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GA/9219

LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE SOULIGNE QUE L'UNIQUE SUPERPUISSANCE RESTANTE DOIT S'ACQUITTER DE SON "RÔLE DE DIRIGEANT MONDIAL" EN "ACTEUR AU JEU PRÉVISIBLE"

28 février 1997


Communiqué de Presse
GA/9219


LE PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE SOULIGNE QUE L'UNIQUE SUPERPUISSANCE RESTANTE DOIT S'ACQUITTER DE SON "RÔLE DE DIRIGEANT MONDIAL" EN "ACTEUR AU JEU PRÉVISIBLE"

19970228 S'adressant au Conseil des relations extérieures, Razali Ismaïl (Malaisie) déclare que les États-Unis ne doivent pas sous-estimer l'irritation de leurs amis

On trouvera ci-après le texte de la déclaration — "Les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies : comment assainir leurs rapports" — que M. Razali Ismaïl (Malaisie), Président de l'Assemblée générale, a prononcé le 26 février à Washington, D. C., devant le Conseil des relations extérieures :

C'est un honneur pour moi que de prendre la parole devant le Conseil des relations extérieures sur cette importante question, que l'impartialité qui s'attache à ma qualité de président de l'Assemblée générale rend quelque peu délicate. Les rapports entre les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies sont mauvais, ce dont les causes et les effets font l'objet de fréquents débats, la presse descendant dans l'arène avec des commentaires plus ou moins éloignés de la vérité, sujet d'inquiétude pour les gouvernements des États Membres comme pour les amis des États-Unis. Je demeure pleinement convaincu qu'il est possible d'assainir leurs rapports, pour la simple raison que les moyens de réduire la fracture n'ont pas encore été examinés à fond et que de part et d'autre beaucoup comprennent les graves conséquences d'une "guerre froide" entre les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies.

Contrairement à ce que certains comptes rendus des médias voudraient vous faire croire, il est urgent pour tous les États Membres et le Secrétariat que l'Organisation soit réformée de fond en comble. La communauté des États Membres est favorable à des réformes propres à améliorer l'efficacité et la performance de l'Organisation, ce qui suppose un allégement des structures et une moindre pesanteur bureaucratique au service des fonctions essentielles de l'Organisation. Les États Membres prennent des mesures pour réduire sensiblement le volume des innombrables dispositifs auxiliaires de l'Assemblée générale, ainsi que le nombre des comités qui relèvent du Conseil économique et social.

Si les États Membres ont parfois des vues différentes quand aux objectifs des réformes, ils comprennent de la même manière et acceptent le cadre de négociation des changements. C'est l'origine de la tension entre les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies : tandis que la substance des

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demandes de réforme présentées par les États-Unis a été dans la plupart des cas jugée raisonnable et même bien accueillie, la méthode employée jusqu'à présent pour faire aboutir ces demandes est imparfaite, au point que la méfiance éveillée par les motifs des États-Unis a entraîné un retournement d'attitude, sapé l'autorité des dirigeants américains et remis en cause l'ordre du jour des réformes de l'Organisation dans son ensemble. Il est dommage que les relations entre les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies soient inévitablement placées dans le contexte de la réforme de l'Organisation et des arriérés accumulés par les États-Unis. Les deux parties doivent évaluer la situation avec honnêteté et courage pour assainir leurs rapports.

Beaucoup croient qu'un changement viable et à long terme du système des Nations Unies n'est pas possible à moins que les États-Unis ne montrent la voie et ne s'engagent. Cet engagement ne se mesure pas seulement en dollars et en centimes (= "cents" des É.-U.), mais par la solidité et la fiabilité de leurs rapports avec l'Organisation. Beaucoup souhaiteraient que les États-Unis exercent activement le rôle de dirigeant mondial et d'unique superpuissance restante, mais comme un acteur au jeu prévisible et dans la limite des règles convenues que les États-Unis ont eux-mêmes aidé à définir. Beaucoup attendent le jour où les États-Unis se persuaderont que leur participation aux initiatives de l'Organisation constitue un moyen précieux, légitime et moins coûteux de servir tant leurs intérêts vitaux que les intérêts du monde entier, car au cas où nous l'oublierions une lecture rapide de la Charte des Nations Unies montrera que ce sont aussi les intérêts des États-Unis.

La plupart des États Membres comprennent la nature du système de gouvernement américain et ont suivi les âpres débats internes sur les objectifs politiques et le rôle de dirigeant mondial que les États-Unis devraient remplir. Beaucoup comprennent que l'Organisation est victime de la crise budgétaire que connaissent les États-Unis. Cependant, les États Membres ne jugent pas licite ni approprié qu'une organisation intergouvernementale soit tenue en otage par un organe législatif, même si cet organe tient les cordons de la bourse. On espère ardemment que la promesse d'une politique étrangère bipartisane fera ouvrir en plein jour un débat rationnel sur les rapports entre les États-Unis et l'Organisation.

Une telle situation a suscité dans toute l'Organisation un sentiment de profonde amertume. Certains voient dans le refus des États-Unis de payer leur dû la marque d'un "unilatéralisme trop assuré" et d'une "conception négative de leur rôle dirigeant". Les États-Unis ne doivent pas sous-estimer l'irritation de leurs amis. Alors qu'ils ont affirmé suivre le principe de ne jamais céder aux tactiques terroristes ou aux pressions, tout en soulignant la nécessité de faire respecter les principes du droit international, les États-Unis ont par leur refus de payer porté un préjudice considérable à leur autorité, du simple fait qu'ils ne tiennent pas leur parole et refusent d'honorer leurs obligations légales. Le non-paiement des montants dus apparaît comme un obstacle à la volonté de réforme.

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Les crises budgétaire et de trésorerie ont pour conséquence que le compte des opérations de maintien de la paix a servi à renflouer le Secrétariat. Les pays qui fournissent des contingents, dont certains sont des pays en développement pauvres, comblent en fait le déficit créé par la dette américaine et ils en sont mécontents.

Le fait, pour un organe législatif, de ne pas acquitter les montants dus et de subordonner à certaines conditions le versement de contributions à un organisme intergouvernemental constitue, de l'avis général, une atteinte à la légalité internationale. Les États Membres ne croient pas qu'il soit licite ou approprié de créer un tel précédent, même si le Congrès tient les cordons de la bourse. Agir ainsi, c'est risquer de remettre en cause la base de tous les accords internationaux et le sens d'une prise de décisions démocratique. Cela augure mal d'une sécurité internationale basée sur les principes de la coopération mutuelle et du respect de la légalité.

Les rapports entre les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies sont à double sens, et les demandes unilatérales et conditions présentées par Washington pourraient bien provoquer une réaction en sens opposé et de même force de la part des autres États Membres. L'Organisation des Nations Unies est une institution multilatérale et la plupart des États Membres sont très attachés au principe de l'égalité souveraine, même s'ils reconnaissent que la prise de décisions à l'Organisation doit tenir compte des rapports de force réels dans le monde extérieur. Des retenues répétées et unilatérales de fonds, des menaces, le changement d'objectifs fixés préalablement et l'imposition de certaines conditions ont soulevé de sérieux doutes quant à la fiabilité de l'État Membre le plus important de l'Organisation.

Malgré l'entrée en fonction d'un nouveau Secrétaire général, Kofi Annan, et divers signes positifs enregistrés au cours des dernières semaines, le risque subsiste que les rapports déjà tendus entre les États-Unis et l'Organisation ne continuent de se détériorer, sombrant dans une spirale de récriminations mutuelles. Il est nécessaire que les deux parties évaluent les bénéfices qu'ils tirent d'une bonne relation de travail et ne commencent à en faire le bilan. La communication doit être plus directe, globale, rationnelle et ouverte. Les malentendus passés entre le Siège de l'Organisation, à New York, et Washington sont étonnamment profonds, mais il existe aussi d'immenses possibilités de les effacer. Les contacts personnels ne seront établis qu'à condition de le vouloir. Ce fut certainement une bonne chose pour moi que d'avoir eu la semaine dernière un dialogue franc avec les aides de sénateurs en visite à New York et, aujourd'hui même, de rencontrer des membres influents du Congrès.

La désinformation continue de renforcer les caricatures et de simplifier les complexités. Il ne devrait être ni excusable ni acceptable de confondre fiction et réalité. Des mots encourageants jetés ici et là ne peuvent remplacer une diplomatie sérieuse, si les deux parties entendent véritablement se mettre en devoir d'assainir leurs rapports.

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Je demande que l'on soit prêt à établir de meilleures communications, à nouer patiemment des rapports, à dissiper les ombres du passé, à faire preuve de confiance mutuelle et du souci sincère de résoudre les problèmes. Non seulement un refus de paiement unilatéral sape les principes de coopération et de respect mutuel sur lesquels repose l'Organisation, mais il compromet gravement le résultat de nos efforts opiniâtres pour négocier un accord intergouvernemental sur une réforme en profondeur de l'Organisation. Les États Membres répugnent à paraître se plier devant ce qui constitue pour eux le chantage financier d'un pays riche et puissant. Les États-Unis ont fait entendre leur point de vue. Mais aujourd'hui, pour négocier un large et durable ensemble de réformes, moi-même et d'autres partisans de celles-ci devons obtenir sans délai des preuves positives et crédibles que le Congrès aussi bien que l'Administration Clinton peuvent et veulent respecter pour leur part les termes du marché. Si ces preuves ne sont pas données en un premier temps, tout effort visant à réduire la quote-part des États-Unis et à assainir les rapports avec ce pays risque d'échouer.

Je demande que chacun s'efforce véritablement, même ceux des Américains qui critiquent l'Organisation, de comprendre ce que celle-ci est effectivement et ce qu'elle n'est pas. D'une certaine manière, l'Organisation est le produit de l'idéalisme et de l'ingéniosité américaines, dont plus d'un demi-siècle d'expériences et de changements a éprouvé la qualité; ses réalisations font largement sentir leurs effets dans le monde entier. L'Organisation n'est pas une simple chambre d'enregistrement, mais une enceinte où les divergences peuvent être aplanies par des moyens pacifiques, alors que nous cherchons les moyens de construire dans les domaines d'intérêt commun. Quelles que soient les déficiences de son administration, l'Organisation a servi au long des années à codifier et renforcer les principes de la coopération internationale, du règlement pacifique des différends et du respect mutuel qui ont ouvert la voie à un ordre mondial plus libre, plus humain et plus prospère. Les États-Unis ne peuvent affronter par leurs seuls moyens des problèmes mondiaux tels que le terrorisme international, les trafics, les secours aux réfugiés, la prolifération nucléaire et la dégradation de l'environnement.

Ce n'est pas à moi qu'il appartient d'exposer en détail les arguments qui plaident en faveur de l'Organisation. En dernière analyse, le Congrès des États-Unis, l'Administration Clinton et le public doivent décider si les relations avec l'Organisation valent le prix des efforts et l'investissement nécessaire pour réduire la fracture. En prenant cette décision, il faut garder à l'esprit que les domaines où l'Organisation a apporté le plus — décolonisation, droits de l'homme, protection de l'environnement, population, secours humanitaires, maintien de la paix et surveillance du déroulement des élections — sont ceux où les États-Unis se sont montrés résolus et aptes à jouer un rôle dirigeant.

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La raison d'être de l'Organisation, si l'on veut qu'elle soit viable sur les plans politique et moral, est fondée sur la capacité de montrer que les gouvernements, surtout ceux des grands pays, confèrent un surplus de légitimité aux initiatives menées par l'intermédiaire de l'Organisation; et qu'une large participation, y compris celle des petits pays, sert à renforcer cette légitimité. Ce principe ne constitue d'aucune manière une menace pour la souveraineté des grands pays, notamment des États-Unis. L'Organisation n'est pas un gouvernement mondial, et il n'y a aucune raison pour qu'il en existe un. Une organisation du type chambre d'enregistrement serait de peu d'utilité aux États-Unis pour imposer partout ses valeurs et légitimer ses initiatives au niveau mondial. Nous avons tous besoin d'une Organisation des Nations Unies forte, non parce que nous sommes d'accord sur tout, mais au contraire parce que nous ne le sommes pas.

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