LE SECRETAIRE GENERAL LANCE UN APPEL ECLAIR POUR LA REGION DES GRANDS LACS
Communiqué de Presse
SG/SM/6109
IHA/610
LE SECRETAIRE GENERAL LANCE UN APPEL ECLAIR POUR LA REGION DES GRANDS LACS
19961118La déclaration suivante a été faite par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, à l'occasion du lancement de l'appel éclair interinstitutions collectif de l'Organisation des Nations Unies dans la région des grands lacs en réaction à la crise dans l'est du Zaïre, à New York, le 18 novembre :
Je me trouve ici aujourd'hui pour lancer l'Appel humanitaire des Nations Unies face à la crise dans l'est du Zaïre.
Nous nous trouvons devant une très grave situation d'urgence. Les conditions dans l'est du Zaïre sont extrêmement instables. Le fait que, ces quelques derniers jours, près de 400 000 réfugiés ont quitté la région de Goma pour rentrer au Rwanda a fait naître un léger espoir. Cent mille autres personnes se trouvant dans la région de Bukavu se dirigeraient également vers Goma dans l'intention, il faut l'espérer, de regagner le Rwanda.
Notre tâche prioritaire doit être d'appuyer le Rwanda dans les efforts qu'il déploie pour réinsérer les rapatriés, car cela encouragera d'autres réfugiés à rentrer chez eux. Dans le même temps, il nous faut continuer à apporter une assistance d'urgence aux réfugiés et aux personnes sur le chemin du retour au Zaïre.
L'on m'a brossé des tableaux hallucinants de massacres, de famine généralisée, de femmes forcées d'abandonner leurs enfants, et de réfugiés déracinant des arbres et aspirant la moindre goutte de sève des racines en un geste désespéré pour survivre. Plus récemment, j'ai appris que des maladies potentiellement mortelles avaient éclaté. Ce sont maintenant des centaines de millions de vies qui se trouvent en jeu.
Les conflits ont provoqué la dispersion de plus de 1,25 million de réfugiés en quelques semaines. Ce mouvement massif de population à l'intérieur et à travers les frontières du Zaïre, du Rwanda et du Burundi, ainsi que d'autres pays voisins, souligne la dimension régionale de cette crise humanitaire. Il y a actuellement 250 000 personnes déplacées à l'intérieur du Zaïre, et le conflit affecte 500 000 autres Zaïrois.
Je lance aujourd'hui cet appel pour demander 259,3 millions de dollars d'assistance d'urgence pour trois mois, soit du 1er novembre 1996 au 31 janvier 1997. Cet appel a été établi en collaboration avec tous les organismes des Nations Unies et organisations non gouvernementales qui opèrent dans la région. J'exhorte tous les gouvernements à y répondre généreusement et sans retard.
Dans le contexte de l'Appel d'urgence, ce sont aux besoins les plus pressants des réfugiés, des réfugiés en déplacement, des personnes déplacées dans leur propre pays et d'autres personnes touchées par le conflit que l'on répondra. Nous nous trouvons encore en plein milieu de cette tragédie, qui continue de se développer, et nous ne pouvons pas encore évaluer pleinement toute l'ampleur des souffrances humaines qu'elle provoque. Mais d'après les dernières estimations, il y a actuellement 500 000 personnes dispersées dans la région sans nourriture, sans eau, sans médicaments et sans abri.
Les causes de la crise actuelle dans l'est du Zaïre sont politiques. Il n'est possible d'obtenir une solution que par le dialogue entre toutes les parties concernées et leur réconciliation.
J'ai à plusieurs reprises fait part au Conseil de sécurité des craintes que m'inspire la gravité de la situation. Le mois dernier, j'ai envoyé M. Ibrahima Fall dans la région pour qu'il demande instamment à toutes les parties d'éviter un conflit ouvert et une catastrophe humanitaire.
J'ai maintenant nommé l'Ambassadeur Raymond Chrétien pour être mon Envoyé spécial et je l'ai chargé d'entreprendre des négociations urgentes avec toutes les parties afin de désamorcer la crise. M. Chrétien se trouve actuellement dans la région pour négocier un cessez-le-feu et pour faciliter l'accès des organisations humanitaires.
En consultation avec les organisations à vocation humanitaire, j'ai aussi chargé M. Sergio Vieira de Mello, Haut Commissaire adjoint pour les réfugiés, d'être le Coordonnateur régional de l'aide humanitaire dans la région des Grands Lacs. Il a pour tâche de veiller à ce que le programme humanitaire le plus efficace et le plus complet possible soit mis en place dans la région.
Vendredi dernier, le Conseil de sécurité a adopté une résolution par laquelle il a autorisé le déploiement d'une force multinationale dans les zones touchées par le conflit dans l'est du Zaïre. Cette force permettra aux organisations à vocation humanitaire de revenir immédiatement dans la région et d'assurer efficacement l'acheminement de l'aide humanitaire.
Le déploiement de la force multinationale devrait aussi faciliter le rapatriement librement consenti et dans l'ordre des réfugiés ainsi que le retour des personnes déplacées.
- 3 - SG/SM/6109 IHA/610 18 novembre 1996
Je félicite le Canada qui a pris l'initiative de diriger cette mission. Mes remerciements vont aussi aux gouvernements qui ont indiqué qu'ils étaient prêts à participer à cette entreprise humanitaire vitale.
L'appel que je lance aujourd'hui, à titre de mesure intérimaire d'urgence, est axé sur des projets mis au point par l'ONU et par d'autres organisations intéressées. Pour être efficaces, ces activités doivent être bien coordonnées et c'est pourquoi l'appel fait une large place au renforcement des arrangements de coordination. Ces arrangements doivent également permettre des relations de travail harmonieuses avec la force multinationale.
Le document contenant l'appel met l'accent sur des mesures de secours immédiat destinées aux réfugiés et personnes déplacées au Zaïre ainsi qu'à ceux qui cherchent asile dans des pays voisins. L'assistance demandée à la communauté internationale servira à assurer une aide alimentaire d'urgence et à fournir des services dans des domaines autres que l'alimentation, notamment approvisionnement en eau, assainissement, santé et abris.
Des programmes visant à renforcer les activités d'accueil et de réinsertion des réfugiés au Rwanda et des nouveaux arrivés en Tanzanie, en Ouganda et au Burundi seront assurés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. L'aide offerte par l'Organisation internationale pour les migrations facilitera le transport, le retour et la réinstallation des réfugiés. Quant au Programme alimentaire mondial, il sera chargé de fournir des rations et d'exécuter des programmes d'alimentation supplémentaires et il facilitera le transport et l'acheminement des vivres dans certaines des régions les plus difficiles à atteindre du continent africain.
Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance s'attachera à répondre aux besoins fondamentaux des plus vulnérables, principalement des femmes et des enfants. L'Organisation mondiale de la santé a besoin d'une assistance pour la fourniture de médicaments, de vaccins et de matériel hospitalier. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture examine actuellement la question de la sécurité alimentaire et mettra en place un dispositif d'urgence pour faire face au retour massif de réfugiés de l'est du Zaïre au Rwanda et au Burundi.
Le Centre pour les droits de l'homme et les Volontaires des Nations Unies ont prévu des activités visant à protéger les réfugiés souhaitant retourner de leur plein gré dans leur pays d'origine et à leur redonner confiance. Le Programme des Nations Unies pour le développement axera ses efforts sur le renforcement des capacités nationales, le système judiciaire et les mesures de réinsertion.
- 4 - SG/SM/6109 IHA/610 18 novembre 1996
Cette opération de secours ne saurait être menée à bien sans le concours précieux des organisations non gouvernementales qui, en tant que partenaires des organismes des Nations Unies sur le terrain, assumeront une énorme part du fardeau. Le Comité international de la Croix-Rouge a lui aussi fait part de ses besoins qui sont décrits en annexe à l'Appel.
Un grand nombre de réfugiés rentrent maintenant au Rwanda. Pour faire en sorte que ce rapatriement se déroule dans la sécurité et la dignité, l'assistance de l'Opération pour les droits de l'homme au Rwanda revêt la plus haute importance. Le Haut Commissaire aux droits de l'homme a rédigé un appel distinct qui vous est également soumis aujourd'hui.
On ne saurait trop insister sur le caractère pressant de ces deux appels. Nous ne pouvons tolérer que se perpétuent les souffrances qui ont frappé les masses dans la région des Grands Lacs pendant la plus grande partie de la présente décennie. Des efforts politiques concertés visant à trouver des solutions à long terme à cette crise sont en cours. Mais de nombreuses vies sont en danger dans l'immédiat. J'exhorte donc tous les gouvernements à accorder sans tarder leur attention et leur soutien au présent Appel pour que les organismes humanitaires concernés puissent poursuivre leur action indispensable et que cette mission soit couronnée de succès.
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