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SOC/66

COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE LIEN ENTRE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET LA CREATION D'EMPLOIS AU CENTRE DES DISCUSSIONS

26 février 1997


Communiqué de Presse
SOC/66


COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : LE LIEN ENTRE LA CROISSANCE ECONOMIQUE ET LA CREATION D'EMPLOIS AU CENTRE DES DISCUSSIONS

19970226 La Commission du développement social a tenu ce matin sa deuxième table ronde sur le Suivi du Sommet mondial de Copenhague dont le thème prioritaire, cette année, est l'emploi productif et les modes de subsistance durables.

Au cours du dialogue qui a suivi les exposés des experts, le lien entre la croissance économique et la création d'emplois a été au centre des discussions. Nombre d'intervenants ont reconnu que la croissance seule ne pouvait être génératrice d'emplois. Ils ont souligné la nécessité d'une politique interventionniste, en particulier lorsque la croissance ne concerne que des secteurs qui n'absorbent qu'un nombre limité de main d'oeuvre. Un expert est intervenu sur l'impact de la mondialisation et des progrès technologiques sur l'emploi en indiquant que c'est le taux de croissance qui détermine la qualité des effets de ces deux phénomènes sur l'emploi. Un autre expert a appelé les gouvernements à reconnaître que le développement social durable ne pourra jamais voir le jour sans le plein emploi, et que ce dernier était réalisable. L'harmonie et la cohésion sociale ne peuvent pas découler de la seule libéralisation des marchés. Il est essentiel de donner une dimension humaine aux politiques en faveur de l'emploi car le respect mutuel, dans le contrat de travail, permet l'instauration d'un climat de confiance productif.

Le Secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres, M. Bill Jordan, le Président de la Fédération des employeurs du Pakistan, M. Ashraf Tabari, l'Analyste politique du Bureau des études de développement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Mme Isabelle Grunberg, et le Directeur général du Centre des enquêtes et de l'éducation populaire du Pérou, M. Jesus Aguilar Cruz ont pris part à la table ronde. Le Directeur de la Division pour les politiques sociales et de développement du Département de la coordination des politiques et du développement durable, M. John Langmore, tenait le rôle de modérateur.

La Commission du développement durable se réunira cet après-midi à 15 heures.

Suivi du Sommet mondial pour le développement social : emploi productif et modes de subsistance durables.

Echange de vue entre les délégations et un Groupe d'experts

M. JOHN LANGMORE, Directeur de la Division pour la coordination des politiques sociales et du développement, modérateur de l'échange de vue, a fait valoir qu'il est indispensable de se prononcer en faveur d'une croissance de l'emploi sous toutes ses formes, y compris du secteur informel. Comment assurer le succès de stratégie de croissance de l'emploi aujourd'hui? En se penchant sur les expériences des uns et des autres, et sur les stratégies multifacettes qui ont fonctionné dans des pays rassemblant certaines caractéristiques particulières. Divers objectifs internationaux devraient être fixés, a poursuivi M. Langmore. L'objectif du plein emploi est consacré dans la Charte des Nations Unies. A Copenhague les Chefs d'Etat et de gouvernements se sont engagés à le poursuivre prioritairement. C'est aujourd'hui la première fois qu'une réunion exclusivement consacrée à l'emploi productif et aux modes de subsistance durables a lieu aux Nations Unies. Elle doit servir en particulier la stratégie commune qui permettra à chacun d'atteindre cet objectif.

M. ASHRAF W. TABANI, Président de la Fédération des employeurs du Pakistan, commentant le rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur l'emploi productif et les modes de subsistance durables, s'est déclaré satisfait que l'Organisation ait pris en compte nombres des recommandations de la Fédération. L'OIT le reconnaît, a souligné M. Tabani, la croissance économique débouchant sur la création d'emplois exige une politique de gestion macro-économique stable, des politiques favorables à l'expansion du commerce et de l'investissement internationaux, un cadre politique et institutionnel propice à l'investissement privé et un cadre régulateur souple permettant aux employeurs et aux travailleurs de s'adapter au changement. M. Tabani a poursuivi en arguant que si les stratégies de développement doivent promouvoir la croissance économique elles doivent également viser l'élimination de la pauvreté. Ces deux notions n'ayant pas forcément un lien de cause à effet, les gouvernements doivent poursuivre le double objectif de la création d'emplois productifs et de la réalisation d'une croissance économique. Il faut en outre que les micro-interventions des gouvernements soient intégrées aux macropolitiques pour leur assurer un effet durable sur l'élimination de la pauvreté.

D'autre part, il faut reconnaître que le modèle d'industrialisation dans les pays asiatiques n'est pas à même de générer un nombre d'emplois correspondant à la demande. En conséquence, le secteur agricole absorbera encore longtemps la majorité des travailleurs. A la lumière de cette constatation, toute politique économique dans ces pays doit accorder une attention particulière à ce secteur. L'éducation - garant du développement des ressources humaines - représente un autre domaine que les pays en développement, en général, devraient élever au rang de priorité. Si les pays

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en développement ne s'embarquent pas dans un programme d'éducation renforcé, le fossé entre les pays développés et le monde en développement ne fera que s'agrandir. En conséquence, M. Tabani a invité la Commission du développement social à consacrer le temps nécessaire à l'examen de cette question.

Mme ISABELLE GRUNBERG, Analyste politique au Bureau des études de développement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a estimé que la crise de l'emploi est mondiale et double car elle se déroule à la fois sur les plans qualitatif et quantitatif. En effet, les études entreprises dans le monde montrent à la fois une augmentation du chômage et une baisse de la qualité de l'emploi. En ce qui concerne l'impact de la mondialisation et des progrès technologiques sur l'emploi, Mme Grunberg l'a qualifié de non déterminant. Ces deux phénomènes, a-t-elle dit, contribuent à des résultats positifs dans un contexte de croissance et des résultats désastreux dans une situation de non-croissance. Partant le postulat selon lequel la mondialisation et les progrès technologiques ont des effets bénéfiques sur la croissance doit être renversé puisque c'est la croissance qui détermine les effets de ces derniers. Venant à ce qu'elle nomme l'essoufflement des économies mondiales, Mme Grunberg a invoqué le "dilemme du prisonnier" en expliquant qu'une politique protectionniste, par exemple, n'est valable pour un Etat que s'il reste le seul au monde à la pratiquer. Sa généralisation mènerait le monde dans une réelle impasse.

La communauté internationale qui a pris au sérieux ce dilemme n'a pourtant pris en compte qu'un seul aspect des choses. En effet, toute les politiques macro-économiques s'appuient sur une intensification des exportations, en s'exposant, par extension, aux caprices de la demande extérieure. La solution est donc que les pays se garantissent mutuellement un taux de croissance élevé de la demande interne tout en garantissant l'ouverture des marchés. Le deuxième "dilemme du prisonnier" est celui qui consiste à obtenir des parts de marchés en faisant baisser les salaires et les conditions de travail. Le succès d'une telle politique n'est garanti que si un seul Etat la pratique. Si tous les pays font de même, ils auront à faire face à des coûts sociaux prévisibles mais également à des coûts économiques tant il est vrai que cela reviendrait à grignoter un morceau du bien commun qu'est la demande mondiale. Là encore les pays doivent s'offrir des garanties dans ce domaine. Mme Grunberg a terminé son exposé en attirant l'attention sur un autre phénomène qu'est le transfert du domaine social, du secteur public au secteur privé en constatant pourtant que c'est le contraire qui se produit dans les faits. En effet, l'on peut constater aux Etats-Unis le déclin des titulaires d'assurances privées au profit des assurances publiques et en Europe, la budgétisation des fonds de pension au niveau des Etats. La question est de savoir si cette situation peut expliquer les crises budgétaires des Etats. Cette question fera l'objet d'une étude que le PNUD compte entreprendre dans un proche avenir.

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M. JESUS AGUILAR CRUZ, Directeur général du Centre d'enquête et d'éducation populaire, a souligné qu'au cours des six dernières années, le Pérou a fait de grands progrès dans le domaine économique qui ne se sont toujours pas répercutés sur l'emploi. La première leçon qu'il faut tirer de cette situation est que la croissance économique n'est pas une condition suffisante pour générer l'emploi, en particulier, lorsqu'elle se focalise dans des secteurs qui absorbe un nombre limité de main d'oeuvre. La deuxième leçon est que les indicateurs macro-économiques positifs ne reflètent pas la situation d'un pays tant que les indicateurs micro-économiques n'indiquent pas les mêmes conclusions tendances. En effet, une proportion importante de la population péruvienne perçoit aujourd'hui des revenus bien au-dessous du seuil minimal de subsistance. Pour étudier de manière plus précise la situation de l'emploi dans le pays, il faut changer la notion d'emploi et y inclure l'emploi autonome et l'emploi familial. Il faut en effet éviter, comme c'est le cas aujourd'hui, qu'une grande partie de la population ne soit pas reprise dans les statistiques alors qu'elles contribuent au produit intérieur brut. Abordant la question du secteur informel, M. Cruz a estimé qu'il comprend beaucoup d'activités susceptibles de contribuer à l'amélioration des revenus. Il convient donc de lui reconnaître sa véritable importance. Il a souhaité que les politiques de développement tiennent davantage compte des paramètres de l'éducation, de la démographique, du développement technologique ou encore de l'accès au crédit.

M. BILL JORDAN, Secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres a fait part de la volonté des 500 millions de travailleurs que rassemblent la Confédération internationale des syndicats libres d'apporter leur contribution active aux efforts internationaux en faveur de l'emploi. Il a insisté sur l'importance d'adopter de nouvelles stratégies adaptées à la mondialisation, et en particulier à l'interdépendance transfrontalière qui caractérise tous les secteurs et aspects de la vie économique et sociale contemporaine. Les travailleurs membres de la Confédération, dont les deux-tiers proviennent du monde en développement, partagent la vision du développement social consacrée dans les textes de Copenhague. Le Sommet mondial pour le développement social a créé des attentes, et il faut veiller à ce qu'elles trouvent satisfaction. Les organisations internationales ont trop parfois tendance à perdre de vue les réalités et éprouvent des difficultés à passer de l'élaboration des stratégies à l'action. Ce qu'il faut créer aujourd'hui n'est rien d'autre qu'un réseau mondial de solidarité d'hommes et de femmes. Une responsabilité incombe aujourd'hui aux gouvernements et à leurs représentants : s'assurer que les institutions financières - Banque mondiale, Fonds monétaire international et autres honorent les engagements qu'ils ont contractés de Copenhague. Les mouvements syndicalistes suivent ces négociations d'aussi près qu'il ont la possibilité de le faire. Ils attendent cependant de travailler davantage avec les décideurs pour combattre la crise sociale. Le "La voix des syndicats est parfois violente. Mais c'est parce qu'il le faut", a dit M. Jordan. Il a évoqué la mémoire de M. Abdelhak Benhamouda, responsable du Mouvement syndicaliste algérien, fervent défenseur de la justice social à la renommée

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mondiale, symbole de l'espoir que la société algérienne pourrait un jour s'éloigner de la violence sanglante, assassiné froidement la semaine dernière dans son pays. Le développement social durable ne pourra jamais voir le jour sans le plein emploi. Le plein-emploi est possible et indispensable. Le principe de bonne gouvernance est primordial pour la mobilisation de l'aide au développement. L'harmonie, la cohésion sociale ne peut découler automatiquement de la libéralisation des marchés. Les gouvernements doivent comprendre la multitude de cibles qu'ils doivent se fixer pour réaliser les objectifs du développement durable. Il est essentiel de donner une dimension plus humaine aux politiques en faveur de l'emploi: car le respect mutuel, dans le contrat de travail permet l'instauration d'un climat de confiance productif.

Dialogue

La représentante de l'Algérie vivement remercié M. Jordan pour l'hommage vibrant qu'il avait su rendre à la mémoire de M. Abdelhak Benhamouda, fervent défenseur de la justice social, dont l'assassinat ignoble par les terroristes intégristes a mis la société algérienne toute entière en état de choc. Elle a indiqué que le cerveau de cet acte odieux était passé aux aveux et reconnu son appartenance au mouvement terroriste intégriste.

Répondant à la représentante de la Jamaïque qui avait demandé des précisions sur les moyens s'offrant aux pays en développement de développer la micro-entreprise, et les institutions à même de leur offrir une assistance en ce domaine, les experts ont passé en revue les multiples institutions du système des Nations Unies offrant des services de ce type aux Etats qui en faisaient la demande. Ils ont en particulier insisté sur les diverses formes d'aide que peuvent apporter des organisations comme l'Organisation internationale du travail, le Programme des Nations Unies pour le développement ou encore la Banque mondiale, et sur l'intérêt des divers services offerts pour développer l'accès au crédit pour stimuler la création de micro-entreprises. Répondant à la représentante de l'Ukraine qui demandait quels conseils les experts avaient à donner aux pays en transition pour mener une stratégie de développement social efficace dans le contexte dans les économies en transition, Mme Grunberg a indiqué que l'un des éléments qui a provoqué la crise sociale actuelle dans de nombreux pays en transition a été l'absence de structure étatique capables de parer les coûts sociaux successifs vécus au cours de la transition économique. Aujourd'hui, par exemple, dans ces pays, l'on s'oriente vers une amélioration des conditions de l'offre, qui s'accompagne d'une amélioration des cadres juridiques, et de nombreux autres instruments, tels que l'éducation, la formation, qui font que les investisseurs ont davantage confiance, et donc peuvent devenir des promoteurs potentiel de croissance de l'emploi.

La représentante des Etats-Unis a attiré l'attention sur la question du sous-emploi chez les personnes handicapées. Répondant à cette observation, l'expert de la Confédération des syndicats libres a reconnu que la marché

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mondial ne reconnait pas les handicaps mais uniquement les gagnants et les perdants. Il faut que les Nations Unies envoient un message invitant les gouvernements à gérer leur pays dans l'intérêt de tous leurs habitants. Si un seul mot devait décrire le monde actuel, ce serait "inégalité", entre les pays, dans les pays et au sein des entreprises. Cette inégalité se poursuivra si les dirigeants n'ont pas le courage d'affirmer haut et fort que c'est le marché qui doit servir la planète et non le contraire. L'expert de la Fédération des employeurs du Pakistan a, lui, signalé qu'actuellement son pays impose des normes et des quotas en ce qui concerne le recrutement des personnes handicapées.

Le représentant du Soudan a qualifié de dangereux l'assertion selon laquelle la mondialisation et les progrès technologiques n'ont pas d'impact déterminant sur l'emploi. Venant à la question des exportations sur lesquelles s'appuient les politiques macro-économiques, le représentant a souhaité savoir comment les pays en développement peuvent adopter une telle politique alors qu'ils n'exportent pas de produits manufacturés. Il a en outre demandé aux experts comment les pays en développement peuvent mettre en place des structures de coopération véritable pour devenir, à leur tour, concurrentiels. Pour ce qui est de l'accès au crédit et de la théorie sur les mocro-entreprises, le représentant a souhaité prendre connaissance de l'expérience péruvienne. Le représentant du Nicaragua, soulignant que les processus de réforme engendre un tribut social, a souhaité que la Commission reconnaisse l'importance du secteur informel et des micro-entreprises pour la création d'emplois. Le représentant de l'Autriche a souhaité connaître l'impact sur l'emploi des politiques fondées sur le partage du temps de travail. A son tour, le représentant de Cuba a regretté l'absence de représentants des institutions financières internationales dont les politiques ont également des effets sociaux. Il a souhaité savoir la façon dont les experts envisagent le processus intergouvernemental pour fournir des palliatifs permettant de faire face au chômage dans les pays en développement, en particulier. Il a en outre demandé des explications sur la baisse du nombre des travailleurs syndiqués observée dans plusieurs pays au moment où on l'on constate un peu partout une augmentation du chômage.

L'experte du PNUD, répondant au représentant du Soudan sur la question des exportations, a expliqué qu'un problème sérieux se pose lorsque l'on demande aux pays tropicaux de se spécialiser dans leurs produits puisqu'on aboutit forcément à une baisse des prix. Elle a ajouté, à l'intention du représentant de Cuba, que le PNUD ne recommande pas de politiques économiques mais a pour mission de promouvoir le développement humain durable. L'expert de la Confédération des syndicats libres, intervenant sur la notion du temps de travail, a reconnu que la réduction du temps de travail est un moyen de combattre le chômage de même que la retraite anticipée. Sur la baisse du nombre de travailleurs syndiqués, il a reconnu la tendance dans la plupart des pays d'Europe en soulignant que la faiblesse du syndicalisme dans les pays en développement s'explique par le fait que les réseaux sont très difficiles à mettre en place dans les micro-entreprises. Les syndicats, a ajouté l'expert,

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contribuent à la stabilité d'un pays et prospère dans un climat de stabilité. Dans un monde instable, il est normal que les syndicats soient attaqués. L'expert du Centre d'enquêtes et d'Education populaires du Pérou, revenant sur la question des micro-entreprises, a expliqué que leur succès doit se reposer sur le dynamisme des marchés locaux. Il faut reconnaître leur rôle dans la satisfaction des besoins locaux et nationaux.

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