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SG/SM/6165

DEVANT L'AMERICAN COUNCIL ON EDUCATION, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL A DÉCLARÉ QUE L'EDUCATION REVÊT UNE IMPORTANCE CRUCIALE POUR LA PAIX ET LE BIEN-ÊTRE À L'ÉCHELON MONDIAL

26 février 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6165


DEVANT L'AMERICAN COUNCIL ON EDUCATION, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL A DÉCLARÉ QUE L'EDUCATION REVÊT UNE IMPORTANCE CRUCIALE POUR LA PAIX ET LE BIEN-ÊTRE À L'ÉCHELON MONDIAL

19970226 On trouvera ci-après l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, devant l'American Council on Education à Washington, le 24 février, sur le thème : "L'éducation est un impératif et l'Organisation des Nations Unies joue un rôle indispensable à cet égard".

C'est pour moi un grand honneur que de prendre la parole devant cette auguste assemblée réunissant des personnalités du monde universitaire venues des États-Unis et d'ailleurs. Depuis longtemps déjà, l'American Council on Education mène une action à l'échelon international et entretient des relations avec des associations nationales et internationales de l'enseignement supérieur. Il est donc naturel que l'Organisation des Nations Unies ait sa place dans vos délibérations.

J'attache personnellement une grande importance à l'éducation. En fait, c'est l'éducation qui m'a amené ici de l'autre bout de la terre et m'a fait quitter mon pays natal, le Ghana. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, j'ai fait des études d'économie à Macalester College à St-Paul (Minnesota) et de gestion à l'Institut de technologie de Massachusetts. Pendant des années, j'ai conservé des liens étroits avec le monde de l'éducation. Pendant près de 10 ans, j'ai été Président du Conseil d'administration de l'École internationale des Nations Unies à New York après avoir été Administrateur de l'École internationale à Genève. J'ai également eu l'honneur de servir mon université, Macalester College, en tant que membre de son Conseil d'administration.

Alors que j'endosse de nouvelles responsabilités, je voudrais saisir cette occasion pour vous assurer que je serai votre fervent défenseur dans nos efforts communs visant à promouvoir l'éducation, préoccupation prioritaire à l'échelon mondial. Imaginez-vous en train de tenter d'introduire une organisation complexe dans un siècle nouveau tout en faisant face à de nouvelles exigences émanant de groupes disparates. Imaginez les malentendus et conflits, les crises budgétaires, les mandats contradictoires. Imaginez les remises en question de la validité de la mission fondamentale de l'institution. Imaginez la tâche qui consiste à gérer de nombreuses composantes, chacune défendant ses propres intérêts et n'ayant guère de patience pour un nouveau chef qui vient de prendre ses fonctions.

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Imaginez-vous en partie capitaine, en partie éducateur, en partie animateur d'événements sportifs, en partie collecteur de fonds. Imaginez tout cela. C'est ce que j'ai fait et c'est pourquoi je suis heureux de ne pas être un président de collège ou d'université aujourd'hui. Je vous rends hommage, vous les chefs de file de l'enseignement supérieur. Nous avons beaucoup en commun et je pense que nous pourrons nous épauler mutuellement dans les années à venir.

Je voudrais aujourd'hui vous faire part de quelques-unes de mes réflexions sur trois grands thèmes : le rôle de l'éducation au XXIe siècle, le rôle de l'Organisation des Nations Unies dans la promotion de l'"éducation pour tous" et le rôle que l'éducation joue pour promouvoir la compréhension et le soutien de l'Organisation des Nations Unies.

Les nombreuses années que j'ai passées au service de notre organisation mondiale m'ont convaincu du fait que pour parvenir à la stabilité politique il faut avant tout un citoyen informé, pour assurer le progrès économique, il faut avant tout un ouvrier qualifié et pour instaurer la justice sociale, il faut avant tout une société éclairée. L'éducation est donc un élément fondamental de la paix et du bien-être à l'échelon mondial.

Vous connaissez probablement l'adage selon lequel si vous donnez un poisson à quelqu'un il aura de quoi se nourrir pendant une journée mais si vous lui apprenez à pêcher, il n'aura plus jamais faim. C'est très bien, mais que fera-t-il une fois qu'il aura mangé? Il nous faut aller au-delà des efforts traditionnels visant à assurer la subsistance des populations si nous voulons préparer celles-ci à participer à l'économie mondialisée du XXIe siècle.

Le monde a évolué. Il est caractérisé par une interdépendance accrue. De plus en plus, les problèmes qui se posent appellent une coopération au-delà des frontières nationales et une solidarité au-delà des différences individuelles.

Les cultures, les religions et les peuples collaborent et se heurtent plus fréquemment que jamais et dans le cadre de situations toujours plus complexes. Je ne suis pas de ceux qui prévoient un affrontement inéluctable des civilisations. Au contraire, le fait de travailler à l'ONU m'a convaincu que des valeurs comme la tolérance et l'acceptation de la diversité sont d'une importance cruciale pour l'avenir de l'humanité et que nous devons coopérer indépendamment des distinctions de race, de langue et de croyance. Il y a longtemps que nous avons dépassé le stade où un dirigeant, un politicien ou un homme d'affaires peut se permettre d'envisager les problèmes dans une optique exclusivement locale ou de supposer qu'il existe une manière unique de faire les choses.

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Face à des transformations aussi radicales, que ce soit sur le lieu de travail, au foyer ou à tous les niveaux du gouvernement, la manière dont nous éduquons les jeunes et les dirigeants de demain doit aussi changer. Les jeunes ont plus que jamais besoin d'aide pour interpréter ou comprendre l'environnement civique, politique et économique dans lequel ils vivent et pour se préparer à assumer le rôle qui sera le leur en tant qu'adultes et citoyens responsables. Cela vaut aussi bien pour les pays développés que pour les pays en développement.

Heureusement, des phénomènes tels que la démocratisation et la libéralisation économique ont ouvert de nouvelles perspectives en matière d'éducation. Un nombre croissant de pays — dont plusieurs ont connu des conflits ethniques et des troubles civils — sont à la recherche de programmes et méthodes d'enseignement qui les aideront à atteindre certains objectifs apparentés : le renforcement du respect des droits de l'homme et de la pratique de la démocratie; la lutte contre la pauvreté; la protection de l'environnement et l'amélioration des perspectives dans le domaine de la paix et de l'entente internationales.

Cette liste peut paraître ambitieuse. Toutefois, alors que le monde s'apprête à aborder un nouveau millénaire, il nous faut saisir l'occasion qui nous est offerte de libérer et de mobiliser les esprits pour faire face à ces défis avec vigueur et détermination.

L'Organisation des Nations Unies a un rôle indispensable à jouer dans la réalisation de ces objectifs. Notre action se fonde sur la Charte qui a doté cette Organisation internationale d'une autorité morale sans pareille en ce qui concerne les affaires mondiales. Nous sommes aussi guidés par les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme où il est stipulé que toute personne a droit à l'éducation.

Notre but est de promouvoir un monde respectueux de l'éducation, où l'accès à celle-ci soit universel. Où l'éducation encourage la compréhension, la tolérance, l'amitié entre toutes les nations, entre tous les groupes raciaux ou religieux. Où l'éducation aide chacun à atteindre pleinement son potentiel et où les nations du monde partagent leurs connaissances, leur technologie et leur expérience au service du bien commun.

Il faut placer nos efforts dans le contexte plus large des activités menées sur une vaste échelle pour assurer à chacun plus de sécurité, dans tous les sens du mot. La "sécurité nationale" et les "intérêts nationaux" ne peuvent plus être conçus dans un sens étroit, comme un problème exclusif de capacité opérationnelle et de puissance militaire. Notre définition de la sécurité doit bien plutôt embrasser la prospérité, la justice sociale, la protection de l'environnement, un bon gouvernement et le respect de la légalité.

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Au sens le plus large, nous cherchons à établir le règne de la paix. L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l'un des avocats de l'éducation et de l'alphabétisation pour tous parmi les plus écoutés dans la communauté internationale, a été créée dans la conviction que, puisque les guerres commencent dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes qu'il faut construire les remparts de la paix. (Ceux des femmes, je peux l'ajouter en ces temps plus éclairés, sont déjà résolument tournés vers la paix.)

L'éducation est notre principal atout dans la mise en place de ces colonnes sur lesquelles repose la sécurité du monde. Mais, comme nous le savons tous, les obstacles sont énormes, surtout dans les pays en développement. La pauvreté entrave l'accès de tous à une éducation de qualité. À cause du manque de ressources, les écoles ne sont pas construites, les enseignants ne sont pas recrutés et l'accès aux technologies nouvelles est limité, sinon impossible.

À cause de certains facteurs culturels, les filles ne sont souvent pas autorisées ou encouragées à fréquenter l'école et les programmes sont manipulés à des fins politiques ou idéologiques. Les réalités socio- économiques font que des enfants doivent travailler pour ajouter au revenu familial, et même ceux qui vont à l'école la quittent souvent à un très jeune âge.

Pour ces raisons et d'autres encore, les pays en développement risquent d'être encore davantage marginalisés dans un monde où règne la technologie et où le niveau atteint en matière d'information et de communications est déterminant. Nous risquons de créer une nouvelle division entre les sociétés riches en moyens d'information et les sociétés en retard sur le plan technologique. Seule l'éducation peut effacer cette division, à condition de dégager les ressources — matérielles et humaines — nécessaires à l'éducation même.

Et il faut dépenser ces ressources là où elles sont le plus nécessaires. Nous savons qu'il existe entre les États des déséquilibres considérables sur le plan des perspectives d'éducation. Mais ces déséquilibres existent aussi à l'intérieur d'un même État : entre les riches et les pauvres, entre les zones urbaines et les zones rurales, entre les différents groupes ethniques, entre les hommes et les femmes. Nous ne pouvons corriger toutes les injustices. Mais nous devons travailler chacun dans nos pays, ainsi qu'au niveau international, pour fournir à tous la chance de recevoir une éducation — notamment à ceux qui restent au seuil des salles de classe.

La Banque mondiale a une conscience aiguë de ce problème. Elle organise à Toronto, en juin, une conférence internationale sur le thème "la connaissance au service du développement dans l'ère de l'information". Cette conférence analysera la révolution mondiale intervenue dans la connaissance et

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étudiera les moyens d'aider les pays en développement, et en particulier les pauvres du monde entier, à accéder aux nouvelles technologies d'information et de communication et à les mobiliser de manière à promouvoir la démarginalisation, à permettre à chacun d'apprendre toute sa vie, et à réduire la pauvreté. Cette initiative est mise sur pied avec un vaste éventail d'associés publics et privés, dont le Gouvernement canadien et plusieurs organismes de l'ONU. La communauté universitaire sera bien représentée, ainsi que le secteur privé, les banques de développement, les institutions scientifiques et de formation et les médias. J'ai la certitude que vous en trouverez les débats dignes de votre attention.

Une coalition analogue d'éducateurs, de gouvernements et d'organisations non gouvernementales prendra part à la Conférence mondiale sur l'enseignement supérieur, que l'UNESCO doit réunir à l'automne de 1998. La Conférence examinera un éventail de problèmes difficiles qu'affrontent aujourd'hui les universités. Ce sont les suivants : faire face à un afflux d'étudiants à la recherche de diplômes utilisables; lutter avec des compressions budgétaires imposées au nom d'une moindre intervention gouvernementale; et rendre les universités plus aptes à contribuer au développement et à la démocratie. Compte tenu des transformations profondes qui surviennent dans la société d'aujourd'hui, le moment me semble particulièrement indiqué pour organiser une conférence où sera examinée la mission de l'enseignement supérieur.

Si l'Organisation des Nations Unies a la responsabilité de contribuer à la promotion de l'éducation, j'avance l'idée que les éducateurs ont eux aussi diverses responsabilités à l'égard de l'Organisation. Certains ont perdu foi en elle, pour une part faute d'être informés, parce qu'ils sont mal informés ou croient à certains mythes. Pour répondre à l'attente du monde, l'Organisation doit obtenir le soutien des États Membres. Ce soutien peut prendre de nombreuses formes : politique, militaire, morale, financière. Mais le soutien le plus efficace s'enracine dans une solide connaissance de l'Organisation et de ses activités.

C'est pourquoi vous et les institutions que vous représentez sont particulièrement précieux. Un certain nombre d'écoles secondaires ont des programmes inspirés du modèle de l'ONU, mais les programmes officiels ne contiennent presque rien au sujet de l'Organisation. La plupart des jeunes abordent le premier cycle de l'enseignement supérieur sans une connaissance même rudimentaire de l'Organisation.

Vos collèges et universités peuvent combler ce vide. Vos institutions peuvent ouvrir l'esprit des jeunes aux réalités de l'Organisation — ses fonctions, son potentiel, ses limites et son impact direct sur leur vie présente et leur avenir — ce qui garantit qu'elle pourra continuer de servir l'humanité. L'intérêt et le soutien de vos étudiants, dirigeants de demain, sont essentiels à l'avenir de l'Organisation, qui est essentielle à l'avenir du monde.

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Nous approchons de la fin d'un siècle que l'on a qualifié de plus sanglant et de plus destructeur de l'histoire. L'éducation est à la fois l'antidote de ce passé et la clef qui ouvre les portes d'un monde de progrès, de solidarité, de compréhension et de respect pour la diversité. Grâce à l'éducation, nous pourrons former un corps civique prêt à tenir brillamment sa place dans la société de l'avenir, fondée sur la connaissance et les liens d'interdépendance.

Soyons à la hauteur de cette nouvelle mission. Le Président des États- Unis, William Clinton, a fait de l'éducation "la priorité No 1" de son nouveau mandat. Je rends hommage à sa clairvoyance, à ses qualités de dirigeant et à l'intérêt qu'il a toujours porté à l'éducation.

Pour ma part, je suis résolu à réformer l'Organisation des Nations Unies pour la rendre plus efficace et plus capable de servir le monde de demain. J'espère avoir de fréquents contacts avec des étudiants de tous niveaux. Aussi récemment que la semaine dernière, j'ai rencontré deux étudiants suédois lauréats d'un concours d'essais; deux jours plus tard, j'étais interviewé par deux brillants élèves d'une école secondaire de New York. De telles rencontres comptent parmi les aspects les plus plaisants de ma fonction. Mais les questions qu'ils me posent étaient plus difficiles que celles de mes pairs.

Je ne me fais pas d'illusions sur les problèmes que nous affrontons. Les objectifs de l'"éducation pour tous" et de l'"éducation pour la paix" sont encore bien loin d'être atteints. Mais définir un but, c'est franchir le premier pas vers sa réalisation.

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été offerte de vous faire connaître mes opinions et mes espoirs. J'accueille vos idées avec intérêt et j'ai l'intention de rester en étroit contact avec la communauté universitaire. Vous êtes pour l'Organisation des Nations Unies des partenaires irremplaçables. Allons de l'avant ensemble.

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