En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/6140

"MA MISSION, AUSSI IMPOSSIBLE SOIT-ELLE, EST AUSSI LA VOTRE", DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL, M. KOFI ANNAN, DEVANT LE PERSONNEL DES NATIONS UNIES

9 janvier 1997


Communiqué de Presse
SG/SM/6140


"MA MISSION, AUSSI IMPOSSIBLE SOIT-ELLE, EST AUSSI LA VOTRE", DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL, M. KOFI ANNAN, DEVANT LE PERSONNEL DES NATIONS UNIES

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Ci-après le texte de la déclaration faite par le Secrétaire général au Personnel:

Chers amis, chers collègues,

C'est avec fierté et humilité, tout à la fois, que je m'adresse aujourd'hui aux fonctionnaires de l'Organisation dans le monde entier. Humilité, certes, devant l'énormité de la tâche qui m'attend, devant les responsabilités écrasantes qu'est appelé à assumer votre Secrétaire général, mais fierté aussi bien, devant le grand honneur qui nous est fait, non pas seulement en ma personne, mais en ce membre du Secrétariat depuis tant d'années qui vous représente chacun.

Le choix d'un fonctionnaire de carrière pour occuper la charge de Secrétaire général vous honore tous, vous, les membres du personnel de l'Organisation. Car c'est une équipe que nous sommes avant tout. Aucun de ceux qui réussissent au Secrétariat ne peut me semble-t-il se targuer d'y être parvenu seul. J'ai toujours été convaincu, pour ma part, que le succès n'est possible qu'avec l'appui et le concours d'autrui. Voilà des années que nous réussissons en travaillant ensemble. Aujourd'hui, je compte plus que jamais sur votre soutien, sur votre allant et sur votre dévouement à la grande tâche de l'Organisation.

Je me rappelle avoir lu quelque part que le pire qui puisse vous arriver au cours de votre carrière est d'atteindre enfin le haut de l'échelle pour vous apercevoir qu'elle est posée contre le mauvais mur. Je ne crois vraiment pas qu'un grand nombre d'entre nous courent ce risque aujourd'hui. Si ma mémoire est bonne, une question posée par le syndicat du personnel dans une enquête récente était formulée dans les termes suivants : "À supposer que vous puissiez remonter dans le temps, entreriez-vous de nouveau à l'ONU?", et ceux qui ont répondu ont indiqué dans leur très grande majorité que oui, qu'ils le referaient si c'était à refaire.

Étant moi-même à l'Organisation depuis plus de trente ans, je comprends parfaitement cette réponse. Se mettre au service de l'ONU est d'un autre ordre que travailler : c'est une vocation que suivent ceux qui le font.

( suivre)

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Personne n'entre au Secrétariat pour devenir riche ou célèbre, pour être encensé et applaudi, pour vivre dans l'aisance et le confort. Nous sommes là parce que nous voulons nous rendre utiles à la communauté mondiale; parce que nous voulons faire de cette Terre une planète plus accueillante et plus sûre; et puis surtout parce que nous voulons consacrer notre temps, nos aptitudes et toute notre énergie à cette noble entreprise.

Où que nous soyons, à New York, à Genève, à Vienne, à Nairobi, dans les commissions régionales, les centres d'information, les missions, les programmes ou opérations, et quelle que soit la nature de nos fonctions — politiques, techniques, militaires ou de secrétariat —, nous sommes là parce que nous voulons assurer à l'humanité tout entière un avenir plus lumineux.

Depuis mon élection, un déluge d'encouragements, de témoignages de confiance et de voeux de réussite me parvient des collègues du monde entier. Je m'en trouve conforté et y puise mon inspiration. Vous voulez tous une Organisation plus efficace et réceptive. Vous voulez tous une Organisation plus unie et résolue dans la poursuite d'objectifs communs. Vous voulez tous que l'ONU soit mieux à même de relever les défis redoutables adressés à la communauté internationale.

Je redis aujourd'hui, comme je le disais l'autre jour à l'Assemblée générale, que les cinq années à venir doivent être avant toutes choses une période de réparation.

Nous devons réparer la santé financière de l'Organisation, qui ne saurait avancer si le fardeau des contributions non acquittées l'écrase. Mais cette crise est politique, au fond : c'est la confiance en l'ONU qui est en crise. Et c'est à nous, donc, qu'il incombe de montrer aux États Membres que leurs contributions sont utilisées de façon judicieuse et efficace aux fins de l'exécution des programmes qu'ils ont prescrits.

Nous devons réparer les relations entre le Secrétariat et les États Membres, et mettre fin à l'acrimonie qui a récemment marqué certains échanges dans cette maison. Chacun de nous a un rôle à jouer pour ce faire, en s'acquittant de son mieux des fonctions qui lui sont assignées. Nous savons bien que les critiques adressées au Secrétariat ont souvent été arbitraires et injustes; nous n'en devons pas moins rester ouverts à la critique honnête et constructive. Nous savons bien aussi que nous pouvons faire davantage pour rendre à la communauté internationale toute sa confiance en nous.

C'est le moral du Secrétariat aussi qu'il nous faut réparer. Vous vivez tous dans la crainte des restrictions de personnel et dans l'insécurité et je sais que ces derniers temps ont été difficiles et perturbants. Il nous faut persévérer pourtant, soutenus par nos idéaux et mus par la force de nos convictions. Les cinq années à venir ne vont pas être une période de convalescence, mais bien de renouveau, alors que, tous ensemble, nous mènerons à bien la tâche exaltante qui consiste à conduire notre Organisation jusqu'au XXIe siècle.

( suivre)

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C'est là une entreprise assez redoutable, pour les États Membres et pour nous. Il appartient aux États Membres de définir ce que l'Organisation doit être et ce qu'elle doit faire, de préciser les objectifs qu'ils veulent que nous atteignions et de fixer des priorités nouvelles. Mais c'est à nous qu'il appartient de forger cet instrument de paix et de progrès pour l'adapter à son identité nouvelle, de tracer la voie à suivre pour parvenir aux objectifs fixés, de réunir les talents nécessaires pour exécuter toutes ces tâches.

Cela signifie que nous devrons nous réformer. Pour nombre de nos détracteurs, réformer signifie uniquement continuer à retrancher et je conçois bien que l'idée de réforme suscite des craintes chez certains d'entre vous. Je voudrais ici citer un sage à qui l'on demandait si l'avenir devrait nous préoccuper, voire nous faire peur. Il a répondu : pourquoi devrions-nous avoir peur? Nous avons tellement l'expérience de l'avenir qu'il nous est maintenant familier.

Il en va de même avec la réforme. Il peut parfois sembler en effet que l'ONU ne fait rien d'autre que se réformer. Ce qu'il nous faut faire maintenant n'est pas d'appliquer d'autres demi-mesures ou de nous précipiter à corps perdu dans le changement. Nous devons faire le point, nous observer d'un oeil critique, de façon que, cette fois, nous puissions faire de la réforme un instrument d'efficacité et de succès. Un principe essentiel doit présider à cette opération : la réforme n'est pas une fin en soi; c'est un instrument qui doit permettre de rendre l'Organisation mieux adaptée aux besoins et plus efficace. Réformer pour le seul plaisir de réformer ne peut se solder finalement que par un bouleversement général et ne peut mener à un progrès véritable et durable.

Je ne conçois pas non plus la réforme simplement en fonction d'économies à réaliser. Certes, l'Organisation doit fonctionner dans un souci d'économie, mais pas au point de compromettre sa capacité d'exécuter les mandats importants qui lui sont confiés. Je ne pense pas que la façon dont on a procédé dans le passé, en ajoutant au coup par coup des éléments à la structure actuelle — source de doubles emplois et de chevauchements — ait été une évolution positive. Mais de même, je n'ai jamais pensé que la méthode qui consisterait à supprimer au coup par coup des éléments — avec des coupures arbitraires de personnel qui affaiblissent des capacités essentielles — puisse avoir des résultats bénéfiques.

Je n'appelle pas réforme ce qui nous oblige, faute de fonds, à nous détourner pour ne pas voir les massacres et les souffrances, et l'effondrement de sociétés. Une réforme véritable nous permettra de mettre en place des mécanismes nouveaux grâce auxquels nous pourrons nous attaquer rapidement, courageusement et efficacement aux crises politiques et économiques survenant dans le monde.

Une réforme véritable suppose une recherche constante de l'excellence — dans nos structures, nos procédures, nos méthodes et, surtout, dans le travail du personnel. En cela, je ne saurais transiger. J'attends de chacun

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d'entre vous, à tous les niveaux, qu'il ait la volonté d'exceller. J'attends des membres du Secrétariat qu'ils travaillent ensemble et qu'à tout moment ils fonctionnent en équipe. J'attends des fonctionnaires qu'ils fassent preuve de flexibilité et de mobilité et qu'ils soient prêts à travailler là où ils peuvent le mieux contribuer à l'oeuvre de l'Organisation.

Dans ce travail d'adaptation et de reconstruction en prévision de l'avenir, il est fort possible que certaines unités, certaines fonctions ou certains postes disparaissent. Il nous faudra voir là non pas une catastrophe imprévisible, mais un événement normal du processus constant d'évolution de notre Organisation et adopter pour de tels cas des procédures qui soient équitables, transparentes et généreuses.

En retour, pour vous tous qui êtes au service du monde en ces dernières années du XXe siècle et qui préparez l'avènement d'une ère nouvelle, je chercherai à assurer que les États Membres reconnaissent la qualité de vos efforts et vous octroient les meilleures conditions de service possibles. Il ne doit plus se faire que les gouvernements votent en faveur d'une réduction des traitements et des indemnités du personnel de l'ONU, tout en versant des subventions à leurs propres ressortissants au Secrétariat. Il faut que nous ayons une fonction publique internationale unique, dont tous les membres, indépendamment du pays dont ils sont originaires, bénéficient de conditions de service compétitives.

Je vous promets aujourd'hui que nous allons créer un nouveau style de gestion à l'ONU. Les hauts fonctionnaires de l'Organisation dans le monde entier doivent comprendre l'obligation qui leur incombe de bien gérer le personnel — les ressources humaines dont ils ont la charge. J'entends veiller à ce qu'ils apportent à leurs subordonnés, dans le travail de chaque jour, tout l'appui dont ils ont besoin pour réussir dans leur carrière, et à ce qu'il me soit rendu compte. Nous pouvons faire davantage pour améliorer le fonctionnement de l'Organisation dans son ensemble en élargissant les possibilités offertes à chacun, notamment en matière de promotion et de mobilité. Une saine gestion du personnel consiste selon moi à permettre aux fonctionnaires de "faire la différence" en contribuant au mieux de leurs capacités à l'activité de l'Organisation.

J'ai d'ores et déjà pris un certain nombre de mesures importantes pour permettre aux chefs de département de prendre davantage de décisions dans leurs domaines d'activité respectifs. Je demeure fermement attaché au principe de la délégation des pouvoirs et je veillerai moi-même à ce que les hauts fonctionnaires de l'ONU exercent avec tout le discernement qui s'impose les pouvoirs qui leur sont délégués.

En tant qu'ancien Sous-Secrétaire général à la gestion des ressources humaines, j'apprécie pleinement la valeur de communications ouvertes et franches entre le personnel et l'Administration. Je me suis entretenu dès hier avec le Comité du personnel. Les vues du personnel à tous les niveaux — qu'elles soient exprimées individuellement ou par l'intermédiaire de vos

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représentants élus — m'intéressent au plus haut point. Peut-être ne sera-t-il pas possible de répondre toujours à toutes les attentes du personnel, mais je vous promets aussi, maintenant, que votre Secrétaire général et ses collaborateurs immédiats resteront attentivement à l'écoute de vos préoccupations et de vos aspirations. Je prendrai toujours mes décisions en ayant à coeur les intérêts de l'Organisation et, partant, ceux de son personnel.

Les fonctionnaires de cette Organisation constituent le plus précieux de ses atouts. Voilà trop longtemps que des informations erronées, voire mensongères, circulent à leur sujet. Nous pouvons toujours faire plus pour rétablir les faits, mais il n'existe au bout du compte, qu'un seul remède garanti face aux critiques injustifiées : que chacun d'entre nous continue de donner sans compter le meilleur de lui-même.

Souvenons-nous à cette heure des gros sacrifices que bon nombre de nos collègues ont consentis au service des causes que l'ONU défend dans le monde entier. Chaque année, certains ont même fait le sacrifice suprême, celui de leur vie. Rendons hommage à ceux d'entre nous qui sont tombés pour l'Organisation.

Nous sommes l'Organisation des Nations Unies, cette Organisation dont nous avons la conviction qu'elle peut répondre aux aspirations formulées dans la Charte, vers un monde où les peuples unissent leurs forces pour atteindre les objectifs de paix, de liberté, de justice économique et sociale et de respect des droits de l'homme. Mais c'est à nous qu'il appartient de le prouver. C'est la force de nos convictions qui convaincra ceux qui nous jugent. Et ce sont nos résultats qui, par leur excellence, amèneront ceux qui nous critiquent maintenant à nous soutenir. Comme nous le savons tous, le succès est un argument irréfutable.

L'un de mes distingués prédécesseurs disait de la tâche du Secrétaire général qu'elle était "totalement impossible". Cela étant, ma mission, aussi impossible soit-elle, est aussi la vôtre. Nous ne parviendrons à rien si nous ne travaillons pas en équipe. Et dans cette équipe, chaque membre a un rôle essentiel à jouer, chaque membre peut faire la différence. Si chacun se donne sans mesure, le résultat dépassera de beaucoup la somme des parties.

Je fais appel aujourd'hui à tous les fonctionnaires, dans tous les lieux d'affectation, pour qu'ils m'aident à rendre possible notre impossible tâche afin de répondre aux immenses espérances que le monde fonde sur nous. L'Organisation des Nations Unies demeure le seul véritable espoir de l'humanité. Rien ne peut la remplacer.

Voilà ce qui nous appelle tous. Mettons-nous donc à la tâche.

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