DH/N/198

LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA GEORGIE

26 mars 1997


Communiqué de Presse
DH/N/198


LE COMITE DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA GEORGIE

19970326 Les experts notent que les institutions nationales ne font pas suffisamment face aux violations des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme, réuni ce matin sous la présidence de Mme Chanet (France), a entamé l'examen du rapport initial de la Géorgie, qui a ratifié le Pacte international pour les droits civils et politiques en 1991. Dans sa présentation orale, M. Levan Alexidze, Chef du Bureau juridique auprès du Président de la Géorgie, a rappelé que, sortie d'un régime totalitaire après 70 ans, la Géorgie a cherché à transformer la situation et à réaliser des progrès importants dans la voie de la démocratie. Le 24 août 1995, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la nouvelle Constitution. Le président est élu au suffrage universel direct. En 1991, le Gouvernement géorgien a adhéré ou ratifié de nombreux instruments juridiques internationaux en matière de droits de l'homme. Progressivement, les dispositions de ces instruments sont intégrées dans la législation nationale. M. Alexidze a souligné qu'en Géorgie, la discrimination à l'égard des femmes n'existe qu'au sein de la famille. Cependant leur participation à la vie publique et politique du pays reste encore faible.

Répondant aux questions du groupe de travail présession, M. Alexidze a indiqué que les événements en Abkhazie et en Ossétie du Sud ont eu un impact considérable sur la population géorgienne, puisque près de 250 000 Géorgiens ont été chassés de l'Abkhazie par les indépendantistes. Près de 10 000 personnes sont mortes sur les routes de l'exil et d'autres milliers ont été battus ou violés. En dépit des recommandations de l'ONU, les séparatistes refusent de laisser rentrer les réfugiés en Abkhazie. Il a indiqué que le Ministère public a créé une section pour évaluer les aveux et protéger les droits de l'homme des prévenus. En 1995, 79 membres des forces de police ont été traduits en justice pour avoir recouru à des pratiques tortionnaires, le plus souvent l'utilisation d'électrochocs, lors d'un interrogatoire ou d'une détention. Aujourd'hui, la peine de mort est seulement passible dans trois cas : crime avec préméditation, attentat contre un policier et subordination pour forcer quelqu'un à tuer. M. Alexidze a indiqué que les efforts déployés par son gouvernement en vue d'améliorer les conditions dans les prisons se heurtent le plus souvent à des contraintes budgétaires. Un laboratoire a été toutefois créé pour détecter la tuberculose, maladie fréquente chez les prisonniers.

Les membres du Comité se sont félicités de constater que la Géorgie s'est définitivement tournée vers la démocratie et le respect des droits de l'homme. Le pays est en transition, toutefois les experts ont noté un certain nombre de lacunes en matière de droits de l'homme qui ne sont pas justifiables. Ils ont cité entre autres, la peine de mort qui continue d'être appliquée, et le niveau inquiétant des conditions carcérales. Ils ont déploré l'absence de recours en appel lorsque la Cour suprême géorgienne prononce une peine de mort. Plusieurs membres du Comité ont en outre regretté l'absence d'un appareil de surveillance des droits de l'homme.

Le Comité des droits de l'homme poursuivra l'examen du rapport initial cet après-midi, à 15 heures.

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Présentation du rapport de la Géorgie

M. Levan Alexidze, Chef du Bureau juridique du Président de la Géorgie, a indiqué que le Gouvernement géorgien a beaucoup de respect pour le comité des droits de l'homme et souhaite qu'un dialogue franc s'établisse entre les membres du Comité et sa délégation. Aujourd'hui, la situation économique du pays s'est considérablement améliorée; la monnaie du pays est la plus stable de toute la région d'Europe orientale. La stabilité politique favorise les investissements étrangers. Les efforts du Gouvernement géorgien visant à éliminer la criminalité ont permis de rétablir la sécurité. Des conditions ont été mises en place pour garantir le respect des droits de l'homme. Sortie d'un régime totalitaire après 70 ans, la Géorgie a cherché à transformer la situation et à réaliser des progrès importants dans la voie de la démocratie. Le 24 août 1995, le Parlement a adopté à presque l'unanimité la nouvelle Constitution. Le président est élu au suffrage universel direct. Les responsables de l'opposition ont estimé que la création d'un poste d'ombudsman est prématurée. Une cour constitutionnelle a été instituée pour connaître de la constitutionnalité des lois• En 1991, le Gouvernement géorgien a adhéré ou ratifié de nombreux instruments juridiques internationaux en matière de droits de l'homme. Progressivement, les dispositions de ces instruments sont intégrées dans la législation nationale.

En Géorgie, la discrimination à l'égard des femmes n'existe qu'au sein de la famille. Leur participation à la vie publique et politique du pays reste encore faible. La représentation des femmes dans le secteur économique est un peu plus dynamique. Dans l'enseignement supérieur, le taux des étudiantes s'élèvent à 60%. Il est difficile pour la Géorgie qui vient de sortir de quatre guerres civiles d'établir une démocratie complète.

Rapport de la Géorgie

Dans son rapport initial (CCPR/C/100/Add.1), la Géorgie indique que le Parlement est l'organe législatif suprême. Le Parlement antérieur (le Soviet Suprême) avait été dissous par suite de l'intervention armée provoquée par le comportement antidémocratique du régime du Président Z. Gamsakhurdia, en place de décembre 1991 à janvier 1992. En ce qui concerne le cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, le rapport indique que le Parlement géorgien a reconnu la primauté des règles fondamentales du droit international sur la législation interne. Le pays a déjà adhéré à 14 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou les a ratifiés, s'engageant par cette démarche à rendre sa législation interne conforme aux exigences du droit international. Au cours de la période considérée, le Parlement a adopté une série de lois portant notamment modification du Code de procédure pénale, du Code du travail et du statut des étrangers. Il existe en Géorgie 94 nationalités différentes. Une infrastructure a été créée pour aider les minorités ethniques à asseoir leur identité propre, sur les plans linguistique et culturel.

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Concernant la situation en Abkhazie, le rapport indique que la Géorgie connaît des difficultés liées à la défense des droits des personnes déplacées de force. En 1992, le Conseil d'Etat a adopté un premier décret définissant le statut des personnes déplacées de force et des réfugiés, en se fondant sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés. Le Comité des droits de l'homme et des relations ethniques, créé le 22 avril 1992 par le chef de l'Etat, a pour fonction de fournir au gouvernement des renseignements sur les droits de l'homme et les minorités, d'étudier et d'observer la situation en ce qui concerne la législation et les décisions administratives et judiciaires dans le domaine des droits de l'homme. Sur la base des plaintes et requêtes, il fait des recommandations concernant le rétablissement des droits violés, donne des conseils sur toute question relevant du domaine des droits de l'homme, participe à l'éducation du grand public et favorise la diffusion des connaissances des droits de l'homme et la recherche des moyens permettant de les protéger. Au Cabinet du Représentant régional du chef de l'Etat, un fonctionnaire est spécialement chargé des questions relatives aux droits de l'homme.

S'agissant du danger public exceptionnel, l'état d'urgence sur le territoire national - prévu par la Constitution - est proclamé par le Parlement ou le chef de l'Etat et doit préciser les raisons de son institution, sa durée et ses limites territoriales. Le chef de l'Etat peut prolonger la durée de l'état d’urgence ou y mettre fin prématurément, avec le consentement du Parlement. La responsabilité pénale des dirigeants de mouvements de grève et des personnes entravant l'action d'organes et organismes de l'Etat lors d'une situation d'urgence a également été abolie.

Concernant le droit à la vie, la Géorgie a été la première République de l'ancienne URSS à abolir dans certains cas la peine de mort. Avant qu'un condamné à mort ne soit exécuté, son cas doit être examiné par le Conseil des remises de peine qui fait rapport au chef de l'Etat, et cela même si aucun recours en grâce n'a été reçu de la part du condamné. La décision de gracier un condamné appartient au chef de l'Etat. Toutefois, il faudra faire de sérieux efforts pour préparer l'opinion et faire changer les mentalités. La Géorgie a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 26 novembre 1994. Malgré les difficultés liées à la mise en oeuvre des dispositions de cette Convention, le Comité des droits de l'homme et des relations ethniques s’efforce de protéger le droit qu'ont les prisonniers et détenus de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le public et les organisations de défense des droits de l'homme sont également préoccupés par le sort de personnes retenues dans des centres de détention pour investigations et examen psychiatrique, et dont les droits sont violés depuis un an déjà.

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Faisant référence au droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le rapport indique que, par la loi du 27 juillet 1993, la police est tenue de respecter et de protéger les droits et les libertés des individus sans distinction. La détention préventive est régie par un chapitre particulier du Code de procédure pénale, qui prévoit notamment que le tribunal doit imposer la détention préventive dans une décision motivée mentionnant le délit dont la personne est suspectée ou accusée et les raisons du choix de cette mesure. D'une manière générale, les personnes mises en garde à vue ne peuvent être maintenues dans des lieux de détention pour une période supérieure à trois jours; la détention provisoire pendant l'enquête ne peut durer plus de deux mois, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. Pour ce qui est des droits des personnes privées de leur liberté, la situation du système pénitentiaire géorgien est loin de satisfaire aux normes internationales généralement reconnues, même si les principaux critères de l'article 10 du Pacte sont remplis. La situation est particulièrement grave dans les centres de détention préventive, où l'activité de l'administration est régie par des règlements désuets concernant la détention préventive, qui remontent à plus d'un quart de siècle. L'exercice du droit à la liberté de circulation et au libre choix de sa résidence est protégé par la Constitution. L'un des obstacles à la jouissance complète du droit à la liberté de circulation à l'intérieur du pays tient aux zones de conflit ethnopolitique qui embrassent des régions entières, notamment l'Abkhazie et l'ancienne Ossétie du Sud. En vertu de la loi du 3 juin 1993 sur le statut légal des étrangers, ces derniers se voient garantir les droits et libertés prévus par la législation géorgienne.

En procédure judiciaire, une personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée conformément à la procédure établie par la loi et que le verdict de culpabilité du tribunal soit entré en vigueur. Une réforme du système juridique sur la base de la nouvelle Constitution est en cours et a pour but d’harmoniser l'ensemble du système juridique avec les normes internationales et d'éliminer des défauts tels que le préjugé généralement favorable à l'accusation que l'on relève dans le Code de procédure pénale et le caractère dominant du parquet.

Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est garanti par la nouvelle Constitution. La liberté d'expression est également garantie par la Constitution. La censure de la presse et des autres médias n’est pas autorisée. Tout abus des médias est également interdit. La liberté de la presse peut être considérée comme l'un des acquis les plus importants de la jeune démocratie géorgienne. Le droit de réunion pacifique est garanti par la nouvelle Constitution en totale conformité avec les normes internationales. Des restrictions à l'exercice de ce droit ne sont imposées qu'aux membres des forces armées, de la police et des services de sécurité. La liberté d'association est reconnue par la nouvelle Constitution. Concernant la protection des droits des minorités nationales, le rapport indique qu'en dépit

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d'une situation économique très grave et un budget sollicité à l'excès, toutes les infrastructures de l'autonomie culturelle des minorités, à savoir les écoles, les institutions culturelles, la presse et les théâtres, sont maintenues et même élargies. Pour rendre plus efficace la politique géorgienne à l'égard des minorités, le Comité des droits de l'homme et des relations ethniques a signé des accords de coopération bilatérale avec les organisations correspondantes de la Fédération de Russie et de l'Azerbaïdjan. Un accord avec l'Arménie est en cours d'élaboration. Le chef de l'Etat a mis en place un conseil consultatif comprenant d'éminents représentants des minorités nationales.

Réponse de la Géorgie aux points soulevés par le groupe de travail présession

Abordant la question de l'impact des événements en Abkhazie et en Ossétie du Sud, M. ALEXIDZE a indiqué que c'est un problème important car près de 250 000 Géorgiens ont été chassés de l'Abkhazie par les indépendantistes. Près de 10 000 personnes sont mortes sur les routes de l'exil et d'autres milliers ont été battus ou violés. Ces réfugiés sont hébergés en Géorgie, une allocation de survie leur est donnée, ainsi que l'accès gratuit aux services élémentaires. Mais les séparatistes, malgré les recommandations de l'ONU, refusent de laisser rentrer ces réfugiés en Abkhazie. En un an, 310 personnes ont pu rentrer chez elles. Le Gouvernement envisage de traduire les séparatistes devant le Tribunal international. Le scénario est quasiment le même en Ossétie du Sud. Ces conflits ont été initiés par des forces armées extérieures sous prétexte d'une purification ethnique. Minoritaires, les séparatistes abkhazes ne veulent pas rétablir la répartition démographique qui prévalait il y a quelques années, ils veulent une Abkhazie abkhaze. Le Gouvernement s'efforce de faciliter le retour des réfugiés et d'assurer leur sécurité mais ce n'est pas facile.

Il y a eu deux cas où la foule à arracher un accusé de viol ou de meurtre des mains de la police pour l'exécuter, mais les responsables ont été retrouvés et traduits en justice. Par ailleurs, la torture est condamnée par la loi, de même que les aveux forcés ou les traitements dégradants. Le Ministère public a créé une section pour évaluer les aveux et protéger les droits de l'homme des prévenus. En 1995, 79 membres des forces de police ont été traduits en justice pour avoir recouru à des pratiques tortionnaires, le plus souvent l'utilisation d'électrochocs, lors d'un interrogatoire ou d'une détention. Ces derniers mois, il n'y a pas eu de nouveaux cas mais il faut tenir compte d'un syndrome de peur de la part des personnes victimes de ces pratiques, qui alors n'osent pas les dénoncer. Une formation des fonctionnaires de police sur les droits de l'homme et le contenu des divers textes internationaux est organisée, en coopération avec les organisations non gouvernementales. Il reste toutefois très difficile de briser l'esprit totalitaire de la police.

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Depuis juin 1993, une loi a été votée sur l'utilisation des armes à feu par la police. Un policier ne peut pas ouvrir le feu dans les endroits où des personnes tierces et notamment des femmes enceintes, jeunes ou personnes invalides, sont présentes. Après enquête, il apparaît que la police a rarement recours à l'usage des armes. Dans ce domaine, on ne note pas d'abus de pouvoir.

M. ALEXIDZE a précisé que l'existence de la peine de mort en Géorgie est une réminiscence de son passé soviétique. La volonté du Président actuel est de supprimer la peine de mort, mais la population est réticente. C'est pourquoi pour des crimes particuliers, elle subsiste encore, mais depuis 1994, aucune exécution capitale n'a été effectuée. Il y a un moratoire voulu par le Président Chevarnadze, qui par ailleurs réduit peu à peu les articles qui permettent d'appliquer la peine de mort. Aujourd'hui, la peine de mort est seulement passible dans 3 cas, crime avec préméditation, attentat contre un policier et subordination pour forcer quelqu'un à tuer. Les femmes et les personnes de plus de 65 ans ne sont pas passibles de la peine de mort. Le nouveau code pénal en élaboration prévoit l'interdiction de la peine de mort.

Se référant à la question de l'interdiction de la torture et de la contrainte pour extorquer des aveux, M. Alexidze a indiqué qu'en Géorgie, il n'existe plus d'internement forcé dans les hôpitaux psychiatriques dont la pratique était fréquente sous le régime soviétique. L'amélioration des conditions dans les prisons est assurée avec la coopération de la Croix-Rouge, du Centre des droits de l'homme et d'autres institutions. Les organisations internationales, notamment la Banque mondiale, contribuent au financement de la construction de nouvelles prisons en vue d'améliorer les conditions de détention. En 1994, 818 détenus ont été traités. En 1996, 39 personnes sont mortes en détention, ce qui marque une baisse considérable par rapport aux années précédentes. Le Gouvernement a créé un laboratoire pour détecter la tuberculose chez les détenus et prisonniers. La Géorgie adopte actuellement une discipline budgétaire très stricte et ne peut donc améliorer rapidement les conditions de la détention. Le représentant a souhaité que la contribution des institutions internationales permette à son pays de faire face à la situation.

Concernant la liberté et la sécurité des personnes, M. Alexidze a indiqué que les délais de la garde à vue et de la détention préventive sont strictement réglementés par la législation pénale en vigueur. Les proches des personnes en garde à vue sont habilitées à contester la durée jugée excessive. Dans un délai de cinq jours, le tribunal doit examiner la plainte dont il saisi.

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Commentaires et observations des experts du Comité

Réagissant à la présentation orale de la délégation géorgienne, un membre du Comité a estimé que le rapport est le premier indice que la Géorgie se tourne effectivement vers les droits de l'homme. Sans oublier que la Géorgie est encore un Etat en transition, les experts ont souligné toutefois que la lecture du rapport est parfois difficile et que le tableau présenté reste incomplet, car il y a un manque d'information sur les recours dans la pratique en cas de violation des droits de l'homme. Pour un des membres du Comité, les rapports écrit et oral n'expliquent pas de façon suffisante la situation actuelle des droits de l'homme en Géorgie. Le rapport cite des dispositions du Pacte que la Géorgie s'engage à respecter, sans pour autant dire par quels moyens elle les applique. De plus le rapport ne parle pas de la violence, ni de l'existence d'appareils ou d'institutions oeuvrant en faveur des droits de l'homme. La procédure judiciaire ne semble pas suffisamment indépendante pour assurer les droits de l'accusé. L'une des lacunes les plus graves est l'insuffisance des détails sur les violations ayant eu lieu soit au cours de l'instruction ou de la détention préalable, évoquées dans le rapport. Il y a également un manque d'information en ce qui concerne la liberté de réunion, et la liberté syndicale. Un des grands problèmes est que la population, de l'aveu même des autorités, ignore encore ses droits. Il est dit notamment dans le rapport que les juristes géorgiens ne sont pas encore assez dynamiques dans la défense des droits de l'homme. Il y a donc une nécessité de renforcer le système judiciaire pour rétablir la confiance collective.

Un autre expert, abordant tout particulièrement la question de la peine de mort, a estimé qu'il y a une contradiction entre les engagements internationaux et les faits. Selon plusieurs sources d'information, les aveux obtenus lors des interrogatoires de ces affaires passibles de peine de mort l'auraient été par recours à la torture. Que peut répondre la délégation géorgienne à cela? Par ailleurs, un problème de rétroactivité semble se poser entre la Constitution de 21, le régime soviétique et la nouvelle Constitution de 1995. Ne serait-il pas opportun que toutes les peines de mort soient immédiatement commuées en peine d'incarcération en attendant un nouveau procès à la lumière de la nouvelle Constitution?

Notant le nombre considérable de décès parmi les prisonniers incarcérés, un membre du Comité s'est inquiété de la description alarmante des conditions carcérales données dans le rapport. Apparemment il y a une violation du droit à la vie des prisonniers, a-t-il ajouté. Il semble que les conséquences de l'incarcération vont très au-delà de la privation de la liberté mais ressemble plutôt à un traitement cruel et inhumain. Quelles sont les justifications de l'incarcération en détention préventive? Quelle est la marge d'action du juge? Comment décide-t-on de l'incarcération d'un mineur et jusqu'à quel âge les personnes sont-elles considérées comme mineures? Est-ce que les services pénitentiaires séparent les condamnés des prévenus, et les mineurs des adultes?

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Concernant la torture, un autre expert a demandé d'indiquer ce qui est advenu des personnes condamnées sur la base d'aveux. Que fait-on pour réouvrir des dossiers sur la condamnation de personnes ayant avoué sous la contrainte? Un expert a demandé si des compensations sont effectivement payées aux victimes de torture ou de détention illégale?

En ce qui concerne le fonctionnement de l'appareil judiciaire, quels sont les délais entre l'arrestation et le jugement d'une personne? Ces délais sont-ils de durée variable et qui en décide?

Convaincu que la Géorgie déploie des efforts considérables pour assurer la primauté du Pacte international pour les droits civils et politiques dans son droit interne, un autre expert a demandé des précisions sur les violations graves commises à l'encontre de la population d'Abkhazie. Après son accession à l'indépendance en 1991, la Géorgie a adhéré au Pacte. Les autorités géorgiennes doivent respecter notamment l'article 2 du Pacte relatif aux recours. En cas de violation, les recours ont toujours posé un problème majeur dans l'ex-Républiques soviétique.

Un autre membre du Comité a regretté que le poste de Ombudsman, défenseur de l'Etat n'ait pas été pourvu. Se référant également à la création du poste d'ombudsman, un expert a fait observer que le rapport tout entier présenté par la Géorgie montre que les institutions nationales en matière de droits de l'homme peu nombreuses et peu stables. Il a souhaité obtenir des précisions sur les commissions parlementaires chargées des questions des droits de l'homme et, en particulier, des minorités nationales. Il existe véritablement une faiblesse des institutions géorgiennes face aux violations des droits civils et politiques énoncés par le Pacte. L'absence de ressources financières ne peut garantir le respect des droits de l'homme dans le pays.

Notant que la Géorgie a ratifié un grand nombre d'instruments internationaux en matière de droits de l'homme, un expert a toutefois fait part de son inquiétude. Des rapports de différentes sources indiquent clairement qu'il existe encore de nombreux prisonniers politiques en Géorgie. Quelle est la situation des déportés politiques?

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