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FEM/905

LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES ABORDE L'EXAMEN DES RAPPORTS PERIODIQUES DE LA TURQUIE

17 janvier 1997


Communiqué de Presse
FEM/905


LE COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L'EGARD DES FEMMES ABORDE L'EXAMEN DES RAPPORTS PERIODIQUES DE LA TURQUIE

19970117 Les perspectives d'émancipation de la femme turque sont liées au maintien du caractère laïc de l'Etat, affirme la représentante turque

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, réuni sous la présidence de Mme Salma Khan (Bangladesh), a abordé ce matin l'examen des deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la Turquie.

Mme Isilay Saygin, Ministre d'Etat chargé des affaires féminines et de la famille, a fait quelques remarques liminaires. Indiquant qu'elle est l'une des quatre femmes présentes au Gouvernement, elle a déclaré que la Turquie accorde toute son attention à la pleine mise en oeuvre de la Convention et entend appliquer la Plate-forme de Beijing sans réserves.

La représentante de l'Etat partie, Mme Yakin Ertürk, présentant les rapports, a rappelé que la Turquie est le seul pays laïc à forte population musulmane et le seul pays musulman à avoir abandonné la charia. Elle a affirmé que les perspectives d'émancipation de la femme turque sont étroitement liées au maintien du caractère laïc de l'Etat.

La condition de la femme turque est complexe. D'un côté, on trouve des femmes aux postes les plus importants du Gouvernement. De l'autre, des disparités entre les hommes et les femmes persistent. Ainsi, le travail salarié est difficile pour les femmes. Le plus souvent, elles font un travail qui n'est tout simplement pas reconnu.

Malgré des insuffisances flagrantes, beaucoup a été accompli, a précisé la représentante. Ainsi, les femmes ont étendu l'espace dans lequel elles peuvent agir et se faire entendre. La représentante a présenté les avancées faites en matière d'émancipation et de promotion des femmes dans son pays. Elle a indiqué que des mesures spéciales ont été instaurées en faveur des femmes. Déplorant la persistance des violences physiques contre les femmes et l'absence d'une législation efficace pour protéger les femmes maltraitées, la représentante a indiqué que des réformes sont en cours. Des tendances

prometteuses en matière d'emploi des femmes, en dépit des difficultés persistantes. Mme Ertürk a également l'accent sur les difficultés que rencontrent les femmes rurales.

La représentante de la Turquie a également répondu aux questions du groupe du travail formulées lors de la pré-session.

Le Comité poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen des rapports périodiques de la Turquie.

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Deuxième et troisième rapports périodiques de la Turquie (CEDAW/C/TUR/2-3)

La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été signée le 25 juillet 1985, avec des réserves dues au fait que certains de ses articles étaient en contradiction avec les lois nationales. Elle a été ratifiée le 14 octobre 1985 et est entrée en vigueur en 1986. La Convention est mise en oeuvre dans la législation nationale turque. Ainsi, certains articles du Code civil turc et du Code pénal, contraires à la Convention, ont été supprimés.

En Turquie, les efforts visant à améliorer les conditions de vie des femmes ont commencé dès le XIXème siècle. Les réformes réalisées sous la direction d'Atatürk ont abouti à des changements sociaux radicaux qui ont conduit à la reconnaissance des droits de la femme en tant que citoyenne à part entière. Un autre pas sur la voie de l'égalisation du statut juridique des femmes en Turquie a été fait lorsque les droits politiques leur ont été accordés, en 1930. Toutefois, l'une des questions prioritaires à l'ordre du jour du mouvement d'émancipation des femmes turques continue d'être celle de leur sous-représentation dans la politique. En effet, les femmes sont défavorisées pour ce qui est de l'accès aux mécanismes de décision et aux structures du pouvoir. La structure politique du pays influe sur la position des femmes dans les mécanismes de décision. Les femmes entrant en politique sont en effet contraintes de faire un choix entre leur statut de femme et celui de politicien.

Les rapports indiquent que c'est en 1935 qu'il y a eu le plus de femmes députés au Parlement, les élections ayant lieu pour la première fois cette année-là. A ce moment-là, le rapport des femmes députés à l'ensemble des députés était de 4,6%. Depuis 1935, seules sept femmes ont occupé des postes ministériels dans différents gouvernements. Le cabinet constitué après les élections du 20 octobre 1991 comportait deux femmes Ministres d'Etat. En 1993, une femme est devenue Premier Ministre pour la première fois. Les femmes sont encore moins représentées dans les administrations locales qui sont pourtant la première étape de la participation des femmes à la vie politique. Les femmes sont, en revanche, représentées dans les plus hauts organes judiciaires.

La Direction générale sur la situation et les problèmes des femmes, mécanisme national chargé d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques concernant les femmes a été créée le 25 octobre 1990. Elle travaille sous la tutelle d'un Ministère d'Etat depuis 1991. A l'heure actuelle, un projet de loi pour la restructuration de la Direction générale est à l'ordre du jour. Il devrait permettre d'élargir la marge de manoeuvre de ce bureau tant du point de vue du budget que du personnel. Dans une large mesure, grâce aux efforts réalisés par la Direction générale et, en coordination également avec d'autres institutions et organisations non gouvernementales (ONG) depuis 1990, les problèmes relatifs aux femmes constituent désormais une préoccupation nationale.

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Des centres de recherche et de mise en oeuvre des politiques sur les questions relatives aux femmes ont été établis récemment dans plusieurs universités turques. Un nombre croissant d'associations de femmes ont été constituées et beaucoup d'entre elles sont aujourd'hui actives dans le pays.

Des efforts sont menés depuis 1993 pour modifier le Code civil turc et éliminer les réserves concernant en particulier le droit de la famille. En effet, dans le Code civil turc l'homme se voit attribuer une position dominante et supérieure. Cela limite dans une large mesure le droit qu'a une femme mariée d'agir individuellement et de prendre des décisions. C'est le principal fondement juridique de la marginalisation de la femme. Cette discrimination est aussi considérée comme la source de la violence contre les femmes. Le Ministère de la justice étudie un projet de loi qui modifierait de manière générale le Code civil. Les réserves seront éliminées lorsque ce projet de loi sera adopté par la Grande Assemblée nationale. Etant donné que les travaux sur le Code civil n'ont pas atteint l'objectif souhaité dans les délais prévus, les membres féminins du Parlement ont engagé une nouvelle action.

Les rapports présentés signalent les dispositions du Code civil établissant l'inégalité entre les femmes et les hommes. Une seule disposition de la législation turque peut être considérée comme n'accordant pas la même capacité juridique aux femmes et aux hommes. Il s'agit de la réglementation sur les droits de succession en matière de propriété agricole. Cette clause vise à éviter le partage des terres agricoles et une fragmentation qui serait irrationnelle du point de vue économique. Toutefois, des efforts sont faits pour accorder aux femmes une capacité juridique identique à celle des hommes. Il n'existe aucune restriction dans la législation nationale concernant le droit de choisir son époux et de se marier avec son plein consentement. Cependant, les traditions, encore fortes dans les zones rurales, posent des problèmes.

Malgré les améliorations intervenues au fil des années, la situation des femmes dans l'enseignement, la santé et l'emploi n'a pu être améliorée comme souhaité. Les taux d'alphabétisme font apparaître une disparité très nette entre les hommes et les femmes. Le taux d'analphabétisme parmi les femmes est actuellement de 30,07%, alors que pour les hommes il est de 10,01%. Parmi les facteurs qui ont des effets négatifs sur l'éducation des femmes, on peut citer la structure sociale patriarcale, l'utilisation par les familles des ressources économiques limitées en faveur des garçons. Toutefois, malgré les divergences entre les hommes et les femmes dans ce domaine, la proportion d'étudiantes et de diplômées dans l'enseignement supérieur est actuellement élevée en Turquie. 35% des étudiants de l'université et environ un tiers des membres des grandes professions sont des femmes.

En Turquie, l'espérance de vie est de 70,5 ans pour les femmes et de 65,9 ans pour les hommes. Bien qu'une attention et des efforts particuliers soient consentis pour diminuer les taux de mortalité maternelle et infantile

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dans le pays, ils restent tous deux à des niveaux inacceptablement élevés (respectivement 132 pour 100 000 en 1981 et 53 pour 1000 en 1993). Sans être considérée comme un méthode de planification familiale, l'interruption volontaire de grossesse est légale en Turquie. Une loi adoptée en 1983 a légalisée l'avortement à moins de 10 semaines. Par ailleurs, un projet de loi a été élaboré pour la réglementation du congé maternité non payé après la naissance de façon à en faire un congé parental.

Malgré le consensus existant sur l'importance de la participation des femmes à la population active tant pour les femmes elles-mêmes que pour leurs familles et le développement économique, le taux d'emploi des femmes est assez faible et diminue continuellement au fil des années. La population féminine des zones rurales constitue un autre problème. Si 73,8% des femmes économiquement actives du pays travaillent dans l'agriculture, 88,3% d'entre elles sont des travailleurs familiaux non rémunérés dépourvus de toute sécurité sociale. La Direction générale a entrepris la mise en oeuvre d'un projet financé par la Banque mondiale en vue d'améliorer l'emploi des femmes.

En ce qui concerne les femmes affiliées à la Sécurité sociale, les conditions les plus favorables sont celles des femmes dans la fonction publique, où la Caisse de pension compte 38% de femmes parmi ses membres. En revanche, les femmes ne représentant que 10% des bénéficiaires des autres plans d'assurance.

Comme dans un grand nombre d'autres sociétés, la violence domestique à l'encontre des femmes constitue un grave problème en Turquie. Les services destinés à fournir des conseils et un refuge aux femmes souffrant de violences domestiques s'améliorent. Toutefois, ils ne sont encore ni suffisamment développés ni suffisamment de bonne qualité.

Des efforts sont faits pour lever les réserves formulées par la Turquie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ainsi qu'à la Charte européenne. Le rapport signale les différentes Conventions que la Turquie a signé et auxquelles elle est devenue partie, qui concernent directement ou indirectement la condition de la femme.

La Turquie a participé à la Conférence de Beijing sur les femmes et qu'elle en a accepté la Plate-forme d'action sans réserve. Lors de cette Conférence, la Turquie s'est engagée à réduire les taux de mortalité maternelle et infantile de 50%, à porter la durée de la scolarité obligatoire à huit ans, à éliminer l'analphabétisme chez les femmes et à lever les réserves formulées à propos de la Convention.

Les rapports de la Turquie dressent une liste des mesures s'adressant aux femmes dans le Septième Plan de développement quinquennal couvrant les stratégies entre 1995 et 2000, telles que l'encouragement de la progression des femmes dans les domaines de l'éducation, de la santé, du travail, de la

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sécurité sociale et de l'emploi ou encore le renforcement de l'éducation des filles et des femmes.

Présentation des rapports par l'Etat partie

Mme ISILAY SAYGIN, Ministre d'Etat de la Turquie, dans ses remarques préliminaires à la présentation du rapport, a indiqué qu'elle est une des quatre femmes de son Gouvernement. La Turquie accorde toute son attention à la pleine mise en oeuvre de la Convention et entend appliquer la Plate-forme de Beijing sans réserves. Elle entend présenter son prochain rapport périodique sans la moindre réserve.

La représentante de l'Etat partie, Mme YAKIN ERTURK, présentant le rapport, a fait valoir que son pays représente un cas intéressant, où les contradictions de la globalisation, de la modernisation et du traditionalisme semblent s'enchevêtrer quand il s'agit de déterminer le statut des femmes dans la société. Elle a rappelé que la Turquie est le seul pays laïc à forte population musulmane et le seul pays musulman à avoir abandonné la charia. En conséquence, la condition de la femme est la plus égalitaire de tous les pays musulmans. La condition de la femme turque est toutefois complexe. D'un côté, on trouve des femmes aux postes les plus importants du Gouvernement. De l'autre, des disparités entre les hommes et les femmes persistent, de même qu'entre les différents groupes de femmes. Ainsi, le travail salarié est difficile pour les femmes. Le plus souvent, elles font un travail qui n'est tout simplement pas reconnu. Malgré ces insuffisances flagrantes, beaucoup a été accompli, a précisé la représentante.

Mme Ertürk a ajouté que son pays fait face à deux tendances : l'intégrisme religieux et les revendications d'ethnies rivales. Les femmes se sont vues encourager à participer à des activités non conventionnelles, pas toujours à leur avantage. Ainsi, le PKK compte des femmes fortement militarisées dans ses rangs et a utilisé des jeunes filles pour ses actes. Les perspectives à long terme de ces idéologies fondées sur l'intégrisme et les rivalités ethniques ne sont pas prometteurs pour les femmes, a-t-elle affirmé.

Mme Ertürk a indiqué que les femmes sont aujourd'hui visibles et ont étendu l'espace dans lequel elles peuvent agir et se faire entendre. Elle s'est déclarée convaincue que la création et le maintien de l'environnement social en Turquie permettant de répondre aux aspirations des femmes dépend de la préservation de l'ordre social laïc en Turquie. La représentant a signalé que le présent rapport résulte de l'apport de femmes représentant des organisations diverses. Il représente les vues des femmes plutôt que d'organisations d'Etat.

La représentante a présenté les avancées faites en matière d'émancipation et de promotion des femmes dans son pays. Elle a ainsi mentionné la suppression d'un article du Code pénal réduisant les peines de

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l'auteur d'un viol, lorsque la victime se livrait à la prostitution ou encore la disposition du Code civil turc accordant au mari le contrôle sur les activités professionnelles ou artistiques de sa femme.

Mme Ertürk a souligné que des mesures spéciales ont été instaurées en faveur des femmes, telles que celles instaurant des crédits spéciaux pour assurer la participation active des femmes au développement. Ces mesures doivent être accrues pour qu'un plus grand nombre de femmes défavorisées puissent être touchées. Déplorant la persistance des violences physiques contre les femmes et l'absence d'une législation efficace pour protéger les femmes maltraitées, la représentante a cependant indiqué que des réformes sont en cours.

La déléguée a déclaré que les femmes représentent en général moins de 2% des parlementaires. Peu a été fait pour accroître la représentation des femmes au Parlement, a-t-elle admis. Les groupes féministes ont toutefois mis en place de nouvelles stratégies pour changer cet état de fait. Mme Ertürk a cependant indiqué que depuis les années 80 et le début des années 90 on assiste à une participation politique sans précédent des femmes.

Mme Ertürk a fait observer que la différence d'éducation entre les hommes et les femmes est particulièrement flagrante dans les parties les moins développées du pays. Des centre d'études et de recherches sur les femmes ont été créés à Istanbul et à Ankara. La représentante a dressé la liste des problèmes persistants dans le domaine de l'emploi des femmes. Elle a toutefois indiqué qu'il existe des tendances prometteuses. Ainsi, les femmes cadres sont bien représentées dans l'enseignement supérieur, la médecine et le droit.

La représentante a indiqué que les hommes et les femmes sont également affectés par une mauvaise santé. Elle a toutefois rappelé que les taux de mortalité maternelle sont très élevés par rapport aux normes occidentales. Les femmes rurales sont particulièrement vulnérables. L'accès aux soins leur est difficile et elles doivent travailler dans des conditions difficiles. Les femmes rurales demeurent bien souvent une main d'oeuvre en puissance qu'il faut utiliser de manière plus intensive. Mme Ertürk a souligné que les efforts de développement les plus importants se sont concentrés dans le Sud- Est du pays. L'objectif est de lutter contre le sous-développement régional. Les problèmes les plus souvent cités par les femmes rurales sont les mariages précoces et forcés, le système de la dot, la polygamie et le manque d'opportunités d'emplois.

La représentante a rappelé que c'est dans le domaine du mariage et de la famille que la Turquie a émis des réserves à la Convention. Un projet de loi qui prévoit une réforme du Code civil porte l'élimination de ces clauses discriminatoires. Il permettra aux femmes de conserver leur nom de famille en plus de celui du mari, de déterminer ensemble le domicile conjugal et de

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partager les biens acquis durant le mariage. L'avenir sera marqué par de nouveaux progrès, a estimé Mme Ertürk.

Réponse de l'Etat partie aux questions du Groupe de travail pré-session

Répondant aux questions du groupe de travail pré-session, Mme ERTURK a rappelé que plusieurs lois sont actuellement réformées pour lutter contre la discrimination, tel le code civil, le code pénal et le code du travail. Elle a indiqué bien que deux tentatives visant à instaurer un sous-secrétariat aux affaires féminines et sociales aient avorté, le Ministre d'Etat aux affaires féminines et à la famille essaye actuellement à nouveau d'obtenir sa création.

Depuis 1993, il existe un Département de statistiques sur la structure social et les femmes, au sein de la Direction générale sur la condition et les problèmes des femmes, elle-même rattachée au cabinet du Premier Ministre. Cependant les fonds alloués à cette Direction sont largement insuffisants, avec seulement 0,04% du budget national. En outre, elle ne dispose d'aucune antenne locale ou régionale. La Turquie ne dispose pas d'une politique affirmative en tant que telle, même si quelques partis politiques ont institué un quota minimum de femmes parmi leurs rangs, a-t-elle admis.

Quant aux minorités, seuls les groupes non musulmans sont identifiés comme minorité et il n'existe donc pas de programme spécifique par ethnie, telle que les femmes kurdes.

La violation de la virginité en cas de viol est un facteur aggravant en droit turc. Dans ce cas, un examen de virginité doit être fait qui demande l'autorisation des parents pour une mineure et le consentement de la seule victime pour une femme majeure. Il n'existe aucune option juridique pour faire face aux situations où une femme est jugée non vierge au moment du mariage, ce qui peut avoir des conséquences très graves pour les femmes en zone rurale. Par ailleurs, il n'y a pas de mesure officielle pour décourager le harcèlement sexuel et seules des ONG sont actives en la matière. Le principal syndicat turc a publié un manuel sur la question en septembre dernier. Le Ministre d'Etat chargé des affaires féminines et de la famille a passé un accord avec le Ministère de l'éducation pour introduire des chapitres sur les droits des femmes dans les manuels scolaires sur les droits de l'homme.

Abordant la question de la violence au foyer, Mme Ertürk a déclaré que de nouvelles lois doivent être promulguées et qu'il existe des programmes de télévision dénonçant la violence à l'égard des femmes, ainsi que des actions des ONG. Les cas de viol ou de violence ont baissé entre 1990 et 1994. Toutefois, en zone rurale, des études révèlent que dans le cadre des relations maritales, 76% des femmes des villages sont frappées par leur mari. La cause principale de ces violences est la "désobéissance des femmes". Elle a reconnu que les lois actuelles ne protègent pas efficacement les femmes au foyer ajoutant qu'il leur est difficile de faire valoir leurs droits, la partie

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lésée devant présenter une plainte formelle, qui s'accompagne de témoins et d'un examen médical. La plupart des peines de prisons pour les condamnés ne portent que sur sept jours, ce qui n'a pas de valeur préventive.

Mme Ertürk a précisé que la mutilation génitale féminine n'est pas pratiquée et il n'y a aucun cas de violence touchant le respect des codes vestimentaires.

Des programmes consacrés aux femmes à la télévision ainsi que la publicité combattent les stéréotypes confinant la femme aux tâches ménagères. Le Ministère de l'éducation s'efforce également d'éliminer les stéréotypes dans les manuels et programmes scolaires, même s'il n'existe aucun cours d'éducation familiale. Des recherches et actions universitaires sont également entreprises à cet égard.

Sur l'ensemble du pays, il existe une quinzaine d'abris et centres d'accueil qui reçoivent des femmes sans domicile et des femmes battues.

Les meurtres pour question d'honneur sont rares et ont lieu dans des régions rurales, fortement traditionnelles ou tribales. Le crime est souvent perpétré par un mineur pour échapper à une lourde peine. La défense fait reposer ses arguments sur la différence culturelle. Les médias se sont récemment mobilisés contre ces exactions, ce qui devrait encourager la mise en place rapide de mesures gouvernementales, a-t-elle ajouté. Dans le droit pénal turc, il n'existe pas encore de notion de viol dans le cadre du mariage.

Des données ventilées sur la prostitution ne sont pas disponibles. Les cas d'incitation semblent en augmentation et aucune mesure n'existe pour protéger les femmes contre la prostitution. Toutefois les prostituées inscrites sont soumises à des examens médicaux réguliers et les maisons closes sont réglementées par une loi sur l'hygiène. Les proxénètes se voient interdire l'entrée dans le pays et ils ne sont donc pas appelés à témoigner en cas de procès. La plupart des femmes migrantes sont mariées et les femmes émigrées célibataires sont de haute instruction. Aussi le problème des femmes turques liées à des réseaux de prostitution est-il quasi inexistant.

Actuellement la présence féminine au Gouvernement est sans précédent même s'il n'existe pas de groupe féminin au Parlement. On dénombre 13 femmes parlementaires sur 550 membres au total. Le système proportionnel en cours devrait logiquement permettre aux femmes d'être plus fortement représentées. Il n'existe pas d'initiatives du gouvernement pour la promotion des femmes à des postes décisionnels des entreprises publiques ou privées.

Officiellement, la Turquie applique les mêmes critères pour le recrutement et la promotion des hommes et des femmes dans la diplomatie. Néanmoins traditionnellement, les femmes entrent peu dans la diplomatie.

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Cependant, depuis quelques années, on assiste à une recrudescence sans précédent du nombre de femmes dans la diplomatie.

En ce qui concerne la loi sur la nationalité, une femme turque épousant un étranger perd sa nationalité. Cela s'explique par le fait que le plus souvent l'épouse préfère vivre dans le pays d'origine de son mari. Par ailleurs, dans certains cas, il pourrait être avantageux de prendre la nationalité du mari. Les femmes affectées par cette loi est très faible. La loi sur la nationalité ne fait pas l'objet de réformes pour le moment. Mais il est probable que cette disposition soit contestée et remise en question dans l'avenir.

La scolarité obligatoire est passé de cinq à huit ans. L'analphabétisme des femmes peut aller jusqu'à 48,35% dans certaines régions de l'Est et du Sud-Est. Le Ministère de l'éducation a entrepris un programme d'alphabétisation massif dans tout le pays. L'enseignement obligatoire vaut pour les deux sexes dans tout le pays, mais des préjugés existent encore en faveur des garçons. Aujourd'hui, des programmes universitaires concernant les femmes et la problématique hommes/femmes existent.

La loi sur les syndicats accorde aux travailleurs le droit d'ouvrir des syndicats et instaure le droit de grève. Le Code du travail interdit les discriminations fondées sur le sexe. Toutefois, certains emplois sont jugés trop durs pour les femmes. Ces dispositions ont pour but d'assurer la paix industrielle. L'âge minimum pour le travail est de 12 ans. 17,9% des filles âgées de 12 à 14 ans travaillent. Les filles qui travaillent sont essentiellement des travailleuses agricoles qui ne sont pas payées. Un article interdit l'emploi des filles quelque soit leur âge dans certains emplois particulièrement durs. La représentante a indiqué que la Turquie est un des premiers pays à avoir appliquer les dispositions du Bureau international du travail visant à interdire le travail des enfants. Le 23 avril est une Journée spéciale consacrée aux enfants, férié pour eux, où ils ne doivent pas travailler.

Le congé maternité est disponible pour toutes les femmes. Il est payé six semaines avant et six semaines après l'accouchement. Pour les fonctionnaires, ce congé est de trois semaines avant et trois semaines après. Un projet de loi imposera un congé de paternité, mais on craint que cela n'impose de nouvelles charges aux femmes. En janvier 1996, existaient en Turquie 109 organisations syndicales et 54 organisations syndicales patronales. 39,28% des travailleurs sont syndiqués. Les femmes constituent 5,98% des travailleurs syndiqués. Les femmes syndiquées sont essentiellement concentrées dans l'industrie textile et la métallurgie. Le principe "à travail égal, salaire égal" est assuré. Mais, il existe de grandes lacunes dans l'application de ce principe. La question du harcèlement sexuel n'a été signalé au public que très récemment. Peu de mesures concrètes ont été prises pour le moment.

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Le Ministère de la santé a mis en oeuvre de nombreux programmes de santé visant les femmes et les enfants. La femme mariée a besoin du consentement de son mari pour avorter. Le nombre de cas de SIDA chez les femmes et les filles n'est pas très important (respectivement 21% et 2%). Des programmes de sensibilisation au SIDA ont été mis en place. De manière générale, les hommes approuvent les programmes et services de planification familiale et y participent. Les femmes et les filles ont accès à l'information en matière de planification familiale. La toxicomanie est peu importante en Turquie. Le remboursement des prêts accordés aux femmes est proche de 100%. Il n'existe pas de barrières sociales ou juridiques à la participation des femmes aux activités sportives ou artistiques au niveau national comme international.

Le fond de pensions pour le secteur agricole s'adresse surtout aux hommes. En 1992, 2% des bénéficiaires de ce fond de pension était des femmes. Des renseignements utiles sont fournis aux femmes en matière de traitement des aliments. Des mesures spéciales visant les femmes rurales devraient être élaborées. Cependant, des mesures efficaces de diffusion dans les zones rurales n'existent pas encore. En général, l'infrastructure médicale est faible en Turquie. Il n'y a qu'un médecin pour 1115 personnes. Le travail rémunéré dans les secteurs ruraux est un indicateur de pauvreté.

Les femmes ont des droits égaux de propriété, hormis une disposition concernant les exploitations agricoles uniques. Les pratiques sociales empêchent beaucoup de femmes d'accéder aux fruits de leur travail. Le mariage religieux n'est pas légalement reconnu en Turquie. Le mariage religieux doit être précédé d'un mariage civil. La terre peut être héritée par des femmes. Un projet de loi pour que les femmes ne perdent pas leurs biens après un divorce est actuellement discuté au Parlement.

Un Plan national d'action a été formulé après la Conférence de Beijing. Il a été préparé avec la participation d'ONG de représentants de partis politiques et d'organisations publiques et privées. Il intègre les principaux domaines de la Plate-forme d'action de Beijing. Pour faire de nouveau progrès, il faut une volonté politique, de la stabilité et une action concertée avec les ONG, a affirmé la représentante.

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