SG/SM/6096

ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL À L'OCCASION DE LA JOURNEE MONDIALE DE L'ALIMENTATION

4 novembre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6096
FAO/3641


ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL À L'OCCASION DE LA JOURNEE MONDIALE DE L'ALIMENTATION

19961104 On trouvera ci-après le texte de l'allocution prononcée par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, célébrée au Siège le 25 octobre 1996.

Aujourd'hui, une personne sur cinq souffre de la faim. C'est à ce fléau qu'il faut s'attaquer en célébrant la Journée mondiale de l'alimentation. La "lutte contre la faim et la malnutrition" est bien un thème qui nous concerne tous.

Près de 800 millions de personnes souffrent chroniquement de la faim. Des millions d'autres — hommes, femmes, enfants — ne mangent pas assez pour mener une vie saine, productive : c'est la faim "occulte". Deux cents à trois cents millions d'êtres humains souffrent d'une carence en iode; 40 millions d'enfants souffrent d'une carence en vitamine A; et près de 200 millions d'enfants de moins de 5 ans souffrent d'une carence protéo-calorique grave ou chronique.

Or, la planète peut nourrir tous les hommes : c'est la pauvreté qui engendre la faim et la malnutrition. La faim, dans sa douloureuse réalité, les maladies débilitantes dues à la malnutrition affectent la productivité et la croissance, font perdre l'espoir dans l'avenir, mènent à la désintégration sociale. Le cercle vicieux de la faim se met alors en place. La pauvreté, la faim et la malnutrition sont lourdes de conséquences pour l'avenir des conditions de vie de l'homme, pour la production et, en fin de compte, pour notre survie même.

Il n'est pas de tâche plus impérative qui se présente à la communauté internationale, au système des Nations Unies, et à chacun, je dis bien à chacun d'entre nous, que de rompre le cercle vicieux de la pauvreté, de la faim et de la malnutrition. Nulle part au monde, cette tâche n'est plus urgente qu'en Afrique où, sans une action rapide et décisive de notre part, près de 300 millions d'Africains seront chroniquement sous-alimentés en 2010.

Le système des Nations Unies entend être à la hauteur de cette tâche. Ensemble, nous nous efforçons d'éloigner le spectre de la faim qui hante notre avenir et l'avenir de nos enfants. Les Nations Unies sont à l'oeuvre pour créer les conditions politiques, économiques et sociales grâce à quoi nous gagnerons la bataille contre la faim. Les Nations Unies sont à l'oeuvre pour faire de ceux qui ont faim et qui sont mal nourris, des participants effectifs à la croissance et au développement durable de leurs sociétés.

Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés apporte des secours d'urgence à des millions de réfugiés et de personnes déplacées qui ont dû quitter leurs foyers et leurs champs, à la suite de conflits ou de catastrophes naturelles, et qui n'ont aucun accès à l'alimentation. Le Programme alimentaire mondial (PAM) aide près de 50 millions de personnes, la moitié d'entre elles victimes de circonstances exceptionnelles, dues à des causes naturelles ou humaines. Ainsi, le Programme a fourni 1,6 million de tonnes de produits alimentaires en 1995 en réponse à des besoins d'urgence. Les rations alimentaires que dispensent les Nations Unies peuvent littéralement faire la différence entre la vie et la mort, entre la survie et la mort lente.

Mais il ne s'agit pas seulement de répondre à des situations d'urgence. Les Nations Unis s'emploient également à éliminer définitivement la faim et la malnutrition. La lutte ne sera gagnée que si nous nous attaquons aux racines du mal. L'action du système des Nations Unies vise avant tout à mobiliser toutes les forces productives de la société.

L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) est, bien sûr, en première ligne de ce combat pour assurer la sécurité alimentaire. Le Fonds international de développement agricole, qui met l'accent sur l'atténuation de la pauvreté, et le PAM, par son action générale de développement, apportent une contribution qui n'est pas moins essentielle. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) encourage, dans le monde, l'adoption de pratiques culturales écologiquement rationnelles et aide les sociétés à accéder à l'autonomie alimentaire. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) mène une action décisive contre la malnutrition et, grâce à lui, des millions d'enfants peuvent espérer échapper à la faim.

La lutte contre la faim et la malnutrition est aussi un des thèmes de la coopération entre la Banque mondiale et les autres organisations du système des Nations Unies. C'est un aspect essentiel de la notion de développement durable, qui est le principe unificateur de l'action des organismes des Nations Unies depuis la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro en 1992. Le combat contre la faim est également l'un des principaux fronts de la lutte menée actuellement contre la pauvreté par tous les organismes économiques et sociaux des Nations Unies.

- 3- SG/SM/6096 FAO/3641 4 novembre 1996

La faim recule nettement dans certaines parties du monde. Mais il reste beaucoup à faire, beaucoup plus. Nous devons tout d'abord assurer l'accès à l'alimentation en s'attaquant à la pauvreté — la cause profonde de la faim et de la malnutrition. Lors du Sommet mondial pour le développement social, qui s'est tenu à Copenhague en 1995, les gouvernements se sont déclarés résolus à éliminer la faim et la malnutrition et à faire de la sécurité alimentaire un élément majeur de la protection contre la pauvreté.

En deuxième lieu, nous devons faire en sorte que l'agriculture et la production vivrière soient soutenables à terme. Le lien entre la détérioration de l'environnement et la persistance de la faim dans la longue durée est manifeste. L'accroissement démographique plus rapide que la croissance des ressources explique également la faim et la malnutrition. À Rio de Janeiro, en 1992, de même qu'au Caire, en 1994, les gouvernements se sont engagés à augmenter la production alimentaire et à accroître la sécurité alimentaire de manière durable. Et à Istanbul cette année, la communauté internationale a centré son attention sur l'alimentation et l'état nutritionnel des citadins.

Troisièmement, la situation économique et la santé des femmes sont essentielles. Les engagements pris à Beijing l'année dernière, lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, doivent être honorés. La démarginalisation des femmes apportera une contribution décisive à la production alimentaire et à la satisfaction des besoins alimentaires essentiels.

Quatrièmement, la faim et la malnutrition doivent être attaquées là où le phénomène est le plus étendu. L'agriculture et la sécurité alimentaire durables au service du développement de l'Afrique doivent être le but principal de l'Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique. Cette initiative spéciale met en avant l'engagement pris par les Nations Unies de travailler avec les gouvernements africains pour améliorer l'alimentation en eau, lutter contre la désertification et améliorer la qualité des sols.

Si dans l'ensemble, la production alimentaire a réussi à croître au même rythme que la population, il n'en reste pas moins que les ressources alimentaires mondiales sont limitées. Depuis quelques années, des progrès technologiques énormes ont été réalisés de par le monde en matière de techniques agricoles, de gestion de l'eau et de conservation des sols et de la biodiversité. Le renforcement impressionnant des moyens de stockage et de transformation a permis de réduire les gaspillages et contribué à la croissance économique des zones rurales.

- 4- SG/SM/6096 FAO/3641 4 novembre 1996

Face à la mondialisation de l'économie, nous devons veiller à ce que les économies en développement profitent des progrès technologiques, car ce sont elles qui en ont le plus besoin. La solution réside dans une agriculture viable à terme. C'est en gérant mieux toutes les ressources que nous pourrons progresser au même rythme que la population mondiale. Nous ne pouvons pas pour autant nous désintéresser du problème de l'accroissement rapide de la population.

Le mois prochain, le Sommet mondial de l'alimentation, réuni à Rome, offrira aux décideurs une autre occasion décisive de renforcer et de recentrer la lutte contre la faim et la malnutrition. Le Sommet est également pour la communauté mondiale l'occasion de se mettre d'accord et de s'engager à éliminer la faim et la malnutrition, et à assurer à tous la sécurité alimentaire. Nous devons unir nos efforts pour que le Sommet mondial de l'alimentation soit un succès : la faim doit être éliminée, comme de nombreuses maladies l'ont été.

Nous devons tous nous engager dans la lutte contre la faim et la malnutrition. Les gouvernements, réunis lors de conférences et d'organismes délibérants du système, ont fait appel à nous pour que la faim et la malnutrition disparaissent de nos sociétés. Les organismes du système des Nations Unies coopèrent comme jamais auparavant pour venir à bout de ce fléau. Il est clair maintenant que la lutte que nous menons contre la faim et la malnutrition ne peut réussir sans une coopération plus étroite avec les organisations non gouvernementales, le secteur privé et tous les secteurs de la société civile.

Aujourd'hui, alors que nous célébrons la Journée mondiale de l'alimentation, il nous est demandé de nous unir dans un combat commun. Les gouvernements, la société civile et les Nations Unies, tous doivent servir de leur mieux, en donnant le meilleur d'eux-mêmes.

* *** *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.