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CS/743

LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE UN CESSEZ-LE-FEU IMMEDIAT ET L'ARRET COMPLET DES COMBATS DANS LA REGION DES GRANDS LACS, ET D'ENGAGER DES NEGOCIATIONS

1er novembre 1996


Communiqué de Presse
CS/743


LE CONSEIL DE SECURITE DEMANDE UN CESSEZ-LE-FEU IMMEDIAT ET L'ARRET COMPLET DES COMBATS DANS LA REGION DES GRANDS LACS, ET D'ENGAGER DES NEGOCIATIONS

19961101 APRES-MIDI CS/743 La communauté internationale doit prendre d'urgence des mesures globales et coordonnées pour empêcher que la crise ne s'aggrave

A l'issue de consultations officieuses sur la situation dans la région des Grands Lacs, le Président du Conseil de sécurité, M. Nugroho Wisnumurti (Indonésie), a fait cet après-midi, au nom des membres du Conseil, la déclaration suivante :

Le Conseil de sécurité est gravement préoccupé par la détérioration de la situation dans la région des Grands Lacs, en particulier dans l'est du Zaïre, et par les effets de la poursuite des combats sur les habitants de la région, et condamne tous les actes de violence. Il souligne qu'il faut que la communauté internationale prenne d'urgence des mesures globales et coordonnées pour empêcher que la crise ne s'y aggrave encore.

Le Conseil demande un cessez-le-feu immédiat et l'arrêt complet de tous les combats dans la région. Il demande à tous les États de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale des États voisins conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Charte des Nations Unies. À cet égard, il engage toutes les parties à s'abstenir de recourir à la force et d'opérer des incursions transfrontières, ainsi qu'à engager des négociations.

Le Conseil, au vu des lettres que le Secrétaire général a adressées à son Président (S/1996/875 et S/1996/878) et des renseignements communiqués par le Haut Commissaire pour les réfugiés et le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme sur la situation dans l'est du Zaïre, se déclare particulièrement préoccupé par la situation humanitaire et par l'ampleur des mouvements de réfugiés et de personnes déplacées à laquelle elle a donné lieu. Il appuie pleinement les efforts que déploient le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et les organismes humanitaires pour alléger les souffrances. Il demande à toutes les parties, dans la région, de permettre aux organismes humanitaires et aux organisations non gouvernementales d'apporter une assistance humanitaire à ceux qui en ont besoin et leur demande aussi d'assurer la sûreté de tous les réfugiés ainsi que la sécurité et la liberté

de mouvement de tout le personnel international engagé dans l'action humanitaire. Il insiste sur la nécessité d'assurer d'urgence le rapatriement librement consenti et la réinstallation en bon ordre des réfugiés, ainsi que le retour des personnes déplacées, qui constituent des éléments cruciaux pour la stabilité dans la région.

Le Conseil pense comme le Secrétaire général que la situation dans l'est du Zaïre fait peser une menace grave sur la stabilité dans la région des Grands Lacs. Il est convaincu que les problèmes complexes qui se posent ne peuvent être résolus que si un dialogue de fond est engagé dans les meilleurs délais. Il demande instamment aux gouvernements de la région de poursuivre ce dialogue sans plus tarder afin de désamorcer les tensions. Le Conseil engage tous les États de la région à créer les conditions nécessaires au règlement rapide et pacifique du conflit et à s'abstenir de tout acte qui risquerait d'aggraver encore la situation. À ce propos, il se félicite de tous les efforts qui sont faits au niveau régional pour désamorcer la tension dans la région et, en particulier, de l'annonce de la réunion de dirigeants régionaux prévue le 5 novembre 1996 à Nairobi (Kenya).

Le Conseil appuie pleinement l'initiative prise par le Secrétaire général d'envoyer dans la région des Grands Lacs un Envoyé spécial chargé de consulter toutes les parties intéressées afin d'établir les faits se rapportant au conflit actuel; de mettre au point d'urgence un plan pour désamorcer les tensions et instaurer un cessez-le-feu; de promouvoir un processus de négociation; et de fournir des conseils sur le mandat à confier à un Représentant spécial des Nations Unies, notamment sur l'importance et les modalités de la présence politique des Nations Unies qui, en consultation avec les gouvernements et les parties intéressés, sera établie dans la région des Grands Lacs. Le Conseil estime également que l'Envoyé spécial devrait disposer du personnel et des moyens logistiques nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Le Conseil espère également que les efforts de médiation de l'Organisation de l'unité africaine et de l'Union européenne viendront compléter ceux de l'Envoyé spécial du Secrétaire général. Il engage tous les gouvernements et toutes les parties intéressés à coopérer pleinement avec l'Envoyé spécial dans l'accomplissement de sa mission et à contribuer à la recherche d'une solution globale au problème auquel font face les populations de la région des Grands Lacs. Compte tenu de l'urgence de la situation, il espère que l'Envoyé spécial se rendra aussitôt que possible dans la région et fournira rapidement des informations sur la situation qui y règne.

Le Conseil réaffirme que la situation actuelle dans l'est du Zaïre met en évidence la nécessité d'organiser une conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies et de l'Organisation de l'unité africaine. À cette fin, il demande au Secrétaire général de prier son Envoyé spécial de promouvoir la convocation d'urgence de cette conférence et d'en encourager la préparation adéquate.

( suivre)

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Le Conseil de sécurité demeurera saisi de la question.

Le Conseil de sécurité était saisi, au titre de l'examen de la situation dans la région des Grands Lacs, de deux lettres en date du 14 et du 24 octobre 1996, adressées par le Secrétaire général au Président du Conseil. Il est également saisi d'une lettre en date du 23 octobre 1996 adressée à son Président par le Représentant permanent du Rwanda.

( suivre)

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Documentation

Le Conseil de sécurité était saisi d'une lettre en date du 14 octobre 1996 (S/1996/875), adressée par le Secrétaire général à son Président, concernant la détérioration de façon alarmante de la situation dans l'est du Zaïre, notamment dans le sud de la province du Kivu.

Le Secrétaire général fait observer que de nouvelles tensions sont apparues dans les districts d'Uvira, de Mwanga et de Fizi, dans le sud de la province du Kivu, qui abritent depuis plusieurs générations 350 000 personnes, appelées les Banyamulenge. Ces derniers parlent la langue du Rwanda et se composent tant de Hutus que de Tutsis, la majorité d'entre eux étant toutefois des Tutsis. Les Banyamulenge étaient déjà établis dans la région quand le Zaïre est devenu indépendant en 1960. En 1972, ils ont reçu la nationalité zaïroise, comme tous ceux qui vivaient à l'intérieur des frontières du Zaïre. Par la suite, en 1981, une loi leur a retiré ce statut, mais elle n'a pas été appliquée avant les premiers mois de 1996. Depuis lors, des pressions sont exercées sur les Banyamulenge pour les forcer à partir pour le Rwanda. Leur situation est ainsi similaire à celle des Masisi vivant dans le nord de la province du Kivu, par le sort desquels le Conseil s'est déclaré préoccupé.

Des hostilités ont maintenant éclaté dans la région habitée par les Banyamulenge, qui a été déclarée zone militaire. Vers le début du mois de septembre, les forces armées zaïroises y ont lancé une offensive contre des groupes armés tutsis, ce qui aurait entraîné des attaques contre des civils Banyamulenge. Des groupes armés tutsis auraient également attaqué des cibles civiles. De ce fait, les tensions ont monté à la frontière entre le Rwanda et le Zaïre; il y a eu notamment des échanges de tir d'armes lourdes de part et d'autre de la frontière, les deux Gouvernements s'accusant mutuellement. Le 13 septembre 1996, le Zaïre a accusé le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de fournir un appui logistique à des groupes armés Banyamulenge s'infiltrant au Zaïre à partir du Rwanda et du Burundi. Il a également accusé le HCR d'avoir rapatrié au Rwanda en 1994-1995 près de 3 000 jeunes Banyamulenge, qui ont par la suite été entraînés par l'Armée patriotique rwandaise. Etant donné la gravité de ces allégations, le Secrétaire général a, le 21 septembre 1996, dépêché à Kinshasa un Envoyé spécial, le Sous-Secrétaire général Ibrahima Fall, porteur d'une lettre adressée au Premier Ministre Kengo wa Dondo. À la suite d'entretiens avec son Envoyé spécial, le Gouvernement zaïrois a convenu que le HCR n'avait en fait pas été impliqué dans ces activités.

Le Secrétaire général a déploré qu'entre-temps, la violence a continué de s'intensifier dans la région. L'escalade de la violence empêche les institutions humanitaires de poursuivre normalement leur travail dans cette région qui a pourtant bien besoin de leurs services. Il a fallu retirer provisoirement des membres du personnel international pour les ramener dans des lieux plus sûrs et le système des Nations Unies est en train de préparer des plans d'urgence en prévision d'une crise humanitaire. Le 7 octobre, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a proposé une stratégie

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globale pour faire sortir de l'impasse la question des réfugiés dans la région des Grands Lacs. Sa proposition a été examinée par les hauts représentants des pays concernés qui participaient à la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR la semaine dernière. Elle a reçu un large appui et est maintenant à l'examen dans les capitales concernées. Le HCR attend avec impatience le résultat de cet examen. La détérioration de la situation oblige le Secrétaire général à proposer ses bons offices pour aider le Gouvernement zaïrois à faire face aux aspects politiques et de sécurité des problèmes dans la partie orientale du pays.

Dans une seconde lettre datée du 24 octobre (S/1996/878), le Secrétaire général rappelle que la situation dans l'est du Zaïre s'est encore détériorée depuis le 14 octobre. Il note que les activités militaires à l'intérieur des frontières et à travers les frontières se sont intensifiées, aggravant ainsi la situation humanitaire. Environ 300 000 personnes étaient, à cette date, en mouvement dans les régions d'Uvira et de Bukavu, près de la frontière avec le Rwanda et le Burundi, fuyant les combats qui se sont intensifiés entre les forces zaïroises et des groupes armés de Banyamulenge. Parmi ces personnes se trouvent les 220 000 réfugiés — 143 000 du Burundi et 75 000 du Rwanda — qui se sont enfuis les 19 et 20 octobre des 12 camps échelonnés le long des 75 kilomètres de route entre Uvira et Bukavu. Environ 60 000 réfugiés se seraient rendus à Bukavu, de même que 10 000 Zaïrois.

Les combats, poursuit le Secrétaire général, ont empêché les réfugiés de huit camps situés aux environs d'Uvira de se diriger eux aussi vers Bukavu. Il s'agit essentiellement de réfugiés burundais qui se trouveraient actuellement dans les collines avoisinantes. Dans la région de Bukavu, les réfugiés rwandais, craignant une attaque imminente des Banyamulenge, ont abandonné au moins trois camps. Le 24 octobre, des dizaines de milliers de personnes, provenant de l'est de Bukavu, étaient en marche vers des camps installés au sud-ouest de Bukavu.

Le Secrétaire général rappelle qu'à la suite d'une intervention faite par le HCR et par M. Ibrahima Fall, son Envoyé spécial au Zaïre, des dispositions ont été prises pour évacuer les 58 membres restants du personnel international du HCR, d'autres organismes des Nations Unies et d'ONG. Le même jour, poursuit M. Boutros-Ghali, le Gouvernement rwandais a incité les réfugiés à revenir au Rwanda et leur a donné de nouveau l'assurance qu'ils pouvaient revenir en toute sécurité et dignité. Encouragée par cette déclaration, Mme Ogata a fait diffuser un message par les médias locaux afin d'annoncer aux réfugiés que le HCR était prêt à les aider à retourner au Rwanda et qu'il avait à cette fin renforcé sa capacité d'accueil et d'assistance à l'intérieur du pays.

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Le Secrétaire général fait observer que le fait que l'on ne se soit pas attaqué aux causes profondes des conflits dans la région des Grands Lacs, sur le plan de la sécurité et aux niveaux politique et économique, a une fois encore provoqué une montée de la violence et de la souffrance qu'il ne sera plus possible d'endiguer si des mesures d'urgence ne sont pas prises immédiatement.

Dans une lettre en date du 23 octobre 1996 (S/1996/869), le Représentant permanent du Rwanda fait un rappel historique des événements qui ont conduit à la crise actuelle au Zaïre oriental. Entre 1886 et 1996, soit pendant un siècle environ, les Zaïrois d'aucune origine ethnique n'avaient pensé au nettoyage ethnique de leurs compatriotes parlant kinyarwanda. Le Représentant du Rwanda a fait remarquer que le plan d'extermination est d'origine récente. Tout ceci a commencé lorsque des éléments de l'ex-milice rwandaise Interahamwe de l'ancienne armée et leurs dirigeants politiques coupables du génocide au Rwanda en 1994 sont arrivés au Zaïre, y faisant germer des idées de haine ethnique et de génocide. Les récents événements au Zaïre oriental ne sont pas fortuits. En retirant la nationalité à ses propres citoyens en 1981, le Zaïre a créé un dangereux précédent, qui sera lourd de conséquences sur tout le continent africain.

Si la situation actuelle au Zaïre oriental est une affaire purement interne, la communauté internationale ne peut rester indifférente et s'abstenir de chercher les moyens d'arrêter l'intensification du nettoyage ethnique et du génocide au Zaïre oriental. En raison de la crise au Zaïre oriental, le Gouvernement rwandais vient de lancer un appel pressant à tous les réfugiés rwandais pour qu'ils reviennent au Rwanda au lieu de rester dispersés dans des camps de réfugiés ou ailleurs. Le Gouvernement aimerait demander à la communauté internationale d'aider au rapatriement des réfugiés rwandais victimes de la crise au Zaïre.

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