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SG/SM/6092

LE SECRETAIRE GENERAL ANNONCE QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES EST PRÊTE À PRENDRE LA TÊTE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

29 octobre 1996


Communiqué de Presse
SG/SM/6092


LE SECRETAIRE GENERAL ANNONCE QUE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES EST PRÊTE À PRENDRE LA TÊTE DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

19961029 Il demande l'adoption d'un instrument juridique international pour lutter contre le terrorisme international sous toutes ses formes

On trouvera ci-après le texte d'un discours sur le terrorisme prononcé par le Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, à l'Université Harvard le 24 octobre :

Le terrorisme m'a atteint personnellement. Mon grand-père, alors qu'il était Premier Ministre, a été assassiné par des terroristes. J'étais aux côtés du Président Sadate quant il est venu à Jérusalem, à Camp David, et lors de la signature du Traité de paix entre l'Égypte et Israël. C'est à cause de son oeuvre que le Président Sadate a été assassiné par des terroristes; et je vis, quant à moi, sous la même épée de Damoclès.

Ces dernières années, ma patrie, l'Égypte, a été la cible de terroristes. Ils cherchent à intimider la population. Ils cherchent à paralyser le secteur touristique. Ils ne se soucient aucunement des vies innocentes qu'ils détruisent.

Le terrorisme n'est pas nouveau : ses manifestations remontent à la nuit des temps.

Mais autrefois menace nationale puis internationale, le terrorisme est aujourd'hui devenu une menace mondiale. L'attentat de Sarajevo en 1914 a déclenché la première guerre mondiale. Dans les années 70, l'expansion des voyages aériens internationaux a donné une cible de choix aux pirates de l'air.

Pendant la guerre froide, les terroristes étaient principalement portés par une idéologie. Ils exerçaient la terreur comme moyen de revendication et pour attirer l'attention sur leur cause. Aujourd'hui, les terroristes poussés par le fanatisme religieux ne se soucient pas nécessairement de publicité. Leur silence les rend d'autant plus difficiles à localiser.

Nous vivons dans une période de mondialisation accrue, mais également de fragmentation croissante. L'une comme l'autre, ces deux forces favorisent le terrorisme. La fragmentation compromet la solidarité sociale et conduit certains groupes à s'écarter de façon encore plus radicale d'un comportement civilisé. La mondialisation altère la capacité des gouvernements de préserver l'ordre public. La révolution des communications, l'économie mondiale privée et la disparition progressive des frontières dans le monde où nous vivons créent des conditions dont les terroristes profitent.

Le terrorisme est donc devenu un danger mondial. Les terroristes tirent parti de la mondialisation, sans que leur liberté de mouvement soit limitée par des règles internationales. Aucune région, aucun État, aucun peuple ou aucune personne n'est à l'abri du terrorisme car les terroristes sont devenus des acteurs internationaux. Ils disposent de réseaux internationaux d'alliances, de communications et de financement. Ils reçoivent d'autres pays formation, instructions et armes. Et les terroristes se réfugient à l'étranger après avoir commis leur forfait. Ils sont devenus très habiles pour passer à travers les mailles du filet du système international. L'activité terroriste est en pleine expansion car le terrorisme a su s'adapter avec succès à la mondialisation, alors que la lutte antiterroriste est restée confinée aux niveaux provincial et national.

Une action unilatérale, voire bilatérale, ne suffit pas pour lutter contre une menace mondiale. La coopération et la coordination internationales sont essentielles. Des obstacles internationaux doivent être dressés contre les terroristes. Il est nécessaire de mettre au point et de suivre une démarche mondiale.

Du fait des événements récents, les nations sont de plus en plus conscientes de cette nécessité.

Dans le discours qu'il a prononcé à l'ouverture de la cinquante et unième session de l'Assemblée générale le mois dernier, le Président Clinton a demandé à toutes les nations assemblées de faire preuve de "tolérance zéro" à l'égard du terrorisme et a appelé tous les États à ratifier les 11 Conventions internationales existant contre le terrorisme.

Lors du Sommet sur la paix de Sharm-el-Sheik (Égypte), le 13 mars, je me suis joint aux dirigeants mondiaux pour affirmer l'importance de la coopération bilatérale, régionale et internationale et d'une meilleure coordination pour enrayer le terrorisme. Quelques mois plus tard, le 27 juin, la Déclaration sur le terrorisme du Sommet du Groupe des 7 tenu à Lyon (France) a été le signe de l'intention des parties d'accroître les moyens de la communauté internationale pour vaincre le terrorisme.

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Ces événements sont prometteurs. La coopération et la coordination internationales étant les précurseurs d'une approche mondiale, ces initiatives ne témoignent pas seulement de la volonté d'agir de la communauté internationale, mais elles montrent que cette action se fera à l'échelle mondiale.

À cette fin, l'Assemblée générale des Nations Unies a été le chef de file mondial contre le terrorisme en adoptant, le 9 décembre 1994, la Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international, que l'Assemblée générale a réaffirmée l'année dernière dans sa résolution 50/53. La volonté résolue de l'Assemblée générale de faire échec au terrorisme a été réaffirmée le 24 octobre 1995 dans la Déclaration du cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, qui insiste sur l'importance de la coopération internationale à cet effet.

Pour consolider ces progrès, j'ai présenté à la cinquantième session de l'Assemblée générale un rapport contenant des propositions de modalités pour la mise en oeuvre des tâches qui m'incombent en vertu de la Déclaration. Ce rapport contient également des informations sur le statut des différentes conventions multilatérales et un compte rendu des États Membres sur les efforts qu'ils déploient contre le terrorisme.

Les 28 et 29 mars derniers, j'ai envoyé mes principaux conseillers participer au groupe de travail réunissant les participants au sommet de Sharm-el-Sheik. Cette réunion, organisée à Washington, a permis d'élaborer des recommandations portant sur les meilleurs moyens de donner suite aux décisions du Sommet.

Toutes ces mesures montrent que la communauté internationale est de plus en plus consciente qu'il importe de lutter contre le terrorisme par une action commune et concertée.

Mais il existe déjà une base plus fondamentale encore pour toute action internationale contre le terrorisme. Ces dernières décennies, un ensemble d'instruments juridiques internationaux a été mis en place par les Nations Unies. Considérés ensemble, ces instruments constituent une base de plus en plus solide et sont devenus un facteur essentiel de la lutte antiterroriste.

À ce jour, 11 conventions internationales portant sur les crimes liés au terrorisme ont été déposées auprès de l'Organisation des Nations Unies. Chacune concerne un aspect particulier de la lutte contre le terrorisme.

Il existe une convention internationale sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques. Cette convention est en vigueur et a fait l'objet de 91 ratifications ou adhésions (voir point 1 de l'appendice).

- 4- SG/SM/6092 29 octobre 1996

Il existe une Convention internationale contre la prise d'otages. Cette convention est en vigueur et a reçu 77 ratifications ou adhésions (voir point 2 de l'appendice).

Une Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies; cette convention n'est pas encore en vigueur et compte neuf ratifications ou adhésions. Vingt-deux ratifications ou adhésions sont nécessaires (voir point 3).

Il existe une Convention contre les actes illicites de violence survenant à bord d'aéronefs; cette convention est en vigueur et a fait l'objet de 156 ratifications ou adhésions (point 4).

La Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs est en vigueur et compte 156 ratifications ou adhésions (Point 5).

La Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile est en vigueur avec 156 ratifications ou adhésions (Point 6).

La Convention pour la répression d'actes illicites de violence dans les aéroports est en vigueur et compte 65 ratifications ou adhésions (Point 7). La Convention sur la protection physique des matières nucléaires est en vigueur et a fait l'objet de 55 ratifications ou adhésions (Point 8).

La Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime est en vigueur, avec 33 ratifications ou adhésions (Point 9).

Le Protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental est en vigueur, avec 31 ratifications ou adhésions (Point 10).

Il existe enfin une Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection; cette convention n'est pas encore en vigueur et a fait l'objet de 23 ratifications ou adhésions, 35 étant nécessaires (Point 11).

Toutes ces conventions sont des instruments juridiques internationaux supervisés par l'Organisation des Nations Unies. Ils sont à notre disposition et sont un moyen essentiel de lutter contre le terrorisme.

Par ailleurs, d'importants accords régionaux ont été adoptés par l'Organisation des États américains (OEA), par l'Europe et par l'Asie du Sud et ils peuvent s'avérer particulièrement importants pour lutter contre les actes de terrorisme répondant à des motifs idéologiques, ethniques ou liés aux stupéfiants. Ces conventions régionales sont toutes en vigueur actuellement (voir les points 12 à 14 de l'appendice).

- 5- SG/SM/6092 29 octobre 1996

Je donnerai à la session de l'Assemblée générale un aperçu complet du statut de toutes les conventions internationales liées au terrorisme, un plan d'action visant à encourager tous les États Membres à signer ou ratifier les conventions et les recommandations relatives aux dispositifs intergouvernementaux nécessaires pour les aider à appliquer ces conventions et à veiller à leur respect.

À l'avenir, la tâche qui nous attend compte trois volets. Premièrement, nous devons nous servir de la base normative constituée par ces instruments internationaux comme point de départ d'une action mondiale immédiate de lutte contre le terrorisme. Deuxièmement, nous devons rallier la volonté politique de tous afin de surmonter les difficultés que peuvent poser la coopération et la coordination internationales. Enfin, troisièmement, nous devons étendre le réseau de conventions internationales juridiquement contraignantes de façon à nous attaquer aux aspects majeurs qui ne sont pas encore couverts par les instruments cités, notamment les attentats, le financement, le trafic d'armes, la coopération technique aux fins de la formation antiterroriste, l'échange d'informations sur les suspects et la prévention de l'utilisation d'armes de destruction massive.

Ces initiatives joueront un rôle essentiel dans la lutte contre le terrorisme, mais tout instrument juridique se perd dans les sables s'il ne s'accompagne pas d'un nouveau dispositif de contrôle et de garantie de son exécution.

En nous tournant vers l'avenir, nous devons avoir conscience de quatre grandes difficultés à surmonter.

En premier lieu, certains gouvernements renâclent ou hésitent à coopérer contre le terrorisme international pour des raisons de sécurité nationale. Craignant d'être eux-mêmes pris pour cibles, ils concluent des arrangements discrets ou tacites et laissent les terroristes en paix afin d'être eux-mêmes laissés en paix.

Deuxièmement, une action antiterroriste peut parfois violer les droits fondamentaux d'innocents. Et il arrive que, sous couleur de mesures antiterroristes, les autorités privent leurs citoyens de certains droits fondamentaux.

Troisièmement, certains obstacles d'ordre technique entravent la coopération contre le terrorisme. Les différences de législation entre États peuvent permettre à des terroristes d'obtenir le statut de réfugié ou de trouver asile dans certains pays. Elles peuvent compliquer l'extradition, voire la rendre impossible, si un pays applique la peine capitale et l'autre non. Et elles peuvent empêcher la mise en commun de renseignements pour des motifs de sécurité ou de souveraineté nationale.

- 6- SG/SM/6092 29 octobre 1996

Et quatrièmement, nous devons bien faire la distinction entre la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre le terrorisme. Il est plus facile de mobiliser une coopération contre la criminalité, car cette dernière implique rarement des questions de souveraineté nationale et de pérennité du régime. Les méthodes utilisées pour faire échec à la criminalité transnationale sont très souvent différentes de celles nécessaires pour enrayer le terrorisme. Il arrive pourtant parfois que des terroristes à la recherche de pouvoir politique ou religieux et non d'argent s'associent avec le crime organisé pour financer leurs opérations terroristes. Il en découle confusion et complexité. Nous devons en être bien conscients pour mieux progresser dans l'amélioration des dispositifs antiterroristes de l'avenir.

Voilà bien ce que nous devons faire. Car le moment est venu pour la communauté internationale de se doter d'un instrument international juridiquement contraignant contre le terrorisme.

Faute d'un accord international sur le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme international, la démarche adoptée jusqu'à présent a été fragmentée et partielle. Les instruments existants visent des actes terroristes spécifiques ou utilisant des moyens de transport spéciaux ou commis contre des catégories de personnes particulières ou au moyen de substances ou de dispositifs particuliers.

Aujourd'hui, compte tenu de la Déclaration de l'Assemblée générale sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international et de la Déclaration de Paris, il est devenu possible d'aborder la question du terrorisme international sous toutes ses formes et manifestations, dans toute sa spécificité, quelle que puisse en être la justification. L'appel que je lance aujourd'hui pour un instrument international général contre le terrorisme est donc un appel pour un cadre juridique complet pour la lutte contre le terrorisme international sous toutes ses formes.

L'ONU est un moyen de coordination indispensable pour concrétiser cette démarche mondiale. Comme l'ont montré les récentes initiatives antiterroristes prises ces dernières années, l'ONU a reçu pour mandat mondial de faciliter un consensus mondial et de mobiliser une action contre le terrorisme, de la même façon que nous avons pu réaliser un consensus mondial contre les armes chimiques et biologiques.

C'est grâce aux politiques débattues à l'ONU, aux décisions prises par l'Assemblée générale que les États pourront disposer d'instruments pour lutter contre la menace mondiale du terrorisme. En effet, l'adoption de la Déclaration de 1994 sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international a prouvé que l'ONU était la seule instance au sein de laquelle tous les pays collaborent contre le terrorisme international.

- 7- SG/SM/6092 29 octobre 1996

L'ONU est un instrument unique, fournissant un lieu de rencontre à tous les partenaires de la communauté mondiale pour mettre au point l'approche mondiale nécessaire pour vaincre le terrorisme international.

L'ONU, étant au centre de la coopération internationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme, est la mieux placée pour garantir que la lutte antiterroriste ne sera pas menée aux dépens des droits de l'homme. Il s'agit là d'un problème essentiel qui mérite toute notre attention.

Le passé nous lègue un arsenal juridique important. Le présent confirme qu'il est nécessaire de le renforcer et de le prendre comme point de départ. L'avenir exige une action mondiale pour renforcer cet arsenal. L'ONU a fait oeuvre de pionnier par le passé. Elle est aujourd'hui à l'origine de plusieurs propositions concrètes. Et elle est prête à prendre l'initiative et à participer de son mieux.

Appendice au discours du Secrétaire général

Conventions déposées auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies :

1. Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques. Adoptée par l'Assemblée générale le 14 décembre 1973. En vigueur, 91 ratifications ou adhésions.

2. Convention internationale contre la prise d'otages. Adoptée par l'Assemblée générale le 17 décembre 1979. En vigueur, 77 ratifications ou adhésions.

3. Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé. Adoptée par l'Assemblée générale le 9 décembre 1994. Pas encore en vigueur, 9 ratifications ou adhésions (22 sont nécessaires).

Conventions déposées auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), de l'Organisation maritime internationale (OMI) ou de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)

4. Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs. Signée à Tokyo le 14 septembre 1963. En vigueur, 156 ratifications ou adhésions.

5. Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs. Signée à La Haye le 16 décembre 1970. En vigueur, 156 ratifications ou adhésions.

- 8- SG/SM/6092 29 octobre 1996

6. Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile. Signée à Montréal le 23 septembre 1971. En vigueur, 156 ratifications ou adhésions.

7. Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale. Signé à Montréal le 24 février 1988. En vigueur, 65 ratifications ou adhésions.

8. Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Adoptée à Vienne le 26 octobre 1979. En vigueur, 55 ratifications ou adhésions.

9. Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime. Faite à Rome le 10 mars 1988. En vigueur, 33 ratifications ou adhésions.

10. Protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental. Fait à Rome le 10 mars 1988. En vigueur, 31 ratifications ou adhésions.

11. Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection. Signée à Montréal le 1er mars 1991. Pas encore en vigueur, 23 ratifications ou adhésions (35 sont nécessaires).

Par ailleurs, les trois principales conventions régionales déjà adoptées sont :

12. Convention pour la prévention et la répression des actes de terrorisme prenant la forme de crimes contre des personnes ou d'actes d'extorsion connexes qui ont une portée internationale. Adoptée par l'Organisation des États américains le 2 février 1971. En vigueur, 11 ratifications ou adhésions.

13. Convention européenne pour la répression du terrorisme. Adoptée par les États membres du Conseil de l'Europe le 27 janvier 1977. En vigueur, 25 ratifications ou adhésions.

14. Convention régionale de l'ASACR sur la répression du terrorisme. Adoptée par l'Association sud-asiatique de coopération régionale le 4 novembre 1987. En vigueur, 7 ratifications ou adhésions.

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