DH/G/492

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LE RAPPORTEUR SPÉCIAL DÉNONCE LA PROGRESSION QUASI-OFFICIELLE DU RACISME ET DE LA XÉNOPHOBIE

20 mars 1997


Communiqué de Presse
DH/G/492


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : LE RAPPORTEUR SPÉCIAL DÉNONCE LA PROGRESSION QUASI-OFFICIELLE DU RACISME ET DE LA XÉNOPHOBIE

19970320 La Commission achève son débat sur le racisme et la discrimination raciale

Genève, 17 mars -- La Commission des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, l'examen de la question relative à la mise en oeuvre du Programme d'action de la troisième décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Dans ce cadre, elle a entendu la déclaration du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Maurice Glèlè-Ahanhanzo, qui s'est dit préoccupé par le fait que le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie gagnent du terrain de façon quasi-officielle. Des partis politiques ouvertement racistes accèdent au pouvoir, les théories racistes ont pignon sur rue et se répandent par le biais d'Internet, des lois au contenu manifestement raciste et xénophobe sont adoptées et des immigrés sont devenus les boucs émissaires de la crise économique, a-t-il dit. Il faut que la Commission condamne ces pratiques.

Les délégations des pays suivants ont pris part au débat sur cette question : Fédération de Russie, Algérie, Inde, États-Unis, Afrique du Sud, Indonésie, Zimbabwe, Ouganda, République islamique d'Iran, Turquie, Chypre, Jamahiriya arabe libyenne, Israël et Syrie. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole : Fédération internationale des droits de l'homme, Association internationale des éducateurs pour la paix du monde, Mouvement international des jeunes et des étudiants pour les Nations Unies, Fondation himalayenne de recherche et de culture, Centre Europe-Tiers monde et Minority Rights Group.

Les représentants de l'Inde et de l'Arménie ont exercé leur droit de réponse.

La Commission entamera demain matin, à partir de 10 heures, l'examen des points relatifs à l'état des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et au bon fonctionnement des organes crées en application des instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme. Elle devrait également entendre les allocutions du Vice-Premier Ministre de Croatie et du Ministre d'État du Gabon chargé des droits de l'homme.

Rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée

Présentant son rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, le Rapporteur spécial sur la question, M. MAURICE GLÈLÈ-AHANHANZO, s'est déclaré préoccupé par le fait que le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie gagnent du terrain de façon quasi-officielle. Des partis politiques ouvertement racistes accèdent au pouvoir, les théories racistes ont pignon sur rue et se répandent par le biais d'Internet, des lois au contenu manifestement raciste et xénophobes sont adoptées, des immigrés sont devenus les boucs émissaires de la crise économique. La communauté internationale ne peut rester indifférente à cette tendance et doit tirer les conséquences de la mondialisation de l'économie, a estimé M. Glèlè-Ahanhanzo. Il a rappelé que les populations victimes du racisme et de la discrimination raciale fondent leurs espoirs sur les Nations Unies et a encouragé la Commission à adopter des mesures concrètes.

Dans ses conclusions et recommandations, le rapport note que, d'une part, le racisme et la discrimination raciale persistent sous la forme structurelle, économique et sociale, d'autre part, sous la manifestation de la xénophobie dans différentes régions du monde. Les théories sur l'inégalité des races ressurgissent, tandis que se développe une exploitation pernicieuse des technologies modernes de communication, en particulier Internet, à des fins d'incitation à la haine raciale, à la xénophobie et à l'antisémitisme, note le rapport.

Le Rapporteur spécial souhaiterait que les recommandations qu'il a formulées précédemment se traduisent par des actions effectives sur le terrain, en particulier dans le domaine de l'éducation aux droits de l'homme, en faveur de l'acceptation de l'autre et de la tolérance en vue de la paix.

Le rapport réitère sa recommandation consistant à convoquer une conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie et d'inscrire à son ordre du jour la question de l'immigration et de la xénophobie. Il préconise d'envisager la possibilité de prendre des mesures au niveau international en entreprenant dès maintenant des études, des recherches et des concertations en ce qui concerne l'exploitation d'Internet à des fins de propagande raciste.

Dans deux rapports annexes, le Rapporteur spécial rend compte des deux missions qu'il a effectuées en Colombie du 28 juin au 15 juillet 1996, et au Koweit du 17 au 27 novembre 1996.

S'agissant de la Colombie, le Rapporteur spécial recommande d'adopter une loi sur le racisme et la discrimination raciale, d'interdire l'émission télévisée Sabados felices «où le Nègre est tourné en dérision», d'accélérer le processus d'attribution des terres aux populations afro-colombiennes et

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autochtones, de résoudre les problèmes administratifs relatifs aux subventions des resguardos, de sensibiliser l'armée et la police aux droits de l'homme, d'assurer une meilleure participation des populations afro-colombiennes et autochtones à la prise de décisions qui les concernent, de mieux respecter les droits économiques, sociaux et culturels des populations concernées dans la conception et la mise en oeuvre des plans de développement, notamment dans la région du Pacifique, et de préserver les populations de la violence dans les zones de conflits.

S'agissant du Koweit, le Rapporteur spécial recommande de régler en priorité de manière humaine et équitable, définitivement, la question des bidounes dont certains apparaissent comme des apatrides dans leur propre pays et leur assurer des services sociaux. Le rapport préconise également d'adopter et de faire appliquer une législation, un code du travail, uniforme et conforme aux conventions internationales. Il recommande en ce sens au Koweit de poursuivre sa coopération avec le BIT pour la mise au point du projet de loi élaboré avec son assistance technique.

Débat sur la mise en oeuvre du Programme d'action de la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale

M. BORIS S. KRYLOV (Fédération de Russie) a souligné que le racisme et la discrimination raciale prennent des formes nouvelles qui sont difficiles à identifier, à prévenir et à combattre. Aujourd'hui, des centaines de milliers de personnes sont arbitrairement privées de leur citoyenneté et font l'objet de discriminations, alors que des tentatives sont faites actuelement pour altérer l'équilibre ethnique existant et que des efforts sont entrepris pour édifier des sociétés mono-ethniques. De telles politiques cherchent parfois leur justification dans la nécessité de rétablir la justice historique; mais la forme ne change pas le contenu, et la discrimination reste la discrimination. Il est essentiel de s'assurer que les efforts de la communauté internationale en vue de combattre la discrimination raciale s'attaquent à toutes les formes de ce fléau et viennent au secours de toutes les catégories de la population qui en sont victimes.

La prévention de l'hostilité inter-ethnique est d'une importance vitale pour la Fédération de Russie, l'un des plus grands États multinationaux du monde où vivent plus de cent peuples. «Nous avons encore beaucoup à faire en termes de législation et de mise en oeuvre pour développer et renforcer l'harmonie inter-ethnique et pour prévenir les situations de crise», a déclaré le représentant russe. La première étape dans cette direction a déjà été franchie puisque la Constitution de la Fédération de Russie a établi le principe de l'égalité de toutes les nationalités. Grâce au Décret présidentiel de juin 1996, la Fédération de Russie dispose d'un programme global visant à régir les relations inter-ethniques et fédérales et à garantir les droits des minorités nationales. D'autre part, le nouveau Code pénal du pays prévoit des sanctions pénales et administratives pour les violations du principe de l'égalité des citoyens.

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M. MOHAMED-SALAH DEMBRI (Algérie) s'est déclaré inquiet de la résurgence de nouvelles formes de discrimination raciale et d'idéologies racistes. Les manifestations collectives de xénophobie et de haine raciale font peser de graves menaces sur la stabilité, la sécurité et la paix dans le monde et appellent une condamnation ferme et sans équivoque, a affirmé le représentant de l'Algérie. À cet égard, la communauté internationale doit renforcer le dialogue et la coopération afin d'encourager, au plan multilatéral, toutes les initiatives propres à éliminer le racisme et la xénophobie. L'Algérie est favorable à l'organisation d'une conférence mondiale sur cette question. S'agissant de la mise en oeuvre de la Décennie contre le racisme, les résultats obtenus jusqu'ici sont insignifiants, a souligné M. Dembri. Déplorant que, dans un contexte de crise économique mondiale, les étrangers et les travailleurs migrants sont victimes de nouvelles formes de discrimination raciale, le représentant de l'Algérie a appelé à une condamnation de telles pratiques. Il a également appelé à condamner les idées qui prônent la supériorité de certaines races, l'insécurité juridique du statut d'étranger et sa précarité. Le combat contre le racisme et la discrimination raciale doit être mené tant au plan national qu'international, a affirmé M. Dembri.

Mme ARUNDHATI GHOSE (Inde) a jugé que cette question est probablement l'une des questions les plus importantes à l'ordre du jour de la Commission car non seulement le racisme existe mais il progresse jusqu'à constituer une menace sérieuse pour l'harmonie et la stabilité de la société. Il existe aujourd'hui des groupes sociaux et politiques qui continuent de propager des thèses qui prônent la supériorité raciale et qui ne sont pas poursuivis. Il est inconcevable qu'un outil moderne d'information tel qu'Internet, sensé nous mener à une ère de micro-démocratie, soit en fait devenu un moyen de propager l'intolérance raciale, a-t-elle estimé.

L'Inde n'a nullement l'intention de montrer du doigt qui que ce soit mais souhaite que la question du racisme soit appréhendée dans sa globalité et de manière collective, a déclaré Mme Ghose. Le fait que le Centre pour les droits de l'homme n'ait pu organiser qu'un seul Séminaire depuis l'adoption de la Déclaration sur l'élimination de la discrimination raciale en 1993 témoigne du peu d'importance que nos gouvernements accordent à cette question. Or, toute tentative de régler ce problème doit se baser sur un engagement de tous à respecter les principes du multiculturalisme et de la tolérance, en théorie comme en pratique. L'Inde, qui n'a épargné aucun effort pour lutter contre le fanatisme religieux et promouvoir la tolérance, est d'avis que les médias et l'éducation constituent d'excellents moyens de lutter contre ce phénomène. L'Inde souhaite en particulier que tous les États rappellent que le racisme est l'une des violations les plus graves des droits de l'homme et que l'on affirme qu'en vertu du droit international, le racisme n'est pas une opinion mais un délit. Le racisme ne doit pas être confondu avec les autres formes de discrimination.

Mme FELICE GAER (États-Unis) a rappelé que son pays a adopté, ces trente dernières années, un ensemble de lois aux niveaux fédéral, des États et local

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interdisant la discrimination raciale. L'élimination de la discrimination raciale, nationale et ethnique a été et fera toujours l'objet d'une politique déterminée des États-Unis, a-t-elle assuré. Dans aucun autre pays au monde, on ne trouvera autant de débats publics sur la race et la discrimination du fait que le racisme, dans toutes ses manifestations, est un problème connu des États-Unis, comme des autres pays. Pourtant, le Rapporteur spécial a commis de sérieuses erreurs dans son rapport, a relevé Mme Gaer. Elle a notamment indiqué que le rapport de janvier 1995 du Rapporteur spécial indique que les institutions des États-Unis toléreraient tacitement le racisme. Cela démontre que le Rapporteur spécial ne comprend pas la situation raciale des États-Unis et qu'il ne connaît pas les politiques et structures juridiques mises en place par le pays pour lutter contre ce phénomène. Il semble que le Rapporteur ait considéré les anecdotes comme autant d'éléments accusateurs et qu'il ait pris toutes les critiques au pied de la lettre.

Les États-Unis jugent que l'analyse du Rapporteur spécial sur des questions de discrimination à l'égard des Noirs, des Arabes et des Musulmans, de la xénophobie, de la négrophobie et de l'antisémitisme, est souvent décevante. La représentante des États-Unis souhaite que le Rapporteur spécial accorde davantage d'attention à la question de l'antisémitisme, qui a conduit au génocide au cours de ce siècle.

M. JACOB SELEBI (Afrique du Sud) a souligné que c'est la première fois que l'Afrique du Sud est membre de la Commission des droits de l'homme, puisque la politique d'apartheid menée par le précédent régime et la réponse de la communauté internationale face à cette politique l'ont empêchée d'accéder à ce statut auparavant. Il a indiqué que la Constitution sud- africaine stipule que personne ne saurait être, directement ou indirectement, l'objet d'une discrimination injuste sur la base, notamment, de sa race, de son origine ethnique ou sociale, de sa couleur, de sa religion, de sa culture ou de sa langue. Étant donné que ne figurent pas là toutes les formes de discrimination imaginables dans une société, la Constitution étend cette interdiction à l'ensemble de la vie nationale.

Malgré le rôle important joué par la Commission nationale des droits de l'homme, la Commission nationale sur l'égalité des sexes et la Commission de la vérité et de la réconciliation nationale, on ne saurait prétendre que le racisme et la discrimination raciale ont complètement disparu de la vie nationale sud-africaine. Aucune société ayant connu le racisme institutionnalisé si longtemps ne peut se débarrasser de ces fléaux en quelques années seulement. Il ne faut pas croire, non plus, qu'avec la disparition de l'apartheid, la communauté internationale peut se permettre d'accorder moins d'attention à la question du racisme. Les Nations Unies devraient évaluer la manière dont chaque composante de la communauté internationale respecte les normes en matière de lutte contre le racisme. Les Nations Unies devraient également définir un programme d'action réaliste et pratique de lutte contre ce fléau. Si la communauté internationale décide de réunir une conférence mondiale sur le racisme, cette conférence devrait être

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précédée d'intenses travaux préparatoires aux niveaux régional et sous- régional. En effet, les précédentes conférences internationales ont montré que les voeux pieux doivent s'accompagner d'actions sur le terrain.

M. EDDY PRATOMO (Indonésie) a déclaré que l'Indonésie accorde une grande importance à la mise en oeuvre du Programme d'action pour la troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, tout en déplorant le manque d'intérêt, de soutien et de ressources financières que lui accorde la communauté internationale. Il a également affirmé que son Gouvernement soutient la création d'un point focal pour la coordination de tous les programmes de lutte contre le racisme des Nations Unies. Aucun effort ne doit être ménagé afin de traduire en actes le Programme d'action ainsi que les recommandations du Rapporteur spécial concernant notamment l'éducation en matière de droits de l'homme, l'acceptation des autres et la tolérance, a déclaré le représentant.

M. T.J.B. JOKONYA (Zimbabwe) s'est déclaré inquiet de la résurgence de la xénophobie, de l'intolérance raciale et des conflits ethniques à l'ère du «village planétaire». Il a rappelé que des Africains sont encore trop souvent victimes de violences racistes. C'est à la communauté internationale, et notamment aux Nations Unies, que revient la responsabilité de combattre le racisme, a souligné le représentant. À cet égard, le Zimbabwe souhaite l'organisation d'une conférence mondiale pour éradiquer ce fléau. Par ailleurs, il est extrêmement important que les gouvernements, les organisations non gouvernementales et la communauté internationale s'impliquent dans la lutte et contribuent activement à la mise en oeuvre du Programme d'action. Le représentant du Zimbabwe a instamment prié tous les secteurs des médias de participer à la lutte contre le racisme.

M. NATHAN IRUMBA (Ouganda) a observé que, ces dernières années, on assiste à la résurgence de la propagande incitant à la haine raciale et ethnique, ce qui a provoqué une recrudescence de la violence contre les minorités et les travailleurs migrants. On a notamment invoqué les problèmes économiques et sociaux, les flux importants de demandeurs d'asile et l'agressivité des organisations de droite pour justifier l'explosion de la xénophobie. Mais en fait, ce sont souvent les mesures prises pour traiter ce problème qui ont engendré le racisme en faisant apparaître que c'est la victime qui est la source du problème. Il est par ailleurs regrettable qu'en dépit de la priorité qui lui avait été accordée, la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale et les programmes d'action qui lui sont associés ne se sont pas déroulés comme prévu. Un seul séminaire a été organisé par le Centre pour les droits de l'homme depuis 1993, et les perspectives d'avenir sont plutôt sombres. C'est pourquoi l'Ouganda estime que le programme de travail pour la Décennie devrait être financé sur la base du budget ordinaire des Nations Unies. À l'instar d'autres délégations, l'Ouganda est favorable à la tenue d'une conférence mondiale sur le racisme.

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M. BOZORGMEHR ZIARAN (République islamique d'Iran) a noté que la notion de suprématie blanche a une fois encore permis la résurgence du racisme, de la violence et de la discrimination raciales en Occident. La couleur de la peau y est devenue un facteur déterminant de traitement différencié entre les êtres humains, a-t-il dit. Le racisme s'est même étendu aux systèmes policiers et judiciaires occidentaux. Mais, plus que tout, l'Iran se préoccupe du fait que les politiciens eux-mêmes «louchent» vers les théories racistes dans un souci essentiellement électoral. Cette tendance, s'il n'y est pas mis un terme immédiatement, risque d'aboutir à une légalisation du racisme et d'encourager les groupements d'extrême-droite à poursuivre, impunément, leurs méfaits, a ajouté M. Ziaran. Le représentant a par ailleurs remarqué que la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale n'avait jusqu'à présent permis aucun progrès tangible dans ce domaine. L'Iran appuie, en conséquence, la proposition du Rapporteur spécial tendant à ce que soit convoquée une conférence internationale sur le racisme et la xénophobie. Il comprend difficilement comment, et au nom de quel principe, on peut s'opposer à une telle initiative.

M. TUGAY ULUÇEVIK (Turquie) a déclaré que le racisme constitue le problème social et politique le plus grave du monde contemporain. Rappelant les violences racistes et la discrimination dont sont victimes les Turcs en Europe, M. Uluçevik a souligné l'importance particulière que revêt cette question pour son Gouvernement. Il est nécessaire de renforcer la prise de conscience sociale, de prévenir et punir sévèrement les délits racistes, a souligné le représentant de la Turquie. Il incombe aux institutions démocratiques de la société civile de lancer une campagne de prise de conscience contre le racisme, a-t-il déclaré. Dans ce contexte, M. Uluçevik a également insisté sur le rôle essentiel des médias et de l'éducation en matière des droits de l'homme. Le Gouvernement turc appuie les recommandations du Rapporteur spécial, M. Glèlè-Ahanhanzo, et présentera un projet de résolution dans ce cadre. Le priorité doit être donnée à la lutte contre la discrimination et le racisme qui connaissent une résurgence, particulièrement en Europe, a ajouté M. Uluçevik.

Mme LORIA MARKIDES (Chypre) a estimé que l'action préventive devrait être privilégiée dans le cadre de la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. À cet égard, elle s'est félicité de la nouvelle procédure adoptée par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale en vue d'identifier les cas pour lesquels une action urgente devrait être recommandée. Le Gouvernement de Chypre est fermement engagé à respecter la diversité et le pluralisme et à promouvoir la tolérance, tout en combattant le racisme et la xénophobie. En dépit de l'excellent palmarès en matière de droits de l'homme du Gouvernement de Chypre, le peuple chypriote est soumis depuis 23 ans à la pratique du racisme et de la discrimination raciale suite à l'occupation étrangère. Le tiers de la population qui est devenu réfugiée dans son propre pays se voit toujours refuser le droit de rentrer chez elle en toute sécurité. Les souffrances des Chypriotes grecs restés dans la partie occupée de Chypre se poursuivent, a

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déclaré Mme Markides, qui a espéré que les efforts déployés par la communauté internationale pour lutter contre le racisme auront un effet positif sur la situation à Chypre.

M. ABDUSSALAM SERGIWA (Jamahiriya arabe libyenne) s'est dit inquiet de l'émergence de formes nouvelles de racisme, particulièrement à l'encontre des travailleurs immigrés et des communautés arabes, tant aux États-Unis qu'en Europe. S'agissant du rapport de M. Glèlè-Ahanhanzo. Le représentant libyen a regretté la partialité et le manque d'objectivité du rapport de M. Glèlè- Ahanhanzo. La définition de l'antisémitisme dans ce rapport est erronée, a estimé le délégué. Il a regretté qu'il n'y soit pas fait mention des violations commises dans les territoires arabes occupés et affirmé qu'Israël est une entité politique fondée sur l'intolérance, l'occupation et l'agression. Il a par ailleurs déploré que les activités entreprises dans le cadre de la mise en oeuvre du Programme d'action pour la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale n'aient pas été du niveau requis et a souligné à cet égard la nécessité d'assurer des ressources financières adéquates au Centre pour les droits de l'homme. Il a appelé la communauté internationale à promouvoir la tolérance et l'entente entre les peuples et a déclaré que la Libye appuie l'organisation d'une conférence mondiale sur le racisme et les formes contemporaines de discrimination raciale.

M. ALEXANDER GALILEE (Israël) s'est félicité que, pour la première fois, il y a trois ans, la résolution de la Commission sur cette question ait mentionné, à la fois dans son préambule et dans son dispositif, l'anti- sémitisme et qu'elle ait ainsi reconnu que l'anti-sémitisme est une forme de racisme. Beaucoup se souviendront que la Conférence de Vienne en 1993 avait refusé d'inclure à la Déclaration finale toute référence à l'anti-sémitisme. M. Galilee a par ailleurs fait valoir que le racisme n'est pas cantonné à une seule région du monde et qu'il ne devrait pas être considéré seulement comme un résidu du colonialisme ou comme un aspect des préjugés des citoyens des pays développés. Le représentant a noté la résurgence des thèses négationnistes avec la parution, en France, du livre de Roger Garaudy intitulé «Les mythes fondateurs de la politique israélienne». Israël souhaite que le Rapporteur spécial poursuive son mandat et qu'il s'acquitte de sa tâche objectivement, en traitant du problème du racisme dans sa totalité, partout où il se produit.

M. IYAD ORFI (Syrie) a déploré la persistance, dans diverses parties du monde, du racisme et de la discrimination raciale, soulignant qu'ils prennent de nouvelles formes dont les Musulmans, notamment, sont victimes dans plusieurs pays. Il a lancé un appel aux politiciens et aux écrivains ainsi qu'à «l'homme de la rue» pour qu'ils renoncent à la confrontation et optent pour les idéaux de tolérance et d'égalité. Il a dénoncé les tentatives des moyens d'informations occidentaux en vue de déformer la perception qu'ont les gens des Arabes et des Musulmans. Comment les Arabes, qui sont des Sémites, pourraient-ils être antisémites, comme cela est parfois soutenu, s'est

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interrogé le représentant syrien, commentant certaines parties du rapport de M. Glèlè-Ahanhanzo dont il a estimé qu'il intègre des informations fournies par le Gouvernement israélien. De la même façon, les Musulmans et les Arabes font clairement la distinction entre le sionisme, qui est un mouvement, et le judaïsme, qui est une religion, a assuré le délégué. Israël tente d'influencer la perception de toutes ces questions par la Commission, a-t-il ajouté.

M. BOUBOU DIABIRA (Fédération internationale des droits de l'homme) a rappelé que, depuis plusieurs années, son organisation attire l'attention de la Commission sur les conséquences du traitement déplorable des étrangers et des demandeurs d'asile dans les pays d'Europe occidentale, et notamment en France. Selon les conclusions d'une mission internationale d'enquête dans ce pays en 1996, «le traitement réservé à une des franges les plus vulnérables de la société a franchi le seuil de l'intolérable». Le sort qui est réservé aux demandeurs d'asile et l'éloignement des étrangers du territoire sont en effet considérés comme des situations criantes. La définition étroite de la notion de persécution, la difficulté quasi-insurmontable à faire enregistrer une demande, les procédures souvent très sommaires du traitement des demandes constituent autant de violations graves du droit international des droits de l'homme, a déclaré M. Diabira. Son organisation a par ailleurs constaté l'ingérence de l'administration et des forces de l'ordre à tous les stades de la procédure, tant administrative que judiciaire, en ce qui concerne l'éloignement des étrangers.

Évoquant les événements «des étrangers non expulsables», l'été dernier en France, ainsi que les polémiques créées par les dispositions de la Loi Debré, M. Diabira a rappelé que les quatorze recommandations formulées par la Commission aux autorités françaises, et notamment celles sur le respect effectif du droit de chercher asile, du principe de non-refoulement et du droit à une audition juste et équitable, conservent toute leur actualité. La FIDH demande à la Commission des droits de l'homme d'apporter à cette situation la considération qu'exige sa gravité et à prendre une décision ferme sur les suites qu'elle doit y donner.

Mme WILDA SPALDING (Association internationale des éducateurs pour la paix du monde) a souhaité que les personnes qui participent au combat contre le racisme utilisent tous les moyens disponibles pour éduquer le public, y compris les «réunions de midi» qui se tiennent durant la présente session de la Commission, les «spots» nationaux télévisés et le réseau Internet. La mise en oeuvre du Programme d'action de la Troisième Décennie de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale devrait s'appuyer sur les concepts de responsabilité partagée et d'éducation, qui sont étroitement liés. En présentant au co-Président des Jeux Olympiques, l'ancien Ambassadeur M. Andrew Young, lors du passage de la flamme olympique à Selma (Alabama), la résolution sur les Jeux adoptée sans vote par la Commission l'an dernier, beaucoup de gens ont été touchés qui n'auraient pas sans cette initiative fait le lien entre Jeux Olympiques et lutte contre le racisme. Par ailleurs, l'Association

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internationale des éducateurs pour la paix du monde s'est déjà engagée à réunir une nouvelle table-ronde sur le thème d'Internet durant la session de la Sous-Commission de 1997.

Mme BERYL CARBY-MUTAMBIRWA (Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies) s'est déclarée préoccupée par la recrudescence du racisme, en dépit des efforts déployés par la communauté internationale. Elle a déploré que des idéologies racistes trouvent une traduction concrète à travers certains partis politiques. S'agissant de la mise en oeuvre du Programme d'action pour la troisième Décennie de la lutte contre le racisme, la déléguée a regretté que le Centre pour les droits de l'homme n'ait pu organiser qu'un seul séminaire depuis le début de la Décennie. Il est indispensable de convoquer, en 1999, une conférence mondiale pour mettre au point des stratégies pour combattre le racisme et la discrimination raciale et renforcer l'action concertée des gouvernements à un niveau mondial, a souligné la représentante.

M. RIYAZ PUNJABI (Fondation himalayenne de recherche et de culture) a fait valoir que, pour retracer les causes et les origines des pratiques racistes et xénophobes, il faut «établir la carte» des systèmes sociaux, juridiques et constitutionnels qui existent dans le monde. Il faudrait également identifier les groupes et associations qui promeuvent des thèses racistes et faire en sorte que les gouvernements se rendent compte qu'en assurant leur impunité, ils ne font que favoriser, de facto, le racisme.

Mme CYNTHIA NEURY (Centre Europe-Tiers Monde) a dénoncé l'«american apartheid», la ségrégation résidentielle dans certaines zones urbaines des États-Unis. Elle a affirmé que le rapprochement avec la situation qui prévalait en Afrique du Sud est objectif. On assiste à la constitution de quartiers à population exclusivement noire, victime de l'exclusion économique, éducative et culturelle. Ce phénomène est le fruit de politiques conscientes, nationales et municipales, et trouve son fondement dans des justifications idéologiques, a déclaré la représentante du Centre Europe-Tiers Monde. Dans ce «processus de production lente et durable d'un apartheid discret», les droits de l'homme sont niés deux fois, une première fois par l'instrumentalisation des droits individuels et une seconde fois par la négation de la possibilité concrète de la jouissance des droits sociaux. La Commission se doit d'appeler les États-Unis à combattre ce phénomène, a lancé la déléguée.

Mme MARION OLSTHOORN (Minority Rights Group) a souligné que, si le nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes dans le monde est en constante augmentation, le nombre de demandeurs d'asile arrivant en Europe occidentale a commencé à décliner depuis le milieu des années 1990. Alors que le nombre de demandes d'asile était de 690 000 en 1992, 232 000 demandes ont été enregistrées en 1996 suite aux mesures de restriction adoptées par l'Europe occidentale. Minority Rights Group recommande que la Commission encourage les États d'Europe occidentale à identifier et à s'attaquer aux

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causes fondamentales des flux de réfugiés. La Commission devrait aussi exhorter ces États à respecter les normes internationales en vigueur en ce qui concerne les demandeurs d'asile. Il faudrait que la Commission souligne que les mesures d'harmonisation de l'Union européenne en matière de politique liée aux réfugiés devraient faire l'objet d'une prise de décision parlementaire par le biais d'un processus démocratique et transparent. La Commission devrait encourager les États à appliquer des programmes ciblés visant à promouvoir l'intégration des réfugiés dans les sociétés européennes.

Droits de réponse

Le représentant de l'Inde a indiqué que son pays, dont la population musulmane est la deuxième plus importante au monde, souhaite vivement développer ses liens avec l'Organisation de la Conférence islamique. Il a toutefois regretté que le Secrétaire général de cette organisation se soit permis, ce matin, de juger une situation d'une manière qui n'est pas partagée par l'ensemble des États Membres de l'OCI. L'Inde mène des entretiens bilatéraux avec le Pakistan et tient à souligner que toute intervention extérieure dans une situation éminemment complexe et délicate n'est pas à même d'en favoriser l'issue.

Le représentant de l'Arménie, en réponse à la déclaration faite ce matin par le Secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique, a déclaré que le conflit qualifié par M. Laraki d'«agression arménienne» oppose les forces de défense du Nagorno-Karabakh aux forces régulières de l'armée de l'Azerbaïdjan. De plus, le nombre de personnes réfugiées et déplacées en Azerbaïdjan mentionné par le Secrétaire général de l'OCI est erroné et il convient de relever que 600 000 Arméniens ont été déracinés suite à ce conflit. Ces propos inexacts pourraient de plus porter préjudice au processus de paix qui a franchi une étape nouvelle, aujourd'hui à Paris, au sein du «Groupe de Minsk».

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