GA/9169

DECLARATION FAITE PAR M. RAZALI ISMAIL, PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE GENERALE, À L'OCCASION DE LA JOURNEE DE L'INDUSTRIALISATION DE L'AFRIQUE

21 novembre 1996


Communiqué de Presse
GA/9169


DECLARATION FAITE PAR M. RAZALI ISMAIL, PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE GENERALE, À L'OCCASION DE LA JOURNEE DE L'INDUSTRIALISATION DE L'AFRIQUE

19961121 La déclaration suivante a été faite par M. Razali Ismail, Président de l'Assemblé générale, à l'occasion de la Journée de l'industrialisation de l'Afrique, le 20 novembre 1996 :

Marquer la Journée de l'industrialisation de l'Afrique, c'est souligner la nécessité de créer un partenariat véritable entre l'Afrique et la communauté internationale qui permette de promouvoir le développement des pays d'Afrique. Le principe de ce partenariat international à l'appui du développement industriel de l'Afrique est énoncé dans diverses déclarations de politique générale, mais il n'existe guère de manifestations tangibles et efficaces des engagements pris.

Or, je fais cette déclaration au moment où l'Assemblée générale procède à un bilan d'étape du nouvel Ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l'Afrique dans les années 90 et au moment où la doctrine de la mondialisation de l'économie de marché semble avoir monopolisé le débat sur les questions de développement, étant considérée comme la condition sine qua non du développement économique de l'Afrique.

Il ressort clairement de rapports établis récemment, y compris sur le nouvel Ordre du jour, que les besoins économiques et les aspirations de développement de l'Afrique n'ont pas reçu de la part de la communauté internationale une attention politique urgente ni un haut niveau de priorité sur le plan financier. Par exemple, bien que l'on entende régulièrement dans différentes instances des appels à la promotion du secteur privé, au renforcement du développement industriel et de l'investissement étranger direct et à la réduction de la dette extérieure des pays d'Afrique, les dures réalités du marché montrent qu'il n'y a pratiquement pas d'investissement en capital social et que moins de 5 % du montant mondial des investissements étrangers directs sont destinés à des pays africains.

Il devrait être impensable que les courants financiers vers l'Afrique restent si faibles malgré les engagements renouvelés de la communauté internationale, d'autant que la majorité des pays d'Afrique ont entrepris des programmes difficiles et impopulaires d'ajustement structurel, qui ont aggravé encore la marginalisation des pauvres, épuisé les ressources naturelles et dégradé l'environnement.

Peut-être ne devrions-nous plus être surpris ou perplexes devant la réalité et la fiction du développement économique de l'Afrique, étant donné le climat économique actuel. Un climat aussi peu favorable ne permet pas aux pays africains d'imiter les "pays modèles", les "tigres" de l'Asie du Sud-Est. Ceux-ci avaient en effet "décollé" alors que l'économie mondiale était en pleine croissance et que prêts, aide et assistance au développement faisaient encore partie de l'ordre du jour politique des pays industrialisés riches. De plus, ils ont pu bénéficier de réglementations internes qui, exerçant un fort contrôle sur les échanges commerciaux et faisant obstacle aux importations, ont permis aux industries locales de se développer.

Tel n'est pas le cas pour les pays d'Afrique aujourd'hui, surtout depuis la fin des négociations commerciales d'Uruguay, les observateurs objectifs s'accordant à penser que ces pays sont les principaux perdants de la mondialisation de l'économie. Comment par conséquent allons-nous les aider à renforcer leurs capacités et développer leurs moyens d'enseignement et de formation technique, qui sont les éléments de base de tout processus d'industrialisation?

Bien que certains pays aient accru leurs exportations de produits de base, sur les conseils du FMI, dans l'ensemble la croissance des exportations de l'Afrique subsaharienne n'a pas suivi la croissance de sa dette extérieure. Celle-ci continue d'augmenter, atteignant des niveaux exorbitants. Sur les 40 pays qui font partie de la catégorie des pays lourdement endettés, 33 se trouvent dans l'Afrique subsaharienne, et ils n'ont pour la plupart virtuellement aucun accès aux marchés financiers ou aux apports de fonds publics à des conditions non concessionnelles.

En même temps, de nombreux pays d'Afrique ont dû abandonner aux institutions de Bretton Woods une partie considérable de leurs moyens de contrôle économique — tous les contrôles de l'État étant remplacés par les fluctuations des forces du marché et par les impératifs de la libéralisation du commerce. L'un des principaux facteurs qui ont empêché le développement industriel de ces pays est la nature des conditions imposées aux termes des programmes d'ajustement structurel : celles-ci ont forcé les pays à s'orienter vers l'exportation de produits primaires, dont les prix sont très bas depuis des dizaines d'années, et les ont empêchés de développer de nouveaux types d'industries. Ces conditions ont affaibli la région, si bien qu'elle ne peut se sortir seule de ce marasme socio-économique.

- 3- GA/9169 21 novembre 1996

L'Initiative en faveur des pays pauvres lourdement endettés, que le Groupe des Sept a récemment bien accueillie et à laquelle les comités communs du FMI et de la Banque mondiale ont souscrit, est destinée à réduire le problème de la dette multilatérale, bilatérale et commerciale des pays lourdement endettés d'Afrique, pour la ramener à des niveaux viables. Les pays qui peuvent bénéficier de cette initiative pourront, on l'espère, se consacrer désormais pleinement au développement de leur économie. Toutefois, s'il faut se féliciter de cette approche globale à l'égard de la question de la dette, ce n'est qu'un premier pas vers une solution définitive de la crise qui bloque le potentiel de développement économique, industriel et social de l'Afrique. On peut par ailleurs se demander si la mise en oeuvre de programmes d'ajustement structurel doit continuer à être la condition indispensable pour bénéficier d'un allégement de la dette. De nombreuses parties, y compris la Commission européenne et la Banque mondiale, doutent de l'efficacité des programmes actuellement appliqués.

L'"Alliance pour l'industrialisation de l'Afrique", créée par l'ONUDI en coopération avec la Commission économique pour l'Afrique et l'Organisation de l'unité africaine et lancée le mois dernier en Côte d'Ivoire, est une autre initiative importante en vue de relancer l'économie en Afrique. Elle offrira aux dirigeants africains un mécanisme leur permettant de formuler des stratégies de développement industriel appropriées et d'y consacrer la volonté politique et les ressources nécessaires. Il s'agit aussi d'appeler l'attention des décideurs africains et de la communauté internationale sur le potentiel de développement industriel de l'Afrique et sur la nécessité de le réaliser pleinement.

Bien qu'il importe de réaffirmer la ferme volonté du secteur privé, des gouvernements donateurs, des organismes et des ONG de réaliser un partenariat véritable en vue de l'accélération de la croissance industrielle de l'Afrique, la première étape doit nécessairement consister à formuler des politiques qui soient fondées sur les besoins réels des différents pays, le développement ne pouvant se faire en Afrique que lorsque les Africains exerceront un contrôle démocratique sur les politiques suivies. Les stratégies visant à renforcer le développement industriel et la croissance économique devraient aussi être conçues de façon à répondre aux besoins fondamentaux des collectivités locales, afin d'être viables sur le plan social et sur le plan de l'environnement.

Si nous avons besoin d'un argument de rentabilité financière pour nous convaincre d'investir en Afrique, permettez-moi de souligner que ce ne serait pas faire la charité, ce serait investir chez autrui pour servir notre propre intérêt. Grâce à l'industrialisation, l'Afrique peut en effet devenir un énorme débouché pour le monde. Le développement rapide de certains pays d'Amérique latine et de l'Asie de l'Est a déclenché la croissance de l'économie mondiale. De la même façon, la revitalisation de l'Afrique améliorera la prospérité et augmentera le pouvoir d'achat dans le monde entier.

- 4- GA/9169 21 novembre 1996

À sa présente session, l'Assemblée générale examine, en ayant à l'esprit la tragédie qui se déroule dans la région des Grands Lacs, des questions telles que l'élimination de la pauvreté, le sort des réfugiés, les effets des conflits armés sur les enfants, la condition de la femme et la sécurité alimentaire. Les débats sur tous ces thèmes majeurs font directement ressortir l'absence quasi totale d'intérêt et d'engagement de la part de la communauté internationale à l'égard de la multiplicité des problèmes dont souffre l'Afrique. Cette marginalisation de l'Afrique dans tous les secteurs de la vie internationale doit cesser.

En ma qualité de Président de la cinquante et unième session de l'Assemblée générale, je ferais preuve d'absence d'intégrité si j'abordais la question de l'industrialisation de l'Afrique sans la situer dans le contexte plus large des terribles ravages dont souffre l'Afrique. Je vous remercie.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.