POUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, LES ARMES NE SONT PAS DIRECTEMENT À L'ORIGINE DES GUERRES MAIS LEUR ACCUMULATION EXCESSIVE EST GÉNÉRATRICE DE CONFLITS
Communiqué de Presse
SG/SM/6151
DCF/284
POUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL, LES ARMES NE SONT PAS DIRECTEMENT À L'ORIGINE DES GUERRES MAIS LEUR ACCUMULATION EXCESSIVE EST GÉNÉRATRICE DE CONFLITS
19970203 On trouvera ci-après le texte de l'allocution que le Secrétaire général, M. Kofi Annan a prononcé devant la Conférence du désarmement à Genève, le 30 janvier :Je suis honoré et ravi de saisir l'occasion qui m'est offerte de prendre la parole devant une instance d'une importance aussi vitale dès le tout début de mon mandat de Secrétaire général.
Le monde ne vit plus dans l'ombre de la guerre froide. Mais aujourd'hui, tous les pays et tous les peuples attendent de la Conférence du désarmement qu'elle règle au plus tôt les questions inscrites à son ordre du jour. Ils espèrent qu'elle parviendra à éliminer la double menace que fait peser l'existence d'armes de destruction massive d'une part et d'un stock grandissant d'armes classiques d'autre part.
Ils attendent d'elle qu'elle fasse progresser la réalisation d'un des objectifs fondamentaux de l'Organisation des Nations Unies, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Il y a dix ans, les partisans les plus optimistes du désarmement eux- mêmes ne pouvaient imaginer que la guerre froide prendrait fin aussi abruptement comme pas plus qu'ils ne pouvaient imaginer qu'elle ferait place si rapidement à une coopération aussi constructive aux niveaux unilatéral, bilatéral, régional et mondial.
Aujourd'hui, les théories stratégiques bien établies auxquelles la guerre froide avait donné naissance et la menace constante d'un conflit nucléaire n'ont plus cours. En ma qualité de Secrétaire général, je me félicite des efforts qui sont déployés pour faire progresser la coopération internationale dans les trois domaines cruciaux que sont les armes chimiques, les armes biologiques et les armes nucléaires.
Diverses mesures unilatérales et divers accords mutuels de réduction des stocks d'armes nucléaires ont été mis en oeuvre avec succès et les puissances nucléaires continuent de rechercher ensemble des moyens plus sûrs de démanteler les armes existantes et de manutentionner et stocker les matières fissiles.
- 2 - SG/SM/6151 DCF/284 3 février 1997
Grâce aux Traités de Bangkok et de Pelindaba et aux renforcements successifs des Traités de Tlatelolco et de Rarotonga, il est possible de progresser à nouveau et plus sûrement encore sur la voie de la non- prolifération des armes nucléaires. Ces traités ont consolidé la sécurité des États qui en sont parties.
À quelques mois de son adoption par l'Assemblée générale en septembre 1996, le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires avait déjà été signé par 140 États, soit plus des deux tiers des États Membres de notre Organisation, y compris les cinq États dotés d'armes nucléaires.
Nous assisterons bientôt à l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques et à l'inauguration de l'organisme chargé de veiller à son application.
J'invite instamment tous les États qui ne l'ont pas encore fait, en particulier, les détenteurs déclarés d'armes chimiques comme la Fédération de Russie et les États-Unis, à ratifier la Convention avant qu'elle n'entre en vigueur. Je me félicite que les gouvernements de ces deux pays se soient engagés à atteindre cet important objectif.
Les États parties à la Convention sur les armes biologiques se sont réunis l'année dernière et sont convenus de continuer à renforcer l'autorité dont elle jouit à l'échelon international, éventuellement au moyen d'un régime de vérification qu'il faudrait négocier. J'appuie résolument ces efforts.
Tous ces événements ont créé un climat nouveau et positif en matière de sécurité internationale.
Cela étant, nous n'ignorons pas que des incertitudes demeurent et qu'il nous reste de graves difficultés à résoudre. Il nous faut redoubler d'efforts tous ensemble pour mettre en place de nouvelles et solides structures internationales et de définir les règles qui doivent régir les relations entre États en cette période d'après-guerre froide.
Il faut convenir d'un nouvel ordre du jour en matière de sécurité internationale qui tienne compte de la rapidité avec laquelle évolue la situation mondiale.
La Conférence du désarmement doit donc relever un nouveau et grave défi. Son mandat fait d'elle le seul organe international chargé de négocier des accords de réglementation des armements et de désarmement. C'est là une lourde responsabilité. Comment peut-elle s'en acquitter dans les meilleures conditions et contribuer à définir un nouveau programme de désarmement pour les dernières années de ce millénaire?
- 3 - SG/SM/6151 DCF/284 3 février 1997
Que de nouveaux progrès décisifs en matière de désarmement nucléaire soient réalisés, tel est l'espoir de la nouvelle période dans laquelle nous sommes entrés. Je me joins à ceux qui soutiennent avec vigueur qu'il est nécessaire et urgent de poursuivre dans la voie du désarmement nucléaire et de la non-prolifération. La possibilité d'accidents nucléaires, le trafic illicite de matières nucléaires et la menace que constitue le terrorisme nucléaire, voilà autant de facteurs qui font ressortir la nécessité de continuer à progresser dans ce domaine.
Le désarmement nucléaire doit demeurer une priorité pour la communauté internationale. À cet égard, la Conférence a la chance de pouvoir tirer parti des travaux menés à bien par la Conférence de 1995 des Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) chargée d'examiner le Traité et la question de sa prorogation. Même si tous les pays n'ont pas encore adhéré au Traité, la quasi-totalité des membres de l'ONU y sont parties. Les décisions de la Conférence pourraient donc servir à guider les initiatives qui seront prises à l'avenir dans ce domaine.
L'une de ces initiatives devrait être l'élaboration d'une convention interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes ou autres engins explosifs nucléaires. Je suis bien conscient du fait que ce projet pose d'énormes difficultés d'ordre technique et politique, mais je tiens à vous rappeler que sans négociation, il n'y a aucun progrès possible.
Le mandat du Comité spécial créé par la Conférence de 1995 me semble refléter les positions de tous les États. C'est pourquoi, j'en appelle à la Conférence pour qu'elle mette à profit ce bon point de départ pour engager des négociations aussitôt que possible.
L'un des plus grands défis de notre temps consiste pour la communauté internationale à rendre le processus de désarmement nucléaire irréversible, comme elle s'y est engagée. En tant qu'assemblée représentative de haut niveau, la Conférence est idéalement placée pour appuyer les efforts qui vont dans le sens de cette noble tâche. J'espère que vous serez en mesure d'éviter une situation qui pourrait mettre en péril notre objectif commun.
La Conférence se préoccupe depuis longtemps d'une question connexe, celle des garanties données aux États non dotés d'armes nucléaires qu'il ne sera recouru à leur encontre ni à l'emploi, ni à la menace de l'emploi de l'arme nucléaire; il pourrait être utile de se demander comment renforcer ces garanties de sécurité.
Jusqu'ici, ce sont les armes de destruction massive qui ont été au centre des préoccupations de la Conférence.
- 4 - SG/SM/6151 DCF/284 3 février 1997
Cependant, depuis la fin de la guerre froide, la multiplication des conflits locaux et régionaux a rendu le problème des armes classiques tout aussi important et tout aussi pressant. Ce sont les armes classiques qui, chaque année, tuent combattants et civils par dizaines de milliers. Nous savons tous à quel point la communauté internationale se trouve impuissante lorsque les armes classiques s'accumulent en quantités massives, légalement ou illégalement, dans un pays.
Certes, ce ne sont pas les armes elles-mêmes qui sont à l'origine des guerres, mais leur accumulation fait naître le soupçon et la méfiance, et ceux-ci peuvent exacerber les tensions et déclencher de violents conflits.
Aujourd'hui, notre mission consiste à nourrir l'espoir et l'optimisme qu'a fait naître la fin de la guerre froide et à empêcher que de nouvelles courses aux armements classiques aux échelons régional et sous-régional ne viennent compromettre les acquis sur le plan de la sécurité internationale.
Pour ma part, je tiens à exprimer l'immense gratitude que m'inspirent le courage et le dévouement des soldats de la paix des Nations Unies et du personnel international.
En effet, ils risquent chaque jour d'être victimes des millions de mines anti-personnel dispersées de par le monde, qui sont devenues de véritables armes de terreur.
C'est pourquoi j'engage tous les États à faire en sorte que la version modifiée du Protocole II de la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques entre en vigueur aussitôt que possible et à en respecter pleinement les dispositions. Je me félicite que de plus en plus d'États soient favorables à l'adoption, au niveau national, de mesures visant à mettre un frein au transfert et à l'utilisation des armes classiques et se soient engagés à négocier un instrument juridiquement contraignant en prévoyant l'interdiction complète.
Certes, c'est à la communauté internationale qu'il revient de décider du cadre le plus approprié pour les négociations, mais il semblerait logique que la Conférence du désarmement joue un rôle dans le processus.
Malgré les apparences, les problèmes de sécurité qui se posent à la communauté internationale sont loin d'être insurmontables. Nous avons de bonnes raisons d'être optimistes. La Conférence ne manque ni de l'inspiration ni des moyens nécessaires au succès de ses travaux. Plus elle comptera de membres, plus elle a de chances de voir éclore des idées, des propositions et des suggestions nouvelles. Tout nouvel élargissement de la composition de la Conférence doit s'opérer avec le souci d'en préserver l'efficacité et l'important équilibre géographique et politique.
- 5 - SG/SM/6151 DCF/284 3 février 1997
L'un des outils les plus précieux dont dispose la Conférence est la volonté qu'ont ses membres de régler les problèmes par consensus. Sans consensus, il sera impossible de poser les solides fondements nécessaires à de nouveaux accords de désarmement et à de nouvelles initiatives internationales concertés.
Le consensus protège les intérêts de tous les États, grands et petits, et permet de rallier l'appui le plus large possible en faveur des traités et conventions négociés.
La Conférence peut se targuer d'avoir, grâce à ses efforts, obtenu des résultats durables.
En bref, aucune institution n'est mieux qu'elle à même de traduire le besoin de paix qu'ont toujours éprouvé les peuples du monde en des mesures concrètes et négociées qui favorisent l'entente entre les nations et renforcent la sécurité de chacune.
Je tiens à vous assurer de mon entière coopération et de celle de l'Organisation des Nations Unies dans la réalisation de vos importants travaux. Que votre session de 1997 soit fructueuse et productive.
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