine capitale, à la corruption, aux traitements inhumains de la part de la police et à améliorer les conditions de vie carcérale. Sur ce dernier point, la Géorgie est clairement en contradiction avec l'article 10 du Pacte, qui énumère les droits fondamentaux des personnes emprisonnées. Or, cet article ne souffre d'aucune exception et la Géorgie doit remédier à cette situation au plus vite.
Conscients de la situation de transition politique et économique de la Géorgie, les experts se sont félicités de la volonté politique mise en oeuvre. Mais les difficultés rencontrées ne sauraient exempter la Géorgie de ses obligations internationales. Il est du devoir des experts du Comité de mettre en avant les domaines où la situation n'est pas satisfaisante et les recours à la torture, particulièrement, sont absolument injustifiables. La franchise de l'Etat partie ne saurait servir d'excuse à un certain laxisme. Pourquoi un édit présidentiel indiquant clairement la politique du pouvoir en matière des droits de l'homme n'a-t-il pas encore été publié? Contrairement aux affirmations de la délégation, il semble qu'il y ait encore un grand nombre de cas où des personnes ont été condamnées sur la base d'aveux extorqués par la violence.
En ce qui concerne l'instance d'appel, il est inacceptable que ce soit le même tribunal qui revoit une affaire et cela même si les juges sont différents. Il ressort du dialogue entrepris, hier, qu'il y a une amélioration importante, notamment grâce à la baisse de la criminalité. Il est satisfaisant de savoir que les observations du Comité seront diffusées en Géorgie. Les experts ont souligné à nouveau l'importance de nommer sans tarder un ombudsman, aux qualités humaines et professionnelles irréprochables et doté des ressources suffisantes. Sinon, sa nomination sera un triste jour pour les droits de l'homme en Géorgie. Le Gouvernement doit également s'employer à mettre en place une véritable culture des droits de l'homme, en formant des magistrats et des juristes mais aussi l'ensemble de la population.
Un autre membre du Comité a déploré le manque d'attention accordée aux droits des femmes. Des mesures doivent être également prises à l'égard des personnes, et tout particulièrement des enfants, déplacées à l'intérieur du pays suite aux événements récents. Les membres du Comité ont souhaité obtenir des renseignements écrits supplémentaires.
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On a souligné que la création d'un barreau libre est cruciale pour mieux garantir le respect des droits de l'homme. Il ne suffit pas de faire intervenir des avocats dans la procédure pénale mais de leur reconnaître un libre exercice de la profession. Tout en reconnaissant que la transition d'un régime répressif à un régime démocratique, certains experts ont regretté qu'il n'existe pas de mécanismes ou recours nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions du Pacte. Il faut supprimer l'impunité des violations des droits de l'homme. Il faudra poursuivre la réforme du droit et garantir les recours devant les juridictions nationales compétentes. Il est également indispensable de dispenser une formation en matière de droits de l'homme aux magistrats et aux avocats. L'Etat devrait assurer une assistance judiciaire tant sur le plan pénal que sur le plan civil. Il devrait en outre envisager la mise en place d'un mécanisme chargé de l'élimination des cas de torture.
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