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DH/N/199

COMITE DES DROITS DE L'HOMME : LES EXPERTS S'INQUIETENT DE LA PERSISTANCE DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN GEORGIE

26 mars 1997


Communiqué de Presse
DH/N/199


COMITE DES DROITS DE L'HOMME : LES EXPERTS S'INQUIETENT DE LA PERSISTANCE DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME EN GEORGIE

19970326 La Géorgie indique que la corruption constitue un obstacle majeur au respect des droits de l'homme

Le Comité des droits de l'homme, réuni sous la présidence de Mme Christine Chanet (France), a poursuivi cet après-midi l'examen du rapport initial de la Géorgie. Il a entendu un échange de vues dans le cadre duquel la délégation de la Géorgie a fait valoir qu'il s'agissait du premier rapport relatif aux droits de l'homme présenté par la Géorgie, et qu'il ne pouvait donc pas être parfait. Toutefois, M. Alexidze, Chef de la délégation de la Géorgie, a rappelé que son pays a accédé à l'indépendance, la première mesure prise a été la reconnaissance de la primauté du droit international. Malheureusement une guerre civile a éclaté peu après. Il a donc été presque impossible de mettre en oeuvre les dispositions relatives aux droits civils et politiques. La population est informée des différentes conventions internationales signées, dont les textes ont été publiés et dont on parle à la télévision et dans les écoles. Aujourd'hui le fléau numéro 1 est la corruption, contre laquelle les autorités luttent avec fermeté car s'il y a corruption, il ne peut y avoir plein respect des droits de l'homme.

La situation financière de la Géorgie est une conséquence directe des conditions carcérales difficiles. Un pourcentage très important de la population du pays vit dans la pauvreté et l'on ne peut pas faire autant qu'on le voudrait pour les prisonniers.

En 1996, une loi a été adoptée définissant les fonctions et la compétence du Procureur et les différentes fonctions concernant la défense des personnes. Par ce texte, le Procureur, élu pour 5 ans, est en passe de devenir l'organe central de défense des droits de l'homme. La délégation géorgienne a indiqué que la peine de mort est encore au centre de débats. Pour ce qui est de la torture, des mesures répressives sont prises à l'encontre des responsables de torture ou de détention arbitraire. Depuis le 1er janvier 1997, de nouvelles lois sont promulguées, régissant les conditions de la détention préventive. Le projet de code de procédure pénale, qui entrera en vigueur après le 25 novembre 1997, prévoit que ce sont les juges

qui détermineront la durée de la détention préventive. Pour se conformer au Pacte et mieux répondre aux nécessités démocratiques, la délégation géorgienne a indiqué qu'une réforme institutionnelle, législative et judiciaire est en cours.

Plusieurs membres du Comité ont déploré le manque de clarté apportée par la délégation géorgienne quant aux responsabilités et attributions des personnes chargées de défendre les droits de l'homme au sein des institutions gouvernementales. Ils ont également demandé si le Pacte international pour les droits civils et politiques avait la primauté sur la législation nationale. D'autres ont demandé si une personne pouvait se prévaloir des dispositions du Pacte devant les juridictions nationales.

Le Comité devrait achever l'examen du rapport de la Géorgie, demain, jeudi 27 mars, à partir de 10 heures.

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Réponse de l'Etat partie

Dans ses réponses aux questions des experts, M. ALEXIDZE a rappelé qu'à partir du moment où la Géorgie a été indépendante, la première mesure prise a été la reconnaissance de la primauté du droit international. Malheureusement une guerre civile a éclaté peu après. Il a donc été presque impossible de mettre en oeuvre les dispositions relatives aux droits civils et politiques. Ce n'est que lorsque la situation s'est quelque peu stabilisée que les premiers efforts ont pu être déployés.

En ce qui concerne le Protocole facultatif, la Géorgie, contrairement à de nombreux Etats, l'a signé, ce qui prouve qu'elle est totalement prête à défendre les droits de l'homme. La population est au courant de ces textes, qui ont été publiés, certes peut-être pas à un fort tirage, et dont on parle à la télévision et dans les écoles. Le Gouvernement a la volonté de tout faire pour que les dispositions du Protocole facultatif soient appliquées. Concrètement chaque année, le bilan est fait des activités des organismes gouvernementaux. Le Ministre de la sécurité publique et le Président expliquent et jugent alors la situation. Aujourd'hui le fléau numéro 1 est la corruption, contre laquelle les autorités luttent avec fermeté car s'il y a corruption, il ne peut y avoir plein respect des droits de l'homme. Certes il subsiste un fossé entre la volonté et la réalité et la situation n'est pas parfaite mais grâce aux remarques du Comité, il est possible de réaliser des progrès.

La situation financière de la Géorgie est une conséquence directe des conditions carcérales difficiles. Un pourcentage très important de la population du pays vit dans la pauvreté et l'on ne peut pas faire autant qu'on le voudrait pour les prisonniers. Aujourd'hui l'accent est mis sur une alimentation suffisante et satisfaisante des prisonniers. M. ALEXIDZE a indiqué que dans les affaires où la peine de mort est demandée, les informations la justifiant sont, bien entendu, vérifiées et la peine n'est pas exécutée tant que les données n'ont pas été examinées complètement. Le représentant a plaidé en faveur de l'indulgence des membres du Comité puisqu'il s'agit du premier rapport de la Géorgie, il est donc compréhensible qu'il y ait des lacunes. Des mesures très importantes restent à prendre et le Gouvernement géorgien en a pleinement conscience.

En matière d'indépendance judiciaire, le problème majeur reste l'absence de confiance de la population car dans la pratique beaucoup de choses ont réellement changées. La création d'un poste de Ombudsman est d'ailleurs une grande avancée. Si personne n'a encore était désignée à ce poste, c'est qu'il faut trouver la personne acceptable par tous. Pour l'instant, seule l'institution de ce "défenseur de l'Etat" existe. En 1996, une loi a été adoptée définissant les fonctions et la compétence du Procureur et les différentes fonctions concernant la défense des personnes. Par ce texte,

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le Procureur est élu pour 5 ans, il vérifie la véracité des allégations concernant les droits de l'homme et il peut se saisir d'une question sans qu'une plainte n'ait même été portée. Il fait ensuite des recommandations qu'il présente aux organes pertinents en indiquant les mesures à prendre. Le Bureau du Procureur est donc en passe de devenir l'organe central de défense des droits de l'homme.

Abordant le fondement juridique du moratoire sur la peine de mort prononcé par le Président, M. ALEXIDZE a indiqué que le Parlement l'a approuvé et que le Président a parfaitement le droit de prendre des décrets. S'il y a de nouveaux jugements prononçant la peine capitale, son exécution est différée en vertu du moratoire.

Poursuivant l'échange de vues, M. ANZOR BALUASHVILI, Procureur général adjoint de la Géorgie, a répondu que la peine de mort est encore au centre de débats. Le 20 février 1992, le Conseil militaire avait publié une déclaration concernant le rétablissement de la Constitution de 1921. Cette Constitution ne prévoyait pas la peine de mort mais une loi postérieure avait établi les conditions dans lesquelles la peine capitale pouvait être appliquée, tenant compte des réalités. La cour constitutionnelle a donné une interprétation des dispositions de la Constitution sur la question, en faveur de l'application de la peine de mort dans certains cas. Les arrêts de la Cour suprême ne peuvent faire l'objet d'appel. Concernant les dispositions relatives au droit de grâce, la Cour suprême donne également un avis. Un nouveau code de procédure pénale est en cours d'élaboration. Les membres de la Cour suprême pourraient se réunir pour examiner les cas de peine capitale.

Faisant référence à la torture, M. Baluashvili a reconnu qu'en 1992 et 1993, des cas de torture ou de détention arbitraire ont été constatés. Des mesures répressives ont été prises à l'encontre des responsables de ces violations de droits de l'homme. Depuis le 1er janvier 1997, de nouvelles lois sont promulguées, régissant les conditions de la détention préventive. Si des méthodes illégales ont été utilisées, leurs auteurs seront poursuivis en justice. L'arrestation et la prorogation de la détention seront fixées par un tribunal indépendant. Le Ministère public se réserve le droit d'arrêter ou de proroger la détention d'un prévenu. Le nombre de magistrats demeure suffisant.

S'agissant de l'indemnisation, M. Baluashvili a indiqué qu'une loi en vigueur prévoit que si une personne a été arrêtée illégalement, elle pourra demander une indemnisation en réparation du préjudice subi. Jusqu'au 25 novembre 1997, la durée de la détention - en principe de deux mois - est déterminée par le procureur. Le projet de code de procédure pénale, qui entrera en vigueur après le 25 novembre 1997, prévoit que ce sont les juges qui détermineront la durée de la détention préventive. La peine capitale est prévue pour le meurtre prémédité d'un officier supérieur dans l'exercice de

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ses fonctions, lorsqu'il n'existe aucune circonstance atténuante. Dans la législation actuelle, les mineurs sont traités comme responsables à partir de l'âge de 16 ans. Le meurtre prémédité et le viol avec circonstances aggravantes excluent l'exception de minorité. Le traitement des prisonniers mineurs, différent de celui des prisonniers adultes, répond aux normes du droit international.

Reprenant la parole M.Alexidze a indiqué que c'est faute de temps que la délégation n'avait pas pu communiquer par écrit ses réponses aux questions du groupe de travail présession. Revenant sur les événements en Abkhazie, il a réaffirmé qu'il y a eu des violations des droits de l'homme des deux côtés et que l'attitude des séparatistes abkhazes relève du nettoyage ethnique. L'armée du Gouvernement de Géorgie est toute jeune et par conséquent, elle n'a commis que peu de crimes par rapport aux séparatistes.

Commentaires des experts

Formulant des commentaires et des observations supplémentaires, les membres du Comité ont estimé qu'étant donné la date de rédaction du rapport, le complément d'information sur la période écoulée depuis aurait pu être communiqué par écrit.

Abordant la loi prévoyant la mise en place d'un Procureur indépendant, un expert s'est demandé s'il n'y a pas double emploi entre ses fonctions et celles du Ombudsman. Quelles sont leurs relations? Il existe un collège d'examen des cas de peine de mort de la Cour suprême. En première instance de cet examen, combien y a-t-il de juges? Lorsque l'examen est porté à la connaissance de l'ensemble de la Cour suprême les mêmes juges sont-ils à nouveau présents? Un autre expert a demandé des précisions sur la situation sanitaire des lieux de détention pour mineurs.

M. BALUASHVILI, répondant aux dernières observations formulées, a indiqué que les camps de détention destinés aux mineurs disposent des soins médicaux et sociaux nécessaires. Le Procureur et le Ombudsman ont des fonctions différentes. Le premier traite des droits pour ce qui est de l'appareil judiciaire. Il procède à l'accusation, demande la traduction en justice des personnes et représente l'Etat devant le tribunal. L'Ombudsman, quant à lui, a pour fonction de vérifier le travail effectué par le Procureur.

Le premier collège d'examen de la Cour suprême est composé de 3 juges qui ensuite n'interviennent plus. Les questions de légalité sont examinées par trois autres juges, qui après avoir examiné toutes les plaintes et demandes, présentent des conclusions écrites sur les fondements et la légalité de la sentence à la Cour suprême. Ensuite, c'est un présidium, auquel participe le Procureur et 7 membres, qui tranche définitivement.

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En ce qui concerne la question de la prolongation de la détention et le contrôle judiciaire, il y a des normes prévues au Code pénal. Le défenseur a toujours le droit de contester la décision prise par le Procureur devant un tribunal, qui décide. Les critères de détention provisoire sont prévus au Code pénal. Le Procureur doit tenir compte des cas où il existe une alternative à la détention provisoire, tel le versement d'une amende. Les dispositions sont quelque peu différentes pour les mineurs. La détention n'est prévue en effet qu'en cas de délit grave. A partir du 25 novembre prochain, les questions ne pourront être tranchées que par un Tribunal.

Répondant aux questions figurant dans la liste approuvée par le groupe de travail présession (CCPR/59/Q/GEO/4), M. LEVAN ALEXIDZE a indiqué que les immunités diplomatiques peuvent être levées si une infraction grave est commise par un diplomate. Candidat à l'admission au Conseil de l'Europe, la Géorgie adhérera à la Convention européenne des droits de l'homme. Une cour constitutionnelle, créée en septembre 1996 et composée de neuf membres élus par le Parlement pour un mandat de 10 ans, se prononce sur la constitutionnalité des lois. Depuis sa création, elle a déjà été saisie de 35 cas. Les minorités y sont représentées. Concernant l'indépendance et l'impartialité de la magistrature, M. Alexidze a indiqué que les juges sont recrutés en fonction de leur intégrité et de leurs compétences professionnelles afin de vaincre la méfiance des justiciables à l'égard de la magistrature. Le Bureau du procureur est un organe judiciaire en soi. Il ne peut plus s'opposer aux décisions prises par un juge. Désormais, le rôle d'un procureur en Géorgie est similaire à celui d'un procureur de tout pays démocratique.

S'agissant de la liberté de conscience et de la liberté de religion, M. Alexidze a indiqué que le respect des religions en Géorgie a toujours existé. Toutes les confessions et religions coexistent. Pour ce qui est de la liberté d'expression, il a fait savoir que la presse géorgienne compte 500 journaux dont seulement deux sont des organes publics. La liberté syndicale fait l'objet d'un nouveau texte législatif. Toutefois, les syndicats créent une certaine méfiance parmi la population. D'ici le début de 1998, la législation nationale intégrera les dispositions de la Convention internationale sur les droits de l'enfant. M. Alexidze a souligné que le multipartisme ne connaît aucune restriction. Les partis politiques bénéficient d'une subvention pour financer leur campagne électorale. Le parlement légifère actuellement en ce qui concerne les minorités nationales. Les détails de ce nouveau texte de loi seront publiés dans le prochain rapport périodique de la Géorgie. En Abkhazie, les Abkhazes sont représentés dans toutes les institutions. La Géorgie avait créé vingt-cinq écoles où l'on enseigne la langue abkhaze. Les activités culturelles abkhazes sont subventionnées par le Gouvernement géorgien.

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Questions supplémentaires des experts

Formulant des observations sur les réponses supplémentaires apportées par la Géorgie, un membre du Comité a demandé si dans la réalité une personne peut invoquer une disposition du Pacte devant un tribunal. Qui l'emporte du Pacte ou de la loi nationale? Un membre du Comité a demandé si les observations du Comité concernant ce rapport seront rendues publiques? Le Pacte et les droits de l'homme font-ils l'objet d'une information particulière dans les écoles et les universités? Les informations présentées ont été jugées insuffisantes.

Les changements juridiques et administratifs mentionnés ont-ils conduit à des améliorations significatives en matière de droits de l'homme? a demandé un expert, évoquant des informations régulières tendant à indiquer que des violations nombreuses persistent. Un expert aimerait obtenir les exemples des cas concrets où les victimes de violations ont été dédommagées et où les responsables ont été condamnés. Il est significatif que le poste de Ombudsman ne soit pas encore pourvu et même si l'institution existe en théorie, la fonction n'est en réalité pas encore assurée. Plusieurs membres du Comité ont regretté le manque de clarté dans les réponses apportées sur les responsabilités et les attributions des personnes chargées de défendre les droits de l'homme au sein des institutions gouvernementales.

Un membre du Comité a souhaité savoir à quel moment la défense juridique peut-elle intervenir? Si elle intervient avant les aveux, alors les extorsions d'aveux par la force peuvent être évitées, a-t-il fait remarquer. Des précisions sur le secret de l'instruction afin d'assurer l'impartialité de jury ont été demandées.

En ce qui concerne la liberté d'association, un expert a noté l'absence d'une loi promulguée en faveur du droit de grève. Est-il vrai qu'à cet égard, on peut invoquer directement le Pacte? Si oui, une loi relative au droit de grève ne serait-elle pas superflue? Les prétextes d'agitation religieuse et de discorde ethnique évoqués dans le rapport est de facto une limite à la liberté d'association, a dénoncé un expert. Pour ce qui est de la question de la liberté des médias, des limites ont été relevées dans le texte de la Constitution, où les arguments évoqués de secret d'Etat ou de manque de papier, rappellent tristement les méthodes de l'ancien régime totalitaire. Qui définit la notion de secret d'Etat? Des sources d'information indépendantes, affirment que les informations radiophoniques et télévisées sont strictement contrôlées par l'Etat. Est-ce vrai? Pourquoi les allégations du chef d'un parti politique, selon lesquelles son téléphone était placé sur écoute, n'ont pas donné lieu à une enquête? Tous les citoyens doivent être traités de la même façon.

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Au cas où quelqu'un est appelé sous les drapeaux et a des objections de conscience ou religieuse, quelles sont les mesures prévues, a demandé un expert relevant le vide juridique sur cette question.

Un autre expert a relevé que la délégation géorgienne a parlé exclusivement de minorités nationales, or le Pacte ne limite pas les droits aux seules minorités nationales, qu'en est-il des autres groupes ethniques?

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