En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6188

LA VICTOIRE SUR L'APARTHEID EST UN SIGNE D'ESPOIR POUR L'HUMANITE ENTIERE, ESTIME LE SECRETAIRE GENERAL DANS UN DISCOURS SUR L'ONU ET L'AFRIQUE DU SUD

25 mars 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6188


LA VICTOIRE SUR L'APARTHEID EST UN SIGNE D'ESPOIR POUR L'HUMANITE ENTIERE, ESTIME LE SECRETAIRE GENERAL DANS UN DISCOURS SUR L'ONU ET L'AFRIQUE DU SUD

19970325 On trouvera ci-après le discours prononcé le 21 mars dernier par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, à l'Institut sud-africain des affaires internationales de Johannesburg :

C'est un grand plaisir pour moi que de me trouver Afrique du Sud, et je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous à l'Institut des affaires internationales, en cette circonstance à laquelle sont associés deux des plus prestigieux centres africains pour le règlement constructif des différends. Les groupes comme ceux que vous représentez — instituts de recherche, universités, groupes de réflexion — jouent un rôle de plus en plus actif sur la scène internationale. C'est là une évolution positive. Vous tenez dans la société civile mondiale une place extrêmement importante et vos travaux enrichissent ceux des Nations Unies. Nous sommes des alliés naturels.

Que je m'adresse à vous en cette journée nationale des droits de l'homme est particulièrement opportun. Le massacre de Sharpeville a fait prendre conscience à des millions de gens dans le monde du sort douloureux que connaissait la majorité des Sud-Africains.

Rendons hommage, en ce jour, à tous ceux qui se sont battus et qui ont donné leur vie dans le combat contre l'apartheid. Ce combat n'a pas été livré uniquement pour l'Afrique du Sud mais pour le monde entier, et la victoire qui a fait triompher la liberté, l'égalité, la non-discrimination et la justice est aussi une victoire pour les droits de l'homme sur l'ensemble de la planète.

Ce moment revêt pour moi, en ma qualité de Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, une importance particulière. En 1948, peu après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, un débat historique a eu lieu à l'Assemblée générale sur le point de savoir si celle-ci était en droit d'exprimer la préoccupation que lui inspirait le régime d'apartheid.

L'Assemblée a décidé que le principe de la défense des droits de l'homme au plan international prévalait sur celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures.

Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies originaire du continent africain, j'accorde personnellement et symboliquement une grande importance au renforcement des liens déjà étroits qui unissent les Nations Unies et la nouvelle Afrique du Sud.

Notre relation s'est forgée durant le long combat pour éliminer l'apartheid. Celui-ci a été mené d'abord et avant tout par les Sud-Africains pour les Sud-Africains. Mais dans ce combat s'incarnait celui de tous les Africains et de tous les peuples en lutte pour s'émanciper et se libérer du joug colonial, de l'oppression, de la tyrannie et de la discrimination. Ceux qui vouent leur vie à la lutte contre l'injustice sont des martyrs qui se sacrifient pour donner à tous plus de liberté. Ainsi la victoire sur l'apartheid est-elle un signe d'espoir pour l'humanité tout entière.

La campagne contre l'apartheid a été aussi une expérience enrichissante pour les Nations Unies. Solidaires de la majorité sud-africaine, l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont pris d'importantes initiatives pour aider tous ceux qui le subissaient et faire pression sur le régime pour qu'il s'engage sur la voie conduisant à une Afrique du Sud unie, démocratique et non raciale.

Ces initiatives comportaient l'application de sanctions dans les domaines économique, militaire, culturel et sportif. Elles comportaient également, ce qui est moins connu, mais tout aussi important, des programmes d'éducation et de formation qui ont permis aux communautés défavorisées de développer à l'étranger des compétences dont la nouvelle Afrique du Sud bénéficie aujourd'hui.

Ces initiatives se sont avérées, dans leur ensemble pour la communauté internationale, un moyen puissant et efficace d'exprimer à la fois son indignation et sa solidarité avec le peuple de ce pays.

À partir de cette expérience, on a pu définir le rôle que l'ONU pouvait jouer dans la solution de conflits apparemment insolubles. Nous ne cessons d'en tirer les leçons. En outre, le fait d'avoir triomphé de l'apartheid a puissamment renforcé la crédibilité de l'Organisation.

Aujourd'hui, à l'invitation du Président Mandela, les Nations Unies apportent leur aide aux Sud-Africains confrontés à l'héritage que leur a légué l'apartheid.

Les blessures infligées pendant des dizaines d'années de discrimination institutionnalisée ont laissé de profondes cicatrices. Economiquement, socialement, physiquement et psychologiquement. Pour panser ces blessures, réhabiliter et reconstruire, des années d'efforts soutenus seront nécessaires.

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La communauté internationale le sait, elle est prête à aider. Nous avons déjà réussi, par nos efforts conjugués, dans la sphère politique. Ne nous arrêtons pas en chemin.

En matière d'éducation, les Sud-Africains s'efforcent d'édifier une société plus dynamique, plus tolérante et qui prenne mieux soin de ses membres. Ils s'emploient à relever les immenses défis que leur posent la répartition inéquitable des ressources et l'insuffisance des programmes et de la formation et des matériels pédagogiques.

Dans le secteur de la santé, les médecins et auxiliaires de santé sud-africains immunisent les enfants et traitent de nombreux jeunes Sud-Africains chez qui se manifestent des symptômes de désordres post- traumatiques. Ils prennent aussi des mesures d'urgence pour arrêter la pandémie de sida.

Mais ce dont l'Afrique du Sud a besoin par-dessus tout, c'est de donner à toute sa population des chances et des possibilités multipliées.

Les travailleurs sud-africains ont besoin d'emplois et de formation. Les villes sud-africaines ont besoin d'électricité et d'autres services municipaux essentiels dont l'assainissement et l'approvisionnement en eau potable. Les administrations aux niveaux national et local, ainsi que la communauté des affaires et les organisations communautaires, s'efforcent de répondre à ces besoins.

La réforme foncière est une question cruciale pour ce qui concerne à la fois l'emploi et la génération de revenus. Un des principaux objectifs dans ce domaine est d'améliorer la répartition de terres agricoles de bonne qualité.

Prises dans leur ensemble, les disparités économiques et sociales énormes créées par l'apartheid posent un défi majeur à l'Afrique du Sud, mettant en question la stabilité et le développement à long terme du pays. En un sens, les Sud-Africains ont encore une autre lutte de libération à mener : il leur faut lutter pour pourvoir à leurs besoins, pour se libérer de la faim et de l'ignorance. C'est là un combat qui peut être et doit être gagné. Il faut aussi, autre défi majeur, que ce pays sache se gouverner. L'Afrique du Sud, à cet égard, a accompli énormément de choses :

- En tenant en 1994 des élections démocratiques;

- Par l'intermédiaire de sa Commission de la vérité et de la réconciliation;

- 4- SG/SM/6188 25 mars 1997

- En adoptant une nouvelle Constitution, dont un exemplaire m'a été remis cette semaine, en même temps qu'en prenaient connaissance les citoyens de cette nouvelle nation.

Cette constitution est une constitution qui sauvegarde les droits de l'homme et les libertés fondamentales, grâce à la mise en place de mécanismes tels que la Commission des droits de l'homme, à laquelle ont été attribués un mandat, des responsabilités et des pouvoirs très étendus.

Il y a à tous ces égards une évolution très prometteuse. Mais les Sud-Africains ont compris qu'il leur fallait faire plus encore, et en particulier former du personnel originaire de toutes les communautés, apte à remplir des postes dans la fonction publique, la fonction judiciaire et les autres institutions indispensables au gouvernement d'un pays et au fonctionnement d'une société. Ils comprennent qu'en investissant de la sorte pour tirer parti de tout un potentiel de ressources humaines, ils ne feront que renforcer la vie démocratique.

Les Nations Unies leur apportent leur aide dans tous ces domaines. Dès avant les élections historiques de 1994, l'Organisation avait entrepris de planifier la contribution qu'elle entendait apporter à la reconstruction et au développement après la crise.

Le Haut Commissaire pour les réfugiés et les institutions spécialisées ont facilité le retour des exilés sud-africains et la réintégration des anciens prisonniers politiques.

Aujourd'hui, les départements de l'Organisation et les institutions des Nations Unies mettent vigoureusement à exécution des programmes qui reflètent les priorités de l'Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique. Celle-ci est conçue de manière à apporter le maximum d'appui au développement de l'Afrique à un moment où les perspectives de reprise économique s'améliorent par rapport aux dernières années — grâce, pour une grande part, aux changements qui se produisent précisément en Afrique du Sud.

Conformément aux principes auxquels adhèrent depuis longtemps les Nations Unies, cette Initiative tend à favoriser l'autosuffisance de l'Afrique et la maîtrise par celle-ci de son développement.

Permettez-moi à ce sujet de soulever une question : celle des rapports de l'Afrique du Sud avec la communauté internationale.

La lutte contre l'apartheid a mis la population sud-africaine en contact avec la communauté internationale, un contact étroit, entretenu et en fin de compte fructueux. Maintenant que l'Afrique du Sud est sortie de cette crise exceptionnelle, la nation sud-africaine prend conscience avec une grande acuité des besoins économiques et sociaux du pays.

- 5- SG/SM/6188 25 mars 1997

Les Sud-Africains se posent par conséquent la question de la place que tient leur pays sur la scène internationale. À une époque où s'accélère l'interdépendance des pays, l'Afrique du Sud va-t-elle rester activement engagée au niveau mondial, ou va-t-elle devant l'ampleur de ses propres besoins choisir de se replier sur elle-même? La seconde option serait parfaitement compréhensible. Mais l'Afrique du Sud a beaucoup à offrir à la communauté mondiale. Je vais donc m'efforcer ici de défendre la première.

Dans le premier discours qu'il a prononcé devant l'Assemblée générale en tant que Président de l'Afrique du Sud, M. Mandela a déclaré :

"L'Afrique du Sud démocratique joint maintenant la communauté mondiale des nations, résolue à jouer son rôle en contribuant à renforcer l'Organisation des Nations Unies et à participer dans toute la mesure de ses moyens à la réalisation des objectifs que vise celle-ci."

L'attitude de M. Mandela correspond, je le pense, au sentiment des Sud-Africains qui, de même que la communauté internationale, s'est ralliée à leur cause au moment où ils avaient besoin d'aide, sont prêts aujourd'hui à répondre de semblable manière aux besoins de la société mondiale.

De très bons signes indiquent déjà que l'Afrique du Sud met ses intentions à exécution.

L'Afrique du Sud entretient des relations excellentes avec la plupart des autres pays africains. Elle joue un rôle clef au sein de la Communauté du développement de l'Afrique australe. Avec divers autres de ses membres, tels que le Botswana, le Mozambique et le Zimbabwe, elle a aidé le Lesotho et le Swaziland à s'attaquer à des problèmes critiques.

L'Afrique du Sud s'est employée activement à promouvoir la réconciliation nationale en Angola. Elle a fourni un appui logistique et matériel aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans ce pays.

Elle participe aux efforts de médiation en vue du règlement de la crise de la région des Grands Lacs. Et elle prend part aux discussions concernant la mise en place d'un mécanisme de maintien de la paix en Afrique.

La population sud-africaine met au service de ces initiatives internationales et de diverses autres initiatives la détermination dont elle a fait preuve tout au long des décennies où elle a connu l'apartheid. Concentrons maintenant cette énergie formidable sur les grands défis mondiaux que posent l'instauration de la paix, le développement et la réalisation de l'intégralité des droits de l'homme pour tous les Africains et pour tous les peuples du monde. C'est là la mission mondiale de l'Organisation des Nations Unies, et il semble, si l'on considère l'histoire de l'Afrique du Sud, que cela doit être aussi celle de ce pays.

- 6- SG/SM/6188 25 mars 1997

L'Afrique du Sud continue de bénéficier d'une énorme sympathie de la part de la communauté internationale et en particulier de la part des nouveaux partenaires qu'elle a trouvés dans ses échanges commerciaux et en matière d'investissements, au fur et à mesure que ceux-ci voient s'opérer la transformation du pays et qu'ils participent de façon croissante à celle-ci.

Certes, c'est en ses propres mains que l'Afrique tient son avenir et c'est elle qui décidera de son sort. Mais les Nations Unies demeurent profondément convaincues qu'elles se doivent de contribuer au bien-être du continent. Tout le système des Nations Unies va donc s'efforcer d'assurer que la vision que porte en elle l'Afrique, ses besoins et ses intérêts figurent au premier rang de l'agenda international de développement. Personnellement, je m'engage, moi dont l'éducation morale et l'évolution politique ont été tellement influencées par les événements qui se sont produits en Afrique du Sud, à vous apporter tout le soutien que vous pouvez attendre de moi, alors que se poursuit spectaculairement le cours de l'histoire exemplaire de votre pays.

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