SG/SM/6153

LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL INSISTE SUR LE RENFORCEMENT DU PARTENARIAT ENTRE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LE SECTEUR PRIVÉ

17 mars 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6153


LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL INSISTE SUR LE RENFORCEMENT DU PARTENARIAT ENTRE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LE SECTEUR PRIVÉ

19970317 On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par M. Kofi Annan, Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, devant le Forum économique mondial à Davos (Suisse) le 1er février 1997:

C'est pour moi un honneur et un plaisir que de m'adresser à vous dès le début de mon mandat de Secrétaire général.

Le lien étroit qui lie le secteur privé aux travaux de l'Organisation des Nations Unies est d'une importance vitale. Notre collaboration a déjà permis d'atteindre d'importants objectifs économiques mondiaux. Nous avons conjointement favorisé la stabilité. Nous avons encouragé la transition économique et politique. Et nous avons porté les échanges commerciaux et le développement économique à des niveaux jamais égalés. Jamais la coopération n'a été aussi grande ni plus fructueuse, dans aucun de ces domaines.

Aujourd'hui, partout dans le monde, les pays se rallient à la théorie de la libéralisation économique et politique. En Asie, en Amérique latine et dans la Communauté d'États indépendants, les gouvernements ont fait de l'édification d'institutions politiques et de la restructuration économique d'urgentes priorités, laissant plus de latitude au secteur privé pour manifester son dynamisme. En Afrique, les pays travaillent activement à renforcer leurs institutions et à créer des conditions plus favorables à l'investissement privé.

Nous sommes tous susceptibles de nous laisser aveugler par les statistiques; néanmoins, j'ai été frappé récemment par un chiffre remarquable — depuis le début des années 70 jusqu'à aujourd'hui, le volume des flux de capitaux privés a été multiplié par 35, passant de 5 milliards à 176 milliards de dollars. Simultanément, on voit décroître les flux d'aide publique au développement. Certes, l'intervention du secteur public demeure capitale si l'on veut atteindre les objectifs sociaux, économiques et environnementaux que se sont fixés les Nations Unies. Mais, nous, à l'Organisation, nous félicitons de voir se développer le rôle du secteur privé. À l'heure actuelle, les programmes, fonds et institutions spécialisées qui constituent la famille des Nations Unies s'emploient de concert avec les États Membres, comme ils ne l'avaient encore jamais fait auparavant, à favoriser des politiques qui stimulent toujours davantage la croissance du secteur privé et le développement du marché libre.

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Ces initiatives correspondent aux réalités d'un monde en évolution. Tout d'abord, on s'accorde maintenant universellement à reconnaître que le jeu des forces du marché est indispensable à un développement durable. Ensuite, la conception du rôle de l'État évolue dans la plupart des pays en développement, celui-ci étant considéré non plus comme ayant vocation de régenter la vie économique, mais comme devant créer les conditions qui rendent possible un tel développement. Enfin, il apparaît de plus en plus clairement que les pauvres pourraient eux-mêmes résoudre leurs propres problèmes, si on leur ouvrait équitablement l'accès aux services financiers et aux facilités favorisant le développement des entreprises.

Si l'on veut véritablement que cette évolution positive se poursuive et prenne de l'ampleur, il est indispensable que se renforce le partenariat entre l'Organisation des Nations Unies, les gouvernements et la communauté internationale des entrepreneurs. Aujourd'hui, le capitalisme n'a pas, idéologiquement parlant, de rival. C'est de l'intérieur qu'il est le plus gravement menacé. S'il s'avère incapable de promouvoir la justice en même temps que la prospérité, il est voué à l'échec.

À l'époque d'après guerre froide que nous vivons, la paix et la sécurité ne peuvent plus désormais se définir en termes de puissance militaire ou d'équilibre de la terreur. Le monde a changé. Pour assurer une paix durable, il faudra plus que l'intervention des Casques bleus sur le terrain. Pour que règne effectivement la paix, il nous faut nous pénétrer d'une notion globale de sécurité humaine. Nous ne pouvons pas nous sentir en sécurité alors qu'autour de nous sévit la famine. Nous ne pouvons pas bâtir la paix sans soulager la misère. Nous ne pouvons pas fonder la liberté sur l'injustice.

Dans le monde actuel, le secteur privé est le principal moteur de la croissance, le principal générateur de richesses, la source la plus importante de ressources, qu'il s'agisse de ressources financières, techniques ou de capacités de gestion. Si le secteur privé ne veille pas à répartir la croissance et les chances économiques — équitablement et viablement — dans le monde, la paix restera fragile et la justice sociale un idéal lointain.

C'est la raison pour laquelle je fais appel aujourd'hui aux gouvernements, au secteur privé et à la communauté internationale pour qu'ils s'engagent dans un nouveau partenariat. Je me félicite de l'extraordinaire développement des échanges commerciaux et des flux de capitaux qui nouent des liens entre une multitude de gens, reliant les marchés dans une nouvelle économie mondiale. Mais l'augmentation spectaculaire du commerce mondial et l'émergence de puissants nouveaux blocs économiques ont également contribué à accentuer la marginalisation des nations les plus pauvres du monde. Ces nouveaux blocs vont-ils entrer en concurrence, viser la complémentarité ou s'organiser dans une réciprocité d'efforts? J'estime qu'il est indispensable dans le nouvel environnement économique mondial que les décideurs n'oublient pas le monde en développement, en particulier dans les instances dans

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lesquelles ces pays ne sont pas représentés. Il nous faut en finir avec le mythe que la coopération aux fins du développement n'est plus nécessaire compte tenu des flux économiques que génère le secteur privé, de la multiplication des possibilités d'échanges et autres avantages de la mondialisation. Parmi les pays en développement qui bénéficient d'investissements étrangers directs, une douzaine à peine — qui sont tous des pays à revenu moyen à l'exception de la Chine — accaparent 80 % de ces investissements. L'Afrique n'en reçoit que 5 % et les 48 pays les moins avancés 1 %. En revanche, l'aide des Nations Unies va essentiellement aux pays à faible revenu, dans lesquels elle ouvre la voie au développement du secteur privé.

La mondialisation peut faire espérer que l'ingéniosité de l'homme et son esprit d'entreprise nous feront entrer dans un nouvel âge d'or, mais les défis que pose le développement restent immenses. La mondialisation en soi ne peut être considérée comme une panacée. Ses avantages n'apparaissent pas toujours évidents aux pauvres, aux affamés et aux analphabètes. Plus de 60 % de la population du monde ne dispose, pour assurer sa subsistance que de deux dollars, parfois moins, par jour. Une centaine de pays dans le monde se trouvent aujourd'hui dans une situation pire que celle qu'ils connaissaient il y a 15 ans. Les disparités croissantes entre riches et pauvres à l'intérieur des pays et d'un pays à l'autre continuent de compromettre gravement la stabilité et la croissance économique à long terme. Les Nations Unies et le secteur privé peuvent et doivent s'unir afin de faire entrer ces 60 % de la population mondiale sur le marché. Ainsi, apportera-t-on la prospérité à tous.

Dépassons, voulez-vous, le dogme traditionnel du Nord et du Sud. Il n'est pas de pays du Nord qui n'ait lui aussi son Sud; et dans chaque pays du Sud, il y a un Nord. La croissance spectaculaire que connaît le monde aujourd'hui est pour la plus grande part le fait de pays du Sud. Le Sud est la force motrice de l'évolution économique et vous ouvre, à vous tous, chefs d'entreprise, des possibilités sans précédent. Il est clair à présent, et démontrable, qu'il existe un lien entre la réalisation de profits et l'élévation du niveau de vie des populations les plus pauvres du monde. Profit et équité ne sont pas des objectifs incompatibles. Tout au contraire.

Nous pouvons, tous tant que nous sommes, faire davantage en accordant à ces questions l'urgente attention qu'elles méritent. Pour leur part, les Nations Unies ont défini une plate-forme d'action commune en faveur du développement dont elles s'efforcent de promouvoir l'application. Leur tâche consiste à contribuer à créer les conditions propices au succès de la vôtre. En travaillant de concert avec les États Membres, avec le secteur privé et avec diverses organisations non gouvernementales, nous nous efforçons, à partir de là, de mettre l'accent sur la responsabilité sociale, l'interdépendance et, avant toutes choses, par la réalisation en commun d'objectifs de développement concrets et réalistes.

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Ce partenariat est crucial au niveau opérationnel. Les Nations Unies ont un rôle vital à jouer en préparant le terrain à l'investissement privé, national ou étranger. Les diverses tâches qui nous incombent dans ce domaine consistent à appuyer la réforme des services publics, la restructuration économique, les programmes de privatisation et la mise en place d'infrastructures de base, ainsi que le renforcement de l'appareil des lois et des réglementations. Nous définissons les normes internationales qui rendent le progrès possible.

L'Organisation des Nations Unies a rempli son rôle en créant des zones économiques spéciales, en levant les obstacles au commerce, en appuyant l'entreprise et en favorisant le développement des petites et moyennes entreprises. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons réalisé dans chacun de ces domaines. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, le système des Nations Unies a souvent été la source principale, sinon unique, de l'aide financière et technique apportée à plus de 100 États. Les résultats parlent d'eux-mêmes : nous avons contribué à édifier de nouvelles sociétés, nous avons pris des mesures visant à mettre un terme à la misère humaine et nous avons contribué à la transition pacifique de sociétés jadis gouvernées par des régimes répressifs qui vivent désormais en démocratie dans la liberté.

Mais nous pouvons faire plus encore. Renforcer le partenariat entre les Nations Unies et le secteur privé sera l'une des priorités auxquelles je consacrerai mon mandat de Secrétaire général. Sans un resserrement de la coopération, les besoins sociaux et économiques du monde en développement ne pourront être satisfaits. Sans un resserrement de la coopération, les profits tirés de l'investissement étranger n'iront pas à ceux qui en ont le plus grand besoin. Sans un resserrement de la coopération, l'Organisation des Nations Unies ne pourra tirer enseignement des compétences et de la science en matière de gestion du secteur privé ni mettre pleinement à profit le capital qu'il représente.

Nous, à l'Organisation des Nations Unies, sommes engagés dans une action à long terme. Nous sommes déterminés à nous réformer pour bâtir une organisation plus efficace et plus productive, et précisément resserrer les liens qui nous unissent au secteur privé. Mais il ne nous sera possible de mettre sur pied une telle organisation, dont vous puissiez vous honorer d'être le partenaire, que si nous nous occupons d'urgence de régler la crise financière que traverse l'ONU. Il faut pour cela que tous les États Membres s'acquittent pleinement de leurs obligations financières à son égard.

L'Organisation des Nations Unies est prête aujourd'hui à vous aider à plaider la cause de l'investissement à long terme, ce qui est à la fois sain pour la bonne marche des affaires et indispensable à l'instauration d'un règne de paix et de sécurité sur la planète. Le système des Nations Unies et le secteur privé ont un objectif commun pour le XXIe siècle, qui n'est rien de moins que la création d'une véritable économie mondiale, réellement ouverte à tous les peuples du monde.

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Mais il ne suffit pas d'une telle vision. Celle-ci, pour devenir réalité, devra s'accompagner de programmes et projets concrets qui permettent de mettre à contribution l'immense potentiel humain et économique d'un monde sous-développé. C'est précisément ce qu'en ma qualité de Secrétaire général de l'Organisation, je me suis engagé à faire. Vos avis me seront précieux et j'attends avec le plus vif intérêt que vous me les fassiez connaître.

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